L’enjeu du copyright et le rôle du législateur – Marché musical

L’enjeu du copyright et le rôle du législateur – Marché musical

2.6 L’enjeu du copyright et le rôle du législateur

Nous étudierons dans cette sous-partie la position de la loi face aux profonds changements qu’ont connus l’industrie et les consommateurs.

2.6.1 Internet et la culture (de masse) de la gratuité

Les infractions aux droits d’auteurs sur Internet ne sont pas seulement extrêmement répandues quantitativement, elles sont également acceptées par une grande partie de la société165. D’aucuns décrivent même l’échange de musique sur les réseaux de Peer-to-Peer comme un « sport de masse »166.

Ainsi la crise traversée par l’industrie de la musique en termes de non-paiement de copyrights n’est pas unique à sa branche mais concerne toute les industries d’information : livres, presse, cinéma… La régulation nécessaire de ce phénomène impliquera beaucoup d’acteurs issus d’industries différentes, dont les enjeux se rejoignent sur ce thème là, mais surtout beaucoup de consommateurs, qui sont également les électeurs des gouvernements devant prendre des mesures de restrictions potentiellement impopulaires.2.6.2 Copyright et technologie : une entente difficile

L’avènement des Nouveaux Médias a conduit à davantage de complexité vis-à-vis de la rémunération du droit d’auteur. Un exemple représentatif est le « Peer-to-Peer ». Cette technologie, la plus médiatisée et diabolisée par les industries de contenu, n’est en soi pas illégale. Cependant, l’acte de « upload » (cf. Glossaire), qui consiste à mettre en ligne et à disposition d’autres internautes des informations, est considéré par la loi comme un acte de télédiffusion au sens du code de la propriété intellectuelle et comme un acte de communication au public en termes de droits voisins167. Sans l’accord des auteurs, cet acte est illégal et donc passible de sanctions aux yeux de la loi. Le « download » (cf. Glossaire), qui consiste à télécharger sur son ordinateur un fichier à partir d’un serveur ou d’un réseau de « Peer-to-Peer », jouit quant à lui d’un statut intermédiaire : alors que certains juristes le tolèrent dans le cadre d’une consommation privée, d’autres le considèrent comme un acte de contrefaçon alors répréhensible168. Cependant, les actes de « upload » et de « download » vont souvent de pair.

Le streaming n’est pas condamné par la loi s’il n’est pas accompagné d’un acte de téléchargement169. Face à de telles nuances, on peut facilement imaginer le casse-tête du législateur. En plus des détails techniques qu’il se doit de maîtriser, il est partagé entre les industries de contenu réclamant une juste rémunération de leurs œuvres et les consommateurs qui avaient espéré un accès nouveau à la culture170, faisant également valoir leurs droits d’utilisateur.

2.6.3 « La quête d’un nouveau compromis social »

Rechercher un nouvel équilibre est nécessaire par l’ampleur du phénomène de piratage. Il provoque néanmoins dans les pays concernés des débats de société houleux où les gouvernements doivent arbitrer entre les attentes fondamentalement différentes des producteurs de musique et celles des consommateurs, tout en gardant à l’esprit que le soutien à l’innovation et à la créativité artistique est porteur de croissance.

L’échec relatif des luttes frontales entreprises contre le téléchargement illégal laisse penser que la complexité du problème relève également d’un changement dans la perception des consommateurs de la musique et du droit d’auteur de manière plus générale. Ainsi le succès des mesures gouvernementales déprendra de la manière dont les nouveaux projets intègreront ce défi à leurs propositions.

D’aucuns proposent la responsabilisation des intermédiaires dans cette lutte contre le piratage171, dont, par exemple, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou les fabricants de logiciels. Jusqu’en 2005, la décision de justice qui avait acquitté Sony en 1984 aux Etats- Unis lors du procès de la RIAA contre le fabricant de logiciels avait fait jurisprudence.

L’année 2005 avait alors connu un renversement jurisprudentiel car plusieurs hébergeurs de réseaux de piratage, tel Sherman Networks éditeur du réseau de piratage Kazaa, ont été condamnés pour complicité ou incitation manifeste à la contrefaçon172. Cependant, l’organisation décentralisée de certains sites de partage de contenu rend toute poursuite judiciaire difficile. La loi Hadopi tente de prendre en compte ce problème par le système de « réponse graduée » dans laquelle les fournisseurs d’accès à Internet enverront tout d’abord des avertissements aux internautes téléchargeant du contenu illégalement. Il est cependant très délicat de légiférer sur la responsabilisation des intermédiaires.

En France, de lourdes sanctions avaient été conçues afin de punir les internautes pirates : elles pouvaient monter jusqu’à 300 000 € d’amende et trois ans d’emprisonnement. Une première loi relative aux droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information, intitulée DADVSI, datant de 2006 avait soulevé toute la complexité du problème. Une deuxième loi en 2009, la loi Hadopi, complète la loi DADVSI et se caractérise par la création d’un organisme indépendant de régulation des droits d’auteur sur Internet, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), et l’instauration d’une « riposte graduée » impliquant les FAI173.

Les nombreux acteurs et enjeux impliqués dans la tentative de régulation de ce phénomène vont donc vraisemblablement mener à la recherche d’un nouveau compromis social.

Avec l’arrivée des Nouveaux Médias, l’économie de la musique enregistrée est passée d’une conception industrielle, c’est-à-dire basée sur la production d’un objet et dont tous les enjeux de la création de valeur reposaient sur sa fabrication et sa commercialisation, à une conception de la musique en tant qu’information. Les Nouveaux Médias, porteurs d’un média de masse et d’un nouveau « support », ont donc provoqué la mutation profonde de la structure de l’industrie par la désintermédiation, la dématérialisation et la ré-intermédiation de la création de valeur.

Ainsi, partant d’une création de valeur relativement linéaire où la majorité des acteurs étaient connus, les labels doivent maintenant composer avec de nombreux nouveaux acteurs, qui ne proviennent pas nécessairement de la branche musicale. Ils doivent également prendre en compte de nouveaux paramètres techniques et législatifs, avec de nouveaux comportements de consommation qui ont évolué avec l’apparition du Web 2.0 mais également un consommateur qui s’est fortement intégré à la création de valeur.

Ce marché est donc devenu complexe. Cependant, cette complexité ne signifie pas que l’industrie se meurt au profit des intermédiaires issus d’industries connexes mais doit plutôt répondre à ce défi résumé par Oliver Williamson, un des fondateurs de la théorie des coûts de transaction : « […] complexity can and often does serve as an inducement rather than a deterrent. » (Williamson, 1985)174.

Ainsi, dans la troisième partie de ce devoir, nous analyserons la relation entre les labels et les consommateurs par l’utilisation de la théorie des coûts de transactions.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’industrie de la musique enregistrée et le consommateur
Université 🏫: ESC Rennes School of Business - Formation : Programme Grande Ecole 3ème année
Auteur·trice·s 🎓:
ISABELLE FERRIER

ISABELLE FERRIER
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - 17 décembre 2009
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