Les protections interétatiques du respect du droit communautaire

b – Les protections interétatiques du respect du droit communautaire
α – Devant la Cour de justice des Communautés européennes
En ce qui concerne le recours en manquement, le salarié doit s’adresser à la Commission, gardienne du Traité. Elle veille au respect de l’ordre juridique communautaire. Elle procèdera, dans un premier temps à une enquête268. Cette action auprès de la Commission pour le respect des normes communautaire peut aboutir à une condamnation pour manquement, prononcée par la Cour de justice si la Commission décide de poursuivre l’Etat, en entamant une procédure d’infraction.
L’un des exemples les plus significatifs est celui d’une plainte reçue en plusieurs exemplaires au sujet du nombre d’heures de travail par semaine dans les hôpitaux et services assimilés de la Communauté autonome de Galice en Espagne.
Cette procédure a été également utilisée à propos de travailleurs frontaliers, occupés en France, qui s’étaient vu refuser le bénéfice des cartes SNCF de réduction sur les transports ferroviaires, au motif qu’ils ne résidaient pas en France. Cette pratique, contraire à la règle de l’égalité en matière d’avantages sociaux entre les travailleurs migrants communautaires269, a été modifiée sous la simple menace d’une procédure d’infraction270.
Le dépôt de plainte auprès de la Commission peut être pour l’Etat défaillant une véritable menace d’une éventuelle condamnation dont il préfère éviter. Ainsi, la situation du justiciable sera en conformité avec le droit communautaire avant même la condamnation de cet Etat.
β- Devant la Cour européenne des droits de l’Homme
La Convention européenne des droits de l’homme peut être invoquée à deux niveaux, soit au niveau international, devant la Cour européenne des droits de l’homme, soit au niveau national, devant les juridictions françaises.

268 Art. 284 du TCE
269 Etant donné que le règlement 1612/68 du 15 octobre 1968 s’applique aux travailleurs frontaliers, la Cour de justice a jugé qu’un Etat ne saurait subordonner l’octroi d’un avantage social à une condition de résidence sur le territoire national (CJCE, Meints, 27 novembre 1997, aff. 57/96, Rec., p. 6689).
270 BONNECHÈRE (M.), « De la connaissance et de l’usage du droit communautaire dans la pratique quotidienne du droit social », Dr. ouvrier, 2000, p. 91

La France a ratifié de nombreuses conventions internationales en matière de protection des travailleurs. Il est possible, que ces dernières ne prévoient pas des mesures permettant de sanctionner leur non application ou leur violation par un recours individuel. Cependant, un tel recours est prévu pour la Convention européenne des droits de l’Homme. La compétence de la Cour européenne s’étend à toutes les affaires concernant l’interprétation et l’application de la Convention européenne des droits de l’Homme. Elle ne peut s’exercer qu’à l’égard des Etats qui l’ont reconnu comme obligatoire de plein droit, tel est le cas de la France271.
Le contrôle opéré par la Cour européenne n’a point pour objectif de trancher un litige mais de rappeler éventuellement les Etats à leurs devoirs, sans rien pouvoir imposer au juge national. Ce principe a été rappelé par la chambre criminelle de la Cour de cassation272. La Convention est considérée comme respectée lorsque la norme nationale présente une proximité suffisante avec la norme européenne273.
Pour quelles matières violées, le travailleur pourra t-il invoquer la Convention européenne ?
La Convention, en son article 4, interdit l’esclavage, le travail forcé ou la servitude. Elle interdit, en son article 8, le non respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance. Cette protection de la vie privée vaut également au travail. A l’article 9 est proclamé la liberté de pensée, de conscience et de religion. Quant à l’article 14, il interdit les discriminations dans la jouissance des droits garantis.
Le travailleur peut également invoquer la Convention devant les juridictions nationales, par exemple, lors d’une discrimination (différence de traitements, discrimination entre hommes et femmes…), pour non respect de sa vie privée au travail (on peut donner comme exemple le respect de la différence sexuelle, la prise en compte de la situation familiale du travailleur), de sa correspondance (respect du courrier électronique au travail), de sa liberté religieuse (respect du culte du salarié).
Des restrictions aux droits proclamés par la Convention peuvent être apportées mais doivent être justifiés par la nécessité de la défense d’un intérêt supérieur et être proportionnel au but poursuivi.

271 RICHEVAUX (M.), « La Cour Européenne des Droits de l’Homme peut choisir… », Dr. ouvrier, 1989, p. 274.
272 Cass. Crim., 4 mai 1994, Bull. crim, n°166.
273 DELMAS- MARTY (M.), « Vers une logique juridique : à propos de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’Homme », D. 1988, chron. P. 221

La Convention protège ainsi l’individu en tant que travailleur. Dans l’affaire Abraam274, l’article 8 de la Convention a été invoqué devant la Cour de cassation pour non respect de la vie privée du salarié par le fait que son employeur le contraignait à travailler à son domicile. La Convention européenne a donc une influence certaine dans le droit interne puisque le juge national s’y réfère explicitement.
En cas de non application de la part de nos tribunaux français de la Convention, le travailleur peut saisir la Cour européenne des droits de l’Homme. La saisine de la Cour européenne par le justiciable doit répondre à certaines conditions de recevabilité. Tout d’abord l’épuisement des voies de recours effectives. Il doit y avoir violation de la Convention c’est-à- dire préjudice personnel et direct. De même, une personne n’ayant pas bénéficié d’un procès équitable dans un délai raisonnable a le droit de saisir la Cour. Le travailleur doit être personnellement lésé dans un domaine intéressant la Convention275.
La Cour de cassation affirme que « les décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme (…) n’ont aucune incidence directe en droit interne sur les décisions des juridictions nationales ».
Comment est-il concevable que l’application et l’interprétation de la convention des droits de l’Homme reste sans effet en droit interne alors que la Convention affirme, dans son préambule, la « nécessaire conception commune des droits de l’homme dont se réclament les gouvernements signataires276 » ?
2 / La protection au provisoire
Cette protection au provisoire a été consacrée par la Cour de justice dans l’arrêt Factortame277. La Cour a confirmé l’obligation de la part des tribunaux nationaux, d’accorder la protection judiciaire en question à des droits de nature communautaire ayant un effet direct, même si l’existence définitive de tels droits dépendait d’une décision ultérieure de la Cour de Luxembourg278.

275 Ceci a été développé précédemment, p. 88.
276 ANCEL (J.P.), « La prise en compte du droit international et communautaire dans la jurisprudence de la Cour de cassation », in Etudes Alain Plantey, p. 67.
277 CJCE, arrêt Factortame, 19 juin 1990, aff. C- 213/89
278 Id., La Cour a considéré que « serait incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit communautaire toute disposition d’un ordre juridique national ou toute pratique, administrative ou judiciaire qui aurait pour effet de diminuer l’efficacité du droit communautaire… ».

Le juge du provisoire doit lui aussi faire respecter le principe de primauté. Le justiciable bénéficie donc d’une protection indéniable au niveau de l’applicabilité effective du droit communautaire.
Cette deuxième partie nous permet de démontrer l’influence certaine du droit communautaire au sein du droit interne par une applicabilité effective. Mais, pour une influence pleine et entière du droit communautaire, il est nécessaire qu’existent des « gardes fous ». L’existence de la sanction permet, la plupart du temps d’éviter la violation ou la non application du droit communautaire. Cependant, si l’Etat ne respecte pas les normes communautaires, il sera sanctionné. Une force incontestable est ainsi dévolue au droit communautaire.
Lire le mémoire complet ==> (L’influence du droit communautaire en droit du travail français)
Mémoire de DEA de droit social – Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales
Université LILLE 2- Droit et santé

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