Elaboration du prévisionnel présenté à l’investisseur

Elaboration du prévisionnel présenté à l’investisseur

Section 2 – Appréciation des hypothèses

1/ Recensement des hypothèses retenues par le vendeur

Le recensement des hypothèses retenues pour l’élaboration du prévisionnel présenté à l’investisseur est une étape qui cache des difficultés pratiques derrière son apparente simplicité. En raison des intérêts antagonistes entre l’acheteur et le vendeur, ce dernier met généralement en avant les hypothèses qui lui sont favorables, tandis qu’il atténue celles qui lui sont défavorables.

Cette situation ne résulte pas nécessairement d’une volonté délibérée de tromper l’acheteur, puisqu’elle peut s’expliquer par une différence de jugement entre les parties ou par l’absence de prise en compte de certains éléments.

En conséquence, outre les hypothèses explicites du modèle, il est également important de chercher à mettre en évidence les hypothèses implicites retenues par le vendeur.

En premier lieu, il est recommandé de réaliser une revue des principes comptables utilisés pour l’élaboration des prévisions. En effet, ceux-ci ne sont pas toujours cohérents avec les principes comptables suivis au cours des périodes précédentes, ce qui peut alors rendre inadaptée les comparaisons avec les résultats passés. De même, il peut être tentant pour le vendeur de modifier certains principes comptables dans le prévisionnel afin de présenter des chiffres plus favorables.

Compte tenu des nombreux paramètres à prendre en compte pour construire un « business plan », un moyen efficace pour obtenir le sommaire des hypothèses significatives retenues consiste à revoir les différentes étapes nécessaires à la construction du prévisionnel avec le vendeur.

On peut ainsi préparer une liste des points importants pour l’élaboration des projections qui servira de fil conducteur dans la démarche. A ce titre, il convient notamment d’envisager les règles utilisées pour déterminer les projections des ventes, de la marge et des frais généraux. En outre, il ne faut pas oublier de prendre en compte le traitement de la fiscalité, des investissements et des financements.

Si le prévisionnel a été préparé de façon rigoureuse, de rapides entretiens avec le vendeur permettent de collecter l’ensemble de ces informations. En revanche, si les chiffres présentés ont été préparés de façon approximative, cette lacune apparaît de façon évidente.

A titre d’exemple, on peut rencontrer des situations où la construction du prévisionnel s’est focalisée sur les ventes et la marge, sans réelle analyse des charges externes. Ces dépenses sont alors déterminées à partir de leur niveau au cours de la période de référence, ce qui peut se traduire par une sous-évaluation significative. Tel peut être le cas des charges locatives déterminées par un contrat prévoyant une augmentation du loyer par pallier, répartie sur la durée du bail.

En outre, il est important de mettre en évidence le traitement de certains éléments non récurrents ou bénéficiant de conditions particulières. En effet, les prévisions sont généralement établies à partir d’une extrapolation des résultats passés de la cible, sans tenir compte des conséquences de la transaction sur ces éléments.

A ce titre, il faut être particulièrement vigilant en cas d’acquisition d’une société faisant partie d’un groupe de PME et dans laquelle il y a des facturations intra-groupes biaisant le niveau normal des charges ou produits.

La facturation de frais de gestion représente un exemple classique de ce type de situations. Si la cible est en charge de la comptabilité et du suivi administratif de sociétés sœurs auxquelles elle facture ces prestations, il est important de s’assurer que ce revenu est exclu des chiffres prévisionnels annoncés par le vendeur.

2/ Confrontation des hypothèses du vendeur avec les réalisations et ressources de la cible

Après avoir recensé les hypothèses retenues par le vendeur, il faut apprécier leur cohérence par rapport aux réalisations passées ou toute autre information pertinente. Il faut en outre s’intéresser à l’adéquation des ressources disponibles de la cible avec les prévisions d’activité.

Cette étape repose donc essentiellement sur une analyse des comptes de la cible afin de déterminer sa capacité bénéficiaire récurrente et les pratiques commerciales avec ses différents partenaires, notamment en matière de délais de règlements.

Ces informations peuvent ensuite servir de base pour juger de la cohérence des hypothèses retenues par le vendeur ou pour envisager des simulations reposant sur des hypothèses alternatives.

La mise en place de procédures analytiques pertinentes est nécessaire pour mener à bien ces travaux. En conséquence, il faut au moins disposer des états financiers des trois derniers exercices comptables et s’assurer qu’aucun changement majeur dans l’activité n’est intervenu pendant cette période.

Les travaux s’appuyant généralement sur des rapports émis par un CPA, il convient de faire particulièrement attention au niveau de service rendu par ce professionnel afin d’en tirer les conséquences sur le degré de fiabilité accordé aux états financiers.

Outre la cohérence du niveau des éléments présentés dans le prévisionnel par rapport à leur niveau historique, il est également important de s’interroger sur leur cohérence par rapport à la nature des opérations. Ces aspects étant difficilement appréciables par une personne non familière avec l’activité de la cible, ils peuvent être habilement utilisés par le vendeur pour présenter des chiffres favorables.

Considérons par exemple une cible intervenant dans le secteur de la plasturgie et fabriquant des pièces spécifiques pour ses clients à partir de moules également fabriqués et vendus à ses clients. A la lecture des documents prévisionnels, on s’aperçoit que le chiffre d’affaires total de l’année N+1 est de 12 millions de dollars et que le bilan prévisionnel à fin N+1 fait apparaître un poste clients de 2 millions de dollars, conformément à un délai de règlement moyen de 60 jours, explicitement formulé par le vendeur.

Ces chiffres conduisent alors à préciser les conditions de vente retenues dans le prévisionnel, qui certes sont basées sur un délai client de 60 jours, mais qui supposent également une homogénéité du chiffre d’affaires sur l’année et un ratio similaire pour les ventes de pièces et les ventes de moules.

Cependant, une analyse des opérations réalisées au cours des années précédentes peut montrer que le délai de règlement pour l’activité moulage est en fait de l’ordre de 180 jours, ce qui conduit donc à une sous-évaluation des besoins de trésorerie pour le niveau d’activité prévisionnel considéré.

Il est aussi utile d’évaluer la cohérence des prévisions avec les ressources disponibles de la cible. A ce titre, il est possible que le vendeur dispose de nouveaux contrats générant un chiffre d’affaires additionnel significatif dans les périodes postérieures à la transaction. Si le prévisionnel est construit de façon simpliste en ajoutant ce chiffre d’affaires auquel un taux de marge moyen est appliqué, les conséquences du changement du niveau d’activité sur la structure de coûts de la cible ne sont pas envisagées.

En effet, la réalisation de ce chiffre d’affaires additionnel peut nécessiter l’acquisition de nouvelles machines qu’il y a lieu d’intégrer non seulement dans le budget des investissements, mais également dans les charges d’amortissement, ce qui entraîne un accroissement des coûts fixes.

3/ Appréciation de la cohérence des hypothèses avec les données du secteur

Les hypothèses retenues par le vendeur doivent également être analysées à la lumière des données du secteur. En effet, les résultats de la cible peuvent sur-performer ou sous-performer le marché pour diverses raisons. Néanmoins, dans l’hypothèse d’un développement de l’activité achetée, il est probable que les contraintes du secteur s’imposeront. Dès lors, ces contraintes doivent être prises en compte dans le prévisionnel afin d’obtenir des données pertinentes pour l’acheteur.

Les informations sectorielles, pourtant fort utiles, ne sont généralement pas librement disponibles. Elles doivent donc être obtenues par l’intermédiaire de professionnels spécialisés disposant de bases de données sectorielles.

Ainsi, il se peut par exemple que le vendeur tienne compte d’un délai de règlement client de 60 jours dans son prévisionnel, et que ce délai soit cohérent avec les réalisations et les pratiques commerciales accordées aux clients actuels de la cible.

Cependant, si les pratiques du secteur sont de l’ordre de 90 jours, il est fort probable qu’en cas d’expansion de l’activité auprès de clients plus importants, l’entreprise ne pourra plus exiger un paiement sous 60 jours.

De même, si des marges de 20% sont annoncées sur une gamme de produits existants, alors qu’une analyse sectorielle met en évidence une concurrence exacerbée sur le marché considéré, engendrant une tendance à la baisse des prix, il convient de s’interroger sur la capacité de la cible à maintenir ce taux de marge dans les années à venir, bien qu’il soit conforme aux conditions actuelles de marché.

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