Mécanismes du Shadow Banking : titrisation et collatéralisation

Mécanismes du Shadow Banking : titrisation et collatéralisation

2. Les Mécanismes

** La titrisation mécanisme du Shadow Banking

Comme exposé en première partie, la titrisation est un mécanisme permettant de transformer de la dette en la découpant en portefeuille de crédits (pools) puis de titres. Dans le cas d’une émission de titres liquides court terme, le mécanisme de titrisation utilisé s’apparente aux fonctions classiques de la banque de transformation de crédit en maturité et liquidité.

Le mécanisme utilisé dans le modèle classique de la banque (intermédié) réside dans le fait que les banques transforment les risques sur un seul bilan. A l’inverse, le mécanisme utilisé par la titrisation (désintermédiée) permet d’effectuer un transfert de risque de la banque vers un véhicule externe suivant un processus de transformation en plusieurs étapes le long d’une chaîne de bilans et de diverses sources de capitaux . La titrisation désintermédiée fait appel à diverses sources de capitaux et de garanties.

Mécanismes du Shadow Banking : titrisation et collatéralisation

Comme dans un processus de titrisation classique la première étape correspond au découpage des collectes de crédits en tranches plus ou moins risquées, la tranche AAA étant la plus sûre. Cette tranche jugée sécurisée sur une longue durée (AAA) est ensuite vendue à un véhicule (SPV) créé sur le marché monétaire à court terme (Money Market Fund –MMF).

Cette opération permet le changement de maturité du titre, puisque d’une tranche de longue durée on est passé à un titre court terme , appelé « commercial paper » ou plus généralement SMMI (Structured money market instrument).

Enfin, le titre à court terme est rendu sécurisé par l’obligation des banques sponsor du MMF, de fournir au véhicule des garanties de liquidité ou une assurance à la baisse « liquidity puts ».

Ce titre court et liquide (sécurisé) est acheté par les Money Market Funds (MMF), offrant à leurs épargnants des titres de placements courts terme garantissant la disponibilité des dépôts.

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Avant la crise, les tranches AAA sur des actifs titrisés constituaient la seconde meilleure alternative de dépôts assurés.

** Collatéralisation : les cessions temporaires

Un autre mécanisme clé du Shadow Banking s’appuie sur des transactions collatéralisées. Il s’agit de la réutilisation d’un volume de transactions financières aussi grand que possible.

Ces transactions appelées plus communément cessions temporaires d’un bien ou d’un droit impliquent deux opérations de transfert en sens opposé et ce dès l’opération initiale.

Ces deux opérations en sens opposé impliquent un transfert de propriété du bien ou du droit du patrimoine du cédant vers celui du cessionnaire. On appelle « collatéral » (en anglais « collateral ») l’ensemble des actifs, titres ou liquidités, remis en garantie par la contrepartie débitrice à la contrepartie créditrice afin de couvrir le risque de crédit résultant des transactions financières négociées entre deux parties.

L’intermédiation par collatéralisation est importante pour l’économie réelle et la stabilité financière, car elle sous-tend une large gamme de transactions financières. Celles-ci comprennent le financement obtenu (pour la plupart des investisseurs non bancaires), les prêts de titres, et de couverture (delta hedging de dérivées, ou collatéral pour le risque de contrepartie dans des opérations OTC).

Contrairement à la titrisation qui se concentre sur des actifs sûrs, le collatéral lui-même peut être de qualité variable . Dès lors que ce collatéral atteint un prix d’équilibre du marché, même des garanties faiblement évaluées peuvent être échangées.

Il est difficile de quantifier l’avantage comparatif des BFI, toutefois celles-ci peuvent probablement avoir des prix fixés à l’entrée, pratiquer des économies d’échelle et bénéficier des effets vertueux de leur position centrale au sein du réseau. Ces opérations sont perçues comme ayant de très faibles risques de contrepartie.

La meilleure façon de décrire la ré-utilisation de la garantie (collatéral) est de la visualiser dans les chaînes de bilan. Les BFI attribuent les garanties. Elles reçoivent des agents qui nécessitent un financement ou auprès d’autres agents qui souhaitent améliorer leur rendement par location de leurs actifs en garantie.

Ensuite, cette garantie est promise à d’autres agents pour obtenir des fonds ou soutenir d’autres contrats. Il s’agit donc d’un système de réutilisation répétée des garanties où un seul même appareil peut prendre en charge de multiples transactions.

Au sein des cessions temporaires, on distinguera la pension livrée, un prêt de cash garantis par du collatéral titres et le prêt /emprunt de titres, un prêt garanti par du collatéral titre ou cash.

La pension livrée

Comme expliqué en première partie, la pension livrée (REPO) est une garantie donnée pour courir un risque de crédit. Le collatéral peut prendre de multiples formes : obligations, actions et même de créances bancaires.

Les activités de pension livrée sont organisées en deux marchés d’échange : le marché bilatéral et le marché tripartite.

Le marché bilatéral

Sur le marché bilatéral l’échange de cash et de garanties (titres) s’effectue entre les deux parties, on parle de « Delivery versus Payment » – DVP.

Le schéma 1 décrit une opération de pension classique. Lors de l’ouverture de la transaction la partie qui détient des liquidités à investir, l’émetteur de liquidité, achète des titres auprès de la partie souhaitant emprunter des liquidités, l’émetteur de titres.

Le montant du haircut est un pourcentage défini en amont par les deux parties en fonction de différents critères des titres (volatilité, liquidité et la qualité des intervenant dans le collatéral).

Schéma 1 : Opération de pension classique

Opération de pension classique

Dans la pratique, les échanges à grand volume sur le marché bilatéral requièrent une expertise opérationnelle de la part de l’émetteur de liquidité. En effet, celui-ci doit s’assurer de la viabilité du collatéral, de suivre les titres reçus en garantie et s’assurer que le « haircut » ait été pris en compte.

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Les hedge funds et les autres investisseurs qui ont besoin d’emprunter de l’argent ou des titres constituent la source la plus commune de collatéral. La figure 6 illustre la façon dont un titre de garantie (par exemple, un bon du Trésor US) peut être utilisé par un hedge fund pour obtenir du financement (« cash ») à partir d’un prime broker, comme Goldman Sachs.

La même garantie peut ensuite être utilisée par Goldman Sachs comme marge pour le Credit Suisse. Credit Suisse peut alors passer l’obligation à un money market funds jusqu’à l’échéance. Notez que dans cet exemple la même obligation du Trésor a été utilisée trois fois en tant que garantie , par le propriétaire d’origine, des hedge funds aux money market funds. Le repo est donc un moyen de prêter du cash sans altérer son profil de liquidité .

En effet, dans le cas d’une vente à découvert , un agent vend un titre qu’il ne possède pas encore. Avec le cash qu’il reçoit de cette vente, il peut aller sur le marché du repo, prêter l’argent à une contrepartie et recevoir en échange le titre qui lui fait défaut.

Afin de faciliter la transaction certains émetteurs de titres peuvent conserver les titres de l’émetteur de cash. Ce cas implique un risque de fraude plus important, l’émetteur de liquidité peut rencontrer des difficultés à récupérer ses titres garantis en cas de défaillance de l’autre partie.

Sur ce marché, les émetteurs de cash financent les actifs de leurs clients et prêtent des liquidités à d’autres. Les titres obtenus par l’émetteur de liquidité peuvent être réhypothéqués dans d’autres opérations de prise de pension . Le marché bilatéral a pour principale caractéristique de se baser sur le détail des titres remis en garantie.

Le marché bilatéral est essentiellement utilisé pour les échanges entre les banques dans le cas de titres récents du trésor très convoités pour leur sûreté « titres spéciaux » . En contre partie les émetteurs de liquidités généralement les hedge funds acceptent des taux d’intérêts plus faibles. Sur le marché bilatéral américain, les transactions de titres spéciaux représentaient un trillion de dollars en mai 20125.

Le marché tripartite

Les opérations de pension tripartites se caractérisent par le fait qu’elles font intervenir une partie tierce , l’agent tripartite qui a la charge de la gestion des garanties. L’agent tripartit peut être une institution fournissant des services de règlement – livraison telles que les grandes centrales de compensation (clearing) comme Clearstream ou Euroclear bank, ou une banque commerciale spécialisée dans les opérations de conservation.

5 Adam Copeland, Darrell Duffie, Antoine Martin, and Susan McLaughlin – Key Mechanics of The U.S. Tri-Party Repo Market – FRBNY Economic Policy Review / Forthcoming , Juin 2011

Dans ce schéma, les deux entités contreparties à la transaction s’engagent sur les différents termes de l’opération, à savoir la maturité de l’opération, le taux d’intérêt sur les liquidités ainsi que la nature du collatéral (et non pas le détail des titres remis en garantie comme dans le cas des opérations bilatérales).

Le contrat de gestion des garanties

Le contrat de gestion des garanties donne délégation à l’agent de procéder à ces mouvements pour le compte des contreparties de l’opération et définit l’ensemble de ses obligations. Au moment de l’initialisation de la transaction, l’agent s’assure de la coïncidence des deux mouvements et sécurise le règlement de l’espèce contre la livraison des titres.

Contrairement au marché bilatéral de pension livrée, le marché tripartite offre un éventail plus large de titres sous-jacents comme garanties . Le marché du repo tri partite est aux Etats Unis la première source de financement des banques et BFI où les volumes approchent 1,8 trillions de dollars. Les opérations tripartites constituent une alternative aux opérations traditionnelles de trésorerie interbancaire permettant des économies d’échelle importante sur l’organisation des back offices.

Le prêt / emprunt de titres

Le prêt de titres émane d’un contrat suivant lequel un prêteur livre des titres à un emprunteur, à la charge pour ce dernier de les lui restituer à l’échéance du contrat. Le prêt de titres permet de couvrir un besoin de titres en contrepartie d’une remise de titres ou de liquidités en garantie.

Le marché du prêt/emprunt de titres est un marché sur lequel les banques de marché et les primes brokers agissent en tant qu’intermédiaires entre les investisseurs institutionnels et les arbitragistes.

Lorsqu’un investisseur prête des titres à une banque celle-ci peut les utiliser soit sur le marché du repo ou pour son coussin de liquidité , tel que réclamé par Bâle III. Il peut s’agir parfois de rehausser la qualité du collatéral (collatéral swap) ; la banque échange avec un investisseur des obligations d’entreprise qu’elle détient contre des obligations d’ Etat dont elle a besoin moyennant une décote.

Les investisseurs qui ont une vision plus long terme peuvent conserver ces obligations d’entreprise, même si elles sont moins liquides que les titres souverains qu’ils ont donnés.

Le prêt de titres permet aux institutionnels de rémunérer leur portefeuille et aux arbitragistes de couvrir des ventes à découvert. La vente à découvert (hedge funds) consiste à vendre des titres empruntés sur le marché, si leur prix baisse nous pourrons ainsi les racheter moins cher et bénéficier d’une marge plus importante lors de la clôture de l’échange du prêt emprunt de titres.

 

Les intermédiaires offrent aux institutionnels, le service d’agent (gestionnaire des garanties) ou de principal (prenant les titres les titres à leur compte) en contrepartie d’une marge ou d’une commission.

** Les effets vertueux & limites des mécanismes de Shadow Banking

Le système dans son ensemble

Pour résumé, les activités de Shadow Banking sont regroupées autour d’un système complexe au sein duquel des acteurs régulés et non régulés interagissent via des mécanismes de titrisation et de collatéralisation visant à optimiser leurs besoins de financement et d’investissement.

Schématiquement, ce système est composé de différents agents non bancaires (Hedge funds,

SPV, MMF, assureurs) qui sont liés au système traditionnel via le Prime Broker. Ces agents utilisent également les services des BFI.

L’ensemble du système bancaire est représenté sur le graphique ci-dessous, intéressons-nous aux différents échanges entre les agents régulés et non régulés.

Les agents opèrent à travers deux chaînes de transactions :

Une chaîne de titrisation (rangée supérieur du graphique) qui

  • o transforme la liquidité d’actifs risqués en actifs sûrs par la titrisation
  • o utilise des assurances à la baisse « puts » du système bancaire

Une chaîne de collatéral (garantie de titre ou de cash) (rangée inférieure du graphique) est mise en place afin de réutiliser le collatéral et par conséquent réduire le risque de contrepartie entre emprunteurs et prêteurs. Les émetteurs de collatéral sont dispersés dans l’ensemble système financier.

Ce schéma illustre bien les liens entre les établissements régulés (Banques, Prime Brokers) et non régulés sont nombreux. Les interactions au sein du shadow banking sont par ses agents ou par ses mécanismes d’échange reliées au secteur bancaire. Ses activités sont majoritairement complémentaires aux activités classiques permettant une optimisation des investissements.

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Analysons en détails les effets vertueux du shadow banking sur le financement de l’économie et ses limites qui en découlent.

La titrisation un mécanisme indispensable au financement de l’économie

L’AMF (Autorité des Marchés Financiers), le régulateur français mentionne dans sa cartographie des risques de 2012 « Sur une base saine elle [la titrisation] est indispensable au financement des banques et plus généralement de l’économie ».

La titrisation répond à l’idée selon laquelle les banques ont besoin de titres de dette à utiliser comme collatéral pour dégager du financement par pension livrée. En effet, les banques détiennent les tranches equity (directement ou via le véhicule affilié) étant donné que les investisseurs (de leur trésorerie ou d’épargne) ne souhaite pas assumer ce risque. L’utilisation de ces titres en collatéral de la pension livrée permet à la banque de lever des fonds.

La titrisation permet également aux banques de contourner les règlementations traditionnelles :

  • o Proposer une nouvelle forme de financement
  • o Vendre des tranches de créances à un véhicule (SPV) permet d’alléger les fonds propres.
  • o Détenir des créances par le véhicule permet un transfert de risques
  • o Opérer en toute discrétion, les clients ne sont pas informé de la cession de leur crédit

Besoin de garantie, forte demande de collatéralisation

La fonction de collatéralisation du système bancaire parallèle est importante au sein du système financier dans la mesure où elle soutient le crédit, elle est également importante pour l’économie réelle. Lors d’une baisse des émissions de collatéral, l’intermédiation financière ralentit, avec des effets similaires à l’assèchement des marchés interbancaires.

On remarque également, que le stock de titres peut diminuer à mesure que les investisseurs deviennent plus préoccupés par le risque de contrepartie (aversion au risque), ce qui les rend moins enclins à prêter des titres et des pensions livrées. Il peut également être affecté par les mesures des banques centrales, telles que les achats d’actifs à grande échelle, ou un élargissement de la masse des avoirs collatéraux éligibles.

Toutefois, la fonction d’intermédiation de garantie est susceptible de devenir plus importante au fil du temps. A long terme, avec de plus en plus transactions sans lien de dépendance à un système financier intégré dans le monde, les acteurs du marché recherchent la sécurité de garantie pour soutenir l’ensemble de leurs demandes.

Les nouvelles réglementations suivant des exigences accrues de garantie des produits dérivés sont également susceptibles d’accroître la demande pour les opérations de garanties.

Les risques de la collatéralisation

Une source de risque systémique dans l’intermédiation de garantie est le risque de liquidité des banques opératrices dans les chaînes de garantie. Les banques opératrices utilisent régulièrement certaines garanties obtenues auprès de clients (par exemple, réhypothécation des hedge funds) pour leur propre financement.

Un retrait de client peut alors avoir des conséquences sur la liquidité de la BFI, qui devra trouver de nouvelles sources de garanties ou liquider ses positions. En 2008, la fuite des clients du prime brokerage (par exemple, les hedge funds) désirant le retour de leurs garanties a conduit à une grande instabilité des banques opératrices (y compris les banques d’affaires américaines autonomes, comme Bear Stearns, Lehman Brothers et Merrill Lynch). Ce déséquilibre a contraint la banque centrale et l’état à intervenir.

Suivant cette idée de contagion, le prime brokerage, maillon entre les systèmes régulés et non régulés représente un risque systémique non négligeable. Il fait actuellement parti des préoccupations majeures du régulateur. L’utilisation du prime brokerage touche la partie régulée du système financier, des activités qui sont les préoccupations majeures du régulateur.

La propagation du risque est particulièrement importante lorsqu’une banque de financement et également un établissement de dépôt. En effet, ce lien engendre des possibilités de déplacement des risques pour la partie de dépôt qui subventionne des activités de financement parallèle visant à réduire ses coûts de financement. Des propositions de réglementation visant à séparer les activités de trading des autres activités sont en partie motivées par ces risques.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Shadow Banking : Avenir de la finance ou simple échappatoire à l'arbitrage réglementaire ?
Université 🏫: Le Conservatoire National des Arts et Métiers CNAM - Département Management – Innovation – Prospective
Auteur·trice·s 🎓:
Marion LE BRUCHEC

Marion LE BRUCHEC
Année de soutenance 📅: Mémoire pour l’obtention du Master 2 en Sciences de Gestion - Mention Management, spécialité prospective, innovation, stratégie et organisation - 2019
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