L’accès aux soins de santé, la relation entre pauvreté et santé

3. De la Santé

L’état de santé est le niveau d’autonomie avec lequel l’individu adapte son état interne aux conditions de l’environnement tout en s’engagent dans le changement de ces conditions pour rendre son adaptation plus agréable ou plus effective. La santé apparaît comme la capacité que possède tout homme de s’affirmer face au milieu ou de prendre la responsabilité de sa transformation.

L’homme sain, c’est celui qui est capable de riposter à un monde complexe et mouvant, qui peut inventer à chaque instant, de nouvelles normes de conduite, qui s’ajuste moins au monde qu’il n’est capable de le modifier.

Sur base de ce qui précède, Castillo (1987) défini la santé comme une façon de vivre en équilibre avec le milieu qui nous entoure. Cet équilibre nous est possible soit par l’adaptation de notre organisme aux stimuli provenant du milieu soit par une action modifiant le milieu.

Dans la même logique, Robert (2000) présente la santé comme un bon état physiologique d’un être vivant, fonctionnement régulier et harmonieux de l’organisme pendant une période appréciable (indépendamment des anomalies ou des traumatises qui n’affectent pas les fonctions vitales: un aveugle, un manchot peuvent avoir la santé).

Ce fonctionnement de l’organisme est plus ou moins harmonieux sur une période assez longue.

Berthet (1983) quant à lui, défini la santé comme l’existence d’une force potentielle de réserve permettant à l’organisme de résister aux assauts qui, tant au point de vue physique que psychique, émaillent le cours de l’existence. Cette force potentielle de réserve est en partie due à notre héritage génétique, en partie acquise par l’application des règles les plus élémentaires de la vie saine qui permet que tous les sujets infectés par un virus ou un microbe ne meurent pas, que tous ceux qui ont à faire face à de graves troubles émotifs ne deviennent pas des névrosés.

Liant la santé à l’activité de l’individu, Dubos (1992) fait apparaître la santé comme un état physique et mental relativement exempt de gêne et de souffrance qui permet à l’individu considéré de fonctionner aussi efficacement que possible dans son milieu. Elle est un état qui permet à celui qui en jouit de se conserver pleinement à son ou à ses projet(s) qui met donc toujours en jeu des forces socioculturelles, non inscrites dans le cadre génétique.

C’est l’état d’une personne dont l’organisme fonctionne régulièrement ou encore que cet état de l’organisme, bon ou mauvais, ou enfin l’état sanitaire d’une collectivité. Enfin, pour Dufresne, Dumont et Martin (1985) la santé est l’assise du progrès social. Elle est devenu un bien social, collectif, mesurable par la régulation du fonctionnement de l’organisme et, ici, on entendra ce mot dans le sens d’organisme biologique et social.

4. De l’accès aux soins de santé

L’accès aux soins passe par la délivrance des traitements dans le cadre d’unités de soins de base nombreuses, flexibles et mobiles. La tuberculose est une maladie liée à la pauvreté qui touche surtout les jeunes adultes, à l’âge où ils sont le plus productifs et le risque est bien plus grand pour les personnes vivant avec le VIH. Cela implique des besoins de financement énormes.

Si le développement d’une politique de santé sous l’angle des capabilités a pour cible finale la promotion de l’autonomie des personnes, les objectifs intermédiaires en termes de fonctionnements susceptibles d’être atteints par les personnes infectées par le bacille de Koch apparaissent cruciaux. Ceux-ci doivent être déterminés en fonction du contexte socio-économique des pays.

Ainsi, l’approche de la santé par les capabilités ne définit pas une grille figée de prescriptions mais demeure ouverte en fonction de la maladie dont souffrent les individus et des conséquences en termes d’autonomie. Elle est également dépendante du contexte socio-économique et environnemental du pays dans lequel les individus vivent et des efforts que sont prêts à réaliser les pays développés ; ce qui en traduit également les limites.

Toutefois, la force éthique du concept de capabilités devrait nous engager collectivement à faire en sorte que l’autonomie de la personne ne soit pas réductible à l’ensemble des contraintes qu’elle rencontre.

La promotion des capabilités des individus, du point de vue de la santé, implique une solidarité entre les nations pour que le développement soit accessible à tous (LE CLAINCHE C., AMARTYA S., 2006).

La réussite d’une politique de santé doit donc promouvoir des capabilités des pauvres, en libérant leur atout principal qui est leur force de travail et en accroissant leur capital humain.

5. De la relation entre Pauvreté et santé

5.1. Revenu des ménages et accès aux soins de santé

De multiples facteurs freinent l’amélioration rapide de la santé de la population. Cependant, ce sont des facteurs liés au revenu qui conduisent au faible niveau général de la santé (INSD, 1997). L’accès des pauvres (selon leurs propres perception) aux services sociaux de base est limité par les difficultés suivantes, classées par ordre décroissant (Bere et al. 1998) : coût élevé, éloignement, mauvaise qualité et inadéquation des prestation, entraves sociales et absence d’aide.

Ils évoquent souvent l’élévation des coûts comme raison principale de la non consultation en cas de maladie. Le prix des remèdes étant onéreux, les pauvres malades estiment inutile d’aller voir à temps l’infirmier ou le docteur car leurs moyens financiers ne leur permettent pas souvent d’honorer les frais d’ordonnance.

Par ailleurs, suite à l’Initiative de Bamako, de nombreux pays africains ont introduit la participation de la population au financement des soins de santé, en complément des ressources publiques. Cette contribution de la population est destinée au financement des médicaments, de primes de motivation au personnel ou de frais de fonctionnement.

Combiné à une démarche active d’amélioration de la qualité des soins, ce système a rencontré un certain succès en terme d’augmentation de la fréquentation des structures et de leur cofinancement (Audibert and Mathonnat 2000).

Dans d’autres cas, le résultat final a été beaucoup moins positif. D’un côté, le surcoût pour le patient peut entraîner une baisse de l’utilisation des services (Gilson 1997). D’un autre, les ressources dégagées se sont parfois révélées insuffisantes pour relever le salaire des prestataires à un niveau décent.

Les pratiques de survie persistent alors, telles que les paiements de dessous-de-table ou l’absentéisme (Ensor 2004). Il en résulte une incertitude au niveau du coût d’une hospitalisation pour le patient, aggravée par les frais de participation tels le transport ou la nourriture.

Le cumul de ces frais constitue une barrière financière à l’accès aux soins (Thompson et Witter 2000), qui influe négativement sur l’itinéraire thérapeutique du patient. Les pauvres sont les premiers touchés, en particulier quand leurs problèmes de santé requièrent des soins hospitaliers.

Dans un souci d’équité, la plupart des gouvernements ont décrété la gratuité des soins pour les plus pauvres. En l’absence de mécanisme de compensation pour le prestataire, les résultats de cette politique d’exemption ont été décevants.

Souffrant déjà d’un sous-financement, les structures de santé ne peuvent se permettre d’octroyer trop d’exemptions. Les pauvres, anticipant leur exclusion, retardent leur recours à la structure de santé publique (Russell 1996) ou optent pour des alternatives plus accessibles mais de moindre qualité.

Il en résulte une dégradation de leur statut sanitaire et socio-économique (Ranson 2002) : sanitaire en raison d’un traitement tardif ou de mauvaise qualité, et socio-économique en raison d’une spirale d’endettement et de dépenses irrationnelles dans laquelle le ménage est rapidement absorbé. Le cercle vicieux se referme : la pauvreté devient une cause de mauvaise santé, qui elle-même intensifie l’appauvrissement (Meessen et al. 2003).

5.2. Interaction entre progrès de la santé et croissance économique

Les relations entre la croissance et les progrès en matière de santé font l’objet d’une controverse à la fois théorique et empirique entre les économistes. On observe assez naturellement qu’il y a une corrélation entre les niveaux de vie, tels que mesurés par le PIB en parité de pouvoir d’achat et les niveaux de santé.

Pour une part, les travaux portant sur la macroéconomie et la croissance visant à montrer l’intérêt des investissements dans la santé pour le développement économique, avaient souvent pour point de départ cette relation entre les performances économiques et l’amélioration de la santé. On estime que la causalité entre ces deux variables est probablement bidirectionnelle.

Il existe plusieurs analyses qui expliquent pourquoi la santé peut influencer les performances économiques, et pourquoi en retour le progrès économique entraîne celui de la santé.

Concernant le premier point, on sait tout d’abord que, au niveau microéconomique, l’état de santé des individus influence leurs capacités productives. Strauss et Thomas (1998) ont rassemblé un ensemble convergeant d’observations montrant le lien entre santé et productivité et, ce qui est intimement lié, le lien entre nutrition et productivité.

Dans différents pays on observe un lien positif entre, d’une part, la stature et l’indice de masse corporelle des individus et, d’autre part, leurs salaires. Un lien existe aussi entre ces indicateurs et la participation des individus au marché du travail. De même, un lien négatif a été trouvé, notamment en Afrique, entre la prévalence de certaines maladies comme la bilharziose ou l’anémie et la productivité des agriculteurs.

L’état de santé peut exercer une influence sur les performances économiques également par des canaux plus indirects. D’après Bloom et Canning (2000), une meilleure santé et une espérance de vie plus longue sont autant d’incitations à investir dans l’éducation, dont les rendements sont alors mécaniquement plus élevés. DEL ROSSO et MAREK (1996), s’appuyant sur l’expérience d’un grand nombre de projets menés par la Banque Mondiale, en Afrique et ailleurs, montrent que les conditions de nutrition et de santé des enfants améliorent les taux de scolarisation et les résultats scolaires et réduisent l’absentéisme des enfants à l’école.

Un autre exemple de ce lien entre santé et éducation est fourni par MIGUEL et KREMER (2004), qui ont montré à partir d’une évaluation randomisée menée au Kenya que l’administration de vermifuges aux enfants pouvait constituer une action efficace pour l’amélioration et le rendement du système scolaire.

D’autres canaux ont été étudiés. BLOOM et CANNING (2000) indiquent qu’une plus grande longévité conduit à un accroissement de l’épargne, nécessaire pour couvrir les besoins des individus au-delà de l’âge de la retraite.

Il y aurait également un « dividende démographique » associé à l’amélioration des conditions de santé, la réduction de la mortalité infantile jouant le rôle de facteur déclenchant de la transition démographique à travers son effet de réduction de la fécondité. BLOOM, CANNING et MALANEY (2000) ont parfaitement illustré ce point sur le cas de l’Asie.

Il peut y avoir enfin une complémentarité entre capital humain et capital physique : les entreprises investiront d’autant moins que leur personnel peut être affecté par des problèmes de santé. SALA-i-MARTIN (2005) donne l’exemple du Botswana, où les firmes multinationales auraient réduit leurs investissements depuis la propagation de l’épidémie du VIH/SIDA.

A l’inverse, le progrès économique peut lui-même être à l’origine d’améliorations des conditions de santé. De manière évidente, des individus pauvres ne peuvent pas faire face aux dépenses en médicaments et en soins de santé qui seraient nécessaires pour faire face à des maladies. L’effet du revenu sur la santé passe aussi par le statut nutritionnel. La relation revenu-nutrition-santé est connue en économie du développement depuis les travaux de LEIBENSTEIN (1954).

Par ailleurs, le développement des services de fourniture d’eau potable et d’assainissement exerce un effet positif sur les conditions de santé de la population, comme montré par ISELY (1985) sur le cas de l’Afrique.

La fourniture de tels services doit faire l’objet de programmes de développement des services publics, mais ces politiques sont entravées par la faiblesse des revenus et des ressources économiques. Les fluctuations économiques peuvent avoir aussi des conséquences négatives à long terme sur la santé, comme l’a montré BHALOTRA (2007), en s’appuyant sur des données indiennes.

Ainsi, le progrès en matière de santé et la croissance économique sont liés et peuvent faire l’objet de développement des nombreuses politiques visant à améliorer la situation socioéconomique des populations. Les décideurs politiques en RDC peuvent investiguer d’avantage cette piste dans une optique d’enclencher un processus de développement économique dans le pays.

5.3. Pauvreté comme privation de capabilités

Dans le cadre de l’approche par les capabilités, la pauvreté est décrite par les populations locales en termes de privations matérielles mais aussi sanitaires.

Sur le plan conceptuel, un consensus s’est dégagé, depuis quelques années, à ce que la pauvreté est un phénomène multidimensionnel (PNUD, 2000). Selon le PNUD, certains indicateurs sociaux apportent une information qui n’est pas reflétée par l’approche monétaire d’évaluation de la pauvreté.

Cette approche monétaire, du reste unidimensionnelle, paraît incapable de capturer les différents aspects de la vie humaine (Ravallion, 1994). En tant que phénomène multidimensionnel, la pauvreté se manifeste principalement sous trois formes (ASSELIN et DAUPHIN, 2000)5:

a) La pauvreté monétaire : celle-ci représente le niveau de pauvreté par rapport au revenu ou aux dépenses de consommation des ménages. Elle part du principe qu’un individu est pauvre lorsque son revenu ne lui permet pas de subvenir à ses besoins vitaux.

Selon AMARTYA S., l’approche monétaire est limitée pour deux raisons essentielles : primo, elle ne se concentre que sur les moyens dont disposent les individus pour éviter toute forme d’indigence et, secundo, elle ignore la diversité humaine. Pour Sen, l’approche monétaire ne fait que la moitié du chemin, car elle définit la pauvreté comme un faible revenu et non « comme une incapacité à édifier son bien-être » (ARMATYA S., 1992).

b) La pauvreté des conditions de vie : cette forme évalue le niveau de pauvreté ayant trait à l’accès aux services sociaux de base tels que la nourriture, l’éducation, la santé, l’eau potable, le logement, l’assainissement et l’accès aux services de transport publics. Ces biens sont qualifiés de biens de base, car leur satisfaction est considérée comme un préalable à la qualité de la vie humaine.

5 ASSELIN et DAUPHIN (2000), cité par Banque Africaine de Développement, in Analyse de la pauvreté en RDC, working paper séries n°112, aout 2010, Tunis, BAD, 2010, p.9.

c) La pauvreté des potentialités : Cette école ne fait référence ni à l’utilité ni à la satisfaction des besoins de base, mais aux capacités humaines. Elle est la plus récente des approches de la pauvreté, dont le principal leader est AMARTYA.

Pour lui, le bien-être individuel doit être évalué à partir de l’ensemble des choses et des états qu’un individu est capable de réaliser et d’atteindre à partir des ressources dont il dispose. C’est ce que Sen appelle les « fonctionnements », qu’il définit comme « les différentes choses qu’une personne peut aspirer à être ou à faire », comme se nourrir, avoir un bon niveau d’éducation ou participer à la vie de la communauté.

Les différentes combinaisons de fonctionnements qu’il est possible de mettre en œuvre constituent la capabilité. Pour Sen, est donc pauvre un individu qui ne possède pas la liberté d’accomplir l’ensemble des fonctionnements qu’il valorise6.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Pauvreté des ménages: Accès aux soins de santé en RDC
Université 🏫: Université De Kinshasa
Auteur·trice·s 🎓:
KANA KIWE Junior

KANA KIWE Junior
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’Etudes - 2011
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