L’industrie musicale : technologie et intégration du consommateur

L’industrie musicale : technologie et intégration du consommateur

2. Le nouveau cadre de l’industrie musicale : technologie et intégration du consommateur

Le nouveau cadre de l’industrie musicale a été principalement initié par un changement technologique : l’apparition des Nouveaux Médias, qui ont mis en lumière le vieillissement du disque en tant que support. En effet, la musique était jusqu’alors considérée comme une information vendue sous la forme d’un produit, dont la production industrielle impliquait des coûts de production fixes et élevés78. Avec l’apparition des Nouveaux Médias, elle a pu devenir une information à part entière, le support ayant été rendu virtuel.

2.1 Les Nouveaux Médias

2.1.1 Définition

Les Nouveaux Médias sont un terme générique correspondant à l’informatisation et au partage des données permises par les Nouvelles Technologies d’Information et de Communication (NTIC). Dans le cadre du marché de la musique, l’apparition des Nouveaux Médias est due au développement du format de compression MP3, permettant la numérisation de contenus musicaux dans une taille réduite, et au développement d’Internet en tant que média de transactions et de transport. 79

Le format MP3 a été développé par l’institut de recherche allemand Frauenhofer à la fin des années 198080, puis définitivement présenté en 199181. Son développement a été soutenu par l’organisme International Organisation for Standardization (ISO), organisme international ayant pour vocation de développer des standards internationaux82. Le format MP3 permet de compresser un fichier audio sous forme numérique en réduisant de dix fois sa taille d’origine. Ce format est gratuit car il a été développé par des organismes publics : ainsi aucune entreprise privée ne peut exiger une rémunération en contrepartie de l’utilisation du format MP3, et les « drivers » (cf. Glossaire) permettant d’encoder la musique sont disponibles gratuitement sur Internet. Le MP3 est donc accessible à tous facilement et gratuitement, et ces caractéristiques en font un nouveau standard pour la compression de données83.

Ce format permet un échange facilité de données par le biais d’Internet et offre une bonne qualité de son. Il ouvre, entre autres, la voie aux contenus numériques dans la musique. Par définition, un contenu numérique est transportable grâce à différents supports, enregistrés sur différents médias et travaillés sur différents terminaux. 84

78 Gensch Gerhard, Stöckler Eva Maria, Tschmuck Peter, Musikrezeption, Musikdistribution und Musikproduktion – Der Wandel des Wertschöpfungsnetzwerks in der Musikwirtschaft, Wiesbaden, Gabler, 2008, 340 p., p.164

79 Baierle Christian, Der Musikverlag, München, Musikmarkt-Verlag, 2009, 568 p., p. 187

80 Unverzagt Alexander, Koch Herbert, Wörterbuch der Musikwirtschaft : 1000 Fachbegriffe aus Musik, Wirtschaft & Recht, Munich, Musikmarkt-Verlag, 2006, 278 p., p. 127

Les informations ne sont, de ce fait, plus liées à un média unique et leur distribution, à un seul canal. Le caractère non-physique des données permis par la numérisation permet une séparation de l’information et du média. Les contenus musicaux peuvent ainsi être transportés par le médium d’Internet et ne sont plus dépendants de leurs supports traditionnels.

Le développement d’Internet et du débit de connexion ont facilité l’échange de fichiers numériques. Le prix de l’informatique a fortement baissé depuis les années 1990, et de nombreux foyers ont ainsi pu s’équiper. Un tel constat est par exemple réalisé dans la société française en matière d’accès à Internet. En France, 58% des personnes majeures possédaient un accès à Internet, hors téléphone mobile, en juin 2008 alors qu’ils n’étaient que 4% en janvier 1998. Parmi les 12-17 ans, ce taux est encore plus fort et s’élève à 61% (40% en 2003) en 2008 également.85

81 Brandenburg Karlheinz, MP3 And AAC explained, ”AES 17th International Conference on High Quality Audio Coding”, Erlangen, Fraunhofer Institute for Integrated Circuits FhG-IIS A, 1994, p.1

82 Leyshon Andrew, Time – space (and digital) compression: software formats, musical networks, and the reorganisation of the music industry, Environment and Planning A, n°33, 2000, p. 49-77, p.50

83 Hutzschenreuter Thomas, Electronic competition : Branchendynamik durch Entrepreneurship im Internet, Wiesbaden, Gabler, 2000, 254 p., p.125

84 Heil Bertold, Online-Dienste, Portal Sites und elektronische Einkaufszentren: Wettbewerbsstrategien auf elektronischen Massenmärkten, Wiesbaden, Gabler Edition Wissenschaft, 1999, p. 50

Ainsi, la démocratisation d’Internet et l’avènement du format de compression MP3 ont marqué une nouvelle ère dans l’échange d’informations et de fichiers musicaux : les Nouveaux Médias. Certaines technologies émanent directement de ce phénomène : le streaming et le Peer-to-Peer (cf. Glossaire) en sont les principales, ou du moins en ont été les plus lourdes de conséquences pour l’industrie musicale.

2.1.2 Les avancées technologiques affiliées aux Nouveaux Médias : Web 2.0, Peer-to-Peer et streaming

Le Web 2.0

Le terme Web 2.0 est arrivé après l’éclatement de la bulle Internet à l’automne 2001, succédant à l’époque Web 1.086. Plus qu’une évolution technique, ce terme désigne une nouvelle vision d’Internet, désormais fondée sur des systèmes de communauté dans lesquels l’internaute participe à la création et publication de contenu.

Le chercheur O’Reilly, un des premiers à avoir étudié le phénomène et à avoir créé le terme « Web 2.0 », a tenté de définir les caractéristiques du Web 2.0 en étudiant les sites qui ont su faire la transition entre les deux ères Internet. Google, l’un des meilleurs exemples de Web 2.0, est le précurseur de nombreux sites tels eBay, Amazon, Napster car il a fait de la gestion de données sa compétence principale87. Pour cette raison, d’aucuns nomment les applications du Web 2.0 « infoware » au lieu de « software ».88

85 Bigot Régis, Croutte Patricia, La diffusion de l’information et de la communication dans la société française, Paris, Centre de Recherche pour l ’Etude et l ’Observation des Conditions de Vie, 2008, 164 p., p.51 et 52

Le succès de tels sites peut également s‘expliquer par la compréhension du « long tail », concept nommé pour la première fois par Chris Anderson, fondateur de Google, en 200489, pour décrire la puissance des petits acteurs en tant qu’agrégat. Il affirme donc que, la puissance rassemblée de sites générant peu de trafic est plus grande que la puissance rassemblée de sites à forte affluence.

L’un des principes du Web 2.0 est également la participation massive des internautes : plus de gens participeront, meilleure sera la qualité du site90. Le développement du phénomène de « blogging » est un des résultats de cette évolution d’Internet.

Savoir capter l’intelligence collective a été l’un des facteurs principaux de la réussite des sites Web 2.0 permis grâce à la technique du « hyperlinking » (cf. Glossaire) permettant de connecter les savoirs. Le site Wikipedia, encyclopédie gratuite en ligne et créée par les internautes, en est le meilleur exemple.

Le Web 2.0 marque l’avènement d’applications web utilisées comme des logiciels dont les dispositifs sont simples91 : iTunes et les réseaux Really SimpleSyndication (RSS, cf. Glossaire) en sont de bons exemples. La nouvelle ère Internet manifeste finalement la pleine utilisation des potentialités techniques offertes par Internet en tant que plate- forme92.

Combinée à la simplicité nouvelle des logiciels développés, les méthodes de consommation, de marketing et de distribution dans toutes les branches de l’économie ont été bouleversées. Le Web 2.0 encourage l’interaction entre les internautes, comme le prouve le succès des réseaux sociaux93. De plus, l’étude de la population de ces sites montre un vieillissement de l’audience de ces sites communautaires dans le monde entier, établissant la participation grandissante des sociétés entières au phénomène.94

Ainsi, O’Reilly résume les enjeux principaux du Web 2.0 par la capacité à atteindre le Web tout entier, que les sites créent beaucoup d’affluence ou non, ainsi que la maîtrise des données95.

Le « Peer-to-Peer » et le streaming

Le « Peer-to-Peer », traduit pair-à-pair, est une technique d’échanges de fichiers de terminal à terminal. Chaque terminal constitue à poids égal un « peer ». Cette technologie est bien une conséquence du Web 2.0 car chaque individu, le « peer », représente un serveur pour la communauté. Parfois sous le contrôle d’un serveur central et parfois directement de pair-à-pair, des données, services seront ainsi échangées96. Les progrès techniques ont permis des connexions Internet de plus en plus rapides et donc, ont facilité l’échange de fichiers.

Temps de téléchargement en fonction de la technologie de communication

Illustration 5: Temps de téléchargement en fonction de la technologie de communication (Stähler, 2001)97

Le streaming consiste en la diffusion de contenus audio ou vidéo sur Internet. Le streaming rend possible la diffusion en temps réel d’évènements : émissions radio ou télé, concerts… Le contenu est comprimé puis mis en ligne sur un serveur, auquel accède l’internaute. Il peut regarder le contenu de son ordinateur après la mise en mémoire tampon. Cette dernière permet de palier les potentielles faiblesses du réseau pendant le temps d’écoute et donc d’augmenter la qualité du contenu. Dans le monde entier, l’ensemble des sites de diffusions audio ou vidéo permettent d’atteindre environ 500 millions de personnes98.

Ainsi, plus que les méthodes de production, ce sont les modes de consommation et de promotion qui ont été bouleversés par le Web 2.0.

2.1.3 La désolidarisation du contenu et du médium

Les produits de l’information ont par définition une structure duale : ils sont le résultat de l’association d’une information et d’un média99. Un média est défini comme un « procédé permettant la distribution, la diffusion ou la communication d’œuvres, de documents, ou de messages sonores ou audiovisuels »100. Les progrès technologiques liés à la communication permettent la désolidarisation de cette association et laissent de plus en plus au récepteur de l’information le choix de la forme sous laquelle il souhaite la recevoir ou la donner101. Cette séparation touche toutes les industries de l’information : livre, musique, presse …

Par ses attributs, l’industrie musicale dépend de la création artistique et vise à vendre un contenu. Traditionnellement, ce contenu a toujours été lié à un support : les disques, vinyles et autres supports physiques. Ils étaient la seule liaison, porteuse de revenus, des fabricants de musique aux consommateurs. Comme le tableau ci-dessous l’indique, les Nouveaux Médias rendent cette association facultative :

Désolidarisation contenu / média dans l'industrie musicale

Illustration 6: Désolidarisation contenu / média dans l’industrie musicale (traduction de Zerdick, 2004)102

De ce fait, les Nouveaux Médias ont révolutionné la conception de contenu musical, surtout sa diffusion et sa réception. De plus, il est important de noter qu’à l’apparition des avancées technologiques, le disque était un support vieillissant : existant depuis les années 1980, il ne présentait plus d’attractivité technologique.

A présent, les conséquences de ces changements technologiques seront analysées sur le modèle de création de valeur établi dans la première partie de ce travail.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’industrie de la musique enregistrée et le consommateur
Université 🏫: ESC Rennes School of Business - Formation : Programme Grande Ecole 3ème année
Auteur·trice·s 🎓:
ISABELLE FERRIER

ISABELLE FERRIER
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - 17 décembre 2009
Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top