Les contrôles propres à chaque chambre – Paragraphe 2 :
« Les chambres régionales des comptes disposent d’une totale liberté en matière de contrôle de la gestion »137. Ainsi, chaque chambre régionale prévoit une programmation quadriennale de contrôle n’ayant aucun caractère impératif, ni contraignant, adoptée par arrêté du président de la juridiction. Cet encadrement va se traduire par une programmation annuelle de contrôle arrêtée par le président de la juridiction après consultation de l’ensemble des magistrats de la chambre et après avis du ministère public. De plus, en 1997, les chambres ont rendu 16 927 jugements sur les comptes des comptables publics, soit une augmentation de 6 % par rapport à 1992, et émis 1 314 avis budgétaires (+ 5 % par rapport à 1992)et en matière de contrôle de la gestion, elles ont adressé 995 lettres d’observations définitives sur la gestion (+ 22 %par rapport à 1992). En 1999, les observations portant sur la gestion des organismes contrôlés ont donné lieu à 2 514 communications aux ordonnateurs ou autorités administratives, 875 lettres d’observations provisoires et 807 lettres d’observations définitives138. Ainsi, l’accroissement de la charge de travail de la chambre régionale des comptes est une source d’explication de la difficulté de respecter la programmation quadriennale ce qui pousse certains auteurs à l’envisager sur cinq ans139.
Toutefois, selon Pierre VAN HERZELE, le programme annuel ne constitue qu’une référence et non pas une obligation juridique. En effet, en aucun cas, la nature et l’ampleur du contrôle ne peut être décidée par le magistrat. En effet, il manquerait à ses obligations s’il exerçait un contrôle minimal indiqué par le programme et omettrait de rapporter des informations à la chambre. Cette programmation apparaît comme une nécessité d’organisation interne, soit la répartition des organismes à contrôler, dont le président est investi car il « définit l’organisation et le programme annuel des travaux après consultation et avis du ministère public »140. Ainsi, la procédure est assez variable selon les chambres puisque certaines pourront suivre le magistrat en fixant des objectifs trimestriels ou en déterminant l’ordre de contrôle et d’autres, laisser le libre arbitre aux magistrats à charge pour eux de remplir les objectifs assignés par le programme. Bien entendu, la durée du contrôle s’adapte à la situation et les organismes présentant une masse financière importante ainsi qu’un domaine étendu pourront faire l’objet d’une programmation pluriannuelle.
De façon pragmatique, la mise en place d’un programme résulte de plusieurs aspects. En effet, la découverte de la nécessité de réaliser un contrôle de la gestion peut être concomitante à l’examen des comptes et inciter la juridiction à l’établir. De même, la réalisation de thèmes d’enquêtes communs entre la cour des comptes et la chambre peut motiver la réalisation de vérifications à l’appui de cette recherche141. Cette dernière approche met en évidence la liaison entre la chambre régionale des comptes et la cour des comptes. En effet, la cour des comptes intervenant en appel de la chambre régionale des comptes peut intervenir pour lisser les procédures. Toutefois, en terme de contrôle de la gestion, il ne faut pas minimiser l’importance du comité de liaison intervenant dans une optique de « coordination entre les programmes annuels de contrôle »142. Ainsi, le comité sera chargé de définir des thèmes d’enquête communs entre différentes chambres afin de pouvoir harmoniser les procédures des chambres par le biais d’un travail concerté sur un sujet déterminé. Enfin, le ministère public exerce une fonction unificatrice étant en relation avec le procureur de la cour des comptes lui permettant par ce biais d’aider à l’homogénéisation des procédures.
Depuis 1988, un débat est présent dans les chambres régionales des comptes à savoir la question d’établir un référentiel contenant les diligences minimales que les magistrats instructeurs devraient utiliser dans le contrôle de la gestion. Toutefois, il ne faut pas minimiser l’importance de ce débat puisque l’établissement de cette base contrevient en quelques sorte à l’autonomie des magistrats conférée dans leur statut.
Ainsi, Didier Roguez considère que cet encadrement serait nécessaire mais il doit s’agir d’un corpus minimum ne risquant pas d’enfermer le magistrat dans ses choix. Dans ce cadre, il est difficile de savoir où placer le curseur puisqu’il faut laisser au magistrat asse de marges pour s’adapter aux circonstances de l’espèce. De plus, il ne faut pas que ces thèmes soient trop ciblés car un risque d’habillage du contrôlé pourrait apparaître et dans ce cadre, le contrôle deviendrait inefficace. De plus, l’importance de la spécificité des collectivités ne doit pas être oubliée et en général l’étude au cas par cas prévaut.
Dans le même sens, le rapport public de la cour des comptes évoque le contenu des lettres d’observation en tant qu’elles « ne font que refléter l’extrême diversité des problèmes auxquels sont confrontés les élus, et l’étendue de leurs attributions depuis les lois de décentralisation »143. Toutefois, le caractère récurrent de quatre thèmes de contrôle dans toutes les chambres régionales des comptes de France144 a été mis en exergue comme l’analyse de la situation financière, les marchés et commande publique, la gestion des services publics industriels et commerciaux et la gestion du personnel.
« L’analyse financière de la collectivité se fonde sur des données et des agrégats globalisés ce et débouche, en général, sur un diagnostic des marges de manœuvres financières des organismes contrôlés, notamment leur fiscalité, leur endettement et leur capacité d’épargne. »145. De plus, l’article 13 de la loi du 6 février 1992 ainsi que le décret du 27 mars 1993 tendent à répandre l’information des assemblées avec la publication en annexes aux documents budgétaires des instruments tels que les ratios et les indicateurs synthétiques. Concernant les ratios, l’inconvénient est que ce sont des indices retenus par la loi qui, par conséquent, peuvent apparaître contestables en ce sens qu’ils ne sont pas adaptés à la spécificité des collectivités locales. Ainsi, ces ratios se déclinent selon deux agrégats soient dans l’aménagement du territoire local et l’évaluation de la capacité d’amortissement des communes au regard de la nécessité de l’équilibre budgétaire146. Ils apparaissent couvrir tous les aspects de la vie locale à ceci près qu’ils ne constituent qu’une référence par rapport à la moyenne nationale. De plus, il apparaît nécessaire de s’interroger sur la pertinence de cette analyse financière, les ratios faisant référence à une moyenne nationale, constitue-t-il des éléments efficaces de ce fait ?
Les marchés, achats et commandes publiques forment la rubrique la plus critiquée par les chambres régionales des comptes. Ainsi, les cas les plus fréquents de dénonciation concerne le dysfonctionnement de la mise en concurrence et des procédures d’attribution des marchés. En effet, le respect du code des marchés constitue un facteur de l’efficacité de la dépense publique et la chambre régionale invite les collectivités à régulariser leur procédure. Ainsi, la chambre régionale des comptes de Champagne-Ardennes a évoqué le fait que le département de la Marne se lançait dans une démarche d’amélioration des procédures et tendait à insérer la passation des marchés publiques dans un cadre plus formalisé. A cet égard, « la chambre invite donc la collectivité à achever l’évolution engagée pour inscrire sa politique d’achat et d’investissement dans des procédures régulières. »147. Dans ce cadre, diverses observations portent atteinte à la régularité de passation des marchés publics telles que le non respect des seuils des marchés, le recours abusif aux avenants aux contrats afin d’éviter une nouvelle mise en concurrence148…
La gestion du personnel fait aussi partie de nombreuses observations notamment les modalités de recrutement, la rémunération des agents ainsi que l’octroi de certains avantages, en nature ou financiers, octroyés à des titulaires ou non. A titre d’exemples, la chambre régionale des comptes de Champagne-Ardennes 149 relève les coûts importants du département de la Marne dans le recours à du personnel intérimaire dont les services ne sont pas rattachés au budget ce qui engendre une augmentation des ratios. De plus, la délibération du 21 octobre 1998 a confirmé cette analyse en évoquant « que les crédits ouverts sont consacrés en grande partie à la rémunération de personnel intérimaire ».
Enfin, le dernier type d’observations porte sur la gestion des services publics locaux ainsi que sur les délégations de services publics. Sur la gestion des services publics, les observations semblent plutôt être orientées vers une question de la conformité budgétaire, en revanche pour les délégations de service public, « les chambres s’intéressent également à l’appréciation des performances de la gestion déléguée, dans une optique tournée vers le contrôle de l’efficacité, ce qui implique d’avoir accès aux comptes et aux justifications produites par les délégataires, et de les exploiter, exercice encore marqué par de nombreuses difficultés »150. De plus, elles se prononcent sur les procédures de mise en concurrence des délégations, la garanties du principe d’égalité dans le traitement des usagers151…
Suite à cette exposition des thèmes apparaissant de manière récurrente dans les lettres d’observations définitives, il semble que le seul point de la procédure pouvant faire l’objet d’une homogénéisation soit l’analyse financière puisque c’est la démarche préliminaire de chaque magistrat, les autres thèmes de contrôle font partis du cas par cas.
Lire le mémoire complet ==> (L’évaluation de l’efficacité de la dépense publique dans le contrôle de la gestion opéré par les Chambres Régionales des Comptes)
Mémoire de DEA – Mention FINANCES PUBLIQUES – Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Université Lille 2 – Droit et santé – Ecole doctorale n° 74

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