La production du droit, une production de vérité

II/ La production institutionnelle du droit, une production de vérité

« (…) le Droit n’est ni les règles ni les institutions mais ce qu’on en fait. Ce n’est pas l’Etat qui produit le Droit, il ne crée que des instruments. Ceux qui, utilisant ces instruments, produisent le Droit, ce sont les acteurs mêmes du droit (…) » (ALLIOT, 2000 : 57).

Dans notre cas, devant la Commission des recours des réfugiés, les acteurs sont, au premier coup

d’œil, en situation de confrontation, l’avocat et le requérant d’un côté, les membres de la formation de jugement de l’autre.

Cette opposition est toutefois fort relative car elle met face- à-face des représentations identiques du monde et du droit, lequel n’est autre qu’un concept (éminemment relatif, comme tout concept) permettant d’appréhender ce monde, ce réel qui nous entoure.

Dans un premier point, nous nous pencherons donc sur cette production du droit par les acteurs en situation de communication ou dynamique. (A)

Dans un second point, et pour clôturer ce présent travail, nous examinerons les rapports entre la vérité et le Droit. En effet, la question de la vérité peut se lire en filigrane tout au long de notre recherche.

C’est probablement parce qu’elle est indissociable de notre façon d’aborder la « question » des réfugiés. (B)

A : Le droit en situation dynamique

Comme l’a dit ALLIOT : « Le Droit, s’il est objet de science et non pas un dogme, doit être saisi (…) à sa naissance et non à sa consécration. » (1983 : 213).

Il faut donc remonter aux sources du mouvement qui aboutit à ce que nous appelons le droit, avec une minuscule, qui ne constitue qu’un aspect du phénomène juridique et qui est finalement sa consécration par une autorité.

Nous verrons, au long de ce parcours, l’importance de la parole et du « dire », parce qu’il nous semble que le Droit se situe où on le dit.

La première énonciation est dans le récit. Matériau de base, il va être suscité par l’avocat et dit une première fois.

Un travail de normativisation (Cf. supra) va alors avoir lieu qui va faire que ce message du réfugié va produire une norme au sens le plus « occidental » du terme, c’est à dire avec une portée « générale et impersonnelle ».

En effet, un peu à la manière de la Common Law, chaque cas servira de ligne de conduite pour d’autres cas similaires, ou que l’on tentera de rapprocher.

C’est d’ailleurs la philosophie des audiences plénières en « sections réunies » que avons évoquées plus haut.

Mais cette normativisation, nous ne l’avons considérée jusqu’à présent qu’à un stade de la transformation du récit, lorsqu’il s’est agi de le présenter aux membres de la Commission des recours des réfugiés.

Or, comme nous l’avons expliqué, l’avocat, pour convaincre, doit d’abord être convaincu ou se convaincre lui-même. Et quand un demandeur d’asile raconte son histoire à un avocat, essaye de faire passer un message, il ne fait autre chose que rationaliser ses prétentions par rapport à ce que lui demande son conseil, lequel vit, est soumis à un univers normatif.

C’est donc que l’avocat se trouve à ce moment en position de « juge ». On pourrait donc dire qu’il pré-juge.

Il ne peut, par ailleurs, faire l’économie de ce pré-jugement sans perdre tout crédit auprès du juge institué, c’est à dire les membres de la formation de jugement de la Commission des recours des réfugiés.

C’est à ce moment que l’on passe à une étape ultérieure dans la diction du droit dans un cadre dynamique fonction d’idiosyncrasies particulières.

Mais, s’il appartient au juge de dire le droit (ROULAND : 462), comment expliquer alors que l’avocat soit juge avant le juge et que son « pré-jugement » soit pris en compte par ce dernier de sorte qu’il ne fasse plus qu’entériner une décision déjà prise, une « croyance de vérité » ?

Nous pensons que la raison de cet état de fait tient à ce qu’il existe une intercompréhension entre l’avocat et les membres de la formation de jugement due à leur socle « mythique »75 commun.

Cela laisse entendre que ne s’instaurerait pas un véritable dialogue, au sens où on pourrait observer une confrontation de logiques au départ d’une herméneutique diatopique, mais, bien plus, un monologue tenu sous l’égide de la norme, en l’occurrence, la Convention de 1951 relative au statut de réfugié.

Vu que tout ne peut pas être dit, et notamment ce que l’on vient de dire, qui constitue un peu comme un impensable de la profession d’avocat, le juge reste la seule autorité instituée pour dire le droit, il le consacre, ou met les formes selon la formule de BOURDIEU (1986a. 1986b) après que l’avocat ait mis en forme juridique76 le discours même du requérant (Ibid).

La part prise par l’avocat dans la production du droit est donc loin d’être négligeable.

FIGOT ne s’y est pas trompé, qui nous faisait remarquer que, « (…) à bien le prendre, l’avocat a plus de part et de pouvoir dans l’administration de la Justice que le juge même.

Car l’avocat est le canal par lequel toutes les raisons (…) passent au juge.

De sorte que selon l’application que l’avocat donne à la matière du procès, selon le degré de sa science et de sa pénétration, le juge est plus ou moins capable (…) de rendre justice : n’étant pas si ordinaire (…) que le juge supplée les raisons omises par l’avocat. » (cité par BOYER CHAMMARD : 13)

75 … au sens de PANIKKAR… (EBERHARD, 2001 : 183)

76 Si l’on se analyse d’ailleurs l’étymologie du terme juridique, on voit qu’il est construit à partir d’une conjonction de deux termes latins signifiant l’un droit (ius, iuris) et l’autre dire (dicere) (ROBERT, 1993 : 1937).
Le rapport existant entre l’un et l’autre ne peut plus nous échapper. Et la mise en forme juridique est celle qui est faite en vue de dire le droit.

On pourra donc dire des avocats que, sinon qu’ils se trouvent à la base d’un système de production du Droit, du moins ils participent activement à cette production par le « dire » et qu’au fondement de ce « dire » se trouve une idée, une croyance de vérité, le juridique se veut véridique77.

B : Droit et vérité : une problématique de l’anthropologie juridique

Nous avons tenté, dans notre travail, de montrer combien l’idée de vérité était centrale en droit des réfugiés, que tout tend vers la recherche d’une vérité absolue par rapport à laquelle très peu de recul est pris de la part des acteurs, ceux-ci se coulant dans l’univers de la norme qui impose une vision dichotomique du réel, d’un côté les vrais réfugiés, de l’autre, les faux.

Nous avons aussi insisté sur l’importance du « dire » de cette vérité, la véridiction dans un cadre juridique qui est le nôtre, le cadre de cette juridiction78 qu’est la Commission des recours des réfugiés.

Les quelques réflexions qui vont suivre, plutôt que de faire le point et clôturer ainsi la discussion, se veulent une ouverture, une proposition de pistes pour d’éventuelles recherches futures approfondissant le rapport entre le droit et la vérité abordé sous un angle anthropologique.

Pour montrer, finalement, comment l’institutionnel induit et produit de la vérité et non la vérité, nous nous appuierons sur les travaux de LECLERC qui, privilégiant le point de vue du sociologue, étudie les rapports existant entre la vérité, le pouvoir et l’autorité.

Il postule comme donnée anthropologique de départ le fait que tout discours a une « visée de vérité », revendique une certaine véridicité qui est le fait du locuteur et, en effet, quand bien même il avouerait mentir, son discours conserve une prétention de vérité.

Cette revendication a comme caractéristique principale l’universalité. « Quand je parle, je ne prétends pas seulement dire ma vérité, mais la vérité. » (213)

C’est bien le discours que tient l’avocat spécialiste en droit des réfugiés aux membres de la formation de jugement de la Commission des recours des réfugiés, indépendamment même de toute question de crédibilité.

77 On remarquera combien ces termes sont proches par leur construction (Voir la note ci-dessus).

En effet, véridique conjugue, lui aussi, un élément, vrai (verus) avec dire (dicere) et signifie : « qui dit la vérité » et « conforme à la vérité » (ROBERT, 1993 : 4033).

Au sens de « véritablement dit », un autre terme, issu de la même conjonction entre vrai et dire, est celui de verdict qui nous rapproche encore plus du monde du droit, ou à proprement parler, du jugement.

78 Par un mécanisme métonymique, le terme juridiction signifiant, si l’on suit la logique de sa construction, la diction du droit, le fait de le dire en est venu à désigner l’organe ayant le pouvoir de dire le droit ainsi que l’étendue de ce pouvoir. (ROBERT, 1973 ; 1993)

Car ce n’est que par une analyse de ses pratiques et au cours d’entretiens faits sur le ton de la confidence que nous avons pu déceler ce qui se cachait derrière son discours.

En tant que sociologue, LECLERC constate toutefois que « (l)a véridiction (la « volonté de dire le vrai ») est socialement indissociable de la crédibilité. » (Ibid.) et que ce qui fait croire est à rechercher avant tout dans la reconnaissance d’une autorité attribuée par la société, donc dans un produit hautement social, culturel et historique.

Il en découle une pluralité d’autorités et donc de vérités.

LECLERC s’y réfère en tant que « régimes »79 (214-215), VEYNE, quant à lui, après avoir établi que la vérité est plurielle et analogique, préfère la notion de « programme » (33, 116).

« Ces discours que, de l’extérieur, nous considérons non pas comme vrais en soi, mais seulement comme tenus pour vrais par eux, sont pour eux des discours vrais, purement et simplement.

Ce qu’ils prétendent rechercher, ce dont ils revendiquent la possession, ce n’est pas « leur » vérité, mais « la » vérité.

On le voit, le concept qui acquiert ainsi la centralité, ce n’est plus la vérité, mais la croyance. » 80 (LECLERC : 215).

L’idée de croyance nous ramène à ce que nous disions de l’avocat qui, lorsqu’il doit convaincre, lorsqu’il doit faire croire, ne peut s’empêcher de passer par sa propre croyance qui lui fournit des critères de vérité ou de véridicité.

En ce sens, la norme et le droit peuvent être considérés comme un programme ou régime de vérité et fournir des critères spécifiques orientant leur diction. Et la soumission que nous avons évoquée est-elle autre chose qu’une croyance, ce que le terme arabe « musulman » évoque lorsqu’imparfaitement traduit il nous renvoie à « croyant », « fidèle », « soumis » ?

La production du droit, une production de vérité

Mais la reconnaissance attribuée par la société ne s’attache à la seule autorité « logique » du discours. Et c’est encore LECLERC qui nous éclaire lorsqu’il nous dit que « (l)a vérité est produite au cours même de son énonciation par les autorités compétentes et légitimes (et) l’autorité, c’est la position sociale, symbolique, institutionnelle légitimant la prétention de proférer la vérité.

Dire la vérité, ce n’est pas la “découvrir », la voler à la Nature, aux Dieux. C’est la produire.

L’Auteur est le garant de la validité du discours qu’il énonce, de la véracité de la parole qu’il profère. L’Auteur, entendu au sens d’énonciateur autorisé du discours, du détenteur de l’autorité énonciative (…). » (LECLERC : 221)

79 Les régimes de vérité sont « (…) les procédures sociales, symboliques, institutionnalisées, ritualisées, par lesquelles la vérité est établie :
les modes variés à travers lesquels le discours (considéré comme) vrai est produit, diffusé, utilisé dans et par une société. » (LECLERC : 216).

80 Dans le même ordre d’idées, VEYNE parle de « (l)a pluralité de modalités de croyance (qui) est en réalité pluralité de critères de vérité(, laquelle) est fille de l’imagination. » (123).

Il semble que l’on pourrait rapprocher ces conceptions de l’application faite par LE ROY de la pluralité de mondes au sens de Boltanski et Thévenot (1999 : 54-61).

Se pose alors le problème de comprendre comment, dans notre cas, la véridiction de l’avocat peut être juridiction, ou diction du droit, dès lors que l’autorité institutionnelle reconnue par la société, et donc légitime, pour ce faire est le juge.

La réponse à cette question se trouve, nous semble-t-il, dans les stratégies de construction du crédit par les avocats spécialistes en droit des réfugiés face aux membres de la Commission des recours des réfugiés.

En effet, ces stratégies consistent, en définitive, à se construire une position d’autorité énonciative, laquelle a été reconnue par leurs interlocuteurs directs, les « juges », car fonction des idiosyncrasies spécifiques, mais aussi des représentations et des images qui tapissent les univers conceptuels en présence.

En effet, « (c)e qui fait autorité ou plutôt ce qui fait l’autorité tient au fait que ces productions normatives ou institutionnelles sont emboîtées dans un dispositif beaucoup plus complexe fait de mythes de représentations et d’images, dispositif (ou modèle) largement inconscient (…) » (LE ROY, 1999 : 28).

Cette attribution d’autorité, au sens où elle est reconnue par les « juges » aux avocats qui jouent le jeu, c’est à dire ceux qui viennent régulièrement en CRR et ont ainsi eu le temps d’intégrer la dynamique de communication, permet donc de dire le droit en disant le vrai.

Le vieil adage Auctoritas non veritas facit ius pourrait, dorénavant, se lire ainsi : Auctoritas facit veritas.

Veritas facit ius, c’est l’autorité qui fait la vérité, laquelle, à son tour, fait le droit.

Conclusion

Cette partie finale du discours que nous appelons conclusion est habituellement destinée à en compléter le sens, la portée, pour clore de manière définitive la discussion.

Nous nous interrogeons dès lors sur la pertinence de ce terme pour mettre un terme.

Nous avons l’impression d’avoir à peine eu le temps de présenter un terrain d’observation et de recherche foisonnant de questions et d’interrogations.

N’est-ce pas là d’ailleurs le rôle de l’anthropologue face à la société dans laquelle il habite et qui l’habite, susciter le questionnement favorisant une prise de distance, un recul par rapport à ce que « tout le monde » admet comme naturel ?

Dès le départ, alors que cela paraissait évident, nous nous sommes penchés sur une possible définition de qui pouvait bien être cet homme, cette femme que tous nous appelons réfugié ou demandeur d’asile et nous sommes tombés sur une première difficulté, à savoir qu’il n’y a de définition précise que donnée par une norme dont on a montré combien elle est éminemment relative.

La tâche fut compliquée par le fait que le caractère général et impersonnel de cette norme est amplifié par sa portée universalisante.

Il nous a fallu faire fi des apparences pour regarder ce qui se cachait derrière le droit étatique, ou en l’occurrence inter-étatique gardant présent à l’esprit le précepte de Gaston BACHELARD selon lequel il ne peut y avoir de science que de cachée.

Partant des imaginaires qui lui ont donné naissance, nous avons néanmoins réussi à dégager des éléments constitutifs de qui pouvait bien être le réfugié ; nous avons identifié un espace déterminé, un mouvement en dehors de cet espace pour des causes spécifiques, lesquelles dépendent à leur tour d’une certaine idéologie et enfin une idée de la vérité.

Mais à aucun moment nous n’avons pu véritablement découvrir l’Homme « réfugié » ni son identité profonde.

Ce n’est pourtant pas un constat d’échec, c’est un aveu, une confession car nous avons le sentiment que nous ne pourrons l’atteindre, ou de manière moins présomptueuse, l’approcher que par des insertions dans le monde qui l’entoure, monde pas moins humain car constitué d’acteurs qui fonctionnent selon leurs logiques propres.

Par la même occasion, par le jeu des acteurs, nous abordions le mystère du Droit ou de la juridicité qui est avant tout ce que les acteurs en font.

Nous penchant alors de manière plus insistante sur la norme proprement dite, nous avons observé qu’elle contenait en elle-même ses propres limites, avouant à son tour son incapacité à appréhender de manière satisfaisante le réel.

Les rédacteurs de la Convention de 1951 relative au statut de réfugié n’ont-ils pas laissé entendre dans leur discours qu’un réfugié pouvait être autre chose que ce qu’ils disaient ?

Dans ce rapport propre à notre discipline et sans cesse renouvelé entre le local et le global, la France et sa procédure de reconnaissance du statut de réfugié a constitué la brèche par laquelle nous nous sommes infiltrés pour tenter de comprendre les rouages d’un mécanisme juridique mais aussi socio-culturel.

C’était là un passage obligé par le droit positif.

Nous avons dit comment, autour d’un cas particulier, celui de l’invocation de l’excision comme motif de persécution au sens de la Convention de Genève par trois femmes d’origine africaine, nous avons relevé l’identité des intervenants.

Perpétuant la dynamique anthropologique, cette tension vers la généralisation au départ du concret, cette première expérience a été l’occasion d’une identification des logiques guidant les acteurs que nous avons rassemblés sous deux figures emblématiques, le demandeur d’asile ou du statut prévu par la convention internationale d’une part, et d’autre part le destinataire de cette demande, les autorités du pays d’accueil représentant l’Etat.

Les logiques correspondaient à une opération de différenciation, de distinction dans le chef des autorités étatiques sur base d’une vision dichotomique partageant le monde des réfugiés en vrais et faux, ces derniers étant en « réalité » des migrants économiques et à une nécessaire identification à la norme en ce qui concernait le demandeur d’asile, parfois au prix de son identité.

La troisième logique que nous pensions avoir découverte était particulière aux avocats et associations de défense des étrangers, il s’agissait d’une logique de conjonction.

En effet, elle s’accordait au rôle que doivent jouer ces acteurs, un rôle de passeur confrontant des univers conceptuels différents.

En ce qui concerne cette dernière logique qui nous semblait vraisemblable, nous avons dû abandonner cette hypothèse car elle a été infirmée au cours de nos recherches, entretiens et observation en situation.

Elle a donc été reformulée en une logique de soumission de la part des avocats et sa confirmation a fait l’objet de la deuxième partie de notre travail.

Caractéristique en cela des sociétés modernes où bien souvent il existe à côté de la réalité un discours officiel, nous avons constaté qu’il existait une contradiction entre le discours et les pratiques des avocats, et nous avons tenté d’en percer la raison.

Ce qui nous a mis sur la voie est ce que nous avons appelé le mécanisme de « construction du crédit » par les avocats devant les « juges » de la Commission des recours des réfugiés.

Ce mécanisme pouvait se déduire d’une observation des avocats en situation, d’où il ressortait qu’un avocat ne peut plaider n’importe quoi sous peine de perdre tout crédit devant un juge de la

Commission et perdre toutes ses affaires ultérieures.

Il y avait donc une différence de traitement entre les dossiers auxquels l’avocat croyait et les autres, étant entendu qu’il s’agit d’une « croyance de vérité » tout entière ancrée dans des valeurs dont la Convention de Genève est la manifestation normative.

C’est à dire qu’il « pré-jugeait » du cas que son client, le demandeur d’asile, lui soumettait.

Mais cela, vu son positionnement dans un ordonnancement socio-juridique, sa représentation de ce positionnement et la représentation des autres acteurs, ses clients et les juges, il ne peut pas le dire.

Cela fait partie de sa stratégie.

La communication du message, c’est à dire le fait de croire ou pas que son client est un vrai réfugié, est possible grâce à deux choses, un accord initial sur les valeurs orientant les croyances des avocats et des juges et une connaissance mutuelle indispensable à l’élaboration de représentations et de représentations de représentations.

Plus que la connaissance et reconnaissance de règles juridiques, juges et avocats doivent donc avoir en commun connaissance et reconnaissance de comportements idiosyncrasiques.

Cela nous montre qu’on a quitté le dialogue qui aurait dû être dialogal avec le demandeur d’asile, pour s’engager dans un jeu où seulement deux joueurs sur trois ont connaissance des règles derrière les règles, mais où c’est finalement la norme qui reste centrale car définissant les valeurs.

Malgré cette soumission à la norme, les avocats n’en sont pas moins producteurs de droit lorsqu’ils disent leur vérité qui est une croyance.

La défense d’un idéal marqué par la norme a donc pris le pas sur une défense de l’individu, à l’inverse de ce que leur discours laissait entendre.

Cela montre une chose, que l’oralité est, dans nos sociétés, encore très importante et que l’écrit est loin d’être le seul mode d’expression du droit, lequel, nous espérons l’avoir démontré, se situe avant tout dans une dynamique d’acteurs en rapport à des valeurs partagées par eux.

Pour clore sur ce que, nous l’avons dit, nous souhaitons surtout comme une ouverture, donnons cette définition qui s’applique si bien ici à notre point de vue d’anthropologue du droit qui est celui que nous avons essayé d’adopter tout au long de notre recherche : « Plaider, c’est accorder le droit, la réalité et l’homme » (BENSIMON : 12)

Au surplus et concernant ce que nous avons pu dire du traitement actuellement réservé aux demandeurs d’asile en France mais aussi ailleurs en Europe et dans la plupart, pour ne pas dire tous, des « pays industrialisés », « (j)’avoue que je me suis laissé aller à l’amertume.

Mais que penseriez-vous de quelqu’un qui pourrait évoquer de tels faits sans amertume ? » (MULTATULI : 88)

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Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Pour une anthropologie juridique du droit des réfugiés
Université 🏫: Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Ecole Doctorale De Droit Compare DEA - Etudes Africaines
Auteur·trice·s 🎓:
Hugues BISSOT

Hugues BISSOT
Année de soutenance 📅: Mémoire de DEA - Option : Anthropologie Juridique et Politique - 2001-2015
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