1.2.3 L’expérience de modernisation aux États-Unis
Une série de réformes a été adoptée dès les années 60 jusqu’à cette date par le gouvernement des États-Unis pour concrétiser la volonté de restructurer le secteur public. Celui-ci souffre depuis longtemps de l’augmentation d’un déficit budgétaire14, du problème général de management des services, de la démotivation des fonctionnaires fédéraux et du problème de la répartition des responsabilités entre le gouvernement fédéral et les États (Kelly, 1993).

14 Le déficit américain se situait autour de 0.6% du PIB au début des années 1960, il a oscillé autour de 3% au cours des années 1980 et a dépassé 4% au début des années 1990. En 1994, le déficit se situait à 3.1% du PIB. (Pris de l’Observatoire de l’Administration Publique, ENAP, Télescope. Juin 1996, Vol.3, #2, P : 1)

1.2.3.1 Brève évolution historique de la modernisation aux États-Unis
Les années 60-70 ont vu la naissance successive des programmes de réformes très révolutionnaires : le Planning Programming Budgeting System (PPBS) du président Kennedy, Le Zero Base Budgeting (ZBB), Management by objective, etc., autant de réformes que le changement de la présidence (Observatoire de l’administration Publique, juin, 1996; Kelly, 1993). Ainsi, sous la présidence Reagan au début de la décennie 80, les réformes marquent un grand tournant dans l’histoire de l’administration publique américaine. Il s’agit de la mise en place de la nouvelle philosophie de gestion axée sur une anti-gestion existante : l’anti-État-providence, l’anti-interventionnisme et l’anti-centralisation (Kelly,1993). L’objectif principal à travers cette politique est d’une part, la restriction des dépenses du gouvernement fédéral et d’autre part, l’accroissement de la liberté et de l’initiative des États. En effet, la commission présidée par M. Paul Volcker a proposé une stratégie de décentralisation vers les États, de déréglementation et de réduction des effectifs (Observatoire de l’Administration Publique (OAP), juin1996) (voir l’annexe : 4).
Il a fallu attendre les années 90 pour se rendre compte véritablement et ouvertement du déficit budgétaire et de l’augmentation de la dette nationale15. Cette prise de conscience était à l’origine de la révision des programmes de l’administration publique dans le but d’atténuer les éléments structurants, responsables de cette crise. En effet, dès le début de l’administration Clinton en 1993, le « National Performance Review (N.P.R) », connu sous le nom de Commission Gore, laquelle portait le nom de son chef, le vise- président Al Gore, a été mis en place (Peters et Savoie, 1993). L’idée est de déposer dans un délai de six mois des recommandations pour « réinventer, remanier et revigorer le gouvernement national en entier » (Peters et Savoie, 1993 : iii).
Par ailleurs, le terme « réinventer le gouvernement » inspiré de l’ouvrage de Osborne et Gaebler (1992), et qui a été contesté et froidement accueilli dans le milieu académique, est devenu le point cible de la commission pour moderniser le secteur public.
Cependant, on reproche aux fondateurs de ce livre, d’après Peters et Savoie (1993), d’avoir profité de la situation en place pour exprimer un profond désir qu’on retrouve à peu près partout, soit le désir de rétablir l’appareil administratif. En effet, son contenu de compassion avec les citoyens de plusieurs pays en partageant avec eux le sentiment de frustration, d’inquiétude et de méfiance envers leurs gouvernements était à l’origine de son grand succès. On continue à dire que même Bill Clinton a su en tirer profit lors de sa campagne électorale présidentielle en 1992 en exprimant le désir des citoyens américains, et ce, pour défendre sa thèse qui est celle de remettre l’administration en bonne route. Effectivement, dès son arrivée au pouvoir, le livre est devenu le champ fertile pour l’administration Clinton . Le 7 septembre 1993, la commission dépose un Rapport intitulé « Creating a governement that Works 15 La dette nationale est passée de 34.4% du PIB en 1980 à 55.4% en 1989, pour atteindre 70.0% en 1994 (pris de Télescope, op cit en 1.
Better and Costs Less », qu’on appelle communément Le rapport Gore (Observatoire de l’Administration Publique, juin 1996 ; Peters et Savoie, 1993). Selon ces mêmes auteurs, la commission Gore ne peut être qu’une source importante d’inspiration et que des leçons à tirer pour les responsables des pays qui sont préoccupés par l’état de santé de leur appareil administratif. En effet, le livre traduit les aspirations et les attentes des citoyens, en proposant des solutions opérationnelles pour le dysfonctionnement de la machine administrative.
1.2.3.2 Le contenu du rapport Gore
Ayant pour objectif principal la réforme de l’administration fédérale, la concrétisation des recommandations du rapport s’est déroulée en trois étapes. La première étape, qui a débuté en 1993, vise l’amélioration de la gestion et de l’administration. La deuxième étape, en 1994, vise principalement la redéfinition du rôle de l’État, alors que la troisième, en 1997, porte principalement sur la gestion de la performance (Auger, 1998).
Dans la première étape, l’accent est mis sur l’efficacité du gouvernement (gouvernement moins dispendieux) et sur le Rôle de l’État. On y prévoit des compressions de 8% du budget de 1993 à 1998 et une diminution du nombre de fonctionnaires fédéraux de 12%, soit 252 00016 (voir l’annexe 7). Ainsi, les recommandations du rapport tournent autour de quatre grands axes.
1-Réduire la bureaucratie : La commission propose entre autres, de réduire la réglementation, de transférer certains pouvoirs aux États et aux municipalités, de rendre le processus budgétaire biannuel et de décentraliser la gestion du personnel ainsi que l’acquisition des biens et services. L’objectif est de rompre avec les traditions bureaucratiques répandues.

16 Ces quinze dernières années, la main d’œuvre fédérale a connu une stabilisation des affectifs, passant de 2.139 en 1993, au moment de la parution du rapport de la National Performance Review

2-Accorder la priorité aux clients : On recommande d’offrir un large éventail de choix de produits et de services pour les citoyens. Celle-ci ne peut se faire en dehors de la compétition entre les organismes gouvernementaux.
3- Fournir aux employés les outils nécessaires : Pour plus d’efficacité, le rapport prévoit l’utilisation abondante de la technologie de l’information et des communications parallèlement à la décentralisation des pouvoirs de décision. Ce qui rendra les employés imputables des résultats.
4- Revenir à l’essentiel : À ce titre, on recommande de réduire le nombre de programmes et d’en modifier certains, afin d’éliminer les programmes inutiles et non adaptés aux besoins des consommateurs.
Si la première étape portait sur les modalités d’intervention, la deuxième étape porte principalement sur la mission du gouvernement fédéral et par là, la redéfinition du rôle de l’État. On distingue quatre grandes propositions (Observatoire de l’Administration Publique, juin, 1996,) :
1- La restructuration des organismes gouvernementaux
2- La dévolution des responsabilités aux États et aux municipalités
3- La déréglementation
4- La recherche d’une plus grande efficacité dans les interventions
L’idée générale est de restructurer les organismes gouvernementaux sur la base des modèles déjà testés dans le secteur privé, afin d’accroître leur efficacité. Pour ce faire, on a doté ces administrations d’outils nécessaires à cette fin tels que, les mesures de performance et d’étalonnage (benchmarking), la déréglementation, la dévolution et le partenariat, la réingénierie, la nouvelle technologie de l’information et des communications et la privatisation (voir l’annexe 8).
Quant à la troisième étape de cette expérience de modernisation, elle s’inscrit dans le cadre de la gestion de performance. Elle est entrée en vigueur en 1997 avec le dépôt du rapport « Blair House » au président Clinton. Les principaux objectifs tracés sont au nombre de trois (Auger, 1998) :
1. Améliorer la confiance du public envers le gouvernement
2. Assurer aux administrateurs un support adéquat pour permettre une amélioration constante de l’administration publique
3. Fournir au Congrès les informations nécessaires sur la performance des programmes afin de permettre aux représentants et aux sénateurs de prendre des décisions éclairées.
Pour ce faire, on a recommandé des outils nécessaires pour créer un cadre global de la gestion de performance. Ces outils consistent à l’adoption de ce qu’on appelle le « Government Performance and Results Act (GPRA) », le « Government Wide Performance Plan » et le «Performance Based Organisations »17(Auger, 1998) (voir l’annexe 9).
De plus, le Rapport Gore a donné une place considérable à la gestion des ressources humaines en tant que facteur important pour l’acheminement de toutes sortes de recommandations. En effet, l’inefficacité du gouvernement, due à la fois à la complexité de système et à la contradiction entre les tendances du secteur public et celles du secteur privé, a rendu nécessaire la mise en place d’un nouveau modèle de gestion. Une gestion semblable à celle du secteur privé, qui s’oriente vers les objectifs à atteindre et s’appuie sur quelques principes directeurs plutôt que sur les règles rigides et strictes. On vise par-là une gestion flexible, une formation efficace des employés ou fonctionnaires, une plus grande créativité et une plus grande responsabilisation des employés de première ligne, comme facteurs importants pour le développement des compétences.

17 Le GovernmentPerformance and Results Act consiste à déposer un plan stratégique, un plan de gestion de performance et un rapport annuel sur la performance de l’année précédente.

Le Governement Wide Performance Plan consiste à mesurer trois sortes de performance : la performance fiscale, la performance administrative et la performance de programme.
Le Performance Based Organisations consiste à mettre en place un projet pilote calqué sur l’expérience des agences britanniques. Elles fonctionnent dans le cas d’un contrat pour réaliser les buts poursuivis.
Pour être jugé sur la performance, le Congrès a autorisé récemment les ministères et les organismes à effectuer leur propre recrutement. Entre autres, le « Office of Personnel Management » a éliminé le manuel de gestion du personnel (Federal Personnel Manuel) pour donner la liberté aux organismes de choisir leur système de gestion du personnel (Observatoire de l’administration Publique, juin, 1996).
Toutefois, il est évident de signaler que ces trois étapes ne sont pas indépendantes l’une de l’autre. Au contraire, chacune des étapes met l’accent sur un aspect particulier de la réforme, sans pour autant négliger les autres aspects (Auger, 1998).
De même, tout l’ensemble ne représente qu’une ouverture vers la réforme globale de l’administration fédérale américaine. Il reste tout un défi à relever dans l’avenir proche concernant la recherche d’une grande efficacité dans un cadre de compression des dépenses (Works better and costs less). Ce qui demandera un investissement substantiel dans la formation et un leadership dynamique et innovateur pour moderniser l’administration publique dans son ensemble (OAP, juin, 1996).
1.2.3.3 Cinq ans plus tard
L’évaluation préliminaire du Rapport Gore sur le plan effectif par le « National performance Review (N.P.R) », selon Auger (1998), énumère la réalisation des objectifs suivants :
1- l’abolition de 348 000 postes fédéraux, soit 18% des 1.9 millions qu’on y retrouvait en 1993. Les républicains prétendent toutefois, que cette réduction des effectifs a été effectuée presque exclusivement dans le secteur militaire et que l’administration proprement dite n’a pas été affectée ;
2- la réalisation d’environ 60% des 1500 actions recommandées dans le rapport Gore ;
3- l’élimination de 16 000 pages de réglementation ;
4- l’élaboration de près de 4000 normes de qualité ;
5- la mise en place de 325 laboratoires de réinvention ;
6- l’adoption des 75 nouvelles lois nécessaires à la mise en application des recommandations du N.P.R.
Il est à signaler que la réduction du budget de 58 milliards, soit 53% des 108 milliards proposés, n’a pas empêché l’augmentation de la dette nationale, soit une augmentation de 800 milliards en trois ans (OAP, juin, 1996).
Cependant, le rapport Gore a soulevé certaines controverses. En effet, comme le fait observer Ketti (OAP, juin, 1996), le gouvernement américain fait face à deux types de déficits, un déficit budgétaire et un déficit de la performance, et qu’il devait viser à ce qu’il maîtrise les deux (cost less and Work better). D’autant plus que la mesure de la performance comme moyen de réduire ces deux déficits est axée sur les résultats, non sur le processus.
En conclusion à cette réforme, l’approche américaine comme d’autres réformes (Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande etc.,) tend vers un fonctionnement plus simple de la gestion publique (Auger 1998). Elle s’appuie sur de multiples éléments orientés vers l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience, ainsi que vers une amélioration de la gestion budgétaire. Selon le même auteur, il s’agit d’une volonté ferme de l’exécutif et du Congrès.
1.2.4 La réforme administrative en Nouvelle-Zélande
Les réformes entreprises par la fonction publique en Nouvelle-Zélande de 1984 à 1994 sont très pertinentes aux yeux du personnel de bureau du Vérificateur général du Canada. Selon ces vérificateurs, ces réformes constituent un véritable effort d’innovation et certaines d’entre elles pourraient être transférées au Canada (Bernier et Dubois, 1998). La justification avancée est que la Nouvelle-Zélande jouit d’un système parlementaire hérité de la même mère patrie, d’une conjoncture économique en mutation, d’un accroissement des attentes du public vis-à-vis du gouvernement et de la nécessité de moderniser la gestion de la fonction publique. Les réformes en Nouvelle-Zélande ont touché de nombreux secteurs d’activité : privatisations, santé, logement, indemnisation des accidents, recherche scientifique.
Par ailleurs, la politique de compression des dépenses et de suppression des subventions s’est traduite en Nouvelle-Zélande, entre autres, par la privatisation de certaines entreprises publiques et par l’introduction des mécanismes du marché pour d’autres, y compris d’autres organismes à caractère social (ex: Santé). Autrement dit, parallèlement à la privatisation, une loi sur les entreprises publiques a vu le jour en 1989. L’objectif est de rendre ces entreprises plus compétitives en les privant de leurs anciens monopoles et en les forçant à être en concurrence directe avec le secteur privé (Bernier et Dubois, 1998).
Toutefois, les transformations des programmes sociaux ont trouvé un milieu propice pour s’amorcer et s’épanouir. En effet, le facteur le plus important qui a contribué à la réussite de ces programmes est que le chômage était quasiment inexistant à cette époque.
Il est à signaler que d’autres transformations radicales ont été apportées lorsqu’on a opté pour les agences gouvernementales au lieu des directions ministères. Pour ce faire, on a séparé « le policy advice » de la prestation de services à la population (Bernier et Dubois, 1998). L’idée générale est d’instaurer le mécanisme de gestion par résultat.
L’évaluation du processus de transformation montre qu’à partir de 1985, la Nouvelle-Zélande a opté pour la déréglementation de l’économie, l’instauration des accords de libre échange avec l’Australie, la fin des subventions des accords à l’industrie et à l’agriculture, ainsi que pour une réforme fiscale. Il s’agit en fait d’une série de réformes allant du changement du cadre légal du fonctionnement de l’administration publique en 1988, à l’acheminement de la réforme sur la gestion financière en 1994, qui avait débuté en 1989. Tout ça s’est produit en parallèle avec la gestion du service de la dette lourde et la subsistance d’un déficit budgétaire, malgré la compression des dépenses, surtout entre 1993 et 1994 (Bernier et Dubois, 1998).
Généralement, et selon une étude faite par l’OCDE (octobre, 1994), les mesures adoptées pour résoudre la crise de 1984 en Nouvelle-Zélande ont été couronnées de succès vers 1995.
Lire le mémoire complet ==> (Gestion du changement dans l’administration publique en vue de sa modernisation)
Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de maître ès sciences (M. Sc.) – Sciences de la gestion
Université de MONTREAL – Ecole des hautes études commerciales affiliée

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de MONTREAL - Ecole des hautes études commerciales affiliée
Auteur·trice·s 🎓:
Hayat BEN SAID

Hayat BEN SAID
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de maître ès sciences (M. Sc.) - Avril 2007
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