Les origines de la communication politique : la propagande ?

B) Un sous-contexte de la petite phrase : la communication politique

Le moment est venu de regarder de quelle manière ce discours politique, que nous venons de définir, circule, se diffuse, et à l’aide de quelles techniques.

Ainsi, rappelons que nous essayons à travers cette étude d’observer si les « petites phrases » jouent un rôle dans la stratégie de communication d’un homme politique, et plus particulièrement au cours d’une campagne électorale.

Aussi, on ne pouvait dans ce mémoire traiter de ce sujet sans aborder précisément la question de la communication politique : celle-ci diffère du discours politique, dont nous venons de dresser le cadre.

Elle en diffère par le fait qu’elle fait immanquablement penser à la forme utilisée pour diffuser des idées, quand le discours politique en lui-même concerne plus le fond.

Essayons alors de définir ce qu’est la communication politique, en commençant par un bref retour en arrière.

Différence entre propagande et communication

1) Les origines de la communication politique : la propagande ?

« La communication politique, au sens moderne, désignant l’ensemble des pratiques visant à établir des liens entre les professionnels de la politique et leurs électeurs, en usant notamment des voies offertes par les médias (de l’article de presse au clip, du publipostage au courrier électronique, du débat télévisé au blog…), a pris naissance aux Etats-Unis » (Riutort, 2007 : 25).

Dans cette définition qui est en même temps une façon de resituer les origines de cette « discipline », le sociologue nous livre plusieurs informations.

Tout d’abord, et en comparaison avec le discours politique, il cite un acteur supplémentaire :

Le monde des médias, qui serait donc intrinsèquement lié à la communication politique : on comprend aisément que le lien entre un acteur politique et sa « cible », à savoir la population, va se faire par le biais des médias.

La naissance de la communication politique

Ensuite, il nous dit que c’est aux Etats-Unis que la communication politique, selon lui, trouve ses origines : il évoque d’ailleurs plutôt l’opinion publique et la façon dont les politiques vont s’y intéresser, celle-ci tendant « …à s’ériger aux Etats- Unis, dès la fin du XIXe siècle, en principe majeur de légitimation des gouvernants » (ibid. : 26).

Le discours politique: déf., 3 composantes, analyse, pouvoir

L’appellation d’opinion publique est d’ailleurs à rapprocher de celle de relations publiques, qui se développent également aux USA dans les années 1920.

A cette époque, « les relations publiques se professionnalisent sous l’influence d’un Edward Bernays, qui y a vu un moyen de ‘cristalliser l’opinion publique’, pour reprendre le titre d’un de ses ouvrages » (Lhérault/Daklia, 2008 : 205).

Dans ces propos, on voit apparaître la notion d’influence des masses et de l’opinion.

En filigrane de ces notions en apparaît une autre, fondamentale : la propagande, dont Edward Bernays se voudra l’un des théoriciens, notamment au travers de son œuvre très célèbre : Propaganda (1928).

Il y écrit que « la manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes des masses, joue un rôle important dans une société démocratique.

Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays » (Bernays, 1928 : 31).

A travers ces propos où apparaît le mot gouvernement, on perçoit l’importance de l’approche propagandiste dans la communication entre les acteurs politiques et la population à cette époque aux USA.

La définition de la propagande

La « propagande » a pourtant des origines tout autres puisque le terme a été utilisé pour la première fois dans le contexte religieux : congregatio de propaganda fide (congrégation pour la propagation de la foi), instituée le 22 juin 1622 par le pape Gregoire XV pour « répandre la religion catholique et diriger toutes les missions » (Breton, 1997 : 69).

Voici une définition très générale de ce terme : « action systématique exercée sur l’opinion pour faire accepter certaines idées ou doctrines, notamment dans le domaine politique, social, etc. » (Le Petit Larousse (1995 : 829).

Peut-être que cette autre approche, pourtant historique, rappelle l’origine « religieuse » du terme : « La propagande applique les techniques de la foi collective et vise à la socialisation des doctrines politiques et des idéologies » (Delporte, 2003 : 3).

Ramenons le terme dans le champ politique et citons le point de vue du politologue Jacques Gerstlé qui rappelle que « dès 1927, Lasswell publie un ouvrage sur les techniques de propagande pendant la 1ère guerre mondiale.

Il la définit comme le management des attitudes collectives par la manipulation des symboles assez proche de certaines définitions actuelles de la communication politique » (Gerstlé, 2004 : 30), Lasswell ayant été un spécialiste américain reconnu des relations entre la communication et la politique.

Même si cette notion de propagande semble avoir aujourd’hui une certaine connotation négative, Philippe Breton, nous rappelle que ce terme « n’est devenu péjoratif que depuis peu ».

La communication politique : déf., propagande, manipulation

Pour illustrer ses propos, il cite l’œuvre de Serge Tchakholine, Le viol des foules par la propagande politique (1952), dans lequel l’auteur regrette que les méthodes de la propagande « aient été insuffisamment utilisées ‘pour la bonne cause démocratique’ » (Breton, 1997 : 70).

En d’autres termes, même si, dans l’opinion, ce terme de propagande semble le plus souvent associé à des actions menées par des régimes non démocratiques ou pendant des périodes troubles puisque, selon certains, elle « (…) s’appliquait à entretenir le rapport inégalitaire entre les acteurs politiques et la masse par le caractère unilatéral du message (…) » (Delporte, 2006 : 30), il semblerait qu’il puisse également être associé à l’activité politique classique d’une démocratie.

2) De la propagande à la communication politique

Replaçons-nous brièvement dans le contexte américain pour citer la fameuse théorie de la « seringue hypodermique » de Lasswell, qui mettait en avant « la puissance de conditionnement des médias de masse » (Riutort, 2007 : 36), son principe général étant que les médias contrôlent l’opinion en lui injectant certaines « doses de messages » à intervalle régulier.

Cette théorie sera mise à mal dans les années 1940-1950 par les travaux de Lazarsfeld et ses équipes de Columbia, pour qui ce phénomène aurait des « effets limités ».

Le chercheur avance que « les récepteurs ne subiraient (…) qu’une « exposition sélective », au sens où ils filtreraient en amont l’émetteur (du choix d’un journal à celui d’un bulletin d’information) à partir de leurs préférences initiales » (Riutort, 2007 : 36).

Dans cette théorie, nommée two-step flow of communication, Lazarsfeld évoque également le rôle joué par celui qu’il nomme le leader d’opinion, par exemple le père de famille, qui retraduit les informations qu’il a lui-même réceptionnées.

En résumé, cette théorie met en avant qu’un certain nombre de « filtres » existeraient et que le conditionnement des masses ne serait donc pas une évidence.

C’est en quelque sorte une façon de dire que la « communication » vient s’immiscer dans les relations entre les médias et les masses.

Définition de la communication politique

« Si l’on en croit l’idée généralement admise, nous serions passés, dans une période que l’on situe, selon le cas, quelque part entre les années 1950 et 1980, d’un âge de la propagande à un âge de la communication politique, mouvement qui aurait ainsi accompagné le basculement du temps des masses à celui de l’opinion publique » (Delporte, 2006 : 30).

C’est le cas français que l’historien dépeint dans cet article, même s’il n’est pas clairement établi que ce phénomène ait un lien avec ce qui s’est passé aux USA.

Et quand il ajoute que « par la posture d’écoute et de dialogue qu’elle suppose, la communication constitue le liant de la société démocratique, en rupture avec la propagande, par nature totalitaire », il apporte le présupposé que la communication politique serait à mettre en lien avec la nature démocratique d’un régime politique.

Les Sciences de l’Information et de la Communication semblent également défendre cette hypothèse, à savoir qu’il existerait un lien entre la propagande et la communication politique, comme par exemple dans cet article :

« La tension entre les catégories « propagande » et « communication politique » est devenue particulièrement manifeste dans les années quatre-vingt, décennie caractérisée par la construction de la communication comme catégorie d’analyse dominante, dans la sphère politique et au-delà » (Ollivier-Yaniv, 2010 : 31).

La méthode de la communication facilitée

Il semble donc que les années 1980 aient marqué en France un tournant dans cet avènement, cette mise en place d’une communication politique.

C’est également dans cette décennie qu’apparaît une autre définition de la communication politique allant dans ce sens :

Il s’agirait ainsi d’un « espace où s’échangent les discours des trois acteurs qui ont la légitimité à s’exprimer publiquement sur la politique et qui sont les hommes politiques, les journalistes et l’opinion publique au travers des sondages » (Wolton, 1989 : 39).

Là encore on voit que la communication a investi le champ et que les échanges entre les acteurs sont au cœur du processus.

La communication politique se distinguerait donc de la propagande par ce dialogue qui apparaît être central et où une certaine mise en commun des intérêts semble prévaloir.

On pourrait alors imaginer qu’une stratégie de communication, dans le cadre d’une campagne électorale se déroulant en 2012, n’aurait pas pour seul objectif la conquête du pouvoir.

Mais également celui de la mise en place d’une organisation permettant l’atteinte d’objectifs communs définis dans le cadre de ladite communication politique, grâce aux possibilités de dialogue qu’elle permet.

Mais le thème de la propagande n’est pas le seul à évoquer.

Lorsqu’il est question de discours politique, la manipulation est un sujet qui revient régulièrement et qui semble jouer un rôle incontournable.

3) La manipulation

La définition de la manipulation

« De manière apparemment paradoxale au regard du sens commun, la manipulation des discours est définie comme étant plus caractéristique des régimes démocratiques que des régimes totalitaires » (Ollivier-Yaniv, 2010 : 33).

Cette approche un peu directe qui consiste à dire que la manipulation n’est pas l’apanage des régimes totalitaires, peut surprendre au premier abord.

Mais cette vision est partagée par d’autres chercheurs, qui estiment par ailleurs que les techniques manipulatoires ont des points communs avec la propagande.

Ainsi, Philippe Breton pense que la propagande est un « type de techniques de manipulation de la parole mises en œuvre de façon consciente et systématique.

La propagande est plutôt née au sein des régimes démocratiques que des régimes totalitaires » (Breton, 1997 : 68), et ajoute un peu plus loin :

« De nombreux partis politiques, y compris démocratiques dans les valeurs qu’ils défendent, utiliseront constamment et systématiquement le terme propagande pour désigner la partie spécifique de leur action qui concerne la diffusion de leurs idées auprès du public » (Breton, 1997 : 69).

Ce que l’auteur nous dit en plus ici est que la manipulation et la propagande seraient donc liées, et par ailleurs bien présentes au sein des régimes démocratiques : on ne peut alors s’empêcher de faire le lien avec le discours politique.

En effet, qui, dans les sociétés modernes, ne cherchent à convaincre, si ce ne sont tous ceux qui cherchent à « vendre quelque chose » ?

On voit bien que dans cette catégorie, l’on peut aussi bien inclure toutes les démarches commerciales qui visent à « faire acheter » que tous les discours politiques qui visent à « faire adhérer », notamment en période de campagne électorale.

Les discours politiques sont-ils donc par nature manipulatoires ?

Les techniques de communication politique vont-elles systématiquement s’appuyer sur ces ressorts pour augmenter leur efficacité ?

Cette définition de la manipulation interpelle :

« La manipulation consiste à entrer par effraction dans l’esprit de quelqu’un pour y déposer une opinion ou provoquer un comportement sans que ce quelqu’un sache qu’il y a eu effraction » (Breton, 1997 : 26).

Cette notion de « violence psychologique », expression également utilisée par le chercheur et qui justifie l’emploie de ce terme en l’associant à de la dissimulation, tend à montrer que, si la manipulation semble bel et bien exister, son image ne semble pas être celle d’un concept flatteur ou positif.

Au fur et à mesure de notre étude ici, nous essayerons de déterminer quelle part prend la manipulation dans le discours politique et si les « petites phrases » que nous avons sélectionnées révèlent certaines techniques manipulatoires.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université Européenne de Bretagne – Rennes 2 - Unité de formation et de recherche d'arts, lettres, communication UFR ALC
Auteur·trice·s 🎓:
Perrault Frédéric

Perrault Frédéric
Année de soutenance 📅: Mémoire de MASTER 2 Communication - Parcours : Métiers de l’information et de la communication organisationnelle - Septembre 2014
Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top