Evaluation de la sensibilité d’un territoire, Tourisme

Evaluation de la sensibilité d’un territoire, Tourisme

Section 2

Evaluation de la sensibilité d’un territoire

Nous chercherons dans cette section à construire un critère de sensibilité qui nous permettrait d’effectuer le découpage d’un territoire en fonction des degrés de sensibilité de ses différentes zones.

Il faudra donc dans un premier temps nous entendre sur la notion de sensibilité afin de construire le critère proprement dit. Nous pourrons alors déterminer une procédure d’agrégation permettant d’aboutir à une évaluation finale (des zones traitées) sur notre critère.

Enfin, les résultats issus de cette analyse : les degrés de sensibilité des zones, donneront une indication précieuse quant à l’orientation économique à donner aux espaces concernés.

Quelques propositions seront exposées à titre indicatif pour rendre notre exemple d’étude plus proche encore de la réalité. Ces propositions seront évidemment l’illustration de la mise en oeuvre de la stratégie de spécialisation développée jusqu’ici.

1. Présentation générale du problème d’évaluation

1.1. Objectif.

Cadre de référence.

Pour des raisons pratiques, nous avons choisi d’évaluer la sensibilité des zones présentant un potentiel touristique en Corse. Il sera en effet plus aisé pour nous de trouver des experts, c’est à dire des personnes ayant une bonne connaissance de leur île, que des individus capables d’évaluer un territoire plus éloigné. Nous avons suffisamment insisté sur l’importance d’évaluer (sur un territoire donné) des espaces de plus petite dimension possible puisque certaines caractéristiques peuvent varier rapidement, c’est à dire d’une parcelle de terrain à une autre. Toutefois, dans l’optique de l’évaluation d’un territoire comme la Corse basée sur la construction d’un critère de sensibilité d’après une synthèse d’évaluation d’experts, il aurait été malvenu d’imposer aux dits experts de se prononcer sur une multitude de parcelles.

L’INSEE, considérant que les réalités économiques et démographiques de la Corse ne sauraient être contenues dans une seule image globale, dresse le portrait de dix-neuf micro-régions insulaires (Des informations concernant ce choix du découpage sont présentées en annexe 6). Les critères retenus sont, avant tout, d’ordre économique. Les limites administratives (canton, commune) n’ont pas été prises en compte a priori. Seules ont été retenues celles qui reflètent la réalité économique actuelle, la limite départementale a été généralement conservée.

Ce premier découpage en dix-neuf zones nous paraissant cependant insuffisant, en tout cas peu intéressant vis à vis de l’étude que l’on s’apprête à mettre en oeuvre, nous avons opté pour un second découpage « sous-microrégional » en trente-cinq zones effectué par l’INSEE (selon les mêmes critères).

Le travail des évaluateurs sera certes plus complexe, mais les résultats n’en seront que plus parlant, plus pertinents.

Notre cadre de référence se présente donc comme suit :

Carte 1 : Cadre de référence (les 35 Sous-Micro-Région).

Cadre de référence (les 35 Sous-Micro-Région)

01 Sevi in fora
02 Sevi in dentru
03 Cruzzini Cinarca
04 Gravona
05 Prunelli
06 Mezzana
07 Région d’Ajaccio
08 Rive sud
09 Haut Taravo
10 Ste Marie Sicche
11 Moyen Taravo
12 Golfe de Propriano
13 Pieve de Viggiani
14 Le Sartenais
15 L’Alta Rocca
16 L’Extrème Sud
17 Le Cap Corse
18 District de Bastia
19 Vallee Golo-Marana
20 San Quilicu
21 Plaine de La Casinca
22 La Castagniccia
23 Le Campuloru
24 Région de La Bravona
25 Région du Travu
26 Pieve de Rogna
27 Le Cortenais
28 Le Boziu
29 Le Niolu
30 Zone de Calvi
31 Région de L’Isula
32 Ostriconi et Giunssani
33 Plaine de Ponte-Leccia
34 Pieve di u Rustinu
35 Zone de Saint Florent

« Sensibilité ».

Afin de préciser la signification du terme « sensibilité », nous avons procédé par décomposition en demandant à un groupe de cinq personnes de mener une réflexion sur les attributs de la sensibilité. Cette réflexion, menée dans le cadre du séminaire de recherches du Professeur Fustier, a débouché sur une liste de quatre attributs (ou points de vue) :

  1.  Valeur esthétique et pittoresque du paysage.
  2.  Richesse faunistique et floristique.
  3.  Importance du patrimoine culturel et historique.
  4.  Valorisation identitaire du terroir.

Agence du Tourisme de la CorseCe groupe de réflexion réunit cinq personnes ayant une bonne connaissance de l’ensemble des sous-microrégions : cadres de l’Office de l’environnement, de l’INSEE, de l’Agence du Tourisme de la Corse, responsable de la Maîtrise des Sciences et Techniques du tourisme de l’Université de Corse, Directeur d’Office de tourisme.

Le groupe sera également chargé d’évaluer chaque zone sur les attributs de la liste précédente. Mais pour que la phase d’évaluation soit la moins subjective possible, il convenait tout d’abord de faire en sorte que chaque attribut soit entendu de la même manière par tous les évaluateurs. A cet effet, nous avons établi le tableau suivant qui résume les principales idées résultant du séminaire :

AttributContenu sémantique
Valeur esthétique et pittoresque du paysage
  •  lignes harmonieuses
  •  exposition originale
  •  effet des couleurs
  •  particularité naturelle
Richesse faunistique et floristique
  •  partie du Parc naturel
  •  site classé
  •  réserve
  •  aspect sauvage appréciable
Importance du patrimoineculturel et historique
  •  site archéologique-historique
  •  ruines
  •  musées
  •  édifices remarquables
Valorisation identitaire du terroir
  •  plantations
  •  vergers
  •  produits du terroir
  •  paturages destinés à l’élevage

Tableau 1. Les attributs de la sensibilité.

L’activité d’évaluation consistant à établir un mode de correspondance entre des objets (les sous-microrégions) et les échelons d’une structure ordonnée qui tiendra lieu d’échelle d’évaluation, cette dernière revêt une importance de tout premier ordre :

  1. Sur le plan théorique, car dans la phase de synthèse des évaluations d’experts nous serons amenés à considérer les échelons comme des niveaux de vérité attachés à des propositions floues.
  2.  Sur le plan pratique, car le contenu sémantique de chaque échelon ne doit présenter aucune ambiguïté pour les évaluateurs. Cette échelle est le concept clé du problème d’évaluation, il convient par conséquent de préciser sa nature.

1.2. Les propriétés de l’échelle d’évaluation

1.2.1. Présentation théorique

Notée E=(inf E…e…sup E), les échelons de E sont totalement ordonnés de manière à ce qu’il soit possible de considérer de tels échelons comme des niveaux de vérité associés à des propositions du langage naturel.

Le premier échelon (inf E), associé à une proposition donnée, signifie que cette proposition est « fausse », le dernier (sup E) indique qu’elle est « vraie ». En dehors de ces situations limites, les échelons intermédiaires servent à nuancer la valeur logique de telles propositions (ces propositions sont dites floues).

Habituellement, le niveau de vérité d’une proposition floue s’exprime par une valeur de l’intervalle [0,1] (Zadeh 1965). Mais dans les applications, une échelle discrète est suffisante.

Les échelons de E peuvent être des nombres (Gnansounou et all. 1995) ou des attributs verbaux (Fustier 1994a et b), mais dans les deux cas on impose que chaque échelon possède un opposé. En désignant par h la hauteur de E, par (e,e’) l’écart entre deux échelons quelconques e et e’, puis en notant e* l’opposé de l’échelon e, les définitions suivantes sont équivalentes :

cas numérique :cas non-numérique :

h = sup E – inf Eh = card E – 1

(e,e’) = e-e’(e,e’)=nombre d’intervalles entre e et e’

e* = -e(e,sup E)=t e*=(t+1)ème échelon de E

Exemples :

1) Avec une échelle du type E=(-3,-2,-1,0,+1,+2,+3), il est clair que -3 est l’opposé de +3 et que h=6.

D’autre part, on vérifie facilement que : 0 (e,e’) 6.

2) En utilisant l’échelle E=(faux, presque-faux, assez-faux, à moitié-vrai, assez-vrai, presque-vrai, vrai), on obtient par exemple (presque-faux, presque-vrai)=(assez-faux, vrai)=4, (presque-faux, presque-faux)=0, (faux, vrai)=6=h. D’autre part, puisque (assez-faux, vrai)=4, alors (assez-faux)*=5ème échelon=assez-vrai. Enfin, étant donné que (faux, vrai)=6, alors (faux)*=7ème échelon=vrai.

Dans le cas non-numérique, l’opposé d’un échelon est un attribut qui, dans le langage courant, possède un « sens opposé » à celui du premier échelon considéré (l’opposé de « faux » est « vrai », l’opposé de « presque faux » est « presque vrai » etc.). Cette correspondance est formalisée, elle reste cependant très intuitive dans la mesure où il suffit d’inverser l’échelle pour obtenir les opposés :

Correspondance entre des attributs verbaux et leurs opposés

Figure 2.1. Correspondance entre des attributs verbaux et leurs opposés.

Les propriétés suivantes sont valables dans le cas numérique et non-numérique:

P1.Si E comporte un échelon médian m, alors m*=m

P2.eE : (e*)* = e

D’autre part, étant donnée une suite quelconque d’échelons [a,b,c…] et [a*,b*,c*…] la suite de leurs opposés, désignant l’opérateur minimum et l’opérateur maximum, on vérifie :

P3.([a*,b*,c*…])* = [a,b,c…]

(l’opposé de l’échelon le plus élevé de la suite des opposés est l’échelon le moins élevé de la suite initiale)

P4.([a,b,c…])* = [a*,b*,c*…]

(l’opposé de l’échelon le moins élevé de la suite initiale est l’échelon le plus élevé de la suite des opposés)

P5.([a,b,c…])* = [a*,b*,c*…]

(l’opposé de l’échelon le plus élevé de la suite initiale est l’échelon le moins élevé de la suite des opposés)

P6.([a*,b*,c*…])* = [a,b,c…]

(l’opposé de l’échelon le moins élevé de la suite des opposés est l’échelon le plus élevé de la suite initiale)

1.2.2. L’échelle utilisée dans la procédure d’évaluation

Les cinq évaluateurs, à la quasi-unanimité, ont opté pour une échelle qualitative jugée plus « conviviale ». Nous avons donc retenu l’échelle présentée ci-dessus (figure 2.1.).

En désignant par l’indice i une sous-microrégion et par l’indice j un attribut de la sensibilité, la démarche évaluative consiste à déterminer la valeur logique de la proposition :

« La zone i correspond à l’attribut j »

Pour être complète, cette démarche consiste également à déterminer l’importance de chaque attribut dans la définition de la sensibilité. On utilise la même échelle pour affecter un niveau de vérité à la proposition :

« L’attribut j intervient fortement dans la définition de la sensibilité »

Concrètement, les évaluateurs ont la possibilité de qualifier des propositions du type :« Le paysage de la Casinca est esthétique et pittoresque ».

« La valeur esthétique et pittoresque du paysage est une composante importante de la sensibilité ».

En utilisant les mots :vrai, presque vrai, …, ou faux.

Par analogie, avec les concepts utilisés par l’Aide Multicritère à la Décision, Fustier (2000) définit le critère d’évaluation associé au jème attribut, ainsi que la pondération sur la liste de tous les attributs par les applications pj et telles que :

pj : I E

(1) i pj(i)

pj(i) = évaluation de i sur le critère pj

niveau de vérité de la proposition « la zone i correspond à l’attribut j ».

: J E

(2) j (j)

(j) = importance de l’attribut j

niveau de vérité de la proposition « l’attribut j intervient fortement dans la définition de la sensibilité ».

I désignant l’ensemble des 35 sous-microrégions (carte 1), et J l’ensemble des quatre attributs de la sensibilité (tableau 1).

1.3. L’information à traiter

En utilisant les notations précédentes, l’information à traiter se présente de la manière suivante :

représentation de l’information à traiter

m = 4, n = 35

Tableau 2 : représentation de l’information à traiter

Les évaluations pj(i) et les coefficients d’importance (j) fournissent une information purement qualitative (des niveaux de vérité choisis le long d’une échelle verbale).

Jusqu’à présent, nous avons défini les notions de critère d’évaluation et de pondération d’une manière purement théorique (en faisant référence au concept mathématique d’application). Il nous faudra ultérieurement nous interroger sur la façon dont les évaluateurs attribuent les niveaux de vérité. D’autre part, les réponses peuvent être différentes étant donné que nous sommes en présence de plusieurs évaluateurs. Dans ce cas, comment caractériser le niveau de vérité d’une proposition ?

La procédure d’évaluation menée sur le terrain sera décrite au paragraphe 3. Pour l’instant, nous considérons les problèmes pratiques résolus afin de pouvoir exposer le modèle qui se trouve au coeur de la procédure de synthèse des évaluations.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Tourisme et Développement Régional
Université 🏫:
Auteur·trice·s 🎓:

Année de soutenance 📅:
Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top