La famille coréenne et la place de la femme

La famille coréenne et la place de la femme
Troisième partie 

famille et mariage en Corée

L’étude que nous venons de faire du confucianisme a montré à quel point son influence avait été importante en Corée, il a d’ailleurs énormément contribué à donner à la société coréenne la forme qu’elle a aujourd’hui.

Du fait de la grande influence du confucianisme sur la société coréenne, la cellule familiale est devenue (si elle ne l’était pas déjà) l’unité centrale de la société, de ce fait, si la famille n’est pas harmonieuse, la société ne peut pas l’être.

On peut donc dire qu’étudier un rite de passage intimement lié à la famille comme le mariage est une bonne approche de la société coréenne dans son ensemble.

Nous pouvons noter en outre que la famille n’est pas une notion aussi simple et univoque que l’on pourrait le penser. Certes, l’existence des groupements familiaux semble universelle quels que soient les lieux ou époques observés, mais sous des formes quasiment aussi variées et nombreuses qu’il existe de sociétés différentes.

Comment cela se fait-il ? Cette diversité des formes ne peut s’expliquer que par le fait que la famille n’est pas une entité naturelle mais une construction sociale.

Il semblerait en outre, comme l’entend Françoise Zonabend, qu’elles jouent un rôle « plus ou moins fondamental dans l’organisation des lois orales ou écrites qui gouvernent, ou ont gouverné, les sociétés en question. »

En d’autres termes, il n’y a pas de société sans famille (quelle qu’en soit la forme) mais il n’y a pas non plus de famille sans société,

Dans son introduction à l’Histoire de la famille, Françoise Zonabend explique qu’au sein de la famille, il existe de nombreuses règles qui sont intégrées très vite par ses différents membres.

Les termes d’adresse et de référence constituent l’un des éléments qui permet d’asseoir ces règles. Ceux-ci permettent aussi de définir les liens de parenté, les « liens du sang ».

Ainsi, on peut avancer, en reprenant la citation de Fox (1967, p. 34) utilisée par Françoise Zonabend, « qu’un parent consanguin est un individu défini comme tel dans la société envisagée et [que] les liens du « sang » au sens génétique peuvent n’entrer en rien dans la définition, bien que dans la plupart des sociétés ces deux types de liens tendent à se confondre ».

Ceci tend bien à prouver que la famille est construction sociale et est donc intéressante à d’étudier, car cela peut donner un point de vue intéressant sur la société considérée.

Lorsque les familles françaises et coréennes accueillent un enfant, elles lui donnent un patronyme, le nom de leur père ou, le cas échéant, celui du père de leur mère.

Ce patronyme permet de les identifier, ils entrent alors dans un groupe d’appartenance dont ils ne sortiront jamais : leur famille. Ainsi, en plus de structurer plus ou moins la société, la famille permet à l’individu de définir son identité sociale.

Nous avons déjà évoqué cette notion en ce qui concerne la Corée, mais il semblerait que ceci soit valable pour toutes les sociétés humaines.

Donc, afin d’assurer la pérennité de la famille, du moins en Corée, il est essentiel d’avoir un fils car c’est par sa descendance que le patronyme continuera d’exister. De plus, c’est sur lui que reposera le culte des ancêtres à la mort de son père.

Sous la dynastie Chosòn, l’élite coréenne, influencée par le néo-confucianisme qui insistait sur l’importance de l’éducation morale et du maintien de relations interpersonnelles harmonieuses, le tout passant par l’exécutions scrupuleuse de rituels familiaux.

Ainsi, leur pratique devait suivre les indications du livre des rituels de Chu Hsi le plus fidèlement possible. Jusqu’à la colonisation, on comptait quatre rituels familiaux particulièrement importants en Corée.

Il s’agit du rite d’accession à l’âge adulte (« kwallye »), des rites de mariage, des funérailles, et du culte des ancêtres. Mais aujourd’hui, le premier est devenu obsolète par la force des choses et les rites du mariage ont connu des modifications notables.

Le néo-confucianisme a modelé la société coréenne, ce qui joue sur son importance actuelle, mais les religions chrétiennes importées par les missionnaires étrangers le considèrent aussi comme essentiel dans la création d’une nouvelle cellule familiale.

A la lumière de ces informations, on se rend mieux compte de l’importance du rituel du mariage, en effet, celui-ci est un rituel familial et individuel important, d’autant plus qu’il permet l’accession à la sexualité et surtout à la procréation qui permet, lorsque l’on a un fils, d’assurer la pérennité de la famille du père.

C’est pourquoi dans un premier temps nous allons analyser la famille, la complémentarité des rôles des hommes et des femmes, ainsi que l’influence de cette différenciation des rôles sur l’éducation des enfants.

En effet, de leur éducation dépend leur définition identitaire ainsi que leur approche de la société, de la famille, de l’Autre et du mariage.

Dans un deuxième temps, nous nous pencherons sur l’importance sociale que revêt le mariage en tentant de définir ses fonctions, ainsi que les enjeux liés au choix du futur conjoint.

Enfin, nous nous intéresserons au mariage proprement dit ; aux rites traditionnels puis à leur forme contemporaine ainsi qu’à leur rôle.

1. La place des femmes dans la société et la famille coréenne

1.1. La famille en Corée

Comme nous l’avons vu, la famille tient une place centrale dans les sociétés confucéennes. Selon Moon Ok-pyo, l’unité familiale confucéenne n’est pas créée lors du mariage et ne disparaît pas à la mort des époux, elle est au contraire une entité complexe qui survit aux générations qui passent.

En effet, le modèle familial coréen n’est pas nucléaire mais correspond plutôt à un modèle étendu.

La société coréenne, jusqu’aux années 1960-1970 est une société agraire, plus de 70% de la population vit à la campagne. De ce fait, les familles vivent regroupées sur des zones géographiques peu étendues. Etant donné le besoin d’une main d’œuvre nombreuse, le nombre d’enfants par foyer est plutôt élevé.

Il existe une grande solidarité au sein de ces familles qui représentent l’unité de production et de consommation de base. Malheureusement, on possède peu de données sur les familles pauvres.

En ce qui concerne les grandes familles, on sait qu’elles vivent regroupées sur leurs propriétés où elles ont plus ou moins les pleins pouvoirs, elles réalisent des alliances entre elles, mais sur une zone géographique restreinte, certains chercheurs qualifient ces unions d’endogames.

De plus, le système est soit patrilinéaire, soit matrilinéaire, en fonction de la localité (patri- ou matrilocalité) ; cependant, les enfants portent le nom de leur père. Il semblerait que ce soit un héritage du système bilinéaire datant de l’époque du royaume de Silla.

Afin de maintenir leur influence sur tout leur domaine, et leurs « serfs », ces familles ont besoin d’une action de tous les membres de la famille, ceci ne change qu’avec le développement de la moralité confucéenne en tant que religion d’Etat, ainsi que du pouvoir du roi au détriment de celui de ses « seigneurs », phénomène amplifié par les révoltes militaires vers 1170 ainsi que les invasions mongoles du XIIIe siècle.

Avec le développement de la morale confucéenne, la vie familiale évolue peu a peu. Et une fois la dynastie des Yi (1392-1910) en place, le confucianisme est adopté comme religion officielle à la place du bouddhisme.

Ceci permet le développement des notions de lignée (patrilignage), de patriarchie, de piété filiale, ainsi que l’essor de rituels familiaux inspirés directement du livre des rituels de Chu Hsi. Les rituels prennent peu à peu une grande importance dans la vie familiale, ils permettent entre autres d’améliorer la cohésion familiale.

L’adoption de ces normes confucéennes ne s’est pas faite sans mal, et il ne faut pas négliger le fait qu’il s’agit de normes idéales à suivre, mais que chaque famille coréenne conserve aussi, tout en préservant les apparences (néo-confucéennes), des pratiques qui lui sont propres.

Notons qu’en 1419, estimant qu’il y a suffisamment de familles de l’élite dirigeante qui suivent son exemple, le roi a édicté une loi punissant de mort les « ennemis de l’Etat » qui refusaient de pratiquer le culte des ancêtres suivant les règles confucéennes.

De plus, le roi, afin de s’assurer la loyauté de ses puissants administrés, décide d’engager leurs fils dans son gouvernement central, à la capitale. Ceux-ci, venant de toutes le provinces coréennes, cherchent vraisemblablement à s’intégrer au réseau déjà existant grâce à des jeux d’alliance, ainsi, progressivement, ces familles deviennent exogames.

Lorsqu’il se présente, l’individu donne son nom de famille coréenne ainsi que sa province d’origine. De nos jours, il existe encore un tabou très puissant concernant les unions ; deux personnes portant le même nom de famille et dont les familles proviennent de la même province ne peuvent pas se marier car elles ont, pense-t-on, un ancêtre commun.

L’exogamie, plus ou moins issue du de l’expansion du confucianisme mais aussi (surtout ?) d’une logique d’intégration à l’élite dirigeante, est devenue une règle inviolable pour tous. Si cette règle n’est pas suivie, m’a-t-on dit, les époux sont très mal vus par le reste de la société : « ça ne se fait pas ».

A la fin de la dynastie des YI se sont succédées la colonisation japonaise, la partition du pays en deux entités qui n’ont toujours pas été réunies ainsi que la guerre de Corée.

La Corée du Sud a beaucoup de difficultés à se relever de tous ces évènements, mais y parvient, dirigée d’une main de fer par des gouvernements autoritaires successifs. L’essor économique « miraculeux » du pays, permis par le développement de son industrie, a pour conséquence une rapide urbanisation.

Cet exode rural de la jeunesse provoque de profonds changements dans la structure familiale. Celui-ci signe plus ou moins la condamnation à mort de la famille coréenne étendue classique. En effet, alors que les jeunes, une fois qu’ils ont fini leurs études, partent chercher du travail en ville, leurs parents, qui ne s’habituent pas à la vie urbaine, préfèrent rester dans leur exploitation rurale.

Cependant, malgré l’éloignement géographique, les liens familiaux (économiques et psychologiques) restent très forts.

Dès qu’ils gagnent suffisamment leur vie, les enfants soutiennent leurs parents financièrement, et les accueillent en cas de veuvage ou s’ils sont trop âgés pour continuer à s’occuper de leurs terres. De leur côté, les parents envoient des produits du terroir à leurs enfants. Et lors des rites annuels effectués sur la tombe des ancêtres décédés depuis plus de quatre générations, tous se réunissent.

Ces cultes remplissent alors une nouvelle fonction, celle d’assurer la cohésion familiale, de resserrer les liens familiaux existant entre les vivants, ainsi que de confirmer le sentiment d’appartenance à un clan familiale et donc de renforcer l’identité individuelle en fonction de cette appartenance.

Ces citadins fondent des cellules familiales conjugales (en règle générale). En effet, le manque de place, du fait de la dimension restreinte des appartements, limite le nombre d’individus pouvant vivre sous le même toit.

C’est, comme nous l’avons vu, seulement lorsqu’ils ne peuvent plus vivre à la campagne, que les parents âgés viennent s’installer chez leur enfant (la plupart du temps le fils aîné).

La modernisation conjuguée avec la vie urbaine, le développement de l’éducation de masse (coûteuse malgré tout) ainsi que les politiques de restriction des naissances ont eu pour conséquence une diminution significative du nombre d’enfant par foyer.

Cho Yong-hee écrit, dans un article paru dans Culture coréenne, qu’ayant trois enfants, on la considère comme une mère de famille nombreuse. En effet, cela fait trente ans que le slogan « Avoir deux enfants / Mieux s’en occuper » raisonne aux oreilles des Coréens. Ceci nous donne une idée du nombre d’enfant moyen par famille, celle-ci préférant toujours avoir des garçons, car ce sont eux qui permettent la préservation du patronyme et donc la pérennité de la famille.

Le clan familial (étendu dans la période préindustrielle) continue aujourd’hui de tenir une place prépondérante dans la vie des individus, faisant partie intégrante de leur identité sociale.

De ce fait, les Coréen sont particulièrement attentif à leur famille ainsi qu’au prestige de leur nom. C’est ce que les sociologues nomment le familisme (ou encore égotisme social). Moon Ok-Pyo le défini dans son acceptation la plus large comme « une attitude ou un comportement qui visent à favoriser le développement et la mise en valeur du statut social, politique et économique du groupe familial. »

Ainsi, encore aujourd’hui, les membres d’une famille prennent sur eux d’en assurer la pérennité et le prestige par leurs actions, leurs diplômes, leurs unions, etc. La loyauté au clan familiale est très grande, de ce fait, les liens familiaux sont forts, de même que la solidarité entre membres d’un même clan.

Ainsi, malgré des changements, surtout en ce qui concerne sa forme, la famille conserve son statut de cellule centrale de la société, et fait partie intégrante de l’identité sociale des Coréens.

Jusqu’à présent, bien que nous ayons tenté de généraliser notre étude à toute la société coréenne, nous avons surtout parlé des hommes. En effet, en Corée, depuis la confucianisation, une répartition sexuée des rôles au sein de la famille, et de la société, s’est développée.

Il semble alors important d’étudier l’éducation que reçoivent les enfants au sein de leur famille coréenne étant donné que c’est à ce moment-là que commencent à se définir les rôles respectifs des hommes et des femmes.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le mariage en Corée : un rite de passage comme miroir d’une société
Université 🏫: Université Paris VIII Vincennes – Saint-Denis
Auteur·trice·s 🎓:
Aga

Aga
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - Septembre 2013
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