Stratégies des laboratoires face à la concurrence des génériques

Stratégies des laboratoires face à la concurrence des génériques

3.1 Les stratégies des laboratoires face à la concurrence des génériques

Plusieurs stratégies sont adoptées par les laboratoires pharmaceutiques pour faire face à la concurrence grandissante des produits génériques. Nous en présentons ici quelques-unes (se référer à Combe & Haug, 200625 pour un exposé plus détaillé de ces stratégies).

Une stratégie consiste à adopter une approche très agressive en matière de défense du brevet. Un cas bien connu est celui du laboratoire AstraZeneca avec l’Omeprazole (commercialisé sous les noms de Losec et Prilosec) dont le brevet a expiré en 1999, mais qui a obtenu des extensions dans certains pays.

AstraZeneca a entrepris une cinquantaine d’actions en justice contre des fabricants de versions génériques. Dans la plupart des cas, ces actions en justice sont longues et durant la procédure, le laboratoire à l’origine du princeps préserve son exclusivité.

Ces actions permettent aussi de construire une réputation qui peut dissuader l’entrée trop rapide des génériques. Cette réputation n’est néanmoins valable que lorsqu’elle est combinée avec d’autres stratégies qui visent plus directement à prolonger l’exclusivité.

En premier lieu, le producteur d’un princeps peut demander un certificat d’extension. Cela a été rendu possible aux USA dès 1984 avec le Hatch-Waxman Act qui permet aux laboratoires, en contre partie des facilités offertes aux producteurs de génériques, d’obtenir une protection complémentaire allant jusqu’à cinq années tant que l’exclusivité commerciale n’excède pas 14 ans.

Pour Hall (2005) “The HatchWaxman Act made patents even more important than they had been for pharmaceutical companies seeking to block generics from entering the market, by extending the lifetime of their drug patents to compensate for delays in regulatory approval.” (p. 4).

Cette possibilité d’extension répondait à un besoin des laboratoires qui, avec des phases de tests de plus en plus longues, faisaient valoir le fait que certaines innovations n’était pas rentables avec un brevet limité à 20 ans (le développement pouvant durer 15 ans).

Combe & Haug (2006) rapportent que dans le cas du Prozac c’est durant la période d’extension du brevet que le laboratoire Eli Lilly a réalisé 80% de son chiffre d’affaires au Royaume Uni.

En second lieu un laboratoire pharmaceutique peut déposer plusieurs brevets pour un même médicament en faisant valoir la complexité du produit (par opposition à un produit discret, un produit complexe, ou systémique, se compose de différents éléments pouvant séparément faire l’objet d’un dépôt de brevets).

Ces brevets additionnels peuvent couvrir des ingrédients complémentaires ou encore le procédé de fabrication. Ils sont souvent déposés séquentiellement de sorte que lorsque le brevet principal expire (celui du principe actif) il existe encore un autre brevet qui reste valide permettant ainsi au laboratoire d’étendre la durée de l’exclusivité commerciale.

Selon l’ampleur de ces dépôts additionnels, la tâche des producteurs de génériques peut devenir risquée puisqu’ils s’exposent à des poursuites judiciaires souvent très coûteuses pour chaque brevet qu’ils sont susceptibles d’enfreindre.

Pour plutôt allonger la durée de protection, le laboratoire pharmaceutique peut aussi recourir au lancement d’une nouvelle génération de produits, une innovation très cumulative donc, afin d’obtenir un autre brevet et donc une nouvelle période d’exclusivité.

Ces secondes générations sont souvent de simples re-formulations du principe actif initial qui seul constitue la véritable innovation.26

26 Se référer à Wertheimer & Santella (2005) pour une présentation détaillée des enjeux liés à ces innovations incrémentales : http://www.who.int/intellectualproperty/submissions/Pharmacoevolution.pdf

Les données de la FDA sur les nouveaux médicaments commercialisés illustrent parfaitement ce cas de figure apparemment très répandu (nous présentons plus loin des statistiques sur le sujet). La reformulation d’un médicament est, en termes de coûts, sans commune mesure avec l’invention d’une nouvelle entité chimique.

On comprend alors tout l’intérêt de cette stratégie, notamment lorsqu’elle est combinée avec une forte activité de marketing pour assurer le succès commercial malgré des bénéfices souvent faibles pour les consommateurs (cf. infra).

Ces re-formulations permettent dans certains cas de limiter la fréquence des prises (comme pour le Prozac “weekly” de Eli Lilly qui permet une prise hebdomadaire au lieu d’une prise journalière et qui a été lancé juste après l’expiration du brevet initial ; le nouveau brevet restant valable jusqu’en 2017) ou de limiter certains effets secondaires.

Il reste néanmoins que les progrès thérapeutiques offerts par ces produits de nouvelle génération sont souvent mineurs (les données indiquent que sur la période 1990-2003 seulement 12,7% des nouvelles formulations de produits existants ont bénéficié de procédures d’évaluation accélérées contre 41% pour les nouvelles entités chimiques).

Parallèlement à cette stratégie de différenciation verticale, les laboratoires ont aussi souvent recours à l’extension de gamme et au changement de statut (de la prescription à l’achat libre) qui permettent une différenciation plus horizontale.

Ellison & Fisher-Ellison (2007) rapportent que les laboratoires pharmaceutiques limitent aussi la concurrence des génériques en différenciant leurs produits de telle sorte que la demande résiduelle ne soit pas suffisante pour motiver l’entrée d’autres producteurs.

Avant l’expiration d’un brevet les laboratoires tendent ainsi à augmenter la gamme (les classes thérapeutiques) au sein de laquelle le produit se décline, ce qui a pour effet de segmenter le marché horizontalement (voir notamment Berndt et al., 2003).

Une des stratégies les plus fréquentes, et des plus visibles, est la re-formulation de produits existants menacés par l’entrée de génériques.

Le brevet devient donc très stratégique pour les laboratoires qui commercialisent des princeps à forts revenus. Ce type de comportements est propre aux caractéristiques structurelles du secteur, intensif en R&D et composé de grandes firmes.

Ainsi, pour Carlton & Gertner (2002) : “The combination of dynamics, uncertainty, and market power leads to one of the most important features of many R&D-intensive industries an important form of competition is in R&D to replace the existing technology winner that has static market power with another based on improved technology.” (p. 7).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Innovation et stratégies d’acquisitions dans l’industrie pharmaceutique
Université 🏫: L’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
Auteur·trice·s 🎓:
M. Gautier DUFLOS

M. Gautier DUFLOS
Année de soutenance 📅: Thèse Pour obtenir le grade de Docteur - Discipline : Sciences Économiques - 4 Juillet 2007
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