Recevabilité et exécution de la garantie Club

b) Recevabilité et exécution de la garantie Club.

La nature juridique de la lettre de garantie, aura une influence prépondérante sur la recevabilité de la demande des bénéficiaires de la garantie.

– Si l’engagement du Club est un cautionnement conditionnel

Le bénéficiaire de la lettre de garantie ne pourra intenter une action contre le Club que si le transporteur est défaillant.

Le seul défaut d’exécution de l’obligation principale permet au créancier d’agir contre la caution, sous réserve du bénéfice de discussion, à moins qu’il s’agisse d’un cautionnement solidaire. Aucune mise en demeure préalable n’est nécessaire pas plus qu’un autre mode de constatation de la carence du débiteur.

L’obtention d’une décision définitive ne sera pas suffisante. La caution n’étant obligée envers le créancier qu’à défaut du débiteur (C. civ., art; 2021), les poursuites contre la caution supposent par conséquent, que sa dette accessoire soit exigible, que le débiteur principal soit défaillant, et que le créancier dispose d’un titre exécutoire contre la caution.

Pour contraindre la caution au paiement, il faut que le créancier ait contre celle-ci un titre exécutoire. Le créancier devra poursuivre la caution en justice et requérir un jugement de condamnation.

Les juges considèrent que l’action des bénéficiaires de la garantie doit être intentée séparément et postérieurement, aux actions visant à reconnaître la responsabilité et la défaillance du transporteur.

– Si le Club a souscrit un engagement autonome,

La recevabilité de l’action contre le Club sera régi par les seules dispositions de la lettre de garantie. Il n’existe, en effet, aucun statut législatif régissant ce type de garantie ou auquel il soit possible de se référer par analogie.

Il faut donc se contenter des seules dispositions de la lettre de garantie. Néanmoins, on peut voir que la lettre de garantie Club, si elle est autonome, permettra à ses bénéficiaires d’intenter une action sur la seule base de cette dernière.

Cette solution a notamment été retenue dans l’affaire du ‘World Appolo’ ou les juges ont estimé que comme la condition d’une ‘décision définitive’ étant remplie, l’acceptation expresse par le P & I Club du navire de régler le montant des condamnations qui pourraient être mises à la charge de l’armateur suffisait « en elle-même à rendre recevable l’action des demanderesses à l’encontre de Steamship Mutual Underwriting Association (le Club) ».

Cette décision a été critiquée par le Professeur Bonassies dans sa chronique de droit positif, il estime que « autonome, l’engagement du Club était étranger à l’action en responsabilité intentée contre le transporteur maritime. C’est donc sur d’autres raisons que la recevabilité de l’action contre le Club aurait dû être fondée ».

Cette solution mérite d’être approuvée, l’action contre le Club aurait dû être intentée ‘séparément’.

Les bénéficiaires des lettres de garantie essayent de détourner le problème en demandant une condamnation solidaire du transporteur et du Club, solution retenue dans plusieurs jugements. Cependant, soulignons qu’il ne peut être prononcé de condamnation solidaire qu’à la condition que l’obligation de chacun des débiteurs-défendeurs soit identique.

Dans les jugements cités, ce n’était pas le cas. La mise en cause du transporteur trouve son fondement dans l’exécution du contrat de transport, alors que celle formulée à l’encontre du Club ne peut trouver sa source qu’au titre de l’obligation découlant du contrat d’assurance ou de l’obligation découlant de l’émission de la lettre de garantie.

Les juges utilisent le concept de garantie autonome pour admettre l’action des assureurs contre le Club.

Si l’engagement du Club est autonome, l’action des bénéficiaires de la lettre de garantie devra être admise sur la seule base la garantie, toutefois l’exécution de la garantie restera subordonnée aux conditions figurant dans le corps de la lettre de garantie.

Relevons que grâce à l’obtention d’une lettre de garantie, le tiers peut contourner la règle « Pay to be Paid car une fois que le Club s’est porté garant de la réclamation, il devient directement responsable envers le bénéficiaire de la lettre de garantie et il ne peut plus refuser de payer en invoquant la règle « Pay to be Paid ».

En ce qui concerne l’exécution de la garantie proprement dit, en l’absence de modalités particulières spécialement si la garantie a été stipulée payable à première demande, l’appel de la garantie n’est astreint à aucune espèce de formalisme. L’expression « à première demande » est sans ambiguïté. Une simple lettre suffit.

S’il s’agit d’une garantie documentaire comme cela peut être le cas avec certaines garanties Clubs, l’appel de la garantie doit, à l’évidence, être accompagnée des documents prévus au contrat.

Si l’appel de la garantie est régulier, le Club doit, sous réserve que le contrat ne lui laisse un délai déterminé, payer sur le champ. Il ne peut exiger ni explications, ni justifications supplémentaires. Il ne peut, bien sûr, opposer aucune exception tirée du contrat de base.

Comme nous avons pu le constater, la rédaction des lettres de garantie est toujours épineuse. Les Clubs essayent de retarder au maximum la mise en œuvre de la garantie en incluant la notion de jugement définitif notamment. Par là, ils entendent un jugement passé en force de chose jugée. Cette solution a été retenue dans un arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence.

Bien au contraire, les bénéficiaires de la garantie exigent que la garantie soit payable soit à la suite d’un accord amiable, soit sur production d’une décision exécutoire. Une décision exécutoire peut par exemple être la décision de référé qui est exécutoire nonobstant appel.

Une décision de première instance rendue par une juridiction ordinaire peut également être exécutoire si elle ne fait pas l’objet d’un appel ou bien lorsqu’elle incorpore une exécution provisoire ordonnée par le juge nonobstant appel.

Dans ce cas, comme dans le cas du référé, la parade pour le Club consistera à demander un sursis à exécution provisoire devant le Président de la Cour d’appel. La jurisprudence cependant exige que l’on rapporte la preuve de l’urgence et du péril, ce qui est extrêmement difficile.

Concernant les lettres de garantie Clubs, beaucoup de questions restent à résoudre, c’est pourquoi il faut espérer que la Cour de Cassation se penchera assez vite sur ces questions.

Que ce soit une garantie documentaire, une garantie à première demande ou encore une garantie de paiement.

Tribunal de Commerce de Marseille 23 janv. 1996, Revue Scapel 73e année N° 1 1996 p. 51.

Le droit positif en 1996, DMF 1997, n° 115, p. 79.

Voir décisions:- ‘World Appolo’, T.C Mars., 23 janv 1996.

-‘Zulficar’, T.C Mars., 9 mai 1997.

-‘Tribels’, T.C Mars., 12 sept 1997.

Voir supra sur les problèmes relatifs à l’action directe contre les Clubs. (p.43 et suivantes)

C.A Aix en Provence, 7 mai 1997, DMF 1998 p. 34.

Les problèmes concernent surtout la compétence, le montant et les termes même de la garantie qui auront une influence sur l’exécution de cette dernière.

Conclusion

Tout au long de cette étude, nous avons essayé de mieux faire connaître le rôle des Clubs de protection et d’indemnisation. Comme nous avons pu le constater, les P & I Clubs sont un maillon indispensable du commerce maritime. Leur fonction en tant qu’assureur responsabilité des armateurs est vitale pour les armateurs.

Les Clubs, qui sont des mutuelles, ont un mode de fonctionnement différent de celui des assureurs commerciaux. Certaines règles, comme la règle « Pay to be Paid » illustrent bien ce particularisme.

Les garanties d’assurance offertes par les Clubs sont nombreuses, mais nous nous sommes intéressés à la plus importante: la couverture concernant les dommages à la cargaison. Nous avons pu relever que cette couverture correspondait aux risques encourus par les transporteurs du fait de l’application des règles internationales en vigueur.

L’entrée en vigueur des règles de Hambourg et leur possible adoption par des Etats maritimes importants pourraient amener certains changements.

Concernant la mise en œuvre des garanties d’assurance, les rapports avec les membres sont bien définis et établis. Cependant, l’action des tiers contre les Clubs est sujette à contreverses. Alors qu’en Angleterre il est certain qu’une telle action soit interdite, en France la jurisprudence a été plus hésitante avant que la Cour de Cassation n’arrive aux mêmes conclusions que les juges anglais.

Néanmoins, la décision française ne fait pas l’unanimité et son manque de motivation laisse planer un doute sur la solution à apporter à ce problème.

Les P & I Clubs représentent aussi une industrie de services parmi lesquels on peut citer les réseaux de correspondants, les expertises, la prévention des risques et enfin les lettres de garantie. La lettre de garantie Club en échange de la main levée d’une saisie conservatoire sera généralement acceptée de par le monde. Il faut signaler que la Chine n’accepte pas toujours les lettres de garantie Clubs mais les mentalités évoluent petit à petit.

La lettre de garantie évite à l’armateur l’immobilisation de sommes importantes dans divers ports. De plus, sa mise en place se fait rapidement, par simple télex ou fax et il n’y a pas d’intérêts à payer comme dans le cas de la caution bancaire.

Cependant, certains problèmes relatifs à l’exécution de cette lettre de garantie se posent et ils ne sont pas simples à résoudre. Nous espérons qu’à travers nos suggestions, nous avons aidé le lecteur à se faire une idée plus précise sur ces questions.

Soulignons toutefois que certains intervenants du monde maritime refusent les lettres de garantie Clubs pour des montants élevés, en raison de leurs difficultés d’exécution et aussi parce qu’ils estiment que les Clubs n’offrent pas de garanties financières suffisantes. Ce type de refus est cependant assez rare.

Les Clubs restent un rouage indispensable du transport maritime, mais leur mode de fonctionnement particulier risque de poser certains problèmes à l’avenir, notamment au niveau Européen.

On peut notamment se demander si l’interdiction de l’action directe contre les Clubs n’est pas une atteinte déguisée à l’esprit du droit du marché unique et ne constitue pas un privilège d’un autre âge, qu’on pourrait attaquer devant la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE).

La Communauté Européenne menace l’avenir des Clubs en remettant en cause les accords de « l’International Group » des P & I Clubs igpandi.org.

La Commission Européenne à la Concurrence et les représentants du groupe international des P & I Clubs sont en discussion au sujet de la restriction des taux de primes et de la limitation de responsabilité. L’issue de ces discussions sera d’une importance capitale en raison de l’étendue et de l’influence du système P & I dans le monde de la marine marchande.

Les compétences mises en place par le système P & I n’ont jamais été autant demandées et elles ne peuvent être reproduites par les marchés commerciaux.

Il est clair que les arrangements financiers qui consolident l’accord de »l’International Group » entre les principaux Clubs, sont d’une importance capitale pour le maintient de la couverture P & I au même niveau et dans la même forme.

Sans la restriction minimum des taux de primes, la base de calcul des primes entre les Clubs disparaîtra. La coopération entre les Clubs concernant les transferts de membres, la réassurance et les cas de catastrophes deviendra très difficile. Il serait vite impossible de gérer un mécanisme susceptible de prendre en compte les réclamations importantes (overspill claims).

De plus, la capacité du groupe international d’obtenir une couverture, pour un nombre conséquent de risques à des taux avantageux, s’en trouverait réduite.

Le mouvement P & I n’a pas cessé d’accroître sa compétence ce qui est indispensable pour la souscription, la gestion des réclamations, l’activité des correspondants et le rôle de conseil.

Il est certain que tous ces développements seraient freinés s’il y avait des modifications fondamentales du « International Group Agreement ». Il y aurait une diminution de la couverture P & I et une augmentation des primes commerciales plus coûteuses.

Cela aboutirait à terme, à une diminution des services, essentiels aux standards d’opérations requis par les gouvernements et par la communauté maritime internationale.

Le système des P & I Clubs qui concerne 90% de la flotte en activité doit donc être préservé.

Bibliographie

Ouvrages Généraux :

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Ouvrages spéciaux :

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– POLAND Simon and ROOTH Tony, GARD Handbook of P & I Insurance, GARD GJENSIDIG 1996.

Articles et Notes :

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Sites Internet :

– Site du London Steam-Ship Owners Mutual Insurance Association Limited: http://www.lsso.com

– Site du United Kingdom Mutual Insurance Association Limited: http://www.ukpandi.com

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les garanties clubs
Université 🏫: Université de droit, d’économie - et des sciences d’Aix-Marseille - Faculté de droit et de science politique
Auteur·trice·s 🎓:
Nicolas RICHARD

Nicolas RICHARD
Année de soutenance 📅: Mémoire - 1998
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