Procédure de mise en place des lettres de garantie Club

Procédure de mise en place des lettres de garantie Club

Chapitre II – Les lettres de garantie Club

En plus de son rôle non négligeable d’assureur, le P & I Club est aussi une industrie de services.

Les services offerts par les Clubs sont notamment caractérisés par les réseaux de correspondants mis en place dans presque tous les ports du monde. Les correspondants, qui agissent toujours pour le compte du Club sont un maillon essentiel du processus.

Ce sont eux qui vont émettre, pour le compte du Club, les lettres de garantie qui font l’objet de ce second chapitre.

Tout d’abord, il faut souligner que l’émission de lettres de garantie est prévue dans les règles des Clubs. Cependant, les règles précisent bien que le Club dispose en la matière d’un pouvoir discrétionnaire, il n’est en aucun cas obligé d’émettre une lettre de garantie.

Pour pouvoir bénéficier de ce service, le membre doit bien sûr être à jour de ses cotisations, le Club tiendra aussi compte d’autres critères comme la classification du navire ou encore la cause du dommage ayant donné lieu à saisie conservatoire ou à menace de saisie conservatoire.

Les règles prévoient aussi que le membre, qui désire obtenir une lettre de garantie, en fasse la demande par écrit. Dans la pratique, cette condition est cependant mise de côté car en matière de saisie conservatoire il faut agir vite et les membres n’ont pas le temps de faire une demande formelle.

Dans ce cas, c’est le correspondant qui s’occupe de prendre contact avec le Club et c’est lui qui gère le problème en collaboration avec le Club.

Les lettres de garanties ont des conséquences très importantes dans la pratique, elles permettent à des tiers de bénéficier d’un droit d’action contre les Clubs sur la base des garanties émises par ces derniers. La lettre de garantie permet donc de contourner le principe «Pay to be paid».

Soulignons que la lettre de garantie bénéficie d’une bonne ‘notoriété’, elle est acceptée presque partout dans le monde en échange de la libération d’un navire après sa saisie conservatoire.

En application de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, le juge des référés ne peut donner mainlevée de la saisie conservatoire d’un navire qu’après avoir constaté la fourniture d’une caution ou d’une garantie suffisante.

La lettre de garantie Club a été considérée comme étant une garantie suffisante dans l’arrêt ‘Vicky’, les juges de la Cour d’appel de Montpellier ont jugé que cette garantie devait être acceptée dès lors qu’aucun commencement de preuve ne permettait de douter de la solvabilité du Club de protection.

Les règles de certains Clubs prévoient l’émission de lettres de garantie dans d’autres cas. On peut citer par exemple la demande d’une lettre de garantie par les autorités locales afin de laisser débarquer un passager clandestin ou encore afin d’enlever une épave.

Même si ces cas sont prévus dans les règles, les Clubs ne délivrent quasiment jamais de lettres de garantie pour ce type de problèmes.

Comme nous le verrons dans la section I, il existe plusieurs types de lettres de garantie et leur processus de mise en place pose parfois des difficultés. Cependant, le contentieux en matière de lettre de garantie Club repose surtout sur la mise en œuvre de celle-ci. L’exécution de la garantie dépendra en fait de sa nature juridique. C’est pourquoi dans une section II, nous essaierons de déterminer la nature juridique de la lettre de garantie ainsi que ses modalités d’exécution.

Section I

Mise en place et classification des lettres de garantie

Avant de voir les lettres de garantie Club, il est nécessaire de préciser qu’il existe dans le monde maritime d’autres lettres de garantie.

On peut citer par exemple la lettre de garantie au chargement. Cette lettre est délivrée au transporteur par le chargeur afin d’obtenir un connaissement sans réserves. Il y a aussi la lettre de garantie à la livraison qui est elle délivrée par le destinataire, qui n’a pas en sa possession le connaissement, afin que le transporteur accepte de lui livrer la marchandise. Ces lettres de garantie ont une nature différente des lettres de garantie Club et ne feront donc pas l’objet d’une étude.

Au niveau des lettres de garantie Club, il existe aussi une classification. On peut distinguer les lettres de garantie corps et les lettres de garantie facultés (B). Il convient cependant d’étudier en premier lieu la procédure de mise en place des lettres de garantie Club en général.(A)

A. La procédure de mise en place des lettres de garantie

Comme nous l’avons déjà souligné, les Clubs accepteront d’émettre une garantie seulement si le membre a rempli ses obligations notamment en ce qui concerne le paiement des primes.

Le correspondant va prendre contact avec le Club concerné et lui demandera ses instructions s’agissant des termes à utiliser dans la lettre de garantie.

Dans le corps même de la garantie, les discussions portent le plus souvent sur les problèmes de compétence, sur le montant de la garantie et enfin sur les termes à employer.

Les termes utilisés dans la lettre de garantie auront une importance considérable au niveau de son exécution (cf. section II), c’est pourquoi les parties discutent chaque terme avec vigueur.

– Au niveau de la compétence, les lettres de garanties stipulent en principe quel sera le tribunal compétent pour statuer sur l’exécution de la garantie. La stipulation, dans la garantie d’une clause attributive de compétence a été validée par un arrêt récent.

Yves Tassel pense quant à lui «qu’il ne convient pas d’accepter que le garant impose une compétence territoriale qui n’aurait pas été acceptée par le créancier saisissant».

Au cas ou la juridiction n’est pas précisée, quelle sera celle qui sera territorialement compétente pour connaître des problèmes liés à l’exécution de la garantie?

En l’absence de règles spécifiques, il faut s’en remettre aux dispositions des articles 42 et suivants du NCPC. Il faut donc convenir que ni la compétence du juge de la saisie conservatoire, ni celle du juge de l’action au fond ne s’impose en la matière.

Les Clubs de leur côté essayent toujours d’obtenir la compétence des juridictions anglaises. Cependant, dans la pratique, c’est le créancier saisissant qui arrive à faire accepter le tribunal qui lui convient le mieux car il bénéficie d’un moyen de pression, à savoir la saisie conservatoire du navire.

On peut notamment citer le cas du ‘Margarita’; cette affaire concernait le transport, par le navire ‘Margarita’ de l’armement Foundation Shipping Co Ltd, de 26500 tonnes de riz de Bangkok (Thaïlande) à Dakar (Sénégal).

Se plaignant d’une perte de 639 tonnes à l’arrivée, les assureurs ont poursuivi les sociétés Foundation Shipping Co Ltd et Steamship Mutual Underwriting Association ainsi que le capitaine du navire.

Par jugement du 9 novembre 1993, le Tribunal de Commerce de Marseille a condamné in solidum les sociétés Foundation Shipping Co Ltd et Steamship Mutual Underwriting Association à payer aux assureurs la somme de 143 848 dollars américains.

Le 20 janvier 1994, les sociétés Foundation Shipping Co Ltd et Steamship Mutual Underwriting Association ont interjeté appel de cette décision.

Elles déclinent la compétence du Tribunal de Commerce de Marseille aux motifs que le connaissement indique que l’arbitrage prévu par une clause de la charte partie est incorporée à ses conditions et que la charte partie prévoit un arbitrage devant avoir lieu à Londres selon le droit anglais.

Procédure de mise en place des lettres de garantie Club

La Cour statua que «une clause attributive de compétence n’est opposable à une partie qu’à la condition que celle-ci l’ait acceptée. En l’espèce les assureurs viennent aux droits de la CPSP qui figure au connaissement comme «notify» et dont aucun élément n’indique qu’elle aurait accepté une élection de juridiction».

La cour ajouta que de plus, cette clause ne se trouvait pas reproduite au connaissement, seul figurant sur ce dernier une mention selon laquelle l’arbitrage prévu par la charte partie s’y trouvait sans que la dite charte partie y soit annexée, et que d’autre part la Steamship Mutual Underwriting Association, lorsqu’elle a accordé sa garantie, a expressément attribué compétence au Tribunal de Commerce de Marseille. L’exception d’incompétence fut donc rejetée.

Comme on peut le constater, les juges ont tendance à valider la clause de compétence figurant dans la lettre de garantie Club. On retrouve le même raisonnement dans l’affaire du ‘Prodromos’ où la lettre de garantie (Annexe 6) donnait compétence une fois de plus au Tribunal de Commerce de Marseille.

Au cas où la compétence n’est pas précisée dans la lettre de garantie, on peut aussi faire application de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, comme ce fut le cas dans l’affaire du navire ‘Gino».

– Le montant pose aussi certains problèmes, les Clubs précisent systématiquement dans leurs lettres de garantie qu’ils s’engagent à concurrence d’une certaine somme «en principal, intérêts et frais compris».

Cette précision évite bien des mauvaises surprises car les frais et les intérêts peuvent atteindre des sommes importantes. De plus, le Club sait d’avance quel sera son engagement maximum.

Pour prouver cet état de fait, on peut encore se baser sur l’affaire du ‘Margarita’, la Steamship Mutual Underwriting Association avait limité son engagement dans la lettre de garantie à 100 000 dollars américains (USD).

La Cour d’Appel précisa dans son arrêt que la Steamship «ne s’est engagée qu’à hauteur de 100 000 USD, que la condamnation à son encontre devra être cantonnée à cette somme». Les Clubs, ne sont, en principe jamais condamnés à payer des montants dépassant la somme qu’ils avaient stipulée comme étant leur engagement maximum dans la lettre de garantie.

En anglais, «letter of undertaking» (L.O.U).

Voir notamment la règle 19 de la London Steamship Owners’ Mutual Insurance Association Ltd ou la règle 12.3.1 de Sveriges Assurans Forening.

Voir l’affaire du Slanic dans mon rapport de stage.

C.A Montpellier, 9 janvier 1992, DMF 1992 p. 383.

Règle 3.6.2.7 de Sveriges Assurans Forening.

Règle 7:5.4.2.5 de Sveriges Assurans Forening.

C.A St Denis de la Réunion,DMF 1996, p.494. Navire ‘Dancing Sister’

Note sous l’arrêt Dancing Sister cité précédemment.

L’article 42 du NCPC précise que «la juridiction compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.»

Les assureurs ont intenté leur action devant le Tribunal de Commerce de Marseille car la lettre de garantie donnait compétence à ce tribunal.

Cour d’Appel d’Aix en Provence 28 novembre 1996 (2eme chambre).

Tribunal de Commerce de Marseille 21 février 1997. (non publié) voir infra pour les faits.

Tribunal de Commerce de Marseille 23 septembre 1997. (non publié)

– Les termes utilisés dans la lettre de garantie sont très importants. L’exécution de la garantie dépendra, comme nous le verrons, des termes contenus dans la lettre de garantie.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les garanties clubs
Université 🏫: Université de droit, d’économie - et des sciences d’Aix-Marseille - Faculté de droit et de science politique
Auteur·trice·s 🎓:
Nicolas RICHARD

Nicolas RICHARD
Année de soutenance 📅: Mémoire - 1998
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