Cristallisation patrimoniale de la relation de fait à son terme

§2) La cristallisation patrimoniale de la relation de fait à son terme
198. – Au terme de la relation de fait, l’inaction qui la caractérisera alors se marquera par une fixation de la substance du patrimoine des différents intéressés par rapport à l’activité exercée, dont la valeur n’évoluera plus de ce fait (A).
Cela nécessitera donc l’intervention du Droit afin de solder cette relation devenue sans objet (B).

A) La fixation patrimoniale

199. – Le terme de la relation de fait va s’accompagner d’une cessation de la fluctuation patrimoniale qui lui était caractéristique. En effet, l’activité ayant pris fin, du fait que les futurs associés de société créée de fait ont cessé d’œuvrer ensemble, ou bien que le gérant d’affaire virtuel a stoppé son action au bénéfice du futur maître de l’affaire, on ne saurait alors concevoir qu’elle puisse impliquer de nouvelles évolutions patrimoniales.
200. – Les choses vont donc être amenées à se figer. A ce titre, peu importe la raison ayant conduit à l’arrêt constaté de l’activité, et il serait stérile de s’attacher à la systématiser, tant elle semble pouvoir être variable. En effet, la gestion d’affaires comme la société créée de fait font figure de mécanismes très malléables, donc susceptibles de trouver application dans un grand nombre de situations différentes.
201. – Ainsi, la relation de fait pouvait s’identifier à la participation d’un concubin à l’exploitation d’un fonds de commerce appartenant à l’autre, et pourra avoir pris fin par la séparation des compagnons, dont l’un d’eux pourra souhaiter par la suite solliciter l’intervention de la société créée de fait.
De même, s’agissant de la gestion d’affaires, cette relation prendra par principe fin dès lors que le futur gérant aura mené à bien l‘affaire du maître, et pourra ainsi légitimement mettre un terme à son action. Mais ce pourra également être le cas dès lors qu’il aura de ce fait subi un dommage le forçant à l’interrompre.
202. – Mais, si les raisons importent peu, il est néanmoins nécessaire de s’attacher à décrire la situation ainsi révélée par l’arrêt de l’activité. Or, après avoir observé séparément la fluctuation de valeur au sein des patrimoines des différents acteurs au cours de la relation de fait, sa rupture commandera d’en examiner les conséquences les uns par rapport aux autres.
En effet, le plus souvent, l’équilibre patrimonial ne s’établira pas spontanément, entre les différents protagonistes, et laissera apparaître une double réalité.
203. – On notera d’un côté, l’enrichissement d’une ou plusieurs parties, consécutivement à l’exercice de l’activité. Ici encore, les causes en seront diverses : ce sera le cas notamment du futur associé n’ayant pas contribué aux pertes issues de l’activité, ou qui aura conservé tout le bénéfice qui y était lié.
Correspondra également à ce cas de figure, l’hypothèse dans laquelle celui qui sera amené à revêtir la qualité de maître de l’affaire n’aura pas exposé une dépense dont le montant a tourné à son profit, ou encore aura vu son bien objet de la gestion, s’accroitre en valeur du fait de l’action du gérant.
204. – Il s’agit ici des points les plus saillants, mais au-delà, il faut avoir égard à tout enrichissement quel que soit sa forme. Un auteur a pu l’exprimer s’agissant des quasi-contrats, mais son propos serait tout à fait transposable à la situation qui donnera lieu à la découverte d’une société créée de fait : « la notion d’enrichissement englobe non seulement le profit – accroissement de l’actif ou diminution du passif – mais encore tout avantage ou bénéfice ayant procuré une utilité à autrui. »177
205. – A l’inverse, et symétriquement, on constatera un appauvrissement d’une ou plusieurs autres parties ayant participé à la réalisation de l’activité. Ainsi en ira-t-il de l’associé virtuel qui aura supporté toutes les pertes engendrées par l’exploitation, ou n’aura pas obtenu le partage du bénéfice qui y était lié. De même s’agissant du futur gérant, qui aura engagé certaines dépenses ou aura subi un dommage du fait de sa gestion.
Il faut ici garder à l’esprit que, comme nous l’avons souligné (V. supra n°196), les efforts qu’il aura exposé dans sa gestion ne constitueront pas une source d’appauvrissement susceptible d’être corrigé par le biais de ce mécanisme quasi-contractuel. Ainsi, c’est donc également de manière large que doit être comprise cette notion d’appauvrissement, qui vaudra y compris s’agissant du manque à gagner ayant pu être engendré.
206. – Or, l’appauvrissement comme l’enrichissement sont liés, en ce qu’ils trouvent à leur origine l’exercice de l’activité, sociale ou de gestion, qui est de nature à les corréler. On se situe ici à la conjonction du fait et du Droit, en ce qu’au regard de cet état de fait, l’intervention du Droit pourra être sollicitée afin que les protagonistes ayant à supporter l’appauvrissement, ne le conservent pas, ou pas en totalité, à leur charge. Ainsi, ils pourront souhaiter agir contre le(s), bénéficiaire(s) de l’enrichissement.
De même, un créancier pourra également vouloir répartir la charge de sa créance liée à l’exercice de l’activité, dont il bénéficie envers l’un des acteurs, avec l’(es) autre(s), afin d’augmenter ses chances de paiement. A ces plaideurs, sont offerts, selon la configuration de leur relation passée, l’institution de la gestion d’affaires, et celle de la société créée de fait.
207. – Néanmoins, force est ici d’insister encore une fois sur l’importance de l’enjeu, donc de l’appauvrissement et de l’enrichissement corrélatif, qui justifiera le recours à ces mécanismes. En effet, pour obtenir satisfaction, il sera nécessaire d’intenter une action en justice, avec tous les aléas y afférents, ainsi que les griefs de lenteur et de coût élevé qu’on impute généralement au système judiciaire.
208. – Ainsi, il se peut que le Droit n’ait jamais à connaitre de telles relations, soit que l’enjeu soit trop faible, soit que les parties y soient indifférentes, en souhaitant laisser perdurer cette distorsion : c’est le cas de celui qui pourrait recevoir la qualité de gérant d’affaires, et qui a exécuté sa gestion, procurant la satisfaction du maître de l’affaire potentiel, sans vouloir solliciter de lui le remboursement des frais engagés. De même, lorsque la séparation des époux séparés de biens ou des concubins n’est pas conflictuelle, et que celui ayant accompagné l’exploitation de l’autre ne sollicitera pas de ce dernier une compensation pécuniaire.
Dans une telle hypothèse, la relation passée restera en suspens. Mais, cela ne doit rester que l’exception. D’où, par principe, un acteur de ce processus sera amené à entrainer l’intervention du Droit, du fait de la nécessité de solder la relation passée.
Lire le mémoire complet ==> (Gestion d’affaires et société créée de fait, essai de convergence à propos d’un antagonisme)
Mémoire de fin d’études – Master 2 Contrat et Responsabilité
Université de Savoie Annecy-Chambéry

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