Méthodes d’incitation à la spécialisation

3. Méthodes d’incitation à la spécialisation

Une autre méthode existe pour contrer une situation qui semble fatalement perdue d’avance comme le dilemme du prisonnier. Il s’agit de la « normalisation ». Kandori (1992.b) explique qu’une normalisation permettrait d’obtenir une coopération entre les joueurs. Pour cela, il suffirait (une nouvelle fois) qu’une instance hiérarchiquement supérieure aux joueurs comme la Région, l’Etat ou directement la Communauté Européenne « incite », et non plus « oblige », les protagonistes à coopérer et punisse les non-coopérants.

Elle pourrait par exemple (sévèrement) n’accorder les subventions que sous certaines conditions ou bien les fixer en fonction de la stratégie suivie par les auteurs du développement touristique ou encore (de manière plus diplomatique) calculer ses taux de crédit ou de subvention selon les choix effectués par les récipiendaires ; favorisant évidemment la stratégie « coopérer ». Les décideurs seraient alors incités à coopérer et donc, dans notre cas, à se spécialiser dans le domaine qui leur procure l’avantage comparatif le plus important.

Des formes « d’incitations douces » existent déjà, elles concernent en fait principalement la protection de l’environnement mais certaines ont carrément pour but de favoriser le développement touristique par le biais d’une subvention, sous contraintes de respecter une orientation particulière, une ligne de conduite. Il s’agit des contrats de stations. Vles (1996) en dresse un tableau très complet, ce dernier paragraphe s’en inspire largement.

3.1. Mesures « à caractère obligatoire » de protection et d’aménagement

Des lois ont été votées dans le but de protéger l’environnement et donc les richesses naturelles qui sont en réalité, nous l’avons montré, les dotations factorielles susceptibles d’être à l’origine d’un éventuel avantage comparatif pour une zone. Bien sûr, puisqu’il s’agit de lois, elles ont un caractère obligatoire et ne devraient donc pas figurer parmi les méthodes « douces » présentées ici.

Toutefois, elles existent et permettent sinon de provoquer la spécialisation d’une zone, en tout cas d’empêcher une zone de mettre en oeuvre des politiques qui iraient totalement à l’encontre de ses propres intérêts.

Politiques qui, par « appât du gain financier » pourraient avoir des effets dévastateurs pour l’économie à long terme et, bien souvent, également sur l’équilibre écologique de la zone. Il semble difficile dans ces conditions de faire « l’impasse » sur ces règles qui vont, dans le fond, dans le même sens que tout ce que l’on à tenté de démontrer jusqu’ici dans cette étude.

3.1.1. La Commission des Unités Touristiques Nouvelles

Il s’agit d’une procédure (selon les articles R.142 et suivants du Code de l’Urbanisme) gérée pour le compte de l’Etat et qui s’applique aux communes non dotées de Schémas directeurs, désireuses, en matière d’aménagement en montagne, de :

  •  Soit créer une urbanisation, un équipement ou un aménagement touristique dans un site encore vierge de tout équipement, aménagement ou construction.
  •  Soit créer une urbanisation, un équipement ou un aménagement touristique en discontinuité avec les urbanisations, aménagements existants mais entraînant une modification substantielle de l’économie locale, des paysages ou des équilibres naturels montagnards (le Préfet de département est le seul à pouvoir juger de la modification et de la discontinuité).
  •  Soit d’entraîner en une ou plusieurs tranches une augmentation de la capacité d’hébergement touristique de plus de 8000 m2 de surface de plancher hors oeuvre ou de réaliser en une ou plusieurs tranches une extension ou un renforcement significatif des remontées mécaniques.

Le dossier est constitué d’un rapport et de documents graphiques décrivant :

  •  L’état du site et de son environnement, celui du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale.
  •  Les caractéristiques principales du projet et, notamment de la demande à satisfaire, des produits touristiques visés, des modes d’exploitation et de promotion des hébergements et des équipements touristiques.
  •  Les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour en assurer la prévention.
  •  Les effets prévisibles du projet sur l’économie agricole, les peuplements forestiers et l’environnement ainsi que les mesures de protection et de réhabilitation à prévoir et l’estimation de leur coût.
  •  Les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet.

Des cartes de sensibilité du milieu naturel constituent la trame des décisions ; elles permettent de confronter la pression humaine à la sensibilité du milieu par superposition cartographique : ainsi, l’ensemble du projet peut être reporté à l’échelle cartographique. La lecture du niveau de compatibilité fournit des éléments pour une prise de décision rapide.

L’autorisation est délivrée par le Préfet de région et notifiée aux demandeurs dans le mois suivant l’avis de la Commission. Elle est motivée en cas de rejet et éventuellement assortie de prescriptions.

3.1.2. La loi « montagne »

Cette loi a notamment permis d’impulser une dynamique d’aménagement et de développement. Elle a donné un réel pouvoir aux élus locaux pour maintenir les zones agricoles et mieux maîtriser le développement anarchique de l’urbanisme.

Elle leur a donné les moyens de créer des servitudes de passage pour le tracé des pistes, de financer leur entretien, d’instituer une redevance obligatoire pour l’accès aux pistes de ski de fond ou d’organiser les services de secours.

Elle leur a également permis de faire respecter la volonté municipale dans le cadre des projets de promotion. Elle donne les moyens aux collectivités locales de gérer de manière raisonnée leur développement dans un marché stable.

3.1.3. Protection et mise en valeur du littoral

La loi (86-2) sur l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, définit une politique spécifique pour les communes riveraines des mers, océans, des étangs salés et des lacs intérieurs d’une superficie supérieure à 1000 hectares. Elle s’applique également aux communes dont la liste est fixée par un décret en Conseil d’Etat, riveraines des estuaires et des deltas lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux.

La portée de cette loi est considérable dans la mesure où les documents d’urbanisme des stations doivent être compatibles avec les prescriptions prévues par la loi. Ces dispositions s’appliquent à toutes les décisions d’occupation et d’utilisation du sol.

Cette loi vise à concilier la sauvegarde des espaces sensibles avec le développement économique par :

  •  La mise en conformité des Plans d’Occupation des sols par rapport aux prescriptions régionales inscrites dans des schémas de mise en valeur de la mer.
  •  Préservation des zones libres en bord de mer et orientation en priorité des extensions urbaines vers l’intérieur des terres.
  •  Arrêt de la privatisation du rivage.
  •  Prise en compte de l’interdépendance écologique des différents points de la côte.

Elle a un champ d’application beaucoup plus étendu que la directive d’aménagement national du littoral du 25 août 1979. Ses dispositions particulières sont directement opposables aux demandes d’autorisation ou d’occupation du sol. Il s’agit donc de planifier l’espace touristique littoral et de maîtriser la production de l’aménagement par l’élaboration, la modification ou la révision des Plans d’Occupation des Sols.

Elle vise également à protéger les espèces remarquables et caractéristiques mais ne donne aucune indication sur les seuils de prise en compte de la fragilité des zones. Plusieurs services de l’Etat sont impliqués puisque :

  •  les Directions Départementales de l’Equipement entreprennent un travail de prise en compte des richesses à protéger, maintien des zones vierges entre les pôles urbains, respect de la bande d’inconstructibilité sur 100 mètres, et plus généralement contrôlent l’évolution de l’urbanisation.
  •  L’Office National des Forêts et les Directions Départementales de l’Agriculture et de la Forêt s’occupent par exemple de plantation des dunes.
  •  La Direction Régionale de l’Environnement est quant à elle responsable du contrôle de la qualité des eaux, des richesses naturelles, des zones humides.

3.1.4. Contrôle des stations balnéaires

La précédente loi constitue bien souvent un frein au développement balnéaire ou du moins à quelques aménagements touristiques, venant parfois contrer certains projets d’aménagement d’espaces littoraux encore libres soit à destination de l’habitat, soit pour les loisirs. Dans le cadre de « conflits » de ce type, c’est alors aux autorités communales de déterminer la capacité d’accueil des espaces urbanisés afin de délimiter l’intensité du développement urbain de la commune.

Cette capacité n’est pas calculée zone par zone, mais découle d’une approche globale portant sur une unité de territoire homogène ; elle porte sur la totalité des urbanisations existantes ou à créer, compte tenu des espaces à préserver. L’extension urbaine doit alors se faire soit en continuité avec les constructions existantes, soit sous forme de hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. Des coupures suffisamment vastes d’urbanisation doivent être prévues pour éviter le caractère linéaire de l’extension et permettre une gestion harmonieuse et durable des espaces qu’elles comportent.

Ces règles permettent un nouvel équilibre entre aménagement et protection alliant ainsi développement économique et protection des écosystèmes littoraux.

On comprend mieux à présent l’importance pour nous de citer ces différentes lois puisqu’elles constituent en quelque sorte de nouvelles contraintes à intégrer dans les règles du jeu que nous traitions précédemment.

Par exemple, un décideur de zone Verte devra tenir compte du fait que l’une de ces lois pourrait l’empêcher d’implanter deux hôtels, s’il choisissait de le faire. Cela semble grotesque, mais il faut se souvenir de nos définitions de la zone et du décideur ; rappelons que nos zones sont en réalité très petites puisque issues de critères très stricts. Il sera donc fréquent de rencontrer plusieurs zones sur une même commune (ou peut-être des parties de zone empiétant sur plusieurs communes).

Rappelons d’autre part que si c’est le Maire que l’on considère comme joueur, chaque jeu n’implique pour lui que l’aménagement d’une seule zone ou, pour être plus claire, disons que pour lui : à l’aménagement de toutes les zones (ou partie de zones) sous sa responsabilité, correspondront autant de jeux. Un maire pourra donc être Décideur Vert sur un jeu (concernant sa zone Verte) et dans le même temps Décideur Luxe sur un autre jeu (concernant, celui-ci, sa zone Luxe).

Alors, les lois précitées ne lui interdiront pas forcément l’implantation d’hôtels, mais elles l’empêcheront toutefois de les « placer » au mauvais endroit. Elles viendront donc favoriser les meilleures issues du jeu que nous pensions « rationnellement inaccessibles ». Poursuivant notre logique, elles viendront favoriser par là même la spécialisation par zone et donc l’intérêt de la région tout entière.

3.2. Interventions extérieures au jeu.

L’intervention d’acteurs hiérarchiquement supérieurs aux maires (comme la Région ou le Département), vont l’aider à faire son choix en analysant le jeu (les jeux) de façon plus globale pour conseiller le décideur local dans son choix et faciliter l’organisation finale du territoire.

3.2.1. L’aide des régions aux stations touristiques

Outre les différents contrats de station, sur lesquels nous nous attarderons plus loin, il faut savoir qu’il existe aussi une aide qui peut être octroyée par la Région au Comité Régional du Tourisme (le C.R.T.) pour coordonner les efforts de promotion régionale, gérer et mettre en oeuvre la politique touristique du Conseil régional. Cette aide financière permet notamment de :

  •  Coordonner les efforts de promotion internationale des stations (représentation sur les foires, salons, workshops).
  •  Faire fonctionner les bureaux de renseignements.
  •  Organiser la communication institutionnelle touristique au profit des sites touristiques de la région.
  •  Réaliser des études.
  •  Organiser l’observation économique en gérant un outil d’étude statistique et d’appui aux organismes locaux en matière de connaissance des clientèles des stations.

Des observatoires régionaux ou locaux du tourisme fonctionnent ainsi avec beaucoup de précision et publient des tableaux de bord de fréquentation des stations. Toutefois, force est de constater que la principale mission dévolue aux C.R.T. reste la promotion internationale malgré la loi (87-10) du 3 janvier 1987 qui donne aux C.R.T. un rôle de conseil et de proposition « recommandé » à la région, voire de réalisation des actions de la région pour le tourisme. De fait, l’aide accordée aux C.R.T. varie en fonction des missions que lui assigne la région.

3.2.2. Intervention Départementale

« Le Schéma Départemental de Développement Touristique permet de fixer une stratégie, de montrer que le développement ne se fait pas au coup par coup, que pour atteindre la cohérence il convient de définir des objectifs précis et de mobiliser les acteurs locaux. Le contenu du schéma intègre la réflexion stratégique sur l’aménagement, l’ensemble des activités touristiques et les choix politiques du département ».

Cette remarque de Vles (1996) va une fois de plus tout à fait dans le sens de la réflexion établie tout au long de notre étude. Il précise également que le schéma dresse un état des lieux sur la capacité d’hébergement, les taux d’occupation, les flux des clientèles actuels et leurs appréciations sur les produits, les pôles touristiques forts, le budget touristique départemental, les aides publiques.

Il analyse le marché potentiel et réel du département, aborde l’aménagement, la commercialisation, la promotion, l’accueil et la fidélisation, la professionnalisation des acteurs, l’organisation touristique départementale dans son ensemble. Il définit également un plan marketing qui affine la stratégie et privilégie la mise en marché des produits, de la promotion à la commercialisation.

Le plan d’action est indispensable pour matérialiser la stratégie, gérer dans le temps les priorités et assurer la cohérence de l’action. Ce plan d’action suppose un cadrage financier définissant des hypothèses financières pour le département et ses partenaires. Un bilan annuel doit permettre une adaptation stratégique et une mobilisation des acteurs locaux et des partenaires.

Le Comité Départemental du Tourisme (créé dans chaque département) est chargé du développement, voire de l’aménagement touristique départemental. Il est donc à l’écoute des stations touristiques pour pouvoir les conseiller dans leur projet d’équipement. Le C.D.T. est de plus en plus l’auxiliaire du Conseil général pour la définition de la politique touristique départementale.

« La décentralisation, en introduisant les schémas régionaux et départementaux du tourisme, a sans nul doute introduit un discours de la modernité dans la gestion du tourisme local. Les mises en oeuvre des schémas, pour leur part, mettent en lumière les résistances locales au changement et le fonctionnement notabilier local traditionnel : les difficultés de l’inter-communalité, la propension au recours à l’investissement touristique dans le jeu électoral priment encore souvent » (Vles 1996).

3.3. Les contrats

Certaines mesures sont, comme nous le proposions intuitivement antérieurement, basées sur des aides, des subventions. Elles n’ont donc pas le caractère obligatoire des précédentes mais jouent un rôle « incitatif » tout aussi intéressant pour influencer (dans le bon sens) les stratégies retenues par nos décideurs. Ainsi, un système de « classification » des zones est proposé au maire. La règle est simple et peut se résumer ainsi, une subvention est accordée à la zone sous contraintes de respecter certains engagements relatifs à son aménagement. Il s’agit essentiellement des Contrats de station, leur fonctionnement est également détaillé dans l’ouvrage de Vles (1996), nous en ferons ici une présentation synthétique.

3.3.1. Les stations littorales

Les stations littorales bénéficient de contrats de revalorisation, cependant, les programmes associés à cette appellation divergent selon les situations régionales :

  •  Le Nord-Pas-De-Calais divise son littoral en trois sections dotées chacune d’une mission d’aménagement (Flandres, côte d’Opale, Avenois) et associe chaque département à sa politique de rénovation.
  •  La Picardie traite son littoral dans le cadre des Programmes d’Aménagement Concerté du Territoire (PACT).
  •  Les Normandies associent cette politique à des financements en provenance du Fonds Européen pour le Développement Economique Régional (FEDER).
  •  La Bretagne jumelle ces contrats avec une politique régionale de pays côtiers, (qui relaient les stations voisines).
  •  La Région des Pays de Loire consacre exclusivement sa politique à l’équipement et à l’hébergement des pôles touristiques (concept proche de celui de station, le pôle touristique est plus large : il recouvre à la fois des noyaux urbains de forte notoriété et leurs zones rurales proches).
  •  Poitou-Charentes, en accordant surtout des crédits de fonctionnement destinés à l’organisation des acteurs et à la fédération de la profession, transforme ces contrats en politique de pays d’accueil améliorée et affecte l’investissement à la réalisation du Futuroscope.
  •  L’Aquitaine achève ses stations nouvelles (notamment Moliets sans le Club Méditerranée).
  •  Languedoc-Roussillon généralise sa politique de stations intercommunales.
  •  Provence-Alpes-Côte d’Azur finit la revalorisation de Hyères et du golfe de Saint Tropez.

3.3.2. Les stations de montagne

L’intervention publique est centrée sur trois axes :

  •  La réalisation de zones nordiques.
  •  L’aide aux stations de moyenne importance.
  •  La commercialisation de nouveaux produits et séjours.

Les actions de signalisation, d’organisation, d’amélioration des prestations, de formation des prestataires sont les plus fréquentes. L’aide à la commercialisation offerte aux stations qui acceptent de travailler avec un voyagiste donne également de bons résultats.

Deux conditions préalables sont demandées aux stations pour leur permettre de bénéficier des financements publics :

  •  La mise en place d’une structure unique d’animation et de commercialisation.
  •  La création d’une structure unique de gestion intercommunale.

La contractualisation avec l’Etat et la Région des programmes est rendue possible sur la base de financements répartis entre 25 % pour l’Etat, 25 % pour les régions, 50 % pour les communes ou départements. Cette politique vient souvent abonder d’autres aides issues du prolongement d’autres contrats (pays d’accueil, station-vallée) et la politique de massifs, plus traditionnelle.

3.3.3. Les stations rurales

Hormis la valorisation touristique de quelques sites naturels ou culturels, les actions ont surtout visé à poursuivre les actions les plus intéressantes qui s’étaient dégagées des contrats de pays d’accueil. En Aquitaine, par exemple, la région a entrepris ainsi un programme spécifique de développement de l’hébergement de ses Bastides. D’autres régions ont cherché à structurer le tourisme vert en pôles sur la base d’une gestion intercommunale.

Près de 150 conventions de contrat de plan ont été passées entre 1989 et 1993. L’estimation des masses mobilisées en faveur du tourisme vert s’élève à 166 millions de francs dont 16% sont apportés par l’Union européenne au titre de l’aide aux zones rurales fragiles, 20% reviennent à la charge de l’Etat, 20% à la charge de des régions, 4% à la charge des départements, 18% à la charge des communes, 22% à la charge du secteur privé.

3.3.4. La politique thermale

Les contrats de plan ont privilégié les objectifs économiques et commerciaux (études de marché, développement des services destinés aux services touristiques, structures de coordination), les objectifs de modernisation des hébergements et des établissements existants et leur adaptation aux nouveaux produits (prévention médicale et remise en forme).

3.4. Les contrats de station

Vles (1996) explique que les politiques de contrat de pays d’accueil, de pôles, d’unités de séjour touristique visent à structurer l’espace touristique autour de pôles urbains suffisamment attractifs pour créer un effet de levier sur l’économie touristique. Elles visent ainsi à renforcer le capital « image » des stations, basé sur des thématiques affirmées et évocatrices de la « culture » locale, facilement repérables par le touriste.

Cette politique permet surtout de mobiliser l’ensemble des partenaires locaux, privés et publics autour d’une logique de développement. Elles ont été appliquées à des sites très différents dans leur histoire et dans leur stratégie de production.

Les sites choisis sont en effet soit des stations anciennes (équipements structurants importants, hébergements suffisants, notoriété internationale) qui souffrent d’un manque d’organisation de l’offre ou de difficultés dans la stratégie de développement, soit des sites en voie de développement (équipement suffisant mais notoriété faible, absence de politique de station, potentiel de lits inexploité), soit des pôles touristiques situés en général en milieu rural (logistique faible, identité à valoriser, absence de pilotage à l’échelon du pays d’accueil, gisement touristique à affirmer).

Le contrat se déroule en trois phases :

  •  Celle de la programmation inscrit l’intervention sur l’agenda politique et financier régional ou départemental par une délibération ; la décision échappe souvent à la société locale et ne concerne, au mieux, que son ou ses représentants politiques (généralement le maire ou le conseiller général) ; la programmation débouche sur une autorisation de programme (le volume plafond de l’enveloppe budgétaire accordée, parfois calculé au prorata de la population) et définit la nature des contractants.
  •  Celle de l’élaboration du programme par les collectivités et les prestataires locaux. D’une durée variable (6 mois à trois ou quatre ans), cette phase fait l’objet de négociations multiples entre élus, groupes professionnels et sociaux, personnels administratifs, techniciens. Des groupes de travail thématiques proposent un ensemble d’opérations susceptibles d’être financées, leur trouvent un maître d’ouvrage et les présentent, pour approbation, au Conseil municipal, puis au Conseil régional ou général.
  •  Celle de la réalisation comprend l’affectation des crédits de paiement, leur mandatement aux maîtres d’ouvrage de chaque opération, la coordination des travaux, la réception assurée par les services de l’Etat. La liquidation du contrat clôt sa mise en oeuvre.

La programmation d’un contrat de station implique d’établir, au préalable, un diagnostic de son fonctionnement et du positionnement de la station dans son marché.

Cet état des lieux dresse le bilan de l’historique de la station (passé et évolution du site, caractère, savoir-faire et objectifs des élus et dirigeants de la collectivité), de son marché (environnement externe défini en termes de menaces, opportunités, compétences clés : définition de la demande, définition de l’offre concurrente, évaluation des principales contraintes d’environnement), de l’entreprise station (analyse interne portée en termes de points forts, points faibles, compétences : fonction commerciale, fonction technique, fonction personnel, fonction gestion, analyse financière) et établit une synthèse : le diagnostic amène logiquement à la définition d’une stratégie et d’un plan d’actions.

L’analyse stratégique d’une station vise à qualifier les couples produit-marché, vérifier l’adéquation des produits au marché. Elle décline les fonctions de l’organisation :

  •  Le marketing mix de la station.
  •  La production et son obsolescence.
  •  La gestion des ressources humaines (formation, communication, stimulation, organisation).
  •  Les contraintes des procédures administratives, les problèmes financiers.

L’ensemble du travail à mener porte sur sept points fondamentaux :

  •  Analyse des points forts et points faibles de l’offre (motifs d’attraction), (aménagements, investissements), (cycle de vie des produits).
  •  Analyse des points forts et points faibles de la demande (segmentation, couples produits/clients).
  •  Analyse de la concurrence (hiérarchisation en ordre sériel, positionnement, image, notoriété).
  •  Définir une stratégie à court terme (produits, prix, promotion, distribution).
  •  Mettre en oeuvre un plan d’actions à court terme (actions, calendrier, responsable, financement).
  •  Assurer le contrôle de la réalisation des actions (indicateurs, tableau de bord).
  •  Définir un projet de station à long terme (stratégie sur 10 ans).

3.4.1. Contrats de Pays d’Accueil ou de Pays Côtier

Ces contrats sont destinés à améliorer les résultats de l’activité touristique par des interventions sur l’organisation des services et des entreprises touristiques, la modernisation de l’existant et la réalisation d’équipements d’accompagnement. Ils n’ont pas pour finalité d’assurer le financement d’équipements lourds.

« Un pays côtier ou un pays d’accueil est un ensemble de communes du littoral ou de l’intérieur à dominante rurale, homogène sur le plan géographique et touristique et organisé en vue de son développement touristique » (Délégation Régionale du tourisme, 1994).

Les demandes sont particulièrement jugées sur :

  •  La réalité touristique du périmètre proposé.
  •  Le degré de coopération inter-communale envisagé.
  •  La garantie de pérennisation des services du pays côtier ou d’accueil.

La durée du programme est de trois ans, la subvention l’accompagnant est limitée à six millions de francs. Ces contrats visent à :

  •  Mettre en place des produits touristiques financièrement viables par la mise en valeur et l’exploitation du patrimoine naturel et culturel en fonction des clientèles plausibles.
  •  Créer des équipements d’hébergement locatifs intégrés et structurants (plein air et plein nature préférentiellement).
  •  Développer les liaisons contractuelles entre producteurs locaux et systèmes de promotion et de commercialisation qui peuvent se situer à d’autres niveaux.
  •  Améliorer les « retombées locales » des fréquentations touristiques sur les autres secteurs d’activités (commerce, artisanat, agriculture, service).

3.4.2. Contrats de station-vallée

Les objectifs sont identiques à ceux des pays d’accueil, ils visent à établir ou renforcer les liens professionnels entre les stations d’altitude et les bourgs de vallée. La procédure et les moyens sont identiques à ceux des contrats de pays d’accueil. Ils ont permis le développement d’une vallée ou d’un massif autour d’une station de sports d’hiver, en :

  •  Créant, rénovant des hébergements touristiques dans le cadre de chartes de qualité.
  •  Diversifiant les équipements de loisirs et services au public.
  •  Améliorant les communications entre la station et la vallée.
  •  Organisant les professionnels en vue d’une promotion commune et d’une commercialisation efficace.

La procédure contractuelle a répondu aux attentes locales par la diversité des opérations, les actions étant adaptées aux spécificités des stations au sein de chaque vallée.

3.4.3. Contrats de Station de Grand Site Touristique

Contrat Destiné à conjuguer fréquentation touristique intense en site exceptionnel et sauvegarde de l’environnement. Les stations de grand site touristique sont constituées de communes ou ensemble de communes, soumises à forte fréquentation touristique (à dominante de passage), en raison de l’existence de sites réputés, d’une qualité exceptionnelle sur le plan naturel paysager ou architectural, connaissant de ce fait des charges de gestion importantes et des risques de dégradations de leur patrimoine.

Les objectifs poursuivis par cette mesure sont :

  •  La gestion et la maîtrise de la fréquentation.
  •  La réhabilitation éventuelle des sites.
  •  L’amélioration de l’accueil et de l’animation.
  •  Le renforcement des retombées économiques et l’élaboration de produits spécifiques.

L’éligibilité d’un territoire à un contrat grand site touristique dépend essentiellement :

  •  De la réalité et de l’intérêt du grand site.
  •  De sa maîtrise publique.
  •  De l’importance de sa fréquentation touristique caractérisée par l’ampleur toute particulière du passage.
  •  De la présence à proximité du site d’un noyau urbain structuré, doté d’équipements touristiques, d’hébergements et d’animation dont l’activité dans le domaine du tourisme résulte principalement de l’attraction du grand site.

Seront fortement pris en compte les éventuels classements, monuments naturels, site de caractères et, plus généralement, toute forme de reconnaissance officielle de la qualité exceptionnelle et de la notoriété du site.

Le contrat implique alors :

  •  Des interventions ponctuelles sur les espaces incendiés à fort impact visuel.
  •  Une requalification de site touristique.
  •  Le nettoyage des lits et des berges des cours d’eau.
  •  L’installation de poubelles et de petits équipements de gestion de site.
  •  L’élimination ou le traitement de « verrues ».
  •  Une réhabilitation du petit patrimoine bâti (fontaines, lavoirs, monuments religieux, moulins, paillers, murettes, etc.).
  •  Le démaquisage, réparation, éventuellement extension des chemins ruraux traditionnels, dans un souci de traitement paysager.
  •  Nettoyage, création de balisage de sentiers de promenade ou de petite randonnée équestre comme pédestre.
  •  Aide à la création de base de kayaks.
  •  Création de circuits à thèmes et/ou découverte.
  •  Organisation d’un produit « pêche en rivière ».
  •  Organisation de toute action d’animation de pleine nature.
  •  Equipements d’animations ou de loisirs structurants à forte connotation patrimoniale (écomusée).

Mise en place de personnels de terrain chargés, de façon distincte ou conjointe, des tâches suivantes :

  1.  Interventions de type « cantonniers de l’environnement ».
  2.  Surveillance et gestion, en vue de faire respecter aux personnes fréquentant le site un « code de bonne conduite ».
  3.  Guide de randonnée.
  •  Création d’un ou plusieurs points d’information.
  •  Aménagements d’aires de stationnement et de repos.
  •  Réalisation de supports promotionnels.

Il n’existe actuellement en France qu’une seule station « Grands Site », il est situé en Corse sur la commune de Ota-Porto.

3.4.4. Contrats de station touristique littorale ou de l’intérieur

Une station touristique classée ou non littorale ou de l’intérieur est unité urbaine cohérente située à proximité d’équipements de liaison structurants (port, aéroport, grand axe routier), dotée d’équipements d’accueil, de services et de loisirs diversifiés de qualité, située dans un « pays » ou micro-région, constituant, avec ces derniers, un ensemble touristique. La durée du programme est de trois ans et la subvention est limitée à neuf millions de francs. Le contrat implique :

L’organisation et le développement des services touristiques destinés aux touristes et aux professionnels du tourisme (direction de station, accueil et information du public, etc;)

– Appui à la création et à la commercialisation de produits touristiques.

– Animation générale des loisirs.

L’amélioration des fonctions urbaines et touristiques (paysagement des espaces fréquentés par le public, gestion des plages et des espaces naturels, organisation des déplacements et du stationnement, signalisation, fonctionnement des équipements de loisirs nautiques ou de plein air).

  •  Le développement des hébergements locatifs banalisés, et notamment des meublés touristiques.
  •  Le réaménagement, réhabilitation, modernisation des équipements touristiques de superstructures existants.
  •  Le cas échéant, des mesures contribuant à la valorisation touristique d’activités économiques non saisonnières.

Ces contrats visent à faire face à la concurrence balnéaire européenne en aidant les stations anciennes à s’adapter pour répondre à l’évolution profonde et irréversible de la demande touristique, et plus particulièrement à la fréquentation des courts séjours tout au long de l’année. Cette politique est également une politique d’aménagement de l’espace touristique : elle vise à concentrer la fréquentation touristique sur des pôles renforcés pour les rendre plus performants et pour préserver les sites littoraux encore intacts. Ces contrats considèrent les stations comme des « entreprises de développement touristique ».

Ils tentent de les organiser en leur donnant une image de marque, une gestion, une politique de commercialisation, en améliorant leur cadre de vie. L’ensemble de ces contrats à permis de créer peu à peu une trame de villes et de bourgs constituée de pôles fonctionnant comme de véritables stations touristiques, des centres urbains de séjour capables d’irriguer leur environnement diffus et dépasser les seuils qualitatifs et quantitatifs qui autorisent une commercialisation par les circuits professionnels.

« Les produits sont toujours plus variés et le touriste s’attend à retrouver à la fois diversité et originalité dans chaque site visité. La plupart des stations possèdent suffisamment d’atouts pour pouvoir se positionner en bonne place sur ce schéma fortement concurrentiel, sous réserve d’intervenir sur les faiblesses de l’offre actuelle et sur les contraintes inhérentes aux modes de consommation touristique » (Vles 1996).

Conclusion

Tous ces outils permettent d’influencer le choix stratégique des décideurs. Ainsi, les contrats de stations touristiques littorales, de pays d’accueil ou côtiers et stations de grand site, permettent à certaines communes de recevoir des subventions si elles respectent les orientations établies dans le contrat.

La commune de Ota-Porto, par exemple, obtenant l’appellation et la subvention de « station de grand site touristique » s’est engagée à entretenir son site classé UNESCO. Une zone pourra donc, selon les spécificités qui lui sont propres, postuler pour la subvention dont les orientations correspondent au type de développement qui semble lui être le plus approprié. On l’aide pour qu’elle se spécialise en fonction de ses atouts intrinsèques.

Conclusion du chapitre III

Tous ces développements mettent en évidence l’efficacité de la stratégie de spécialisation par zone et montrent bien que rien n’est laissé au hasard puisqu’elle tient compte à la fois des particularités du produit touristique et des spécificités des petites économies isolées, que l’on développaient respectivement dans nos deux premiers chapitres.

De plus, l’analyse de la demande effectuée dans ce troisième chapitre, tend à prouver qu’une telle stratégie va tout à fait dans le sens des attentes du consommateur en matière de produits touristiques. Même s’il subsiste une difficulté liée à l’indispensable adhésion de décideurs pouvant être parfois « un peu trop rationnels », nous venons de voir qu’une quantité d’outils assez importante existe déjà pour ramener les élus, sinon à la raison, en tout cas à l’acceptation du projet global.

Comme nous le laissions deviner, cette forme d’organisation du territoire associe des éléments qui semblaient pourtant totalement opposés. En effet, on remarque finalement que la « théorie » présentée tout au long de cette étude est basée à la fois sur des éléments :

_ De la théorie de la base : l’activité de base étant bien entendu le tourisme. C’est une activité exportatrice permettant à l’économie de se placer sur le marché international, de s’ouvrir sur les capitaux extérieurs et donc d’éviter de s’enfermer dans une économie locale stagnante. Les secteurs résiduels (ou résidentiels), agriculture et autre, deviennent alors ses fournisseurs.

_ De la théorie du développement endogène : puisqu’elle est totalement basée sur les spécificités intrinsèques de la région. Tout le développement entrepris tient compte des particularités géographiques, naturelles, mais aussi humaines, culturelles, traditionnelles du territoire. L’offre est en fin de compte plus tournée vers les besoins locaux, en tout cas elle est forgée par les « contraintes » environnementales locales, avant d’être modelée par une demande externe.

_ Cette forme de développement est évidemment très proche du développement identitaire puisqu’elle débouche naturellement sur la mise en valeur des richesses internes exploitées.

Ayant suffisamment mis en évidence les apports « théoriques » de nos recherches, une constatation s’impose toutefois : La stratégie de développement touristique basée sur la spécialisation par zone repose entièrement sur les spécificités de ces dites zones. Donc sur une parfaite connaissance des richesses naturelles, particularités géographiques, climatiques, culturelles, en un mot bien à nous : sur les « caractéristiques » de chacune de ces zones. Or, il arrive que certains élus ou autres responsables, nos « décideurs », aient du mal à cerner toutes les particularités de leur site et, à partir de là, leur choix de développement (aussi logiques soient-ils) risquent de ne pas correspondre aux véritables intérêts de leur zone.

On a vu, par exemple, la ville d’Ajaccio (Corse du Sud) postuler à la fois (la même année) pour un contrat de station littorale et pour un contrat de station grand site. Cela montre bien que les décideurs ont eu des difficultés à « estimer », à « évaluer » les potentialités de leur domaine.

Là encore, les sciences économiques apportent des méthodes susceptibles de sortir le décideur d’une telle impasse. Ce sont des méthodes comme l’évaluation multicritère, l’Analyse en Composantes Principales et bien d’autres, que nous exposons dans le chapitre suivant, et qui nous permettront, souhaitons le, de rendre possible (au moins « sur le papier ») le passage toujours délicat de la « théorie » à la « pratique ».

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Tourisme et Développement Régional
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