5. La technique de soutien de la main dans des activités d’apprentissage sur écran tactile, auprès de personnes polyhandicapées.

5.1 Genèse

Cette technique est née au printemps 2001 à la suite de plusieurs expérimentations menées par André Baechler, animateur pédagogique à La Castalie, qui est alors à la recherche de moyens d’accès à l’ordinateur pour des personnes présentant un handicap moteur grave.

En collaboration avec la Fondation Suisse pour les Téléthèses, il a expérimenté différentes solutions techniques, qu’il a successivement testées avec un échantillon d’une dizaine de personnes présentant des difficultés motrices importantes, des problèmes visuels, communicationnels, ainsi que de grandes difficultés au niveau de l’apprentissage scolaire.

Chaque expérimentation a fait ensuite l’objet d’un rapport détaillé, présentant les principaux résultats obtenus, les avantages, les inconvénients, ainsi que quelques pistes de réflexions (Baechler, 2002). Voici une brève description des différentes solutions techniques testées dans le cadre de ces expérimentations :

– les contacteurs

Ils peuvent se présenter sous différentes formes (par exemple celle d’un bouton à presser), mais ont tous pour fonction de fermer un contact électrique. En principe, on peut brancher entre 1 et 5 contacteurs, suivant les possibilités motrices de la personne. Ce système est couramment utilisé avec les personnes présentant un handicap physique. Cependant, cette technique est assez lente et ne permet pas d’accéder à toutes les activités.

– le contrôle par le mouvement des yeux (Visioboard)

Cette technique permet d’utiliser le regard comme moyen de commande, grâce à deux caméras qui repèrent respectivement la position de l’œil et de la tête. Les expérimentations menées par Baechler, montrent qu’avec 8 personnes, « aucune d’entre elles ne parvient à utiliser le Visioboard pour piloter un ordinateur de façon autonome après 4 à 8 séances d’essai.

Nous pouvons craindre que plusieurs d’entre elles n’y arriveront jamais. » (Baechler, 2001a, p.2). Ces résultats sont néanmoins à relativiser, car il s’agissait d’une version prototype du Visioboard.

– le contrôle par le mouvement de la tête (HeadMouse)

Cette technique permet d’utiliser la tête comme moyen de commande, grâce à un appareil qui repère les mouvements et les positions de cette dernière. Ce système exige cependant des mouvements volontaires précis de la tête, qui souvent font défaut aux personnes présentant un handicap physique majeur. Il est toutefois possible d’aider les personnes en leur soutenant la tête.

– le joystick analogique

Ce système est aussi souvent utilisé pour le pilotage de fauteuils roulants électriques. Cependant « il exige une coordination du mouvement du bras et de la main suffisante, ce qui n’est que rarement le cas chez ces personnes (personnes avec un handicap physique majeur) » (Baechler, 2002, p.24).

– l’écran tactile

Il s’agit d’un écran d’ordinateur sensible au toucher. Un des grands avantages de ce système est constitué par la possibilité d’interagir directement avec l’écran, sans l’intermédiaire d’une souris. Cette technique exige que la personne puisse effectuer des mouvements volontaires précis et coordonnés, en pointant avec un seul doigt, ce qui est pratiquement impossible pour les personnes présentant un handicap physique majeur. Cependant, selon Baechler (2002) « il s’agit du système qui permet le mieux une aide de notre part » (p.24). Baechler a ainsi expérimenté une technique de soutien de la main, afin d’aider les personnes à utiliser l’écran tactile.

5.2 La méthode de soutien de la main sur écran tactile

Cette méthode a été développée suite aux premières expérimentations avec l’écran tactile. Il s’agit de faciliter son utilisation grâce à une aide physique apportée à la personne handicapée par un médiateur. Elle s’inspire de la guidance développée par l’approche Affolter et du geste utilisé en communication facilitée.

La personne handicapée se situe devant l’écran tactile, qui est plus ou moins incliné selon la position de cette dernière. Aux côtés de la personne se trouve un accompagnant, appelé médiateur. Ce dernier soutient la main de la personne handicapée. Pour cela, il aide la personne à isoler son index avec lequel elle pourra aller pointer sur l’écran tactile.

Plus précisément, le médiateur place sa main paume vers le haut sous celle de la personne et replie ses doigts sur sa main excepté l’index. Suivant les participants, le médiateur doit également aider la personne à maintenir son index tendu en le soutenant d’un doigt. Le médiateur se tient très près du participant et garde son bras libre de tout appui.

Il est en effet très important que son bras soit libre afin qu’il puisse sentir et suivre au mieux le mouvement du participant. Le concept de soutien est à distinguer de celui de guidance, qui consiste à diriger la main de la personne vers une cible définie par le médiateur. Dans le cas du soutien au contraire, c’est la personne qui doit bouger son doigt jusqu’à la cible.

Le médiateur aide la personne à positionner correctement sa main en isolant un doigt pour pointer, l’aide à freiner ses spasmes et lui demande de se détendre (Baechler, 2002).

Les activités réalisées sont diverses. Certains logiciels ont un contenu plutôt scolaire, d’autres plus ludique (voir chapitre 3 de la partie empirique). Des Cd-rom thématiques sont parfois également proposés. En général, les personnes peuvent choisir entre deux ou trois activités différentes.

Les médiateurs utilisent deux techniques afin de mettre en évidence ce choix : Soit ils attribuent à chaque bord de l’écran un des choix possibles et demandent ensuite à la personne de pointer (avec ou sans soutien de la main) le côté représentant l’activité désirée, soit ils écrivent sur une feuille les différents choix possibles, les lisent, puis demandent à la personne de désigner sa préférence (avec ou sans soutien de la main).

Selon Baechler (2002), cette technique de soutien de la main permet d’aborder avec les personnes présentant un handicap physique majeur des activités qui leur étaient auparavant inaccessibles et de diminuer ainsi l’espace pouvant exister entre intention et réalisation. En effet, toujours selon Baechler, grâce au soutien de la main, le mouvement de pointage effectué par la personne s’améliore, gagne en précision et en rapidité.

Le rôle du médiateur n’est pas toujours neutre. En effet, ce dernier doit juger à chaque moment de la nécessité de soutenir ou de guider la personne. Le soutien permet une grande indépendance motrice de la part du participant, avec le risque cependant que les résultats obtenus soient limités à cause d’un certain manque de précision.

Le choix du soutien ou de la guidance peut aussi être influencé par les différents objectifs choisis : par exemple le médiateur peut privilégier l’activité cognitive en acceptant des gestes moins précis mais allant néanmoins dans la bonne direction, ou encore il peut se focaliser plutôt sur l’aspect moteur et exiger alors de la part du participant des gestes très précis.

Cela peut aussi dépendre d’autres facteurs, comme le temps à disposition et l’évaluation du degré de frustration possible chez la personne handicapée. Par exemple, si le médiateur voit que la personne essaie plusieurs fois de suite de cliquer au bon endroit, qu’elle n’y arrive pas et qu’elle a tendance à le vivre comme un échec, le médiateur va davantage aider en guidant sur le dernier centimètre, pour autant qu’il n’y ait pas trop de doutes possibles entre deux réponses très proches. Lors d’une même séance, d’une même activité ou à l’intérieur même d’un seul pointage peuvent alterner des périodes de guidance et de soutien.

5.3 Résultats des premières expérimentations

La première expérimentation de cette technique menée par M. Baechler (2001c) avec 11 personnes a eu lieu sur une période d’une semaine au sein de la Castalie. La population choisie présentait les mêmes caractéristiques que pour les expérimentations précédentes : des difficultés motrices importantes, des problèmes visuels, communicationnels, ainsi que de grandes difficultés au niveau de l’apprentissage scolaire.

Cinq logiciels différents ont été utilisés, dont les logiciels Les Martiens et A Moi les Paquets qui ont également été utilisés lors des séances que nous avons observées. Nous décrirons ces logiciels plus en détail dans la suite de notre travail (voir chapitre 3 de la partie empirique).

Suite à cette première expérience, plusieurs phénomènes ayant lieu lors du soutien de la main ont pu être mis en évidence par M. Baechler (2001c) et les autres médiateurs :

– Chez les personnes qui maîtrisent le mieux leur motricité, les mouvements lents et saccadés habituellement deviennent rapides et souples. Ces personnes cherchent à agir par elles-mêmes lorsque la tâche ne demande pas une grande précision et recherchent notre aide pour les tâches plus ardues.

– Chez les personnes ayant une forte spasticité ou une athétose marquée, nous avons trouvé trois situations différentes. D’une part un geste au départ très crispé, la personne parvenant à se détendre à la demande après quelques secondes, suivi d’un mouvement bien marqué dans la direction voulue. D’autres fois, nous ressentons le bras de la personne complètement mou et il faut attendre, voire encourager la personne, pour que le mouvement puisse être ressenti avec assez de netteté.

Enfin, il arrive aussi souvent que le mouvement parte dans la bonne direction et qu’il se bloque en cours de trajet, parfois à quelques millimètres de l’écran. – Il faut parfois compter avec un temps de mise en train de plusieurs minutes en début de séance. La seconde partie des séances a chaque fois été plus efficace pour le contrôle du mouvement. – Un autre phénomène qui nous a paru intéressant est le fait que le regard n’accompagne pas toujours le déplacement de la main, même si le mouvement est précis (surface de pointage de 1 cm carré environ). Nous avons pu remarquer que souvent le regard a pointé très rapidement sur la zone de l’écran avant le départ du geste.

D’autres fois, le mouvement va un bout, le regard revient sur l’écran, puis le mouvement continue. – A plusieurs reprises, lors d’un «blocage», il a suffi de demander s’il manquait une explication ou s’il fallait faire une proposition, puis de les donner, pour que le geste redevienne clairement perceptible. En d’autres occasions et surtout avec une personne, le mouvement volontaire n’a été perçu que lorsque l’activité a changé (manque d’intérêt pour ce que nous lui proposions au départ ?). (Baechler, 2001c, p.1-2)

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le polyhandicap: la définition du polyhandicap et les causes
Université 🏫: Université De GENEVE - Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education
Auteur·trice·s 🎓:
André Baechler

André Baechler
Année de soutenance 📅: Mémoire de licence - Février 2010
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