Avantages et limites de la finance islamique

Avantages et limites de la finance islamique

5- Analyse des données

A la suite des séries des entretiens effectués, les différents acteurs ont souligné un ensemble d’avantages liés à la finance islamique.

Ces avantages pourraient permettre de représenter une alternative fiable à notre système actuel, en particulier en période de crise.

5-1- Avantages et Potentiels de la finance islamique

5-1-1. La finance islamique basée sur des valeurs éthiques

La finance islamique connaît un essor sans précédent en raison de l’augmentation de la sensibilité des musulmans qui sont à la recherche de services financiers conformes aux principes islamiques.

Aujourd’hui, l’Islam est la religion qui croit le plus vite dans le monde. Ajoutés à cela, les problèmes géopolitiques (Stigmatisation des musulmans avec l’attentat du World Trade Center, les tensions Israélo-palestiniennes, la Guerre d’Iraq), ont accentué l’antagonisme des musulmans envers le système capitaliste.

Acteur 1 n’a pas hésité à employer le terme « boycotter » pour montrer le changement comportemental d’une partie de la population qui ne veut plus utiliser les services issus des banques conventionnelles.

Il constate : « qu’il y a actuellement une forte demande d’un grand nombre de musulmans qui recherchent des services financiers qui sont conformes à leurs croyances ».

Toutefois, la finance islamique n’est pas exclusivement réservée aux pays musulmans et aux musulmans.

Acteur 11 nous le rappelle dans l’entretien : « Malgré le fort intérêt des musulmans pour la finance islamique, il ne faut pas négliger les non musulmans qui sont très intéressés par la valeur morale et les garanties moins risquées que prônent la finance islamique à l’inverse de la finance conventionnelle.

Les investissements ne doivent avoir lieu que dans des activités jugées licite « Hallal ». Le Royaume-Uni en ait le parfait exemple. Aujourd’hui, les banques islamiques britanniques ont enregistré une hausse de la clientèle non musulmane ».

La finance islamique est souvent associée à la finance éthique. En effet, la finance islamique est basée sur la Sharia.

Dans les entretiens que nous avons eu, les interviewés ont commencé à rappeler les valeurs qui caractérisent l’Islam. Acteur 6 nous a expliqué à travers ce passage ce que l’Islam attend de ses croyants « Un musulman qui respecte la sharia ne doit pas être obnubilé par la recherche de profits.

Il doit être fort moralement et matériellement pour atteindre les valeurs de sagesse et de pitié comme le recommande la loi islamique ». La sharia propose un modèle de responsabilité sociale des entreprises.

L’homme doit trouver un équilibre entre son but personnel et l’intérêt des autres personnes.

Acteur 9 nous a rappelé durant notre entretien l’origine de cette initiative : « Au cours du 14ème siècle, le savant Al Shatibi avait démontré que la licité ou non d’une action ne pouvait être appréciée par un Homme. La décision doit être prise selon les cadres de la loi islamique : la Sharia ».

Cependant, lors de notre entretien avec Acteur 6, il a tenu à nuancer la définition de la finance islamique en tant que finance éthique.

Beaucoup de professionnels caractérisent la finance islamique en tant que finance éthique. Il la perçoit différemment : «Je dirai plutôt que la finance islamique c’est l’éthique musulmane incorporée dans la finance. »

Le livre écrit par Michel Dion confirme les valeurs morales et éthiques de la finance islamique : « Les musulmans doivent chercher à gagner des surplus, dans la mesure où ils ont reçu des talents à faire fructifier.

Mais les surplus doivent être utilisés non pas pour l’élévation de soi, mais pour des buts socialement responsable qui plaisent à Allah »

5-1-2. Une finance rassurante

La finance islamique représente une technique de financement fondée sur la participation. Le principe des « 3 P » (Partage des Profits et des Pertes), comme l’a souligné acteur 10, est fondamental dans les opérations bancaires islamiques.

Il poursuit : « lorsque vous prenez la technique de la Musharaka, la banque et l’entrepreneur vont s’associer à un projet. Les profits et les pertes éventuels seront partagés au prorata du montant investi entre les deux parties »

Les interviewés ont tous sans exception rappelé les principes de la finance islamique qui diffèrent de la finance conventionnelle comme le système de partage de profits et pertes.

En effet, les banques interviennent dans une relation de partenariat avec un entrepreneur. Les banques ont une responsabilité importante dans la gestion des fonds.

Acteur 7 compare le mode de fonctionnement des deux finances : «  les banques islamiques vont accompagner les entrepreneurs à maximiser la rentabilité économique du projet alors que les banques dans la finance conventionnelle ne prennent aucun engagement et ne se soucient pas de la retombée du projet, une fois le prêt accordé ».

En utilisant les principes de la finance islamique en lieu et place de notre système financier actuel, nous n’aurions pas connu de crise de « subprimes ».

Acteur 8 a déclaré durant notre entretien : « Si notre système avait été basé sur les principes de la finance islamique, nous n’aurions pas connu de crise des subprimes » pour la simple raison que celle-ci est intervenue en raison de l’octroi de prêts immobiliers à des ménages surendettés qui n’étaient pas solvable. Or avec la finance islamique, nous n’aurions pas octroyé ces prêts »

Certes en appliquant la finance islamique, les interlocuteurs et les professionnels s’accordent à affirmer que n’aurions pas connu de crise des subprimes.

Outre les valeurs éthiques et morales que dégage la finance islamique, elle joue un rôle important dans le fonctionnement et/ou dans le développement d’une économie.

5-1-3. Le rôle important de la Finance islamique dans le fonctionnement d’une économie

En effet tout crédit que la finance islamique octroie aux particuliers doit être adossé à des actifs réels et tangibles. En effet, les banques islamiques financent des opérations liées à l’économie réelle.

Contrairement à la finance conventionnelle, les banques islamiques interviennent dans des opérations où la notion du risque est très limitée.

Ce point là a été souligné par tous nos interlocuteurs : « les banques islamiques financent des activités où l’argent ne peut être utilisée que pour financer l’économie réelle. A l’inverse, les banques conventionnelles peuvent être tentées à se lancer dans des procédures complexes basées sur des actifs non tangibles ».

En finançant toute opération liée à une économie réelle, la finance islamique participe activement au développement de son environnement.

Deux interlocuteurs soulignent les bienfaits de cette pratique qui se traduit par une croissance économique : « En réalisant des opérations sur l’économie réelle, cela va stimuler l’économie en créant des emplois et dégager des liquidités »

5-1-4. Potentialités face à la crise

Le mot « liquidité » a été employé à maintes reprises par les interlocuteurs pour évoquer la potentialité de la finance islamique dans l’économie mondiale.

L’instauration d’un système de finance islamique sera bénéfique pour tout Etat car elle pourra attirer indirectement des investisseurs en provenance des pays du Golfe.

Ils ont la particularité de posséder des portefeuilles conséquents et liquides.  Il y a des liquidités abondantes en provenance des monarchies du Golfe.

Acteur 12 nous précise l’origine de leurs intérêts : «  l’argent qu’ils génèrent provient du pétrole or ils sont conscients que le pétrole n’est pas éternel.

Ils souhaitent préparer l’après-pétrole et sont sensibles aux opportunités que la finance Internationale peuvent leur offrir. Cela fait les affaires des Etats occidentaux qui sont en mal de liquidités »

La finance islamique ressort quatre avantages (finance éthique, non spéculative, basée sur l’économie réelle et la potentialité de ses investisseurs) qu’il faut prendre en considération. 7 interviewés sur 12 n’ont pas hésité à qualifier la finance islamique comme « une alternative à la finance conventionnelle ».

De plus, lors de la conférence de Paris sur la finance islamique, le gouverneur de la banque de France, Christian Noyer, appuie la thèse citée par les sept interviewés en soulignant que la finance islamique pourrait être une solution intéressante à la finance conventionnelle et la qualifie comme « une finance alternative intéressante ».

Néanmoins, cinq interviewés ont tenu à relativiser les avantages que peut procurer la finance islamique dans notre système. Cette dernière est certes une alternative intéressante mais le plus dur reste à venir.

Pour pouvoir s’implanter durablement dans le monde, la finance islamique doit améliorer quelques points défaillants pour prétendre à être une alternative fiable.

5-2- Les limites et défis de la finance islamique face à la crise

Malgré l’engouement qu’ont montré nos différents interviewés par rapport à l’essor de la finance islamique et ses potentiels face à d’éventuelles crises, ils ont tous tenté de relativiser ce succès en le plaçant dans son contexte d’une industrie relativement jeune.

En effet, bien avant la crise des subprimes, la finance islamique a déjà été confrontée à quelques crises financières graves comme celles de « Dubaï Islamic Bank » en 1998 et de « Ihlas Finans » en Turquie en 2001.

Mais c’est la récente crise qui, paradoxalement en permettant une meilleure exposition de la finance islamique dans le monde, a mis en évidence un ensemble de limites qu’elle doit surmonter pour assurer une croissance durable et prétendre concurrencer la finance conventionnelle dans le futur.

À juste titre, plusieurs intervenants ont exprimé quelques inquiétudes quant à la capacité de la finance islamique à supporter sa montée en puissance tout en gardant son authenticité et en restant fidèle aux principes qui ont fait son succès jusque là.

Nous pouvons catégoriser les inquiétudes généralement exprimées dans quatre différentes dimensions : Les barrières socioculturelles, Les barrières légales et réglementaires, Le déficit en ressources humaines et Les challenges liés à la structuration du système pour lui donner une crédibilité plus large.

5-2-1. Barrières socioculturelles

Le premier obstacle qui freine l’expansion de la finance islamique vient de sa propre appellation.

En effet, si pour une partie des musulmans le mot « Islamique » pourrait être un facteur qui les attire dans le choix de l’orientation des décisions financières, une autre partie de musulmans refuse de lier la religion à des transactions commerciales que la perversité de l’argent pourrait salir, et n’acceptent pas l’utilisation de l’Islam comme un « argument publicitaire » permettant de promouvoir un produit.

Ainsi un de nos interlocuteurs a affirmé que plusieurs clients potentiels des banques Islamiques se posent la question si la finance islamique est vraiment islamique ou bien est ce justement une composante de façade grâce à « un mécanisme revu et corrigé d’un marketing occidental islamisé pour l’occasion ».

A ce sujet, Acteur 3 considère que la réussite de la finance islamique est le fruit d’une savante ingénierie financière qui a pu trouver des produits conformes aux principes de l’Islam pour remplacer tous les instruments de placement classique.

Mais sans la dimension éthique qu’était censée revêtir la finance islamique, toutes les valeurs prônées par la Sharia auront perdu tout leur sens.

De plus, dans quelques pays musulmans comme en Afrique du Nord où l’interprétation religieuse est moins conservatrice qu’au moyen orient, et où le modèle bancaire conventionnelle s’est imposé historiquement, les banques Islamiques n’ont toujours pas réussi à s’imposer.

Ces institutions devront faire un plus grand effort pour baisser les coûts élevés de leurs produits islamiques pour convaincre les clients de ces pays à se convertir au modèle financier Islamique.

De même, tous nos interlocuteurs ont admit une possibilité de réticence de la part de clients ou d’investisseurs qui ne seraient pas prêts à suivre un modèle se basant sur des règles morales et non juridiques.

Cet état des choses est particulièrement vrai dans des pays Européens comme la France.

En effet, en l’absence de règles et standards universels, la finance islamique continuerait à présenter un risque supplémentaire lié aux avis religieux de membres de Sharia Boards qui ne sont généralement pas originaires de ces pays et qui peuvent ignorent la réalité du contexte économique occidental.

5-2-2. Incertitudes et contraintes réglementaires

L’univers de la finance islamique est caractérisé par une extrême diversité. En effet, l’Islam est, par nature, une religion où la jurisprudence a un rôle fondamental.

De part la diversité des courants de pensée qu’il regroupe, les interprétations proposées dans la mise en oeuvre des différentes transactions peuvent être plus ou moins souples.

Par exemple, des pays comme l’Arabie Saoudite se montrent plus rigides dans l’application des normes éthiques de l’Islam, alors que des pays comme la Malaisie ont une application de la finance islamique qui est beaucoup plus « libérale ».

Mais il existe également des dissimilitudes à l’intérieur des différentes régions et courants.

Ainsi, l’Iran et le Soudan ont entièrement islamisé leur secteur financier depuis des années alors que le sultanat d’Oman a toujours interdit la finance islamique et qu’au Maghreb des autorités religieuses ont émis des fatwas qui justifient, à certaines conditions, l’utilisation de taux d’intérêt, gommant un peu plus les différences entre finance islamique et finance conventionnelle.

Toutefois, mes interviewés affirment que certaines règles sont progressivement assouplies comme ce fut le cas des Sukuk, créées dans les années 70 en Malaisie, et dont le mécanisme de fonctionnement a été, dans un premier temps, vivement condamné par les autorités des pays du Golfe pour être, par la suite, très largement adopté par ces mêmes pays.

D’ailleurs Acteur1 a noté qu’à l’inverse, les contrats d’assurance conventionnelle ont été acceptés dans le passé dans la mesure où il n’y avait pas encore d’équivalents islamiques.

Mais depuis l’émergence des assureurs du Takaful, plusieurs autorités réglementaires se sont mises à convertir progressivement leurs systèmes d’assurance vers un système Islamique.

Les tentatives d’homogénéisation des règles de conformité à la Sharia sont d’autant plus importantes qu’actuellement le cadre réglementaire des banques islamiques est différent d’un pays à l’autre.

Ainsi, les banques du Qatar et des Émirats Arabes Unis, peuvent ouvrir des agences ou filiales islamiques, alors que les banques conventionnelles du Koweït n’ont pas le droit d’offrir de produits islamiques.

Depuis cette année, 20% des actifs bancaires de chaque banque Malaisienne est censé être conforme à la Sharia, alors que l’Arabie Saoudite n’est pas décidée à réglementer la finance islamique ce qui équivaudrait à reconnaître qu’il y aurait des banques « illicites ». (Les habits neufs de la finance islamique, Anouar Hassoune, Standard & Poor’s, 2007).

Il est également urgent de statuer sur les normes internationales liées à la gestion de la liquidité dans les institutions financières Islamiques. Selon Acteur 6, il s’agit sans doute d’une des plus importantes faiblesses des banques islamiques.

La raison est que les instruments de gestion de la liquidité sont généralement des instruments de taux, donc Haram selon la Sharia.

De ce fait, et comme confirmé dans nos interviews, plusieurs institutions internationales, tels que l’AAOIFI, l’IFSB, l’IIFM ou l’Agence internationale de notation islamique, se consacrent à la définition de normes de conformité à la Sharia et à leur harmonisation entre les régions.

Mais c’est la Banque Islamique de Développement qui garde un rôle central dans la création de normes et de procédures précises, immuables et internationalement acceptables.

De telles normes offriront aux contrôleurs une meilleure visibilité sur la solidité, la stabilité et l’intégrité des banques islamiques.

5-2-3. Déficit en ressources humaines

Un défi majeur de la finance islamique que nous avons relevé au cours de nos différents entretiens a été la rareté du capital humain.

Il s’agit d’un enjeu important pour les banques islamiques qui risquent d’être dépassés par leur propre croissance sans avoir les personnes qualifiées pour accompagner cet accroissement.

En fait, le seul marché retail concentre la majorité des emplois du secteur. C’est la raison pour laquelle Acteur1 estime qu’une diversification des emplois est nécessaire en particulier au sein du secteur des Corporates.

Cependant, le plus gros problème que connaissent les institutions financières Islamiques, et qui a été unanimement cités par nos interviewés, est le manque énorme en Oulémas qualifiés pour faire partie des comités de conformités de la Sharia.

En effet, par la nature de leurs activités, les Oulémas des Sharia Board doivent avoir une expérience significative pour pouvoir veiller à la juste interprétation des termes employés afin de définir correctement les instruments financiers Islamiques.

Malgré les programmes de formation lancés un peu partout dans le monde pour former les futurs oulémas capables d’exercer dans le monde de la finance islamique, la demande reste largement supérieure à l’offre.

En effet, il y a moins d’une centaine d’oulémas musulmans dans le monde suffisamment formés et compétents pour siéger dans des Sharia Boards.

Pour contourner cette difficulté, les oulémas les plus reconnus multiplient les mandats dans différents comités islamiques des institutions financières.

Cela permet, certes, d’assurer, de manière indirecte, une plus grande homogénéité dans les décisions des différents Sharia Boards. Mais cela ne peut être qu’une solution temporaire et risque par ailleurs d’engendrer des situations de conflits d’intérêts.

Ce problème est particulièrement constaté en France, où la finance islamique en est à ses premiers pas.

Ainsi selon Acteur4, lors d’un séminaire en février dernier qui réunissait les plus grands oulémas de la planète, aucun n’était francophone.

Pour pallier à ce manque, des organismes, comme Acerfi et Coffis, se sont lancés dans des programmes de formation d’oulémas français` juniors’ qui pourront être encadrés par des oulémas plus expérimentés.

5-2-4. Réputation et Crédibilité

Selon nos interlocuteurs, la finance islamique ne gagnera une forme de reconnaissance internationale qu’en palliant aux insuffisances des institutions financières Islamiques en termes de transparence, de gouvernance, et de gestion de risque.

Ces aspects constituent des faiblesses qui risquent de nuire à la crédibilité du secteur, en particulier en période de crise.

En ce qui concerne la transparence, Acteur3, de part sa position d’auditeur dans le domaine financier, a affirmé que la lecture des comptes des banques islamiques est un exercice difficile tant les concepts et les termes employés sont étrangers au jargon financier standard.

Il juge également le contenu informationnel des états financiers comme étant souvent pauvre en éléments clés.

De plus, à cause du manque de données suffisantes, il est presque impossible de comparer les fonctionnements et les performances des banques islamiques d’une région à l’autre.

Ce n’est que dernièrement que quelques banques centrales, comme en Malaisie ou au Bahreïn, ont commencé à inclure dans leurs reportings annuels des données agrégées relatives aux performances des institutions financières Islamiques dans ces pays.

De telles informations donneraient une image plus claire de l’état financier du secteur de la finance islamique dans ces pays, et encouragerait les clients et les investisseurs à se lancer dans le secteur de la finance islamique.

Quant au manque de gouvernance, cela vient principalement du fait que les banques islamiques sont souvent actives dans des économies émergentes qui valorisent assez peu les bonnes pratiques de gouvernance.

D’ailleurs, les règles appliquées par les banques islamiques sont issues de principes – souvent jugées contradictoires – relevant des théories anglo-saxonnes des organisations, d’une part, et de la loi islamique, d’autre part.

Les dirigeants de ces établissements sont en fait soumis à des règles de gouvernance à la fois actionnariale, partenariale et religieuse (« La gouvernance de la banque islamique », C. Zied & J.J. Pluchart, 2006).

Ces contradictions peuvent avoir des effets négatifs sur quelques processus de gestion aux seins des banques.

Les failles de gouvernance peuvent atteindre parfois quelques processus vitaux du fonctionnement de celles-ci, tel que le processus de validation des produits financiers.

D’ailleurs, un récent événement a mis en évidence de graves disfonctionnements internes dans des institutions financières Islamique, comme ce fut le cas pour la société de gestion Koweitienne « Dar Investment ».

En effet, la haute cour d’Angleterre a jugé, en Avril dernier, de l’annulation d’une décision du Sharia Board à la demande même des avocats de la société ( Une première qui risque de compromettre la crédibilité des banques Islamiques, financialislam.com, 05/18/2010).

Un tel jugement remet en cause la crédibilité et l’indépendance des Sharia Boards qui sont censées rassurer les investisseurs sur la licité de leur investissements.

C’est pour cela qu’il devient urgent de réformer les modèles de gouvernance dans ces institutions pour les munir d’éventuelles défaillances et offrir une meilleure protection aux investisseurs privés.

Enfin, plusieurs cas de défauts de paiement sur des obligations islamiques, comme celles du promoteur immobilier Emirati Nakheel, ont révélé les fondations fragiles de gestion de risque dans les institutions financières Islamiques.

Ce sujet a été très discuté avec nos interviewés, dont les avis ont été partagés.

Quelques uns ont argués que le cas de défaut de paiement n’est pas spécifique à la finance islamique et d’autres ont affirmé que le remboursement récent de la dette de Dubai World prouve que ce n’était qu’une crise passagère qui ne remet pas en question la solidité du système.

Mais Acteur 5 a tout de même tenu à préciser que la dépendance excessive vis-à-vis de certains secteurs comme l’immobilier et la construction, au caractère notoirement cyclique, présente forcément un signe de non maturité du système.

De plus, la multiplication récente d’événements de faillite de fonds Islamique a prouvé que l’absence de culture du risque dans ces institutions, peut conduire à des dérives dans le secteur.

Ceci est d’autant plus vrai en raison de l’absence de gardes fous réglementaires et de procédures de contrôle clairement établies.

C’est pour cela que des organismes internationaux se penchent en ce moment sur le développement de procédures de gestion de risque spécifiques au secteur de la finance islamique, ceci est notamment le cas des nouvelles normes Bales III qui devraient être finalisées dans les mois à venir.

Conclusion

Tout au long de ce travail de recherche, nous avons démontré que la finance islamique représente une bonne alternative à la finance conventionnelle

Pour cela, nous avons commencé, dans un premier temps, par expliquer les causes de la dernière crise financière. Celle -ci a indirectement mis en avant la finance islamique.

En effet, tous les pays ont été impactés par la crise financière qui a vu le jour aux Etats-Unis pendant l’été 2007. Les pays du Golfe n’ont pas été touchés par cette crise mondiale.

Nous nous sommes donc penchés sur leur modèle financier afin de comprendre comment ont-ils pu éviter la récession. Ces pays utilisent un système financier basé sur leurs croyances religieuses.

Le nom du modèle financier est la finance islamique basée sur les lois islamiques. Ce modèle financier a suscité un fort intérêt de notre part, ce qui nous a poussé à s’intéresser de plus près aux caractéristique de celle-ci.

Dans un second temps, nous avons débuté par définir les principes sur lesquels repose la finance islamique.

Celle-ci est basée sur un ensemble de prohibitions telles que les intérêts (Riba), la spéculation (Maysir, Gharar), l’investissement dans des secteurs jugés illicite (Haram) par la loi islamique (Sharia).

Nous avons par ailleurs expliquer les principes des « 3P » (Partage de Profits et de Pertes) et de l’adossement des actifs tangibles.

Toutes ces caractéristiques citées précédemment traduisent des valeurs morales, humaines et environnementaux qui sont très important aux yeux de la religion musulmane.

Après avoir vu les bases sur lesquels repose la finance islamique, nous avons vu les principaux techniques de financement qu’offre la finance islamique. Nous avons évoqué les instruments dits : « participatifs » (Murabaha, Mudaraba et Musharaka) et les instruments de « financement » (Ijara et Istisna).

Après avoir assimilé le fonctionnement de ce modèle financier, nous avons dû réaliser une étude afin de qualifier la finance islamique.

Pour répondre à notre problématique, nous avons dû réaliser une étude qualitative. Nous avons effectué 12 entretiens semi-directifs auprès des professionnels qualifiés dans le domaine de la finance islamique.

L’objectif de cette étude était de vérifier notre problématique (la finance islamique est elle un rempart à la finance conventionnelle ?).

Pour cela nous avons essayé de sélectionner différents profils notamment des professionnels exerçant dans le secteur bancaire islamique, des académiciens et des journalistes économistes afin d’avoir une meilleure visibilité sur notre hypothèse.

Dans l’ensemble, cette étude a montré que les professionnels sont unanimement d’accord sur le fait que la finance islamique peut être une bonne alternative à la finance conventionnelle.

Cependant, malgré leur optimisme, la majorité d’entre eux ont reconnu que si la finance islamique devait être amenée à devenir une très bonne alternative à la finance conventionnelle, elle devra améliorer certains points afin de concurrencer la finance conventionnelle.

Notre étude nous a montré que si nous avions appliqué le système de la finance islamique aux Etats-Unis, nous n’aurions pas connu de crise de « subprimes ».

La finance islamique se base sur des principes éthiques et moraux. A l’inverse, la place de l’éthique dans la finance conventionnelle est quasi nulle. La finance islamique propose des techniques de financement intéressantes sans remettre en cause la stabilité financière. Elles sont soumises à des contraintes auxquelles elles n’ont pas droit d’y déroger.

En cas d’incertitude sur la conformité de l’opération, la banque fait appel à la Sharia Board qui va statuer sur l’opération. Ce qui va diminuer fortement le risque.

Toutefois, notre étude aurait été plus significative si nous avions eu plus d’intervenants au sein de notre échantillonnage. La prise de contact avec les professionnels ont été très difficile.

La connaissance d’un jeune diplômé en finance islamique nous a facilité la tâche lors de notre mission de prospection. La barrière de la langue a été un obstacle lors de nos prise de contact. Bon nombre de conseillers religieux de Sharia Board, dans les pays asiatiques, avaient peu de notions en Anglais.

Cela a constitué un frein à notre étude car il aurait été intéressant d’avoir leurs opinions sur notre étude en raison de leurs connaissances profondes en matière religieuse.

Malgré ces freins, nous avons pu réaliser une étude qui nous a permis de collecter des données importantes. Notre étude est basée sur des hypothèses qui sera vérifiée ou non dans les années à venir.

La France, par la voix de Madame la Ministre de l’Economie et des Finances (Mme Christine Lagarde), travaille actuellement sur l’introduction de la finance islamique dans notre système financier.

Fort de ces 5 millions de musulmans, la France, selon Madame la Ministre, peut être une place attractive pour les investisseurs des pays du Golfe.

Elle souhaite faire de Paris la place de la finance islamique en Europe et par la même occasion détrôné le Royaume-Uni. Il sera intéressant de suivre avec attention l’évolution de la finance islamique en France.

Va-t-elle connaitre un succès ? Va-t-elle attirer des investisseurs ? Dès que l’instauration de la finance islamique sera effective, nous pourrions réaliser à posteriori une étude quantitative sur la place de la banque islamique en France.

Cette étude pourra confirmer ou non la tendance dégagée par notre étude.

Annexes

financ islamique

Taille du marché de la Finance Islamique (Total des actifs, milliards de dollars)

rapport moral

Source : Rapport moral sur l’argent dans le monde (2005), Association d’économie financière, Standard & Poor’s.

Poor

finance islamique

Tableau indicatif évoquant la potentialité de la finance islamique (source: www.dailybourse.fr)

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Oumma.com -Site où nous pouvons retrouver des débats sur le thème de la finance islamique, http://www.oumma.com

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La finance islamique face à la crise financière
Université 🏫: Business School INSEEC - Paris Bordeaux
Auteur·trice·s 🎓:
Imad BENLAHMAR

Imad BENLAHMAR
Année de soutenance 📅: Mémoire de recherche appliquée - 2010
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2 réflexions au sujet de “Avantages et limites de la finance islamique”

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