Les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire

Les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire

Section 2 :

Les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire

Maillon essentiel du paysage portuaire, le terminal est également un maillon essentiel de la chaîne de transport et du « business plan » des grands groupes de manutentionnaires.

A partir de cette réalité, l’enjeu majeur qui se pose aux opérateurs de terminaux et aux autorités portuaires est celui de trouver l’instrument juridique qui répondra le mieux à leurs attentes respectives. Il devra à la fois concourir au développement du port et être compatible avec les mécanismes d’une gestion commerciale.

La difficulté de mettre en place l’instrument juridique idéal résulte de l’antagonisme premier qui existe entre l’exploitation de terminal, envisagée comme prérogative de puissance publique et l’exploitation de terminal, envisagée comme une activité lucrative.

La viabilité d’un contrat et partant celle de l’infrastructure elle-même, dépendra de sa capacité à concilier logique de service public et logique économique.

Initialement, on avait recours aux conventions traditionnelles d’occupation domaniale (I). Si leur application perdure, elle se révèle plutôt inadaptée.

A alors émergé une nouvelle convention mieux adaptée aux réalités de l’activité, la « convention d’exploitation de terminal portuaire » (II). Consacrée par les textes, elle se trouve aujourd’hui au centre de la réforme portuaire à venir.

I. Dès régimes classiques d’occupation domaniale inadaptés à la création d’un régimed’occupation propre à l’exploitation des terminaux

Les régimes des « concessions d’outillage public » et des « autorisations d’outillage privée avec obligation de service public » ont largement été utilisés (A), avant d’être écartés par les praticiens au profit de la « convention d’exploitation de terminal portuaire » (B).

L’article R 115-7 du Code des ports maritimes consacrent ces trois modes d’exploitation.

A. La concession d’outillage public et l’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public

1. Le régime de la concession d’outillage public

La jurisprudence a reconnu l’application de ce régime à un ensemble d’exploitations d’outillages divers, sans égard à l’importance de l’occupation domaniale.

La notion d’ « outillage public » ne possède pas de définition légale. Le Code des ports maritimes n’en définit que sa procédure d’instruction préalable et ses conditions d’usage.

En pratique, seront notamment considérés comme des outillages publics, les grues, portiques, hangars, silos et chemins de roulement. La jurisprudence a étendu la notion à un grand nombre de biens mobiliers, par application de la théorie de l’accessoire.

Le Conseil d’Etat a même reconnu que la construction d’un ouvrage permanent pouvait se faire en application d’une concession d’outillage publique, ce qui se révèle très intéressant pour la réalisation de terminaux de transport71.

On notera que l’avènement de la notion de « terminal » n’est pas sans causer de difficultés dans la compréhension de la notion d’outillage public.

Alors que les juges ont refusé au port de commerce la qualification d’outillage public, elle a été reconnue au terminal qui, pourtant selon l’article R 115-7 du code des ports maritimes dispose lui aussi de terre- pleins, d’outillages et d’aménagements nécessaires aux opérations de débarquement, d’embarquement et de stockage liées au navire, à l’instar d’un port.

Selon une jurisprudence constante, la gestion et l’exploitation de l’outillage public constitue une délégation de service public72 à caractère industriel et commercial73 en raison du contrôle de l’activité par une personne de droit public et de son utilité pour l’intérêt général.

71 Exemple de la construction du Centre multivrac au Port autonome du Havre sous le régime d’une concession accordée à la Compagnie industrielle des pondéreux havrais, cité par M. Mdendé, « Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (Essai de synthèse et approches comparées) », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 205
72 Conseil d’État – 20 décembre 2000 CCI du Var Requête n° 217639
73 CE 15 décembre 1967, Level, AJDA 1968, II, p. 230 concl. G. Braibant ; CE 5 avril 1978, société X…, Rec. p.176 ; Trib. Confl. 12 janvier 1987, société navale des chargeurs Delmas-Vieljeux c/ port autonome de Dunkerque, req. n° 2449, D. 1987, J, p. 707 note Rézenthel ; CE 24 juillet 1987, société Carfos, Rec. p. 274

Tout contrat passé par une autorité publique qui aurait pour objet de confier à un tiers la gestion du service public doit être considéré comme une convention de délégation de service public et ce, quelque soit sa dénomination. Cette approche a été consacrée par l’article L.1411-1 du Code général des collectivités territoriales, qui ajoute le critère d’une rémunération du cocontractant « substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service »74.

Ce mode de gestion indirect de service public par l’autorité publique apporte l’assurance que les outillages publics exploités seront en priorité affectés aux besoins des usagers du service public.

Les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire

Un cahier des charges fixe les droits et obligations de l’autorité portuaire et de l’opérateur concessionnaire. Support de l’exploitation d’un service public, il comporte un ensemble de clauses réglementaires portant essentiellement sur la mise en œuvre du service public concédé.

Ces clauses pourront faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. La jurisprudence reconnaît cependant sa nature contractuelle75. De nature hybride, il demeure un bon outil de régulation et de contrôle des concessions passées avec l’autorité portuaire.

2. L’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public

L’exploitation est ici de type privatif, assortie d’une obligation de service public. Elle s’entend comme la mise à disposition de ses équipements aux usagers du service public qui le demandent, une fois ses besoins propres satisfaits76. Ainsi, l’exploitation d’équipements privés se concilie avec la possibilité de mise à disposition du public.

74 Article L 1411-1 du Code des collectivités territoriales tel qu’issu de la loi n° 2001-1168 du 11 déc. 2001
75 CE 13 juin 1997, société des transports pétroliers par pipe-line, AJDA 1997, p. 794 concl. Bergeal ; CE 20 décembre 1933, Chambfrault, Rec. 1202
76 Art. R 122-11 du Code des ports maritimes

L’obligation de service public n’est donc pas permanente mais seulement occasionnelle. L’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public demeure néanmoins une véritable délégation de service public, avec les exigences qui en découlent.

On peut s’interroger sur la possibilité pour l’autorité portuaire d’autoriser l’exploitant à s’exempter de l’obligation de service public. La réponse sera variable selon les cas d’espèce.

Un exploitant qui ne parvient pas à satisfaire ses besoins privés propres, sera de droit exempté de l’obligation de service public. En revanche, il en sera exempté de fait lorsqu’il s’agit, par exemple, de l’exploitation d’un terminal qui ne concerne que l’exploitant77.

Pour la concession d’outillage public comme pour l’autorisation d’exploitation d’outillage privé avec obligation de service public, la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin78, impose une procédure de publicité pour la mise en concurrence des offres.

Un appel à la concurrence est ainsi nécessaire à l’attribution du droit d’exploiter un terminal dans le cadre d’une occupation du domaine public avec obligation de service public.

Le Code des ports maritimes impose lui un tarif public pour l’usage des outillages publics et équipements exploités selon le régime d’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public.

Ces redevances constituent des redevances pour service rendu. Avant 1999, leur barème était approuvé par l’autorité portuaire après procédure d’instruction.

Depuis le décret du 9 septembre 199979, un certain assouplissement a eu lieu, et l’article R115-17 prévoit désormais que les procédures d’instructions80 relatives aux tarifs et conditions d’usage des outillages publics concédés ou affermés et des outillages privés, lorsqu’ils sont utilisés dans le cadre de l’obligation de service public, ne sont pas applicables aux « tarifs d’abonnement » ou « tarifs contractuels ».

77 M. Ndendé, « Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (Essai de synthèse et approches comparées) », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p.206 et 207
78 L. n° 93-122, 29 janvier 1993, JO 30 janvier relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques
79 Décret n° 99-782 du 9 septembre 1999, art. 11 JORF 11 septembre 1999
80 Art R 115-15 et R 115-16 du code des ports maritimes

Mais le principe même de la détermination des tarifs publics indépendamment du jeu naturel de la concurrence, n’est-il pas contraire à l’article 1 de l’Ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence qui prône le principe de la liberté des prix par le jeu de la concurrence ?

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les terminaux à conteneurs portuaires
Université 🏫: Université Paul Cézanne – Aix Marseille III - Faculté de Droit et de Science Politique
Auteur·trice·s 🎓:
Axelle JOUVE

Axelle JOUVE
Année de soutenance 📅: Mémoire de Master II de Droit Maritime et des Transports - Centre de Droit Maritime des Transports (CDMT) - 2007 / 2013
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