Le traitement de l’inexécution du contrat en général

2. Le traitement de l’inexécution en général
Nous l’avons remarqué à plusieurs reprises, le droit français de l’inexécution n’est pas souvent conforme à l’analyse économique du contrat. Mais pouvait-il en être autrement ?
Même si des raisons idéologiques ont guidé les choix législatifs et jurisprudentiels, il ne faudrait pas beaucoup de modifications pour rendre notre droit plus attrayant :
– Comme le préconise D. Tallon80, il faudrait que le Code Civil soit réorganisé pour offrir une vision globale des remèdes contractuels. La richesse de notre droit sur le plan des remèdes marque une nette supériorité conceptuelle sur le droit anglais, et si cette présentation « éclatée »81 n’a pas porté atteinte au développement individuel de ces remèdes (comme le précise G. Viney82), une présentation globale n’aurait pas non plus d’influence néfaste. La variété des remèdes dont dispose le créancier déçu en droit français (exécution forcée, résolution, réfaction, dommages-intérêts à titre principal ou accessoire et des remèdes provisoires comme la mise en demeure, l’exception d’inexécution et la renégociation) nous permettrait d’envisager deux phases successives de remèdes, à la différence de la Common Law qui n’en possède qu’une. C’est ainsi que P. Grosser a pu organiser son essai de classification des remèdes à l’inexécution83.
– Le droit français devrait aussi clarifier son vocabulaire. Nous en avons déjà parlé : lorsqu’il parle de faute ordinaire (et qu’il veut en fait parler d’inexécution), il lui faut utiliser le terme d’inexécution. Comme l’a remarqué D. Tallon84, le terme de faute lourde doit être conservé, mais à notre avis, il doit être défini comme suit : « La faute lourde étant constituée toutes les fois que le débiteur n’a pas exécuté ses obligations, soit à cause d’une négligence coupable, soit dans le but de nuire aux intérêts de son cocontractant. » La faute lourde servirait à priver d’efficacité les clauses exclusives ou limitatives de responsabilité si elle y est prouvée, et à l’exception des cas d’inexécution volontaire. Il faut absolument retirer le critère de volonté de la définition, malgré ce que préconise D. Tallon85. Le débat sur la nature des dommages-intérêts (mode d’exécution par équivalent ou mode de réparation) nous apparaît alors secondaire. L’idée de réparation est bien ancrée dans la mentalité juridique française, et il faudrait franchir des étapes autrement plus importantes avant de se poser cette question.

80 D. Tallon, « L’inexécution du contrat : pour une autre présentation », op. cit., p. 224 et s.
81 D. Tallon, op. cit., p. 227.
82 G. Viney, « La responsabililté contractuelle en question », in Mélanges Ghestin, L.G.D.J., 2001, p. 921 et s.
83 P. Grosser, « Les remèdes à l’inexécution du contrat : essai de classification », thèse Paris 1, 2000, sous la direction de J. Ghestin.

– Il ne faut pas non plus craindre de séparer la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. Le non-cumul des responsabilités serait conservé. Si le débiteur a causé un préjudice digne de la juridiction répressive, c’est qu’en toute logique, il a commis une faute lourde ; car personne ne peut être amené, en exécutant fidèlement un contrat ayant une cause licite, à causer un préjudice physique à quelqu’un. Cette faute lourde ne se confond pas dans ce cas avec l’inexécution simple, il y aura une présomption de faute lourde, qu’il faudra renverser grâce à la force majeure (la preuve de la bonne exécution ne pourra pas être apportée, car, s’agissant d’un contrat ayant une cause licite, sa bonne exécution ne pouvait porter atteinte à la personne du contractant). Les objections quant à l’articulation de la responsabilité contractuelle et délictuelle ne nous paraissent pas dirimantes.
Nous allons d’ailleurs constater que le mouvement est en marche depuis les années 1980 : la conception anglo-saxonne de l’inexécution imputable au débiteur a séduit et séduit encore les commissions et les législateurs. Il ne faudrait pas que notre droit soit obligé de parer au plus pressé lorsque l’harmonisation européenne du droit des contrats débutera vraiment.
Lire le mémoire complet ==> (Le traitement de l’inexécution (la breach of contract))
Mémoire D.E.A. de Droit Des Contrats, Option Droit Des Affaires
Université De Lille II – Centre RENE DEMOGUE – Droit Des Contrats
Ecole doctorale des sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion
 

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