La révocabilité des licences de logiciels libres: la GPL

La révocabilité des licences de logiciels libres : Cas de la GPL

Université Paris-I PANTHÉON SORBONNE

U.F.R. 01 Droit Administration Et Secteurs Publics

DESS Droit de l’internet administration-entreprises

Mémoire de fin d’études

La révocabilité des licences de logiciels libres

Cas de la général public License (GPL)

Par ALEXIS NGOUNOU

Jurys M. GEORGES CHATILLON

Directrice : Mme Le professeur VALERIE LAURE BENABOU

Mme MARIE-CLAIRE ROGER GRAUX

Année scolaire

2003-2004

Remerciements

Je remercie Monsieur Georges CHATILLON Directeur du DESS Droit de l’internet

Administration-Entreprises d’avoir présidé le jury.

Je remercie Madame le Professeur Valerie-Laure BENABOU de m’avoir fait l’honneur de diriger mes recherches

Je remercie Mme Marie-Claire ROGER GRAU d’avoir participé au jury

Mes remerciements vont également à M.Denis CRISTOPHE et M.Patrice PLATEL des Services du Premier Ministre pour leur aide à la documentation

Je remercie aussi M.Jean-Paul DEGORCE DUMAS et Mme Alice DEBIES de l’ADAE pour la documentation

Je remercie ma famille et mes amis pour leur soutien incommensurable

Je remercie toutes celles et tous ceux qui de près ou de loin m’ont soutenu dans la réalisation de ce mémoire

Introduction

Le logiciel libre connaît depuis quelques années une explosion remarquable. Ceci est dû entre autre au développement de l’Internet qui permet de collaborer à un projet tout en restant physiquement éloigné, à une prise de conscience de plus en plus accrue des politiques et des individus sur les potentialités qu’offre cet outil.

Aussi curieux que cela puisse paraître, le logiciel libre est l’ancêtre du logiciel propriétaire et date des années 1960. Un regard dans l’histoire nous permet de dire que le premier logiciel de l’histoire de l’informatique était opensource et s’appelle Unix Time charing .

En effet les premiers ordinateurs travaillaient sur un système de cartes perforées ou Batch. Ces cartes contenaient des programmes que seul un opérateur pouvait insérer dans l’ordinateur pour faire tourner et ressortir des résultats. Ensuite l’on a développé des systèmes d’exploitation (OS) dits « time sharing » c’est à dire qui permettaient aux utilisateurs de se connecter à plusieurs sur un seul ordinateur : c’est la naissance de l’idée de partage d’informations et de la communication électronique.

En 1964, le MIT s’allia à Général Electric et les Bell Labs d’Act dans le projet Multics (Multiplexed, Information and Computing Service) pour la mise sur pied d’un prototype de nouvel ordinateur avec un nouvel OS temps partagé capable de tourner 24 h sur 24, 7j sur 7.

Peu de temps après le Bell Lab d’Act se retira du projet aux motifs qu’il est trop complexe et prendra trop de temps. Malgré l’opposition de leur hiérarchie, un groupe d’informaticiens menés par Ken Thompson et Denis Ritchie continuèrent le projet et mirent sur pied un noyau Unix primitif, (un shell, quelques programmes utilitaires, un éditeur et un assembleur).

Cet Unix par opposition à Multics est connue sous le nom de ‘Unix Time Sharing Système VI’ . Depuis lors le code source de Unix étant disponible, il y’eu une ruée vers le développement des OS dérivés; c’est ainsi que Microsoft commença à commercialiser Xenix OS un Unix portable pour les machines à base d’Intel 8086.

Le fait pour les Universités américaines de créer des logiciels qui étaient ensuite livrés au public en libre accès fut dénoncé par Bill Gates depuis 1976. Pour lui en effet la mise sur pied d’un logiciel nécessite d’énormes investissements, d’où la nécessité de les protéger pour promouvoir le développement de l’informatique.

Un homme, Richard Stallman alors programmeur au MIT vu s’installer un climat malsain dans son laboratoire suite à « d’innombrables catastrophes. L’une de ses catastrophes s’est produite quand un jeune étudiant de l’Université Canergie Mellon avait écrit un programme innovateur de traitement de texte.

Mais au lieu de le partager avec la communauté, il a préféré le vendre à une société privée; d’où il y’eu la dispute sur le fait de savoir si c’était l’étudiant ou l’Université qui possédait les droits1 sur le programme. La communauté des programmeurs a commencé à se déchirer, partagée entre l’idée de vendre leurs programmes à des sociétés et l’idée de partage; au point qu’on est parvenu trois années plus tard à la mort de la communauté.

J’envisageais d’inaugurer une nouvelle communauté, mais je me demandais comment lui apporter une défense, une protection. L’impuissance ressentie à l’égard des égoïstes et des exploiteurs est un sentiment qui rend les gens désespérés et leur ôte l’envie d’agir » Propos de Richard Stallman in Copyrigth, Copywrong. Actes du colloque le Mans, Nantes Saint-Nazaire

Stupéfait, il crée Emacs et lance une croisade contre l’appropriation des logiciels par un manifeste GNU (is not Unix). Deux années plus tard, la fondation pour le logiciel libre en Anglais Free Software Foundation (FSF) se crée et se donne pour but de lutter pour l’abolition des restrictions sur la copie, la redistribution, la compréhension et la modification des programmes informatiques.

En 1992 Richard Stallman lance les bases de son OS et est aidé par de nombreux programmeurs qui approuvaient son action. Un jeune étudiant au nom de Linux Torvald réussit à créer à partir de Unix un OS pour les postes de travail.

Il met son œuvre à la disposition de la FSF qui n’avait plus besoin que d’un noyau pour parfaire son OS. C’est ainsi que Linux est né et est devenu en 1994 avec la diffusion de ‘Debian’ distribution GNU/LINUX la référence en matière de logiciel libre. En 1995, l’apparition des premiers serveurs Apache renforça le mouvement qui pensa à enregistrer en 1998 le terme ‘Opensource’ comme ‘marque pour identifier les logiciel libre’.

La même année, le code source du navigateur Nescape est disponible : la diffusion libre commence à devenir une alternative à la diffusion commerciale, d’autant plus que VA-Linux-Red Hat sont introduits en bourse.

Cet aperçu historique nous permet de comprendre que la notion de logiciel libre ne date pas d’aujourd’hui, et que le mouvement a mis du temps à s’imposer. Toutefois l’on constate que le droit est presque à la traîne de cette évolution; puisqu’il n’existe pour l’heure aucune disposition légale, aucune décision jurisprudentielle en France régissant le mouvement.

Qu’à cela ne tienne il convient pour bien comprendre et analyser le sujet de se référer à l’esprit même du logiciel libre. D’abord qu’est-ce qu’un logiciel libre ? en quoi se distingue-t-il du logiciel propriétaire ?.

Il n’y a pas de définition légale du logiciel libre, seulement des critères développés par la FSF et complétés par l’OSI (Open Source Initiative). D’emblée notons qu’un logiciel libre n’est pas nécessairement un logiciel gratuit.

Cette confusion dans le public du libre et du gratuit viendrait du terme free qui en anglais est susceptible de deux acceptions : la liberté et la gratuité. La licence GPL est formelle sur ce sujet :” When we speak of free software, we are referring to freedom, not price.

Our General Public Licenses are designed to make sure that you have the freedom to distribute copies of free software (and charge for this service if you wish), that you receive source code or can get it if you want it, that you can change the software or use pieces of it in new free programs; and that you know you can do these things”. En français ce la reviendrais à dire quand nous parlons de logiciels libres, nous entendons la liberté et non la gratuité.

Nos Licences Publiques Générales sont conçues pour vous assurer que vous avez la liberté de distribuer des copies du logiciel (et de facturer ce service si vous le souhaitez); que vous allez recevoir le code source ou que vous pouvez l’obtenir si vous le souhaitez que vous pouvez modifier les logiciels ou utiliser ses éléments dans de nouveaux programmes libres; et que vous savez que vous pouvez le faire.

Un logiciel libre c’est d’abord un logiciel. La loi ne donne pas de définition du mot logiciel; mais indique simplement qu’il comprend ‘ le matériel de conception préparatoire’; art L. 112-2-13°. Toutefois en se reportant à l’arrêté de 1981 relatif à l’enrichissement de la langue française, le logiciel est défini comme « l’ensemble des programmes, procédés et règles et éventuellement de la documentation relatifs au fonctionnement d’un ensemble de traitement de données » : arrêté du 22 Décembre 1981; JO du 17 Janvier 1982.

Le logiciel libre serait donc un programme d’ordinateur (suites d’instructions compréhensibles par la machine) élaboré et diffusé d’après les critères de la FSF ou de l’OSI.

Cette définition aurait été satisfaisante si et seulement si la FSF ou l’OSI avaient les mêmes critères ou s’ils s’accordaient dans la reconnaissance de la qualité de logiciel libre. D’après la FSF un logiciel est dit libre s’il respectent les critères suivants : la liberté d’exécuter le programme, la liberté d’étudier le fonctionnement du programme, de l’adapter à ses besoins, la liberté de redistribuer des copies, d’améliorer le programme et de publier ses modifications.

D’après l’OSI un logiciel est libre s’il réuni les conditions suivantes : la libre redistribution, la disponibilité du code source, la redistribution des modifications, l’intégrité du code source, l’absence de discrimination envers des personnes, des domaines d’activité, la licence ne doit pas être spécifique à un produit et ne doit pas imposer de restrictions sur d’autres logiciels.

En apparence l’on pourrait croire que ces deux catégories de critères se complètent et donc ne devraient pas poser problème.

En effet prenant le cas connu de Apple, alors que la FSF considère que la licence (Apple, Public Source Licence) n’est pas une licence de logiciel libre à cause du contrôle total exercé par Apple sur les modifications, l’OSI estime qu’il s’agit d’une licence de logiciel libre et la même homologuée. Il n’est pas inintéressant de noter que l’OSI (Open Source Initiative) a été créée par Bruce Perens, S.Raymond et quelques anonymes.

Anciens responsable de la distribution Debian GNU/Linux, Bruces Perens considère la GPL comme à la fois un manifeste et une licence dogmatique, oeuvre d’un seul homme qui est un obstacle au déploiement des logiciels libres dans l’entreprise. D’où il souhaite élargir le champs d’application des logiciels libres. En pratique il s’est créé une division dans la communauté du libre entre les partisans de la FSF et ceux de l’OSI.

Le logiciel libre n’est pas du Freeware qui se définit comme un logiciel gratuit dont la disponibilité du code source est laissée à la discrétion de son auteur, lequel reste propriétaire de l’œuvre.

Il n’est pas non plus un shareware qui se définit comme un logiciel payant dont la contrepartie financière modeste est parfois symbolique exemple le fait pour l’auteur de demander comme rétribution de lui envoyer une carte postale [Postware]; le code source n’est pas souvent disponible qui tous les deux sont une forme de logiciel propriétaire.

Le logiciel libre est régi par le concept de copyleft, concept issue du copyright, créée par M.Richard Stallman qui défend l’intérêt du public et la pratique du partage collectif et gratuit de l’information. Le copyleft emprunte au droit d’auteur la notion du droit moral et au copyright la notion d’intérêt public.

L’objectif du copyleft était d’empêcher que quelqu’un qui récupère un programme opensource puisse par la suite le mettre en programme propriétaire. Aussi le copyleft ou gauche d’auteur ‘interdit d’interdire’ c’est à dire interdit d’utiliser les moyens du droit d’auteur ou du droit des contrats qui prive le grand public des libertés essentielles à savoir la liberté de copier, de distribuer, de diffuser, de modifier.

Il se distingue du copyright qui lui est un droit capitalistique qui organise ‘ le droit de l’œuvre en ce sens que l’auteur en tant que tel en est radicalement exclu’ : Bernard Edelman. C’est un dispositif protecteur des investissements. C’est pour cela qu’en Europe le copyright est vécu comme une censure ou une usurpation des droits des artistes.

Plus qu’une notion, le logiciel libre est un concept, une philosophie, un mouvement. Nous pouvons définir un logiciel libre comme un programme d’ordinateur dont le code source est disponible, que l’on acquiert et redistribue gracieusement ou à titre onéreux, que l’on peut dupliquer ou modifier et qui est soumise à une licence régie par le principe du copyleft.

C’est donc dire que le logiciel libre ne se réduit pas à la GPL, encore moins aux références de l’OSI et que la disponibilité du code source est déterminant. Nous avons recensé plus d’une cinquantaine de licence de logiciel qui se réclament libres seulement du fait de la disponibilité de leur code source souvent conditionné (cas de l’offre Microsoft).

Mais qu’est ce donc le code source ? La licence GPL la définie comme: “ The source code for a work means the preferred form of the work for making modifications to it. For an executable work, complete source code means all the source code for all modules it contains, plus any associated interface definition files, plus the scripts used to control compilation and installation of the executable” Section 4.c Cela revient à dire que le code source représente la forme préférée de l’œuvre pour y effectuer des modifications.

Pour un ouvrage exécutable, le code source complet représente la totalité du codes source pour tous les modules qu’il contient, plus tous fichiers de définitions d’interface associés, plus les informations en code machine pour commander la compilation et l’installation du programme exécutable.

Présenté de cette manière il va de soi que tout profane ne puisse rien comprendre. Aussi nous nous reportons au rapport Carcenac qui fait un petit détour par une analogie musicale pour éclairer la notion. « On peut considérer le code source d’un logiciel comme la partition de celui-ci, et le code exécutable comme sa version enregistrée. Une partition peut être jouée sur un piano, une flûte ou par l’orchestre philharmonique de Berlin.

Mais si la même partition est pressée sur un disque après un concert de harpe, l’acheteur ne peut rien modifier et ne pourra pas jouer le morceau à la guimbarde ou moduler l’interprétation.

Le passage de l’une à l’autre version s’opère grâce à une compilation, qui traduit le code source (des lignes écrites en usant de langages de programmation maîtrisés par les informaticiens) en code exécutable (uniquement compréhensible par l’ordinateur » C’est donc dire qu’il faut distinguer entre le programme source et le programme objet : le programme source est le programme dont les instructions sont rédigées en langage évolué de programmation compréhensible par l’homme de l’art.

Pour être exécuté par un ordinateur, le programme source doit être traduit (compilé ou interprété) en langage binaire sous forme de code objet lisible par l’ordinateur.

Notre travail consistant à étudier la révocabilité des licences de logiciels libres; nous envisagerons en général les cas de rupture desdits contrats; l’intérêt étant de savoir si un changement de licence est possible d’après l’esprit même du copyleft. En d’autres termes, l’auteur d’un logiciel qui le met en libre a-t-il juridiquement les moyens de revenir sur sa décision.

Que se passerait il par exemple si une entreprise vient à revendiquer des droits sur un logiciel libre déjà largement diffusé ? comment s’assurer que les bouts de code apportés dans la modification d’un logiciel ne sont pas protégés. En matière de brevet il existe des précédents concernant UNISYS et le brevet de l’algorithme de compression LWZ. Nous avons appris très récemment que MYSQL décidait de sortir de la licence GPL.

Il y’a quelques jours un tribunal allemand reconnaissait que la licence GPL est une licence à part entière à considérer comme telle. D’une façon générale les détracteurs et tous ceux qui regrettent de se retrouver liés par un contrat de GPL chercheront par tous les moyens à mettre fin à la licence.

Notre objectif est d’analyser les failles de cette licence au regard du droit français dans l’espoir que les modifications seront faites afin que l’essor des logiciels libres soit de plus en plus manifeste. Nous nous limiterons à la licence GPL; non pas parce que les autres ne sont pas dignes d’intérêt. Notre choix s’est fait sur la base de trois critères arbitraires peut-être mais compréhensibles sans doute.

Nous avons d’abord regardé la licence la plus utilisée, la plus importante en termes de projets, ensuite nous avons regardé vers l’esprit même du logiciel libre, le logiciel qui garantisse au mieux l’idée de partage et interdit toute velléité d’appropriation et enfin nous avons tenu compte de l’interopérabilité c’est à dire la capacité d’intégrer des composants réalisés sous d’autres licences de logiciels libres.

1 si le concessionnaire souhaite incorporer une partie du programme dans d’autres programmes libres dont les conditions de distributions sont différentes, il devrait écrire à l’auteur pour demander son autorisation

2 Christian Larroumet : ‘Droit des obligations les contras P 216

Il est évident que la GPL est la licence qui répond le mieux à tous ces critères. Pour mieux comprendre la révocabilité de la licence GPL (II); il convient d’abord d’analyser son contenu (I)

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La révocabilité des licences de logiciels libres : Cas de la GPL
Université 🏫: Université Paris-I PANTHÉON SORBONNE - U.F.R. 01 Droit Administration Et Secteurs Publics - DESS Droit de l’internet administration-entreprises
Auteur·trice·s 🎓:
ALEXIS NGOUNOU

ALEXIS NGOUNOU
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - 2003-2004
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