Organismes internationaux qui luttent contre la piraterie musicale

§2.Les organismes internationaux qui luttent contre la piraterie musicale (– l’IFPI)
a. Le droit d’auteur dans le spectre international
Dans le concert européen et international, le droit d’auteur occupe une place privilégiée, au même titre que la propriété intellectuelle dans son ensemble. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication requièrent depuis quelques années une entente et une harmonisation encore plus solides du droit d’auteur et des droits voisins, tant en termes de prérogatives que de limites ou d’exceptions. A ce titre, des instances comme l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (O.M.P.I.21!) œuvrent activement depuis des années à l’harmonisation des législations 22.
Outre ces institutions, dont les préoccupations et la logique de travail sont essentiellement juridiques, on dénombre des associations dont l’objet est la protection du droit d’auteur dans une perspective plus culturelle, comme c’est le cas de l’UNESCO 23. Enfin, l’on trouve également au niveau international des associations d’auteurs ou d’industries musicales, dont la finalité est de protéger le travail des créateurs et de l’industrie elle-même, comme tente de le faire notamment la Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs (CISAC 24 ). C’est également au sein de cette dernière catégorie que nous classerions la Fédération internationale de l’industrie phonographique, en abrégé IFPI 25 , déjà mentionnée à plusieurs reprises tout au long de ce travail.
b. L’IFPI – Aperçu général 26
L’International Federation of Phonographic Industry est une fédération qui représente l’industrie musicale au niveau international, qu’il s’agisse d’artistes renommés, de maisons de disque ou de toute autre compagnie productrice d’enregistrements sonores ou de vidéo clips. Nous y avons déjà fait référence dans ce travail, non sans raison : en plus de la négociation de conditions juridiques et économiques intéressantes pour le commerce de la musique, les activités essentielles de l’IFPI sont concentrées sur la lutte contre la piraterie musicale, ce qui suppose la double tâche de collecte d’informations à des fins statistiques d’une part, et la recherche active des réseaux de contrefaçon et de piratage aux fins de démantèlement d’autre part. Au surplus, l’IFPI entretient ce que M. Heymans appelle des “relations extérieures” 27 , dans le but de promouvoir le bon développement de la musique dans la société de l’information, tant sous l’angle économique que culturel et social.
Du point de vue de son agencement, l’IFPI est organisée en trois niveaux. A l’échelon international, le Secrétariat de Londres collabore avec les polices, les instances douanières ou encore les concepteurs des nouvelles technologies. Au niveau régional, le travail de l’IFPI est réparti entre plusieurs antennes situées en Asie, en Europe et en Amérique latine ; pour l’Amérique du Nord, l’IFPI est associée à la Recording Industry Association of America (RIAA), son homologue outre-Atlantique. Enfin, l’IFPI dispose de bureaux dans de nombreux États du monde afin de contrôler la piraterie au niveau national et d’interagir sur le terrain, depuis la pratique, avec ses correspondants dans les autres pays.
c. Rôle de l’IFPI – Idéalisme anarchisant contre réalisme commerçant ?
Conséquences sur le respect de la loi
En dehors de ses activités pour une meilleure législation juridique et commerciale relative au droit d’auteur, l’IFPI combat la piraterie selon essentiellement deux axes : la répression sur le terrain (réel ou virtuel), au travers d’actions conjointes avec les forces de police ou les douanes, et l’éducation des services de répression à la réalité de la piraterie, par des séances d’informations sur la configuration actuelle du problème. La finalité des actions n’est pas tant d’éradiquer totalement le phénomène mais plutôt de réduire la piraterie et de la maintenir sous un seuil tolérable tant pour l’industrie musicale que pour les artistes.
Ceci amène la Fédération à lutter activement contre le piratage et la contrefaçon, peu importe(nt) le(s) pays concerné(s), l’ampleur du marché de la contrefaçon ou la connexion avec la mafia ou le crime organisé ; les actions ne sont par ailleurs pas stéréotypées (d’une part, pourraient-elles l’être compte tenu de la diversité de l’activité délictueuse en la matière ? et, d’autre part, est-il souhaitable que les actions se “routinisent”, ce qui pourrait à terme se révéler favorable aux contrefacteurs avertis de la procédure, et dès lors aptes à y trouver des parades ?). L’IFPI s’adapte plutôt aux situations auxquelles elle et les organes de répression sont confrontés. C’est en ce sens que nous employons l’expression “idéalisme anarchisant” : l’objectif est de réduire la piraterie, ce qui est idéal – mais pas illusoire -, et la mise en œuvre de cette volonté s’opère de façon flexible, variable, avec les moyens disponibles et en fonction des situations connues sur le terrain.
D’un autre côté, si l’IFPI combat la piraterie musicale, ce n’est certes pas par gratuité altruiste ou condescendance humaniste envers les auteurs impuissants face au phénomène de la piraterie. Des enjeux économiques colossaux sont mis en péril par les activités illicites, et il était attendu que les premiers à en souffrir soient également les premiers à monter au front. Nous utilisons donc l’autre terme de l’expression donnée en intitulé, à savoir le “réalisme commerçant”, à la fois pour signaler que nous ne sommes pas dupes face aux intentions de l’IFPI et pour souligner l’intérêt vénal que la Fédération a à lutter contre les copies illicites.
Évaluer l’efficacité des actions de la Fédération est une opération délicate. Bien plus, estimer la justesse des chiffres fournis par l’IFPI et leur adéquation à la réalité, tant en termes de reflet de la piraterie musicale au niveau mondial que de l’expression de sa répression s’avère extrêmement périlleux puisque, comme J. De Maillard le rappelle, “les évaluations chiffrées du phénomène criminel, et surtout celles de sa croissance contemporaine, valent ce qu’elles valent. Elles sont très approximatives, voire très incertaines puisque le crime organisé ne dresse pas la comptabilité de ses activités souterraines” 29.
Nous nous bornerons donc à rappeler que, d’une part, selon la Fédération elle-même, les actions ponctuelles semblent entraîner, en Belgique du moins, une chute immédiate du taux de piraterie 30 , et que d’autre part, si la lutte contre la piraterie peut difficilement se prêter à une évaluation, elle a au minimum le mérite d’exister : même si l’on est en droit de s’interroger sur la visibilité des actions de l’IFPI, nous estimons pour notre part qu’elles peuvent contribuer utilement à faire savoir que les prérogatives reconnues à l’auteur et consacrées par la loi ne sont pas de pure forme ; les sanctions prévues sont employées pour faire cesser certaines activités illicites, tant dans la vie réelle que sur l’Internet. Les campagnes de l’IFPI semblent donc utiles pour le salut des auteurs et de l’industrie musicale, puisqu’elles peuvent servir à renforcer le contrôle social sur les utilisateurs-consommateurs, qui sont en quelque sorte prévenus des risques qu’ils encourraient s’ils décidaient de pratiquer des activités illicites.

L’expression “Idéalisme anarchisant contre réalisme commerçant” est empruntée à F. De Closets (voy. DE CLOSETS F., LUSSATO B., L’imposture informatique – Vive l’ordinateur simple et bon marché !, Fayard, 2000, p.97).

DE MAILLARD J., Le marché fait sa loi – De l’usage du crime par la mondialisation, Turin, Mille et Une Nuits, 2001, p.22.
De l’estimation par l’IFPI elle-même de ses propres actions découle probablement un manque de recul dans l’appréciation de l’efficacité des mesures. Ce corollaire n’empêche toutefois pas de constater certains faits, et c’est en ce sens que semble s’être exprimé M. Heymans sur ce point (voy. Annexe 3 –!Entretien avec M. Heymans, pp.vi-vii, et également xviii).
Malheureusement, nous partageons le constat lucide de M. Heymans 31 : dans quelle mesure les actions menées par l’IFPI ne font-elles pas que conforter les personnes respectueuses de la loi dans leur position, sans dissuader pour autant les pirates et contrefacteurs de l’échelle micro- ou macro-sociale 32 ? Il ne fait guère de doute que ceux-ci, lorsqu’ils font l’objet de perquisitions, voire de saisies, sont avertis de ce que leurs activités peuvent être poursuivies, mais peut-on croire, compte tenu une fois encore des chiffres évoqués tout au long du présent travail, que ces actions empêchent réellement la piraterie musicale ? Rien n’est moins sûr.
Quoi qu’il en soit de cette question, rappelons que nous croyons que l’objectif premier des interventions de l’IFPI est de maintenir le taux de piraterie sous un seuil acceptable plutôt que de véritablement chercher à neutraliser la menace. A ce titre, l’IFPI paraît remplir sa mission en Belgique puisque, nous l’avons énoncé précédemment, le taux de piraterie semble y varier entre 5 et 10!% ; espérer un taux plus faible est délicat, mais il s’agit de poursuivre la régulation pour l’entretenir à ce niveau. Par ailleurs, d’autres États sont loin de présenter des taux aussi faibles : en Bulgarie, Grèce, Roumanie ou Russie, pour ne citer que des États de la zone européenne, le taux de piraterie excède 50!% du marché musical national 33. L’organisation et la poursuite des actions sont donc impératives, que ce soit pour maintenir le taux de piraterie lorsqu’il est tolérable ou pour le faire chuter quand il est inacceptable pour les artistes et l’industrie musicale.
Lire le mémoire complet ==> (Piratage et contrefaçon : Approche socio-criminologique des violations au droit d’auteur et aux droits voisins en matière musicale)
Travail de fin d’études en vue de l’obtention du diplôme de licencié en criminologie
Université de Liège – Faculté de Droit – École de Criminologie Jean Constant

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