Nesquik le suiveur devenir leader à la place du pionnier Banania

Nesquik le suiveur devenir leader à la place du pionnier Banania

2.2.3 Nesquik (Nestlé) vs Banania (Nutrial)

La marque Banania est imaginée au début du siècle par Pierre Lardet, un aventurier qui met au point une recette à base de farine, de banane, de céréales, de cacao et de sucre. Le produit est alors lancé par un pharmacien et le nom Banania inventé par sa femme.

La légende raconte qu’un tirailleur sénégalais de passage chez le couple s’exclame « Y’a bon ! » en goûtant son cacao, un slogan qui fera les grandes heures publicitaires de la marque.

Dans les années 60, le succès ne manque pas et pourtant les Lardet vendent leurs parts au groupe SUEZ. Depuis, la marque a changé de mains constamment ce qui lui a fait perdre peu à peu son leadership, faute de stratégie claire.

En 2000, la marque est rachetée par Unilever en même temps que la marque Knorr mais son statut de marque locale fait qu’Unilever ne la considère pas comme stratégique et la délaisse à son tour28.

Car si le nom de cette célèbre poudre cacaotée et si le sénégalais qui la symbolise trouvent toujours un certain écho dans l’esprit des plus de 30 ans, sa consommation est, elle, en déclin depuis plusieurs années. Le packaging de la marque a également été retouché à huit reprises dans les années 80.

En 2003, sa part de marché volume est donc tombée à 9.1%, très loin derrière Nesquik de Nestlé à 25.5%, et Poulain de Cadbury France à 15%29.

Nesquik est arrivé bien après Banania sur le marché des poudres chocolatées et a réussi à relever le difficile défi de devenir leader à la place du pionnier. Quelle a été la stratégie de Nestlé pour contrecarrer l’avantage du pionnier détenu par Banania ?

Sur un marché où la consommation continue de baisser au profit des céréales, où la flambée des cours de cacao a généré d’importantes hausses de tarifs, où l’écart de prix entre les marques distributeurs et les leaders se creusent, où les innovations sont bien trop rares pour animer le rayon, Nestlé a bel et bien réussi à tirer son épingle du jeu grâce à une stratégie efficace basée sur plusieurs axes.

28 Le journal du dimanche, « Banania repart pour un tour », Juillet 2003.

29 Linéaires, « Banania veut retrouver son âme », Avril 2004.

Premièrement, la marque Nesquik a choisi, dès son introduction sur le marché des poudres chocolatées, d’associer sa marque à une mascotte espiègle, Quicky. Les mascottes sont très importantes pour des produits qui visent les enfants et ont souvent un plus fort impact qu’un simple slogan publicitaire.

Nesquik Deuxièmement, Nestlé a toujours accompagné la marque Nesquik d’un fort soutien média en télévision, ce qui fait d’elle aujourd’hui une marque forte et reconnue, démontré par un taux de notoriété élevé.

Troisièmement, la marque a choisi d’innover sur ce marché, même si les innovations sont très coûteuses car elles supposent de changer les habitudes des consommateurs qui sont très fortes sur la poudre chocolatée.

En outre, l’acte d’achat étant très rapide, elles ne sont pas vues par un grand nombre de consommateurs30. Cependant, pour conserver sa position de leader sur un marché très convoité par les fabricants de céréales, biscuits, viennoiseries, jus de fruits frais ou boissons lactées qui tentent régulièrement d’imposer des promesses plus riches pour le consommateur, Nestlé a décidé d’innover31.

Plus qu’un nouveau produit, c’est un nouveau segment, « la boisson chocolatée 2 en 1 », que Nestlé a crée, un nouveau concept d’un produit composé de poudre chocolatée et de céréales croustillantes. Innovant sur la recette, ce nouveau produit particulièrement ludique, baptisé « Crousty Nesquik », joue aussi la rupture avec un conditionnement en dosettes inédit sur les poudres enfants.

Crousty Nesquik a pour objectif de débanaliser et augmenter la consommation de poudre chez les enfants. Quant à la campagne télévisuelle de lancement, elle a pour ambition de recruter deux cibles différentes, d’un côté les enfants de 6 à 12 ans, à la fois consommateurs et prescripteurs, et de l’autre les mères qui sont et restent les acheteuses32.

On peut d’ailleurs rapprocher cette particularité d’un autre axe de développement stratégique pour Nesquik, à savoir cibler à la fois les petits et les grands. Si l’on sait que près de 90% des foyers avec enfants sont acheteurs de poudres chocolatées, on sait aussi que, depuis quelques années, les industriels rivalisent d’ingéniosité pour inviter les adultes à partager le plaisir de leurs enfants.

Essentiellement consommées au petit déjeuner, les poudres chocolatées ont surtout réussi à fidéliser une cible de jeunes, voire très jeunes consommateurs33.

C’est effectivement le cas de Banania qui revendique un positionnement orienté spécifiquement vers les enfants et les jeunes. A l’inverse, Nesquik affiche clairement son intention de séduire toute la famille.

Le lancement de la bouteille Nesquik un litre, en partenariat avec Lactel, sur le marché des laits aromatisés, illustre bien cette stratégie d’élargir sa cible de consommation à une consommation plus familiale. La marque engage également une nouvelle orientation de communication en choisissant de s’adresser non pas aux enfants mais directement aux parents.

La marque leur laisse entendre que la consommation du produit leur permettra de renouer le lien avec eux. Nesquik va même plus loin en se positionnant comme leur partenaire pour assurer la croissance et l’éveil de leurs tous-petits.

30 Linéaires, « Nestlé veut faire parler de la poudre », Janvier 2003.

31 France Soir, « Nesquik en croque », Juin 2003.

32 La correspondance de la publicité, « McCann Paris signe la campagne de lancement des Crousty Nesquik », Juin 2003.

33 Faire Savoir faire, « Dossier boissons chaudes », Juin 2002.

C’est l’ensemble de cette stratégie qui a permis à Nesquik de passer de la position de suiveur à celle de leader sur le marché des poudres chocolatées, détrônant ainsi le pionnier Banania.

Cependant, le pionnier actuellement à la traîne, n’a pas dit son dernier mot ! Banania vient en effet d’être racheté fin 2002 par un fond d’investissement qui a crée pour l’occasion la société Nutrial, spécialisée dans l’épicerie sucrée.

Le nouvel acquéreur s’est donné trois ans pour redresser la part de marché de Banania tombée à 9.1%. Nutrial souhaite en effet redonner à la marque son âme en capitalisant sur le passé et la moderniser en la rapprochant des codes actuels du marché.

Pour ce faire, le pack a subi un véritable lifting et a signé le retour du Sénégalais, sous la forme d’une sympathique mascotte, pour faire vibrer la corde nostalgique des mères et, surtout, séduire les enfants. Qui plus est, des primes sont offertes ponctuellement à l’enfant à l’intérieur du pack.

34 Linéaires, « Banania veut retrouver son âme », Avril 2004

Enfin, le prix de vente, qui était devenu plus cher que la concurrence, devient plus attractif et un retour de la marque en publicité télévisuelle est prévu pour la fin de l’année 200434. De quoi recruter de nouveaux consommateurs et rentrer à nouveau dans la course aux parts de marché sur le segment des poudres chocolatées…

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