Le magnétisme des fonds immobiliers non cotés pour la liquidité

Le magnétisme des fonds immobiliers non cotés pour la liquidité : un destin en jeu

Inlassablement, les scénarii qui conduisent aux crises de liquidité hantent les investisseurs comme les sociétés de gestion. Mais parmi l’ensemble des risques attenants au caractère illiquide de l’immobilier non coté, les spasmes de crise eux-mêmes regorgent encore de menaces potentielles ! Ainsi, un des périls majeurs serait par exemple de voir un nombre conséquents d’investisseurs prendre acte des niveaux de rabais auxquels s’échangent les titres de sociétés foncières cotées, en temps de crise, par rapport à leur valeur de marché supposée… Dès lors, qui voudrait encore prendre position sur l’immobilier non coté, quand tous les signaux semblent indiquer que les titres sont surpayés ?

161 Théorie développée par les équipes de recherche de Natixis, sous la Direction de Patrick Artus.

162 laminés par l’aversion au risque d’une part, et la phobie de l’endettement d’autre part.

Le modèle coté possède en effet l’avantage de la liquidité163, au prix d’un rabais sur la valeur de l’actif net. Le discount consenti sur les prix de rachat apparait remarquablement efficace, limitant l’effet d’opportunité pour les investisseurs qui anticipent le processus de dévaluation. Quand on connaît la nocivité des trappes à liquidité déclenchées parfois par les fonds immobiliers après suspension des rachats164, la question mérite d’être soulevée : l’industrie non cotée aura-t-elle toujours intérêt à privilégier un prix reproduisant fidèlement la valeur des actifs sous-jacents, et subir de plein fouet l’illiquidité pour préserver à tout prix la valeur de marché ? Autrement, serait-il opportun de saisir l’opportunité d’un discount sur la NAV, pour conserver des positions liquides… ? Ou franchira- t-on un jour le Rubicon, en parlant cotation des fonds ? L’exemple helvète traduit déjà avec une certaine pertinence le tropisme des fonds ouverts pour les systèmes de cotation…165

Le dilemme reste donc à la discrétion des investisseurs : ceux qui ne pourront faire l’économie de la liquidité devront probablement se tourner vers l’immobilier coté, s’ils acceptent de s’exposer à sa volatilité intrinsèque.

Pour les investisseurs parfaitement enclins à accepter l’illiquidité en revanche, l’univers du private equity offrira probablement les opportunités les plus séduisantes. Les recherches académiques ont effectivement montré par le passé que les primes de liquidité, pour les portefeuilles de ce type, pouvaient atteindre 3% par an.

Une fois l’illiquidité intégrée à leur stratégie de placement, les rendements traditionnellement élevés (inhérents aux investissements illiquides) viennent alors couvrir largement, sur la durée, le coût induit dans les évaluations des parts…

Quoi qu’il en soit, la tentation de s’arracher aux affres de l’illiquidité apparaît toujours plus vivace. Inévitablement, il convient de s’interroger sur les dangers d’un tel basculement vers la liquidité, par le truchement d’un marché secondaire efficient. De nombreuses voix s’élèvent pour attirer l’attention sur le risque évident d’une conversion à marche forcée vers un système imparfaitement régulé : le gré à gré dé-corrèlerait violemment le prix des parts de ceux du sous-jacent immobilier. La pierre-papier non cotée basculerait alors corps et âme dans une autre dimension, celle des lois du marché et des affres de la volatilité…

163 Aparté sur l’immobilier coté en Bourse : le flottant n’est pas systématiquement énorme toutefois, les foncières étant connues pour avoir des proportions significatives de leurs parts aux mains d’investisseurs peu enclins à les céder.

164 En Allemagne à titre d’exemple, les volumes appelés entre décembre 2005 et février 2006 s’élevèrent à 8.5 milliards en cumulé, soit plus de 10% des actifs totaux sous gestion des GOEFS !

165 La Suisse fut l’un des premiers pays a introduire une régulation propre aux fonds immobiliers ouverts, en 1967. Confrontés à des irrégularités de pricing dans le processus de transaction des parts, les autorités adaptèrent leur cadre réglementaire. Depuis, les rédemptions ne sont opérables qu’à l’échéance d’un préavis de retrait, signifié dans les douze mois précédant la fin de l’année fiscale.

Cette exigence permet aux sociétés de gestion de disposer d’un laps de temps raisonnable pour rassembler la liquidité nécessaire, afin d’honorer les demandes de sorties à terme échu. Dans l’intervalle, un dépositaire se charge d’assurer le commerce des parts, avec toute latitude sur les modalités d’organisation. Dès lors, c’est la solution boursière qui s’impose dans la plupart des cas, avec les conséquences que ce choix implique : le prix auquel s’échangent les parts ne reflète plus la valeur des actifs sous-jacents.

Le début d’année 2009 a une nouvelle fois confirmé ce postulat, puisque les SCPI à capital fixe ont vu le prix de confrontation baisser d’environ 10%. L’écart entre valeur d’expertise et valeur de confrontation s’est donc sensiblement accru, traduisant en toute logique la prime de risque affectée à l’investissement.

A l’heure de considérer l’opportunité de muer vers un système de confrontation généralisée, et parmi les considérations susceptibles de peser dans la balance, le critère lié à la volatilité mérite donc de se voir affecter un coefficient élevé ; le plus grand danger serait de corrompre l’esprit du placement immobilier en poussant le curseur trop loin dans l’antre de la liquidité, et dénaturer de fait l’intérêt du produit…

Si le marché secondaire organisé appelé de ses vœux par l’industrie non cotée venait à voir le jour, et démontrait toute son efficacité, il pourrait effectivement changer en profondeur les caractéristiques intrinsèques du secteur. Les fonds immobiliers devraient probablement dire adieu à la faible volatilité qui les caractérise, et faire le deuil de la décorrélation avec les autres classes d’actifs… Dès lors, a-t-on réellement intérêt à délester la performance immobilière de son illiquidité traditionnelle, ou cet attribut contribue-t-il en réalité à fonder toute la pertinence du placement ?

La réponse conditionnera certainement le destin des fonds immobiliers non cotés. A moins que la controverse ne rebondisse rapidement, propulsée par des considérations conjoncturelles : à la question de savoir si « l’actuel manque relatif de liquidité dans le non coté se fait emporter par les perspectives de performance, ou par la capacité du secteur à offrir une diversification sélective (…), la réponse, à ce jour, demeure un oui retentissant.

Mais sous l’effet d’un marché qui risque de connaître moins de croissance – en capital comme sur le plan des valeurs locatives – est-ce que ce sera toujours le cas à terme ? Le secteur non coté de l’immobilier se tient là sur le seuil d’une gigantesque opportunité. » Neil Turner (Directeur de la gestion des fonds chez Schroder), auteur du propos, alerte clairement les membres de l’INREV sur l’enjeu : « En tant qu’industrie, on a réellement besoin de décider ce qu’on veut pour l’avenir… »

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La liquidité des fonds immobiliers non cotés
Université 🏫: Université Paris 1 – Panthéon – Sorbonne
Auteur·trice·s 🎓:
Emmanuel TARNAUD

Emmanuel TARNAUD
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - Promotion 2008 – 2009
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