Plaidoyer en faveur d’une sécurisation des transactions

§ 2 : Perspectives d’avenir : Plaidoyer en faveur d’une sécurisation des transactions.
A l’heure actuelle, nous ne pouvons véritablement nous prononcer sur le développement de ces plateformes musicales, qu’elles soient gérées par l’auteur ou par les industriels qui s’engagent à diffuser sa musique. Si celles-ci se généralisent, tous les auteurs devront à court terme tenter d’encadrer strictement les droits qu’ils entendent conférer à ces nouveaux distributeurs.
Selon Desbois, « l’auteur peut diviser ses droits pour mieux régner. » Ainsi, ce sont les contrats d’exploitation qui devront prévoir et organiser les multiples formes de diffusion aux quelles l’œuvre pourra être sujette. A juste titre, ces contrats devraient laisser une certaine liberté de choix quant au démembrement du droit exclusif de l’auteur, afin que ce dernier puisse développer s’il le souhaite sa plateforme de diffusion personnelle, et ne pas rentrer en conflit avec les distributeurs destinataires du contrat de licence (A). enfin, une protection du consommateur au niveau internationale sera peut-être afin de répondre au mieux à la logique transfrontière du nouvel environnement numérique (B).
A) Des droits nationaux peu enclin à couvrir le marché des « inforoutes internationales ».
L’arrivée des nouvelles technologies a permis d’introduire dans les contrats de nouvelles clauses permettant de couvrir les exploitations liées à ces nouvelles formes de diffusion (1° et 2°). Toutefois, il est intéressant de noter que le consommateur se trouve dans une relation de classique de vente à distance. Dès lors, il conviendra d’analyser les litiges qui pourraient survenir lors de l’exécution de la vente de titre sur Internet (3°).
1°) Des clauses de cession de droits qui doivent être précises.
A l’heure actuelle, la diffusion par le réseau Internet de disques ou films du commerce est soumise au droit exclusif, puisqu’il ne s’agit ni d’une radiodiffusion, ni d’une communication directe dans un lieu public ; ces deux dernières formes de diffusions étant soumises au régime de la licence légale.
Depuis quelques années, de nouvelles clauses interviennent dans les contrats intéressant les auteurs à leur maison de disques. En contrepartie du paiement de primes importantes ou d’augmentation du taux de redevance payé au cocontractant, « les producteurs se sont efforcées d’acquérir ce que l’on appelle de manière impropre les droits Internet39. »
Mais ce genre de contrat est fort imprécis et ne prend pas assez en considération les attentes des auteurs
Le développement des services en ligne de vente de musique sur Internet a permis de voir apparaître des contrats bien plus détaillés avec les ayants droits.
Le contrat ne peut alors plus se lire sans tenir compte du contexte économique et technologique qui va entourer la diffusion par le distributeur.
Ainsi l’auteur peut avoir intérêt à ce que sa musique soit aussi distribuée par un site de musique qu’il aura lui-même élaboré et dont il est propriétaire. Les contrats le liant à une maison de disque ou à un distributeur en général doit envisager ce cas et permettre une liberté de choix et d’action de l’auteur dans la constitution et réalisation de son propre site.
2°) L’engouement de certains pour la licence légale.
Ces sites légaux de téléchargements, qu’ils soient détenus par les maisons de disques (Universal music avec e-compil), les sociétés de la grande distribution (La Fnac avec Fnac.com), par des industriels (Apple avec iTunes) ou encore directement par des auteurs, tentent de prendre à contre-pied les sites de téléchargement « pirates » tout en utilisant les mêmes techniques, mais en les encadrant juridiquement.
Nul ne connaît encore les véritables chances de succès de ces sites car il semble légitime de déclarer que les utilisateurs des sites P2P seront réfractaires à devoir désormais payer pour accéder à des services qui ont toujours été libres et gratuits à leurs yeux, quand bien ils étaient illégaux en réalité.
Pour certains, dont l’ADAMI, l’instauration d’une licence légale permettrait de compenser les conséquences de ces téléchargements illégaux de musique en ligne.
Cette licence légale serait calculée « en fonction du prix payé par le public au fournisseur d’accès40 , puis partagée équitablement entre auteurs, artistes interprètes et producteurs de phonogrammes. »
Ces licences légales sont jusqu’alors instaurées pour la radiodiffusion terrestre ou satellitaire, analogique ou numérique, la reprise par câble simultanée et intégrale de cette radiodiffusion, ou pour la communication dans un lieu public.
Il est évident que cette rémunération équitable pourrait offrir une grande facilité de gestion, mais ce serait faire abstraction des droits exclusifs des auteurs et donc des contrats permettant leur exercice.
En outre, il n’est pas évident que l’auteur sorte gagnant financièrement de ce recours éventuel à la licence légale. En effet, jusqu’à présent la licence légale permet de rémunérer l’auteur pour une utilisation de son œuvre qui ne correspond pas à une vente. Il s’agit plus de « dédommager » l’auteur pour la diffusion sur les ondes ou dans lieux ouverts au public. Même si cette rémunération ne constitue en aucun cas une exception au droit d’auteur, il serait possible de rapprocher ce mécanisme de celui de la copie privée. En effet, une somme sera perçue vraisemblablement sur le prix des abonnements payés par les possesseurs d’une connexion Internet à domicile (c’est en tout cas ce que préconise l’ADAMI). Cette somme sera ensuite redistribuée par les sociétés de gestion collective selon des critères préétablis. Or, s’il est aujourd’hui permis de s’interroger sur le contrôle de la gestion des redevances pour copie privée– les sommes récoltées sont elles redistribuées de manière équitable et en respectant l’utilisation qui est faite réellement de telle ou telle œuvre – il en sera de même demain pour la licence légale en matière de diffusion sur Internet. Un contrôle efficace est impossible en l’espèce. Alors que la licence est concevable en ce qui concerne la communication ou diffusion de l’œuvre vers un public indéterminé (magasin, radio…), il n’en est pas de même pour la diffusion sur les sites de téléchargement de musique en ligne. Ce mode d’exploitation est un substitut à la vente d’œuvre qui, elle, est quantifiable (nombre de supports vendus dans le commerce, nombre de fichiers téléchargés sur les plateformes légales de diffusion…) et doit être quantifiée pour permettre à l’auteur de toucher des revenus de son activité conformes à l’exploitation réelle qui est faite de son œuvre.
Outre les auteurs, ou certains d’entre eux, des consommateurs pourraient voir d’un mauvais œil l’arrivée de cette licence légale en matière de diffusion sur Internet. Alors qu’elle peut constituer un avantage pour ceux qui utilisent les sites de P2P, (car même s’ils auront désormais à payer pour un service qu’il « bénéficiaient » gratuitement jusqu’à présent, ils le feront désormais en toute légalité et ne craindront d’éventuels actions en justice), il n’en est pas de même des abonnés Internet qui n’ont sinon jamais, du moins peu recours à l’acquisition d’œuvre via Internet. Cette licence instaurerait en quelque sorte une taxe sur les abonnements, contraignant ainsi tous les consommateurs à payer pour un service ou une utilisation auxquels ils n’accèdent pas41.
3°) Imprécision des droits du consommateur dans le téléchargement de fichiers sur Internet.
Beaucoup se demandent quelle normativité doit permettre d’encadrer la communication directe entre l’auteur et les internautes qui achètent sa musique : la loi ou le contrat. La deuxième solution semble l’emporter sur la première puisqu’il permettra de manière évidente d’encadrer au plus près la relation en question, définir plus précisément les droits et obligations des parties de manière éclairée, et pallier aux difficultés d’harmonisation internationale dans ce domaine.
Bien que cette remarque vaille aussi lorsque les œuvres sont diffusées au consommateur final via un distributeur « traditionnel », la logique veut que les restrictions apportées à l’utilisation de l’œuvre soit stipulées lors de la transaction, au même titre que la présence actuelle sur les pochettes de CD vendus dans le commerce de logos ou informations précisant l’existence de dispositif anti-copie. Lorsqu’un fichier distribuée via Internet ne pourra être utilisé par le consommateur comme bon lui semble – restrictions du nombre de copie, du nombre de gravures ou de copies privées, restrictions d’utilisation avec certains logiciels (comme nous l’avons vu avec l’apparition des « formats propriétaires » de Apple et Sony – alors l’information devra figurer sur l’écran d’ordinateur du consommateur. Dans le cas contraire, ce défaut d’information pourrait permettre au consommateur d’exercer une sorte de droit de rétraction, s’il lui est impossible de lire le fichier téléchargé, et ce, même s’il ne s’agit pas d’un bien corporel42 et qu’il lui sera impossible de le renvoyer à l’expéditeur.
Il est évident que les textes relatifs à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, ou au téléachat sont inapplicables en l’espèce. En effet, ces textes régissent des relations de vente, effectuée sur des objets matériels. Dans l’univers incorporel, le consommateur ne pourra alors exercer son droit de rétractation et de retour.

41 A ce titre, voir les développements sur la copie privée et l’idée de taxation du consommateur qui n’y a jamais recours, dans le chapitre 2 section 2 de ce mémoire.
42 Voir infra, Chapitre 2, section 1, § 2, sur l’impossibilité de lire certains CD protégés sur des platines laser.

En droit français, les lois du 6 janvier 1988, du 23 juin 1989 et du 18 janvier 1992 ont en effet posé des règles impératives concernant les ventes à distances43. Un élément essentiel de ces textes est la faculté de retour offerte au consommateur, or, ce droit « ne s’applique qu’à la vente stricto sensu et plus précisément encore à la vente de produits 44». Toutefois, les articles concernant l’obligation d’information du consommateur (L.121-8 du code de la consommation) ont un domaine plus large et s’appliquent, outre à la vente de biens, à la fourniture de services
Quid d’un refus du consommateur d’acquérir, après réflexion, le titre téléchargé à distance ou de le renvoyer pour défaut de conformité ou vices cachés ?
Des directives sur le commerce électronique et la vente à distance sont venues encadrer les relations entre professionnels et consommateur lors des contrats à distances.
Une Directive sur le Commerce électronique, adoptée le 8 juin 2000, a pour objectif d’assurer la libre prestation de services de la société de l’information conformément aux règles du Traité CE relatives à la libre prestation de services (article 49). Les Etats membres sont tenus de « s’assurer que les prestataires de services établis sur leur propre territoire se conforment aux exigences nationales qui leur sont applicables et relèvent du champ coordonné par la Directive ».
Une Directive du 20 mai 1997 concerne « la protection des consommateurs en matière de contrats à distance » et englobe ainsi les prestations de services.
Le chevauchement de ces deux Directives semble être a priori favorable au consommateur, mais hormis les différentes obligations d’information que pourra vraisemblablement revendiquer le consommateur de fichier à télécharger, elles ne répondent pas aux difficultés que ce dernier pourrait rencontrer en cas d’impossibilité de lire lesdits fichiers.
Qu’en est il en effet lorsque le consommateur ne peut lire le fichier téléchargé sur sa platine à cause d’un système d’exploitation ou d’un logiciel incompatible45. La preuve sera en effet bien difficile à rapporter en l’espèce si le téléchargement échoue ou si le fichier téléchargé s’avère illisible suite à une erreur ou un fait qui seraient étrangers au consommateur. Toutefois, si le consommateur a téléchargé un fichier qu’il ne pouvait lire étant donné la configuration de son ordinateur, et que les restrictions d’utilisations dans certains cas de fichiers protégés ou formatés n’étaient pas spécifiées, alors il pourra vraisemblablement se retourner contre le propriétaire de la plateforme musicale et demander le remboursement du ou des titres téléchargés.
Lire le mémoire complet ==> (Le droit d’auteur et le consommateur dans l’univers numérique)
Entre solidarisme de la consommation et individualisme de la propriété.
Mémoire de fin d’études – DEA De Droit Des Créations Immatérielles – Droit Nouvelles Technologies
Université De MONTPELLIER I – Faculté De Droit
 

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