TIC au Sénégal : Les initiatives de la coopération internationale

Les initiatives de la coopération internationale
Dès le début des années 90, la coopération internationale, qu’elle soit bilatérale ou multilatérale, a pris de nombreuses initiatives pour développer l’utilisation des TIC au Sénégal. Celles-ci se caractérisent par leur caractère extraverti et désarticulé. Extraverties, parce que ce sont le plus souvent des initiatives conçues à l’extérieur du pays, et désarticulées, parce qu’elles s’inscrivent dans des cadres qui ne tiennent pas nécessairement compte de la politique nationale ni des besoins des bénéficiaires. De plus, compte tenu des rivalités, tantôt feutrées tantôt ouvertes, qui existent entre les pays, d’une part, et entre les organismes internationaux, d’autre part, il résulte une grande dispersion des initiatives et une quasi absence de synergie. Ces initiatives ont cependant joué un rôle déterminant dans le développement d’Internet au Sénégal.
Ainsi, à la fin des années 80, les premiers nœuds d’accès à Internet sont implantés, d’un côté par un organisme de recherche français, l’ORSTOM via son réseau RIO,138 et de l’autre côté par ENDA Tiers-Monde, une ONG internationale qui agit en l’espèce comme représentant d’une ONG basée à Londres, l’Alliance for Progressive Communication (APC).
En 1992, dans le cadre du Programme intergouvernemental en informatique (PII), l’UNESCO lance à Dakar le projet intitulé Regional Informatics Network for Africa (RINAF) dont la mise en œuvre est estimée à 12 millions de dollars US. L’objectif de ce projet est de favoriser le développement des réseaux nationaux, aux fins d’accroître notamment l’accès à la science et à l’éducation. Dans une première phase, il est prévu cinq nœuds régionaux et dix nœuds nationaux. Le CNDST joue le rôle de nœud régional pour l’Afrique de l’Ouest et dans ce cadre, il a connecté 13 structures nationales à Internet, parmi lesquelles le laboratoire d’informatique de l’Ecole normale supérieure, la Direction de la prévision et de la statistique (DPS), la Direction de l’urbanisme et de l’architecture (DUA), la Délégation aux affaires scientifiques et techniques (DAST), la Bibliothèque universitaire de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, la Bibliothèque universitaire de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et la Délégation à l’informatique. Du fait d’une coordination centrale “assez sporadique” et d’une absence de moyens adéquats, le RINAF entrera dans une phase de léthargie et sera bientôt conceptuellement dépassé par le développement rapide d’Internet.

135 Notamment les onduleurs.

136 Sud Quotidien, 21 avril 1998.
137 Ministère de la communication et Ministère de l’économie, des finances et du plan, mars 1996, p. 3.
138 C’est dans le cadre d’une politique de mise en place de réseaux informatiques dans les pays Sud que l’ORSTOM a implanté en 1989 au Sénégal un nœud de son RIO.
Au milieu des années 90, l’AUPELF-UREF, l’Agence universitaire de la francophonie, va jouer un grand rôle en installant au Centre SYFED de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, l’un des premiers, voire le premier, serveurs Web du Sénégal. Grâce à ce serveur qui facilite, accélére et réduit le coût de leurs communications, des dizaines, puis des centaines d’universitaires (enseignants, chercheurs et étudiants) vont pouvoir découvrir Internet et surtout rompre l’isolement dans lequel ils se trouvaient auparavant.
Toujours dans le cadre de la francophonie et plus précisément du projet @frinet, l’Agence canadienne pour le développement international (ACDI) et l’Agence de la francophonie (ACCT) mettent en place le serveur Web du Gouvernement du Sénégal qui sera inauguré le 20 février 1997. Ce projet sera suivi d’une seconde phase avec le projet Afriweb, mis en œuvre par l’Agence de la francophonie avec l’appui du Gouvernement du Québec, dont l’objectif sera d’apporter un appui à la conception et au développement de sites francophones dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, dont le Sénégal.
Le système des Nations Unies jouera également un rôle important via la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), l’UIT et la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA). Ainsi, lorsqu’en 1994 est lancé le Global Trade Point Network (GtpNet), conformément aux recommandations de la 8e Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement tenue en 1992 à Carthagène (Colombie), le Sénégal est retenu pour faire partie de la phase-pilote. La Fondation du Trade Point, qui regroupe notamment la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (CNES), des chambres de commerce d’industrie et d’agriculture (CCIA), le Centre international du commerce extérieur du Sénégal (CICES), le Groupement des entrepreneurs du Sénégal (GES), la SONATEL et l’Etat, est alors créée avec l’objectif de simplifier et d’accélérer les procédures du commerce international. Après la phase d’identification du projet, les mécanismes de facilitation et un nouveau schéma de procédures simplifiées ont été proposés et validés, ce qui a permis la définition d’un cahier des charges informatiques pour le développement des applications avec l’appui technique du United Nations Trade Point Development Center (UNTPDC) de Melbourne (Australie) et la livraison du matériel nécessaire au démarrage du centre de facilitation en janvier 1998.
De son côté, l’UIT, à travers son Bureau de développement des télécommunications (BDT), a lancé un projet-pilote dans le domaine de la télémédecine qui vise à relier des hôpitaux de Dakar à des services hospitaliers situés dans la région de Saint-Louis.
En matière de politique, les principales recommandations contenues dans le document adopté par la 31e session de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique et la 22e Conférence des ministres responsables du développement économique et social et de la planification sous le nom d’Initiative “Société africaine à l’ère de la société de l’information”139 ont été intégrées dans le IXe Plan pour le développement économique et social (1996-2001).
De plus, dans le cadre de l’Initiative Acacia, le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) a lancé en décembre 1996, une étude préliminaire140 qui a débouché sur la définition d’une Stratégie Acacia Sénégal.141 L’idée centrale de ce programme est d’aider les communautés de base à s’approprier les technologies de l’information et de la communication. Il s’agit moins de fournir des ordinateurs et d’offrir la connectivité, comme c’est très souvent le cas, que d’étudier les opportunités nouvelles offertes par ces outils pour la résolution des problèmes de développement ainsi que les mécanismes d’introduction, d’utilisation et d’appropriation des TIC dans les communautés de base. Le CRDI s’est également engagé à appuyer la mise en place de la future agence de réglementation des télécommunications et a financé une importante étude destinée à servir de base à la définition d’une politique nationale dans le domaine des téléservices.
Par ailleurs, depuis 1997–1998, dans le cadre du projet World Links for Development (WorLD) de la Banque mondiale, une vingtaine d’établissements scolaires ont été connectés à Internet et une vingtaine d’autres devraient l’être d’ici 2001. Le projet se concentre sur cinq axes principaux:
• la connectivité des écoles (équipement, branchement à Internet, jumelage avec d’autres écoles);
• le partenariat avec le secteur privé pour générer et assurer des ressources suffisantes nécessaires pour une expansion du programme au-delà des expériences pilotes;
• la politique de télécommunications en ce qui concerne ses aspects promouvant la baisse des tarifs de télécommunications au profit du secteur de l’éducation;
• la formation des chefs d’établissements, enseignants, élèves et techniciens;
• le suivi et l’évaluation pour mesurer les résultats et l’impact du programme sur la qualité de l’éducation.
Enfin, une des dernières initiatives en date au Sénégal est l’Initiative Leland pour laquelle un protocole d’accord a été signé en mai 1998 entre le Sénégal et les Etats-Unis pour “la promotion de l’accès et de l’utilisation d’Internet”, à l’occasion de la visite de Bill Clinton au Sénégal. L’Initiative Leland vise à:

139 Ce travail est le résultat d’un processus mené avec la participation de l’UIT, de l’UNESCO et du CRDI. Il a consisté à demander à un groupe d’experts d’analyser la situation africaine et de formuler des propositions et recommandations aptes à servir de cadre de référence aux pays africains pour l’élaboration d’une politique de connexion aux autoroutes de l’information visant à combler le fossé qui sépare les pays riches en informations de ceux qui en sont dépourvus et à mobiliser les technologies de l’information et de la communication au service de la promotion économique et sociale de l’Afrique.

140 Olivier Sagna et Fatoumata Sow, décembre 1996.
141 Pape Gorgui Touré, janvier 1997.
• créer un environnement politique favorable en promouvant une politique de réforme afin d’introduire les technologies de l’information et de réduire les obstacles à la connectivité,
• aider à la création d’une industrie locale viable en matière de fourniture de services Internet,
• développer des applications s’inscrivant dans la dynamique d’un développement durable en accroissant les capacités de sociétés africaines en matière de communication et d’utilisation de l’information.142
Les technologies de l’information et le secteur public
Soumise à d’importantes restrictions budgétaires dans le cadre des politiques d’ajustement structurel menées depuis le début des années 80, l’administration sénégalaise compte environ 60 000 agents dont 60% d’hommes et 40% de femmes ayant une moyenne d’âge de 43 ans et une ancienneté moyenne de 18 ans. Les principaux centres de l’administration dans lesquels travaille l’essentiel du personnel spécialisé en informatique sont:
• la Direction du traitement automatique de l’information (DTAI) du Ministère de l’économie, des finances et du plan;
• la Direction de l’automatisation du fichier (DAF) du Ministère de l’intérieur;
• le Centre informatique de la douane (CID);
• le Centre de recherches océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT) qui dépend de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA);
• la DINFO.
La Primature143 a installé en 1997, un nœud d’accès à Internet avec l’aide de la coopération canadienne et de l’Agence de la francophonie. Elle dispose d’un réseau local reliant plus de 80 postes qui dessert le cabinet du Premier Ministre et le Secrétariat général du gouvernement. D’autres départements de l’administration ont été connectés ultérieurement au point de présence Internet de la SONATEL à savoir, la Présidence de la République, le Ministère des affaires étrangères, le Ministère de l’économie, des finances et du plan, le Ministère de l’intérieur, le Ministère de l’énergie, des mines et de l’industrie et le Commissariat à la sécurité alimentaire.
Comme nous l’avons vu précédemment, la DINFO est officiellement chargée d’animer et de coordonner l’informatisation des administrations et des organismes du secteur parapublic, sa mission étant de conseiller et de guider les structures administratives dans leur démarche d’informatisation. Cependant, dans la réalité, la majorité des équipements informatiques ne sont pas achetés sur le budget de l’Etat mais plutôt dans le cadre de projets financés par les bailleurs de fonds, et leur gestion est assurée par des personnes n’ayant pas souvent les compétences requises. C’est pourquoi il n’existe pas de statistiques précises sur le parc informatique de l’Etat et, par conséquent il est difficile de se faire une idée précise du niveau d’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans l’ensemble de l’administration.

142 L’essentiel des informations contenues dans cette partie provient de l’étude réalisée par l’auteur pour le compte du CRDI (Olivier Sagna, décembre 1997b).

143 Au Sénégal, la Primature désigne les services du Premier Ministre
Une étude récente144 indique que le niveau d’équipement est globalement faible et selon 80% des agents interrogés le nombre d’ordinateurs est insuffisant par rapport aux besoins. Le parc informatique de l’administration est pour l’essentiel composé de micro-ordinateurs fonctionnant en mono-poste. De ce fait, dans 85% des structures interrogées, les échanges se font manuellement et la circulation des informations par voie électronique n’est pas encore ancrée dans les habitudes des fonctionnaires. Pire, compte tenu de l’inexistence de systèmes de protection ou de la non mise à jour des antivirus, les ordinateurs sont souvent infestés par des virus informatiques.
Avec l’utilisation croissante des technologies de l’information et de la communication, on assiste à l’émergence d’un nouveau type de fonctionnaires. Maîtrisant l’outil informatique bien que n’étant pas informaticiens, ils jouent le rôle de personnes ressources dans leur département, ce qui contribue à diminuer encore un peu plus l’importance des structures de support telles que la Délégation à l’informatique. La formation des fonctionnaires aux technologies de l’information et de la communication est cependant une préoccupation majeure, car compte tenu de leur ancienneté moyenne dans l’administration, la plupart des fonctionnaires n’y ont pas été formés et, de plus, les possibilités de formation continue n’existent pratiquement pas.
Pour ce qui est de l’utilisation d’Internet, le nombre d’abonnés dans l’administration peut être estimé à un demi-millier ce qui donne un taux de personnes connectées de l’ordre de 0,8%. Sur ce total, 36% accèdent à Internet via le serveur de la Primature qui héberge environ 200 comptes d’accès à Internet alors que le reste des comptes est logé chez des fournisseurs privés. Le nombre de départements ministériels disposant d’un site Web s’élève à une dizaine,145 dont sept hébergés à la Primature. Les sites ministériels fournissent la plupart du temps de l’information institutionnelle (mission du ministère, organigramme, projets et programmes en cours, etc.) mais n’offrent aucun service en ligne aux citoyens et sont peu, voire pas du tout, interactifs. Même si la réalisation de ces sites est souvent faite en interne, le problème de fond reste celui de l’actualisation des données.
Pour remédier à cette situation, l’administration sénégalaise envisage de réaliser de grands projets s’appuyant sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication tels que le Réseau administratif de communication voix et données (RACV), les Unités régionales d’information pour le développement (URID) du Ministère de l’intérieur ou encore l’intranet du Ministère de l’économie, des finances et du plan.
Grâce à un prêt de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), le Sénégal ambitionne de réaliser un réseau de communication qui vise à améliorer la communication entre les divers services de l’Etat tout en réduisant les coûts de télécommunication. La modernisation des équipements, la création de services nouveaux et la mise en œuvre d’un intranet administratif devraient offrir à l’administration un réseau privé intégrant à la fois la téléphonie et la transmission des données. La mise en œuvre de ce réseau devrait déboucher sur la conception d’un Système intégré d’informations décisionnelles (SIID) dont le démarrage est prévu pour le premier semestre de l’an 2000.
De son côté, le Ministère de l’intérieur a conçu un projet intitulé “Unités régionales d’information pour le développement (URID)” qui vise à constituer des banques de données locales concernant les différents domaines d’activité des collectivités locales et à doter les autorités administratives146 de moyens informatiques leur permettant de gérer ces banques de données et d’assurer la diffusion de leur contenu, tant au niveau local qu’en direction du niveau central. Deux réseaux locaux ont été installés au niveau de la Direction de l’automatisation et du fichier et les gouvernances ainsi que les préfectures ont été équipées. Une application pilote a été développée, mais elle n’a pas encore été déployée faute de ressources.
Enfin, le Ministère de l’économie, des finances et du plan envisage de mettre en place un système d’information et de communication visant à faciliter la circulation interne et externe de l’information. Le projet, dénommé SICOMEFP, envisage à la fois des services internes (messagerie électronique, revues et communiqués de presse, comptes rendus de réunion, actualités économiques et financières, textes de lois, circulaires, notes de services, offres de stages, etc.) et externes (plans d’ajustement structurel, tableaux de bord des projets sectoriels, données sur la privatisation et la libéralisation, code des impôts, tarif des douanes, guide des procédures, etc.). Le projet en est à sa phase de démarrage avec l’installation des serveurs et le câblage des locaux.
Lire le mémoire complet ==> (Les TIC et le développement social au Sénégal)
Mémoire de fin d’études – Technologie et société Document du programme no. 1
Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social

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