L’étude d’événement sur le prix d’un actif financier

L’étude d’événement sur le prix d’un actif financier

2.2 La méthodologie de l’étude d’événement

La méthodologie des études d’événement consiste à mettre en évidence une réaction des acteurs de marché à une information nouvelle (objectif premier) à expliquer cette réaction (deuxième objectif).

Dans la finance, c’est une technique incontournable qui permet d’analyser le comportement des cours boursiers à l’arrivée d’une nouvelle information.

Cette méthodologie est basée sur l’idée selon laquelle que les marchés financiers réagissent immédiatement à de nouvelles informations susceptibles d’affecter la profitabilité future de l’entreprise.

2.2.1 Origine et évolution

Les études d’événement remontent aux années trente où J. Dolley (1933) a publié une étude qui s’est intéressée à l’impact d’une division d’actions sur les prix.

A cette époque, les résultats obtenus par l’application de cette méthodologie n’ont pas permis d’aboutir à un niveau de sophistication satisfaisant, vu que certaines hypothèses et modèles d’estimation ont été fréquemment violés.

Ainsi, vers la fin des années soixante, R. Ball et P. Brown (1968) puis E. Fama et alii (1969) ont apporté de nouvelles améliorations en y incorporant les derniers développements en matière d’évaluation des actifs, en particulier le modèle de marché16. Depuis, cette méthodologie s’est largement diffusée.

Classiquement, on accorde à E. Fama et alii (1969) la paternité de la forme actuelle des études d’événements. Cette méthodologie est fondée sur l’analyse des rendements autour de la date d’événement. La majeure partie des études d’événements s’est intéressée à cette variable pour mesurer l’impact de l’arrivée d’une nouvelle information sur le marché17.

La méthodologie des études d’événement permet d’examiner les variations des cours, et par conséquent des rendements autour d’un événement.

L’impact d’un événement sur le prix d’un actif financier est mesuré par le rendement anormal ou encore l’écart entre le rendement observé et le rendement théorique. P. Gillet (2006) énonce que les études d’évènements n’ont pas toutes pour but de vérifier l’efficience des marchés financiers.

La plupart d’entre elles, cherchent à mesurer la réaction des marchés à un évènement déterminé pour connaître l’importance de cette information.

L’efficience des marchés financiers n’apparaît alors que comme une conclusion secondaire. L’ensemble des études d’évènements se distinguent par la méthodologie utilisée. Cette méthodologie consiste à mesurer l’écart existant entre le cours réel de l’actif étudié et un prix théorique déterminé à l’aide de diverses méthodes.

La méthodologie des études d’évènements, comme la plupart des méthodologies de recherche en finance, utilise les rentabilités des titres et non leurs prix.

En effet, l’utilisation des données relatives que sont les rentabilités permet de comparer l’évolution des chiffres dont les grandeurs originelles sont totalement différentes. Toujours P. Gillet (2006) affirme qu’au plan théorique, l’utilisation des rentabilités n’a aucune conséquence particulière.

L’étude d’événement sur le prix d’un actif financier

2.2.2 Les étapes

La procédure de mise en œuvre de cette étude se résume en trois étapes :

a. Etape N°1

Elle consiste à définir l’événement et à identifier la période durant laquelle cet événement va être étudié, appelée « fenêtre d’événement » ou « période de test ».

Il s’agit de la période sur laquelle nous examinerons les cours des entreprises impliqués dans cet événement, revenant à observer les périodes entourant l’événement. Cependant, rappelons que le marché réagit plus à l’annonce de l’événement qu’à l’événement lui-même.

C’est donc la date d’annonce qu’il faut retenir et non la date de l’événement. Par exemple, lors d’une augmentation de capital ou de division des titres, les marchés réagissent le jour de l’annonce et non le jour de l’exécution de l’événement.

Quant à une distribution de dividendes, les marchés peuvent réagir les jours ou les dirigeants décident d’en distribuer, tout comme lors de la distribution.

En pratique, la date d’événement ne peut être déterminée avec certitude, d’où la nécessité de construire une fenêtre d’événement, relativement large pour contenir toutes les dates possibles de publication.

Figure 1 : Détermination de la fenêtre d’événement

Détermination de la fenêtre d’événement

Source : P. Gillet (1999), « L’efficience des marchés financiers », édition Economica. p.72

b. Etape N°2

Elle consiste à déterminer la rentabilité théorique de l’actif financier étudié pendant la période de test. Le mode de détermination de cette rentabilité est variable, mais reste relativement aisé en ce qui concerne les actions18. Cette étape est fondée sur plusieurs techniques dont le MEDAF.

** Le modèle de marché

C’est une méthodologie proposée par E. Fama et alii (1969). Il s’agit d’un modèle statistique liant le rendement d’un titre donné au rendement du portefeuille du marché.

Mathématiquement il s’écrit :

Pour un titre i le modèle de marché s’écrit :

un titre i le modèle de marché s’écrit

AVEC β le coefficient de régression qui mesuré entre la rentabilité du titre i et le marché, et aplha est l’ordonnée à l’origine, soit

AVEC β le coefficient de régression qui mesuré entre la rentabilité du titre i et le marché

Représente la variance de la rentabilité du marché et COV (Ri, Rm) la covariance entre la rentabilité du titre et celle du marché.

Le calcul des rendements se fait comme suit (le rendement d’un actif par exemple) :

Le calcul des rendements se fait comme suit

Ou Pt est le prix de l’actif à l’instant t et log désigne la fonction logarithmique.

Vu sa facilité de mise en œuvre, la plupart des travaux sur les études événementielles utilisent ce modèle pour estimer les rendements théoriques.

** Le Modèle d’Evaluation des Actifs Financiers (MEDAF)

Elaboré par W. Sharpe (1964), et J. Lintner (1965), le MEDAF est une théorie selon laquelle le rendement espéré d’un titre est déterminé par sa covariance avec le portefeuille du marché. L’utilisation du MEDAF pour les études d’événements s’est répandue dans les années 1970. Mathématiquement il s’écrit :

En considérant Rm la rentabilité moyenne du marché donnée par :

la rentabilité moyenne du marché donnée par

Nous pouvons définir la rentabilité théorique de l’actif i à n’importe quelle période à partir de la formule :

la rentabilité théorique de l’actif i

Avec Rf est la rentabilité d’un actif sans risque et Bi le coefficient de régression entre la rentabilité du titre et celle du marché.

c. Etape N°3

Elle consiste à déterminer si l’actif étudié connait ou non des rentabilités anormales. La rentabilité anormale se définit par la différence entre la rentabilité théorique définie à l’aide d’une des méthodes indiquées ci-dessus et la rentabilité observée. Comme formule de calcul nous avons :

Pour une firme i et une date d’événement t, elle peut s’exprimer par :

Pour une firme i et une date d’événement t

Avec Ai,t la rentabilité anormale ; Ri,t la rentabilité observée ; Roi,t la rentabilité théorique.

Une fois ces rentabilités anormales calculées, il est également possible de calculer celles cumulées, en additionnant pour toute la fenêtre d’observations, les rentabilités anormales quotidiennes.

rentabilité théorique de l’actif financier étudié - rentabilité anormale cumulée

Avec CARi : rentabilité anormale cumulée (Cumulitive Abnormal Return) du titre i durant la fenêtre d’événement qui comporte N jours.

L’étude d’événement sur le prix d’un actif financier - rentabilité théorique de l’actif financier étudié

Quelques Conclusions partielles

Notons que l’observation de la rentabilité anormale cumulée est plus intéressante que l’observation des rentabilités cumulées simples dans la mesure où l’écart entre la rentabilité théorique et la rentabilité réelle est plus facilement observable.

L’étude des rentabilités anormales et des rentabilités anormales cumulées permet de mettre en évidence la réaction du marché à l’annonce de l’événement. Lorsque l’événement a été anticipé, le marché ne réagit pas à l’annonce.

Il n’ya donc pas de différence entre la rentabilité théorique calculée et la rentabilité réelle constatée. Par contre, si l’événement n’a pas été anticipé, le marché doit réagir instantanément à l’annonce.

Si les marchés sont efficients, nous devrons alors observer une forte rentabilité anormale le jour de l’annonce, puis le cours doit retrouver une évolution conforme à ce que la théorie est susceptible de prévoir. Par contre s’ils ne le sont pas, l’évolution des cours est erratique et le prix du titre ne s’ajuste que graduellement à la nouvelle information.

Dans ce cas, la vitesse d’ajustement sera un élément important permettant d’apprécier le degré d’efficience des marchés.

Chronologiquement, une fois l’événement défini et les rendements anormaux calculés, il convient de mettre en place les tests statistiques appropriés (plus généralement les tests de Student et de Fisher) pour vérifier l’existence ou non de rentabilités anormales par rapport aux rentabilités théoriques.

Cette démarche permet de conclure à la significativité ou non de l’impact. En effet, Il s’agit de tester l’hypothèse selon laquelle :

H0 : RAMt = 0

H1 : RAMt ≠ 0

L’hypothèse nulle se définit comme l’absence de rentabilités anormales moyennes à la date d’annonce. Pour tester cette hypothèse, les rentabilités anormales moyennes font l’objet de tests.

Le test paramétrique qui suppose la normalité des rentabilités anormales consiste à rapporter les rentabilités anormales moyennes à une estimation de leur écart-type, statistique qui étudie la significativité des résultats trouvés.

rentabilité théorique de l’actif financier étudié

L’étude d’événement sur le prix d’un actif financier

2.2.3 Les limites de la méthodologie d’événement et les nouvelles approches

La méthodologie d’événement n’est pas exemptée de critiques visant notamment ses modèles de référence à l’image du MEDAF.

Primo, nous remarquons que les résultats des tests effectués à fin de corroborer la réalité du MEDAF sont fortement dépendants du portefeuille choisi afin d’approcher le portefeuille du marché qui est très difficile à reconstituer.

Secundo, se pose le problème de l’hypothèse de stabilité des dans l’évaluation des rentabilités normales des firmes. En effet, il faut noter que cette hypothèse n’a pu être vérifiée que dans le cadre de conditions de marchés stables et pour des firmes qui n’ont pas connu d’événements spécifiques.

Ces deux principales conclusions émanent des travaux d’auteurs comme R. Roll (1977) estimant que la validation du MEDAF repose sur l’identification du portefeuille de marché, celui-ci doit contenir tous les titres possibles y compris les valeurs immobilières, le capital humain, …Lee vrai portefeuille de marché n’est pas observable. Il est d’ailleurs presque impossible de trouver un portefeuille qui soit une bonne approximation à celui du marché [S. Ambler (2010), p. 25].

Toujours sur la méthodologie d’étude d’événements, des problèmes liés à l’hypothèse jointe et à la stabilité de la volatilité sont aussi considérés par différents auteurs comme d’importantes limites à cette démarche.

– Problèmes liés à l’hypothèse jointe

Nous remarquons dans l’ensemble des travaux empiriques ayant pour objet de valider l’hypothèse de l’efficience des marchés financiers le MEDAF a été utilisé, tandis que les auteurs qui ont cherché à valider le MEDAF ont posé pour hypothèse l’efficience des marchés financiers.

Ainsi, on se retrouve dans une situation où le modèle utilisé pour tester l’efficience des marchés financiers ne peut être utilisé que si les marchés sont réputés efficients.

Il en résulte de cette utilisation conjointe que ces deux modèles ne peuvent être acceptés ou rejetés que simultanément.

– Problèmes liés à la stabilité de la volatilité

La volatilité est constituée par les variations moyennes de la rentabilité autour de sa moyenne. Elle est généralement mesurée par la variance ou l’écart-type de la rentabilité de l’actif étudié. Dans l’ensemble des tests d’événements classiques, les variations éventuelles de la volatilité autour de la date événement sont négligées.

Il revient donc à faire l’hypothèse implicite de la stabilité de l’actif durant la période test. Or, dans la réalité, la volatilité augmente lorsqu’un actif est confronté à un événement non anticipé.

On sait aussi que la croissance de la volatilité augmente la prime de risque affectée au titre. Dans ces conditions, la rentabilité théorique devrait augmenter. Ne pas tenir compte de cette réalité revient généralement à surévaluer la rentabilité anormale constatée lors de l’étude de l’événement.

Pour dépasser le problème de l’instabilité de la volatilité, plusieurs méthodes ont été développées. Nombreuses d’entre elles, se basent sur les volumes de transactions.

Il s’est agit pour ces dernières d’utiliser « ces volumes de transactions » entant qu’indicateur pour détecter les réactions des marchés à certains événements. Les différents travaux sont peu nombreux même si l’augmentation des volumes de transaction peut être un signal fort pour les opérateurs de marché.

Cette augmentation peut témoigner de l’annonce d’un événement ou de l’anticipation des opérateurs d’une annonce nouvelle. Sur cette question on a fait référence aux travaux de [J. Hubler. J et P.X Meschi. (2000)].

Conclusion chapitre 2

On peut noter l’abondance de la littérature sur les études d’événements permettant de tester la réaction du marché face à une nouvelle information.

Plusieurs variables ont ainsi fait l’objet d’analyse comme l’annonce de bénéfice, de distribution d’action, ou encore celle de la fusion d’entreprises…. Toutes les conclusions ont abouti au fait que le marché restait sensible à ce type d’information, même si la réactivité diffère, posant ainsi le problème de la vitesse de l’ajustement.

16 Nous reviendrons plus en détails dans la méthodologie fondée sur ce type de modèle

17 Vor les auteurs comme E. Fama et alii (1969),

18 Chaque actif financier dispose d’une méthodologie d’étude d’événement particulière. On s’attachera à présenter la méthodologie propre aux actions

Les débats restent encore ouverts à ce niveau. Il existe aujourd’hui différents modèles économétriques permettant de tester l’hypothèse semi-forte exercice indispensable de ce domaine pour attester de la validité ou non des hypothèses de travail.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Etude de l’efficience semi-forte des marchés financiers : cas de la bourse de Casablanca
Université 🏫: Université Cadi Ayyad de Marrakech - Faculté des sciences juridiques Économiques et sociales
Auteur·trice·s 🎓:
Diallo Alpha Oumar

Diallo Alpha Oumar
Année de soutenance 📅: Mémoire pour l’obtention du Master en Finance Appliquée - 2010-2018
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