Le droit d’auteur et le consommateur dans l’univers numérique

Le droit d’auteur et le consommateur dans l’univers numérique

Université De MONTPELLIER I

Droit Nouvelles Technologies

Faculté De Droit

DEA De Droit Des Créations Immatérielles

Le droit d’auteur et le consommateur dans l’univers numérique
Entre solidarisme de la consommation et individualisme de la propriété.

Mémoire réalisé par Grégoire BONNICI

Sous la direction de Jean-Michel BRUGUIERE

Année Universitaire
2003-2004

Contact Grégoire Bonnici : bonnicelli () hotmail.com
Qu’il me soit permis de remercier en premier lieu Monsieur Michel Vivant, grâce à qui j’ai pu intégrer la formation que je souhaitais et qui a réussi à me transmettre toute sa passion pour les créations immatérielles et autres nouvelles technologies.
Qu’il me soit aussi permis de témoigner ma reconnaissance et mon estime à Monsieur Jean-Michel Bruguière, Maître de conférences à l’Université d’Avignon et des pays de Vaucluse, Directeur de l’ERCIM pôle « Propriété intellectuelle », pour son attention et ses précieux conseils.
Je tiens aussi à remercier Valentina Nisato, Chercheur, pour sa disponibilité et ses conseils.
Enfin mes remerciements vont à mes parents, ainsi qu’à Julie Vauché, Amélie Favreau, Marion Luce, Richard Carpentier et Laurent Teyssandier du DEA, qui m’ont permis de mener à bien ce mémoire, grâce à leurs conseils et leur soutien.
« Ne vous fiez pas aux couples qui se tiennent par la main. S’ils ne se lâchent pas, c’est parce qu’ils ont peur de s’entre-tuer ».
[Groucho Marx
Introduction générale :
« Sans le public, la propriété littéraire n’existerait pas…Le poète, l’historien, l’auteur dramatique font l’écrit : c’est le public qui fait le livre…La société a aussi un droit réel. Les deux droits se balancent donc justement…Ainsi la propriété littéraire n’est point une propriété comme une autre. » Cet extrait de l’exposé des motifs du projet de loi relatif à la propriété littéraire, présenté le 5 janvier 1839 par Salvandry, ministre de l’Instruction publique permet à lui seul de fixer les questions sur lesquelles il conviendra de s’interroger tout au long de notre sujet.
Ce discours tenu en 1885 pourrait très bien être transposé à « l’ère de la société de l’information », qui fait l’objet de toutes les attentions actuellement.
D’une part, la révolution numérique semble ainsi appeler, sinon une refonte, du moins un réaménagement des droits de propriété intellectuelle ; d’autre part, la société de l’information a modifié les habitudes de consommation, permettant ainsi aux consommateurs de devenir de véritables acteurs dans le processus économique d’accès à l’information et de reproduction des œuvres de l’esprit.
Les antagonismes du droit d’auteur et du droit de la consommation.
Il est intéressant de rappeler que la fonction initiale du droit d’auteur était de concilier deux intérêts a priori contradictoires : protéger les droits de l’auteur sur son œuvre, et diffuser ces mêmes œuvres au sein de la collectivité afin de promouvoir le progrès de la connaissance et des idées.
Deux logiques se distinguent alors : Respect de la propriété d’un seul, sur ses biens (quand bien même ces derniers sont des biens incorporels), et volonté d’une « masse » d’accéder plus facilement à l’information. Au sein de cette masse, que l’on pourrait désigner par « public », se trouvent toutefois des consommateurs, qui pensent avoir acquis des droits de propriété sur l’œuvre des premiers.
Le droit de la consommation, de son côté, « cherche à équilibrer les relations entre professionnels et consommateurs : il met à la charge des premiers des obligations qui sont autant de droits pour les seconds. » Pour autant, il est légitime de s’interroger sur la conciliation entre les différents intérêts en jeu, qui plus est dans l’univers numérique.
Alors que le droit de la consommation est « entièrement dédié à la satisfaction et à la protection d’une masse énorme composée de tous ceux qui utilisent des biens et des services », le droit d’auteur « protège des droits subjectifs et exclusifs qui sont largement soumis à la volonté toute puissante de leurs titulaires ».
Dans quelle mesure l’auteur peut il aujourd’hui permettre au consommateur de jouir de son œuvre ? En effet, le couple auteur/consommateur que l’on peut rapprocher de celui décrit par Groucho Marx, semble aujourd’hui, et plus que jamais, bien mal assorti puisque l’on semble s’être éloigné de la conception initiale du droit d’auteur, à savoir la balance des intérêts en présence. De plus, et alors même que l’on voyait dans le droit d’auteur l’exercice dogmatique d’un monopole qui venait contrarier la philosophie initiale de ce droit, l’univers numérique permettrait au consommateur de devenir un véritable acteur dans la diffusion des œuvres, plus qu’un simple spectateur.
L’univers numérique vient perturber ce mariage jusqu’alors « tranquille ».
Il est de bon ton de déclarer que le numérique est à l’origine d’une véritable révolution. En effet, les principales difficultés de l’avènement de l’ère numérique sont le contrôle des reproductions et diffusions non autorisées des œuvres.
Alors que dans l’univers analogique, l’arrivée des cassettes audio puis vidéo avait été marquée dans les années 1960 par une levée de boucliers des titulaires de droit de propriété intellectuelle qui voyaient dans ces techniques nouvelles de reproduction un danger pour la vente de leurs œuvres, le numérique et plus particulièrement l’Internet permettent à ces mêmes titulaires de droit d’auteur d’émettre quelques réserves quant au devenir de leurs prérogatives. En effet, cet univers numérique permet de reproduire les œuvres sur des supports qualitativement et quantitativement plus performants, sans qu’il soit possible de contrôler.
Les droits de propriété intellectuelle sont pour certains inadaptés à l’univers numérique. Cette thèse, que nous considérons comme erronée, a permis aux mesures techniques de protections desdites œuvres de voir le jour. Ainsi, ces mesures techniques tendent à remplacer les outils juridiques à la disposition des titulaires de droit d’auteur. Plus encore, ces mesures techniques de protection des œuvres empêchent dans certains cas d’avoir un accès libre aux œuvres qu’ils ont acquis de manière légale, faisant ainsi tomber tout l’édifice de la philosophie initiale du droit d’auteur. La balance entre les différents intérêts en jeu penche désormais fortement vers les titulaires de droit de propriété intellectuelle. Mais il convient de savoir que ces titulaires ne sont pas toujours les auteurs eux-mêmes mais les industriels et autres intermédiaires de la culture, qui ont pu acquérir ces droits aux fins d’exploitation des œuvres qu’ils sont, censés, protéger.
Mais alors que ce couple auteur/consommateur se côtoie mais ne se rencontre guère, tous comme les droits qui sont d’ailleurs attachés à chacun d’eux, le numérique permettrait un rapprochement entre ces deux nouveaux acteurs de la propriété intellectuelle. N’en déplaise aux industriels et intermédiaires de la culture qui pourraient voir dans le rapprochement de ce couple, la fin de leur monopole.
L’auteur et le consommateur, un couple finalement uni contre les industriels de la communication ?
Si la propriété intellectuelle, comme le déclarait Victor Hugo, « appartient plus que toute autre à l’intérêt général », alors c’est bien l’attitude des intermédiaires de la création qu’il faut tenter d’apaiser. En effet, ces derniers monopolisent entre leurs mains les droits d’auteur ou peuvent avoir intérêt à les protéger. L’auteur et le consommateur étaient pendant longtemps indissociables de ces intermédiaires. L’un comme l’autre pouvait grâce à eux avoir accès à la médiatisation ou à l’information, selon qu’il se trouve en bout ou en fin de chaîne. Ces intermédiaires, indispensables à la diffusion et la diffusion des œuvres, jouaient en quelque sorte le rôle de troublions au sein de ce couple auteur/consommateur puisqu’ils en profitaient pour tirer profit de la création en question. Aujourd’hui, leur politique monopolistique pourrait être remise en cause grâce aux développements de ces nouvelles techniques de diffusion qui permettent à l’auteur et au consommateur de se rapprocher de manière virtuelle.
L’égoïsme de la Propriété et le solidarisme du droit de la consommation ont-ils leur place dans cette nouvelle société de l’information, alors que le caractère immatériel des créations intellectuelles est poussé à son paroxysme ?
Comment les auteurs et consommateurs, peuvent ils devenir les acteurs de la nouvelle économie numérique, alors que l’industrialisation de la culture semble profiter à de nouveaux intermédiaires, dont les préoccupations sont bien éloignées de la philosophie initiale du droit d’auteur ?
Telles sont autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre tout au long de ce mémoire. Pour tenter de le faire, le plan de ce travail sera divisé en deux chapitres qui mettront principalement l’accent sur les œuvres musicales, cinématographiques puisqu’il semblerait que ce soit celles qui souffrent le plus de l’irruption de l’univers numérique en droit d’auteur. Référence sera faite aux œuvres littéraires pour apprécier la composition du prix d’un livre ainsi que les nouveaux modes de distribution de ces œuvres sur Internet.
-Dans le premier de ces chapitres, il conviendra de procéder à une analyse des limites du droit d’auteur et de connaître la place du consommateur à l’heure où les supports sont en voie de disparition et que le caractère immatériel des œuvres de l’esprit est donc poussé à son paroxysme. A la difficulté pour l’auteur de connaître de l’utilisation qui est faite de son œuvre, s’ajoute une incompréhension du consommateur, à qui il est difficile de faire admettre qu’acquérir une œuvre, dématérialisée d’un support quelconque, reste un acte de consommation. Ce chapitre premier nous permettra alors de dresser le cadre du sujet à travers l’analyse de l’évolution parallèle des différents droits, du consommateur et de l’auteur, mais aussi à travers le bouleversement orchestré par la politique des intermédiaires de la création.
-Un second chapitre nous permettra d’interpréter et d’analyser les outils techniques utilisés par ces mêmes intermédiaires pour remédier au risque de reproduction et représentation non autorisées des œuvres, facilités par l’univers numérique. Toutefois, il conviendra de mettre l’accent sur les dangers de ce « remplacement » du droit par la technique, qui semble conduire vers une mise en danger des exceptions au droit d’auteur. En effet, ces exceptions, qui étaient le fruit d’un arbitrage entre les intérêts légitimes de l’auteur et ceux des tiers et de la société, sont menacées. En outre, c’est toute l’économie de la copie privée qui se trouve aujourd’hui bouleversée par l’adjonction de nouvelles redevances, notamment sur les supports amovibles. Le consommateur pourrait alors très mal percevoir cette nouvelle forme de « taxation ».
Enfin la restriction de l’accès à l’information s’accompagne parfois d’une impossibilité totale d’accéder à l’œuvre, fondement actuel de nombreuses actions d’associations de consommateurs.
L’idée que le droit d’auteur a pour visée de servir en premier lieu l’intérêt du public doit « guider la réflexion du juriste en droit de la consommation ».
Sommaire :
Introduction générale
Chapitre 1 : Le cadre de la confrontation entre le consommateur et le droit d’auteur.
Section 1 : La nouvelle économie de la relation Auteur/Consommateur.
Section 2 : Vers une désintermédiation de la relation auteur / consommateur.
Chapitre 2 : L’objet de la confrontation, entre le droit d’auteur et les « droits » du consommateur.
Section 1 : Les protections techniques empêchent l’accès libre et paisible du consommateur à l’œuvre.
Section 2 : Menaces sur la copie privée : une atteinte directe contre les « droits » du consommateur.

Sommaire :

  1. La nouvelle économie de la relation Auteur Consommateur
  2. Le consommateur dans un univers de droit d’auteur était né !
  3. D’un consommateur spectateur à un consommateur acteur
  4. Vers une désintermédiation de la relation auteur / consommateur
  5. Le consommateur et le téléchargement d’œuvre sur Internet
  6. La riposte des distributeurs (téléchargement de musique en ligne)
  7. Plaidoyer en faveur d’une sécurisation des transactions
  8. Vers une internationalisation du droit de la consommation ?
  9. Le droit des protections techniques versus le droit d’auteur
  10. Des atteintes manifestes aux différents droits d’accès
  11. La légitimation et les mesures techniques de protection des œuvres
  12. Exercice de la copie privée et Mesures techniques de protection
  13. Copie privée est indifférente au préjudice occasionné par Internet
  14. L’extension du champ d’application de la copie privée

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