Le tourisme d’expérience et l’hospitalité

Le tourisme d’expérience et l’hospitalité

2.4 Expériences significatives autour de l’hospitalité

L’expérience d’hospitalité vécue par le touriste passe par la rencontre. Dans la pratique, on peut se poser la question du cadre permettant à l’hospitalité de s’épanouir dans une expérience touristique significative. Alexandre Panossso Netto & Cecilia Gaeta, 2010, se sont interrogés sur le « tourisme d’expérience ». La vision qu’ils y ont développée semble intéressante vis-à-vis de l’hospitalité.

2.4.1 Tourisme d’expérience et hospitalité

« Que ce soit dans les mythes, les récits historiques et de voyage, ou dans la fiction, le héros qui revient, subit une profonde expérience qui le transforme. Le voyage n’est pas seulement un déplacement géographique, culturel ou social, mais un voyage intérieur, ce qui se révèle être une expérience fondamentale dans la vie des gens. »62 (Netto & Gaeta, 2010 : 26)

La création d’un voyage organisé pour le touriste type FIT pourrait être conduite autour de la réflexion d’une expérience personnelle significative, au-delà d’un service standard ou personnalisé. Une expérience personnelle et créative qui stimule la pensée du voyageur, en lui proposant un défi intellectuel, des voyages plus courts, plus individualisés, dirigés vers le contact avec la nature et avec les communautés locales.

Pour Viard « Le travail du voyage et du paysage sur la société n’est pas seulement un enrichissement par un nouveau niveau de lecture et de désir. Il modifie les rapports identitaires entre les hommes et les territoires. » (2000 : 99).

62 Traduction auteur : « Seja no mito, seja nos relatos históricos e de viagem ou na ficção, o herói que volta passa por experiência profunda que o transforma. A viagem não é apenas um deslocamento geográfico, cultural ou social, mas uma jornada interior, o que justifica ser uma experiência fundamental na vida das pessoas. »

Un voyage, au sens d’une expérience significative peut proposer une relation du voyageur avec d’autres personnes et cultures. Il s’agit de la planification des parcours individuels, tirées des expériences précédentes, les besoins et les attentes des clients de manière à favoriser l’interaction avec les gens et les cultures. Une expérience significative, unique et inoubliable peut être, simplement le travail vers l’hospitalité, comme une porte ouverte pour communiquer avec les locaux et interagir avec leur culture.

« La période est clairement à la recherche de relations, de contacts authentiques, harmonieux et « altruiste » (…) et l’envie de partager des moments, des émotions, des expériences. » DGCIS63

Les agents impliqués dans le développement du tourisme devraient chercher la sensibilité des touristes en stimulant la créativité des communautés à trouver de nouvelles opportunités pour le tourisme. Il faut retenir que plus l’impact d’expérience et d’émotions est élevé, plus l’expérience est mémorable. « Ces voyageurs, (…) incarnent ce qu’il y a de plus profond dans la quête humaine, la quête du sens. » (Viard, 2000 : 58).

2.4.2 Une expérience significative à la Favela de Rocinha

Malgré la controverse que peut susciter le tourisme des favelas, c’est un sujet qui illustre assez bien le concept d’expérience significative autour de l’hospitalité. L’objectif n’est donc pas de savoir si c’est bien ou mal, mais d’en tirer des enseignements s’agissant d’un tourisme d’expérience et de l’hospitalité.

Le tourisme des bidonvilles dans les villages autochtones, la participation et la mise en œuvre de travaux d’intérêts généraux sont des exemples de voyages qui peuvent introduire le voyageur aux réalités locales les plus traditionnelles.

Rocinha est la plus grande favela du Brésil. C’est un gigantesque bidonville construit à flanc de colline. Sa population actuelle est d’environ 150.000 habitants. Située au sud de Rio de Janeiro, entre les quartiers de Gavea et São Conrado, sa proximité avec des maisons luxueuses offre un contraste frappant dans le paysage urbain de la région. Aujourd’hui, la favela de Rocinha reçoit à elle seule environ 3.500 touristes par mois, selon le magasine Veja64. Les clients sont quasi exclusivement des étrangers. Les autres favelas sont également le cadre d’un développement tout aussi important de leurs visites par des touristes étrangers. Comment expliquer ces chiffres en forte croissance?

Tout d’abord, de nombreux produits médiatiques créent pour les touristes des images et des attentes vis-à-vis de la culture brésilienne. La violence fait aussi partie intégrante de l’image du pays à l’étranger. Que ce soit à Paris, Londres, Miami, São Paulo, ou Glasgow, le restaurant du nom de « Favela Chic » sert de la cuisine brésilienne. « Ce n’est plus honteux de parler de favelas. L’intention est de montrer que la favela a de la valeur, de la dignité. Favela est luxe, favela est chic »65

La favela est vue comme un territoire de violence et, en même temps, un lieu de solidarité et d’authenticité préservées. Toutes ces images qui relèvent parfois du cliché et du rêve font que la favela est « vendue » en tant que destination touristique « alternative ».

Pendant la visite, les visiteurs apprennent l’histoire et la vie quotidienne dans la favela, parlent avec la communauté, visitent les principaux points comme la rue 1, où se trouve la plus grande concentration de commerces de Rocinha. Ils peuvent y acheter de l’artisanat produit par la population : t-shirts, peintures, sculptures et autres articles manufacturés. À coté des attractions touristiques, les visiteurs peuvent découvrir des projets sociaux au sein de la communauté.

Le tourisme dans les favelas en tant qu’activité éducative et de divertissement soulève d’importantes questions morales et éthiques concernant la nature du regard touristique. En général, les touristes sont à la recherche d’expériences de plus en plus inhabituelles, interactives, des destinations aventureuses et authentiques.

Chaque voyageur peut être accusé de faire quelque chose de mauvais goût, de participer à un « zoo des pauvres » quand il visite un quartier défavorable. Pourtant, selon les recherches de Freire-Medeiros (2009), il n’y avait personne qui n’ait été satisfait par la visite dans la Favela de Rio de Janeiro. Pour les visiteurs, ce fut une expérience puissante, capable de révéler la ville et de rendre le pays intelligible.

64 Source : http://veja.abril.com.br/noticia/brasil/turismo-favela-violencia-atrai-visitantes.

65 L’un des associés du restaurant Favela Chic à Paris.

Bien qu’il y ait aussi des dilemmes éthiques autour du tourisme dans les favelas brésiliennes, aucun acteur impliqué n’évalue cette action comme immorale. Sur la plupart des visites, il n’y a vraiment rien qui menace la dignité des habitants des favelas. Au contraire, comme les locaux sont ouverts à cette pratique, grâce à l’hospitalité de la favela, il est possible d’avoir un échange avec la communauté.

Selon Barreto, dans son ouvrage « O imprescindível aporte das ciências humanas para o planejamento e a comprensão do turismo »66, il est indispensable d’évaluer les limites de la démarche touristique. Il doit y avoir une négociation entre les acteurs du tourisme et les communautés locales afin que tous en profitent. La justification majeure est que le tourisme apporte des bénéfices économiques à la communauté. Pourtant, l’avantage économique n’est pas la priorité des résidents. Selon eux, le tourisme est une occasion pour construire une représentation différente de la favela. Une image positive.

Selon la recherche de Freire-Medeiros (2009), parmi les 178 habitants de la favela interrogés, 84% sont en faveur de la visite des favelas. Si d’un côté, les habitants s’amusent de la présence des étrangers, de l’autre, le tourisme aide aussi à augmenter l’estime du lieu et la communauté y voit des possibilités d’intégration. Les habitants de la favela sont favorables à l’initiative, parce que finalement de gens s’intéressent à eux. On y voit là le concept d’hospitalité sociale qui consiste à être fier de son lieu de vie au point d’en faire la promotion.

Les résidents aiment la présence des touristes, car ils obtiennent plus d’attention des touristes étrangers que des Brésiliens. Selon Zweig:

« Les Brésiliens n’aiment pas qu’on parle de favelas, car ils leur apparaissent comme des verrues, au point de vue sociale hygiénique, au milieu d’une ville qui brille de propreté. ». (1998 : 216)

L’idée que l’histoire du Brésil est expliquée par la favela provoque un inconfort chez les Brésiliens. L’image internationale du pays est maintenant centrée sur le football, le carnaval et les favelas (plus spontanément citées que, par exemple, les plages, pourtant exceptionnelles au Brésil).

Pour Viard « Une des grandes questions actuelles des vacances et du tourisme est de savoir redonner du sens à une pratique qui a trop été perçue comme un pur produit. ». (2000 : 113).

La favela est un territoire autonome, où les gens restent unis en opposition à la société jugée égoïste qui les entoure. Il est temps de reconnaître la favela comme porteur d’une culture unique et d’investir pour transformer l’expérience touristique en quelque chose de réjouissant, encourageant l’interaction entre les visiteurs et les visités, l’apprentissage sur l’histoire locale, un voyage d’expérience dont tout le monde tirera bénéfice.

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