Les agences de notation financière et la crise des subprimes

Les agences de notation financière et la crise des subprimes

Section II: Le rôle suspicieux des agences de notation et autres mécanismes dans la crise financière

I) Le rôle suspicieux des agences de notation

La transparence et l’indépendance des organismes qui produisent de l’information constituent un enjeu crucial pour les marchés financiers. Les précédentes crises financières, la bulle Internet et l’affaire Enron avaient posé le problème des analystes financiers et des cabinets d’audit comptable.

Dans la crise des subprimes 2008, c’est maintenant celui des agences de notation qui est critiqué.

La question se pose aujourd’hui avec une acuité particulière, d’une part parce que les agences ont un rôle essentiel dans la mécanique des crédits « titrisés » et d’autre part parce qu’elles jouent maintenant un rôle dans le dispositif de contrôle prudentiel des banques.

I-1) Principe des agences de notation (Rating agencies)

Les agences de notations évaluent le risque de solvabilité de l’emprunteur, précisément le risque de non-remboursement de ses dettes, ou la qualité de la signature [1]. La notation financière externe ne constitue qu’une partie de l’activité de notation financière.

En effet, les établissements bancaires et financiers ont également des équipes de notation financière pour évaluer le risque de leurs débiteurs ou conseiller leurs clients sur le marché des obligations. L’objectif de la notation financière vise donc à caractériser le risque associé à un émetteur.

[1] La qualité de la signature esd la capacité d’un emprunpeur à faire face aux échéances de remboursement (en intérêt et capital) de la dette qu’il a contractée. Les emprunteurs peqvent autant être des entreprises (privées ou publiques) que des Etats ou dec cnllectivités locAlEs.

Les agences de notation ont deux rôles : traiter l’information et la certifier. Le traitement de l’information concerne le marché.

La certification est rendue nécessaire par la réglementation. Les agences sont au service des investisseurs, qui peuvent ainsi prendre des décisions sur la base d’informations pertinentes.

I-2) Les acteurs de notation

A ce jour, trois acteurs dominent le marché mondial de la notation financière externe :

  1. Y’ Standard & Poor’s, filiale du groupe McGraw & Hill depuis 1966 (USA), spécialisé dans la notation des sociétés industrielles ;
  2. y’ Moody’s Investors Service, principale filiale de Moody’s Corporation, société indépendante depuis 2000 (USA), bien positionnée dans la notation des opérations de titrisation ;
  3. Y’ Fitch Investors Service, dit Fitch (IBCA), filiale à 97% du groupe français Fimalac, leader dans la notation des établissements bancaires.

Depuis peu, Duff & Phelps Credit Rating Company se développe fortement, devenant un quatrième acteur à ne pas négliger. Certaines agences sont très spécialisées, telle AM Best Company qui note la capacité d’une société d’assurances à faire face à ses engagements (claims-paying ability).

I-3) Méthodologie et interprétation des notations

Au moment du lancement d’une émission, les agences de notation attribuent une note, qui pourra être modifiée jusqu’au remboursement.

La note se fonde sur des informations officielles (relatives à l’émission, l’entreprise et le contexte), mais aussi sur des informations plus confidentielles (sur les performances et les projets de l’émetteur) résultant d’entretiens avec les principaux dirigeants.

Chaque agence de notation financière possède son propre système de notation (tableau 2). Schématiquement les notes s’établissent de A à D avec des échelons intermédiaires. Une harmonisation des notes est régulièrement évoquée.

La note est bien plus qu’une simple indication du risque de défaillance d’une émission obligataire.

Tableau 1. Système de notation des agences

Standard & Poor’sMoody’s *Fitch-IBCA
1AAAAaaAAA
2AAAaAA
3AAA
4BBBBaaBBB
5BBBaBB
6CCCBB
7CCCaaCCC
8CCaC
9DCD
Chaque note peut être accompagnée du signe + ou –Chaque note peut être accompagnée des chiffres 1, 2 ou 3Chaque note peut être accompagnée d’un signe + ou –

L’interprétation des notations de long-terme par ligne se fait comme suit :

  1. 1. Le risque est quasi nul, la qualité de la signature est la meilleure possible.
  2. 2. L’émetteur noté est très fiable.
  3. 3. Le risque peut être présent dans certaines circonstances économiques.
  4. 4. La solvabilité est jugée moyenne.
  5. 5. A partir de cette note, l’affaire commence à être spéculative. Le risque de non remboursement est plus important sur le long terme.
  6. 6. La probabilité de remboursement est incertaine, le risque est assez fort.
  7. 7. On présume un risque très important de non remboursement sur le long terme.
  8. 8. L’émetteur est très proche de la faillite, l’emprunt est très spéculatif.
  9. 9. Faillite de l’emprunteur.

Ces différentes notations peuvent être scindées en deux grandes familles :

  1. la catégorie Investissement (High Grade) contenant les notes comprises d’AAA à BBB (lignes 1 à 4) et
  2. la catégorie dite Spéculative pour les notes inférieures (lignes 5 à 9).

Une société qui passe en moins d’un an de la catégorie Investissement à la catégorie Spéculative est qualifiée de Fallen Angel (ange déchu).

Moody's CorporationI-4) Les dérives des agences de notation dans la crise des subprimes

La principale critique est la relation particulière qui existe entre les agences de notation et les émetteurs (clients) qui débouche parfois sur des conflits d’intérêt. Si l’agence est rémunérée par l’entreprise émettrice, ce qui est plus souvent le cas, nous pouvons douter de l’indépendance de son jugement.

En effet, les agences sont payées par ceux qu’elles notent. Ces dernières années les notations dans ces opérations (appelées notations de produits structurés) ont représenté jusqu’à 50 % de leur chiffre d’affaires. En outre, le nombre de clients étant assez limité, les agences se sont sans doute retrouvées en situation de dépendance par rapport à leurs clients.

De plus, pour ces produits, l’agence n’intervient pas seulement comme évaluateur d’une entreprise qui existe déjà mais comme conseillère d’une opération en cours de montage. Elle fait partie du processus qui constitue le produit. Elle mélange activité de conseil et notation. Cela veut dire que l’agence est à la fenêtre et qu’en même temps elle se

Comment les agences de notation ont pu donner des meilleures notes à des paquets de crédits contenant des crédits « subprimes » ?

Cela peut s’expliquer par le fait que les agences ne sont finalement pas très expertes dans l’évaluation du risque de crédit et du risque de liquidité, qui auraient dû être au cœur de leur analyse. Traditionnellement, en effet, elles évaluent le risque des entreprises ou des Etats et ce sont les banques qui évaluent les risques de crédit, de liquidité et d’une manière générale l’environnement économique.

Les agences de notation jouent donc un rôle essentiel dans ce processus : les investisseurs se fient à leurs notations pour se conformer à leurs orientations ou à leurs restrictions d’investissement ; elles aident les sociétés émettrices de CDO à structurer leurs engagements et notent ensuite les produits.

Le processus de notation des produits structurés implique de déterminer le rehaussement du crédit, qui correspond au montant des pertes 38 sur les garanties sous-jacentes qui peut être absorbé avant qu’une tranche donnée ne subisse à son tour une perte.

Ce que l’on attend désormais d’agences de notation performantes selon (Barry Eichengreen 2008) est de mettre, sous forme de notes accessibles au public, leurs informations spécialisées à la disposition des investisseurs qui cherchent à déterminer le prix de titres à la valorisation malaisée.

La crise des prêts subprimes laisse à penser que la qualité de la prestation des agences de notation a été sous-optimale. Ces dernières n’ont pas opéré de distinction pertinente entre le niveau de risque des différents titres.

Elles ont accordé des notes AAA trop facilement. Elles n’ont pas dégradé les titres de créances hypothécaires lorsque le marché de l’immobilier résidentiel, et donc la valeur des obligations hypothécaires (Mortgage Obligations) sous-jacentes, s’est détérioré. Elles ont ensuite aggravé la crise en ne réagissant par des dégradations de grande ampleur qu’après que le marché s’est effondré.

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