Faute du détenu: Sanctions disciplinaires, Transfert et Isolement

Les différentes mesures applicables – Deuxième paragraphe :
Lorsqu’un détenu commet une faute, l’administration pénitentiaire peut le condamner à subir une sanction disciplinaire, prévue par le règlement (A.). En parallèle, d’autres mesures, qui ne sont pas des peines, peuvent lui être infligées. C’est le cas pour le transfert et la mise en isolement (B.).
A. Les sanctions disciplinaires :
Evidemment, les articles du code pénal peuvent être appliqués à un détenu qui aurait causé une infraction dans l’établissement, où il est retenu. Ainsi, par exemple, en cas d’agression physique sur le personnel, l’auteur peut se voir accuser par le tribunal, pour coups et blessures volontaires.
Mais en parallèle, une procédure disciplinaire peut se mettre en place133. La discipline est un élément qui permet de stabiliser la sécurité. « Elle garantit la tranquillité de tous contre les excès de quelques-uns »134. Ainsi, en cas de faute d’un détenu, le surveillant peut faire un rapport d’incident. Ce dernier décide seul du bien fondé de ce rapport135. Une fois le rapport établi, le chef de section le présente obligatoirement au directeur. En effet, l’opportunité des poursuites appartient à la direction, en vertu du décret du 2 avril 1996. Néanmoins, d’après un gradé de la maison d’arrêt, le chef de section juge au préalable, de l’opportunité des poursuites. Le directeur peut soit décider du classement du dossier après admonestation, soit décider que la commission de discipline136 doit se réunir. Pour pouvoir faire ce choix, une enquête est menée par le gradé à la demande du directeur. On ne doit avoir qu’un a priori favorable pour les surveillants.

133 Ce cumul de sanctions a été jugé licite par la chambre criminelle de la Cour ce cassation dans un arrêt Bykowski du 27 mars 1997.
134 Jean Paul Céré, Le nécessaire contrôle du pouvoir disciplinaire dans les prisons françaises, Revue de sciences criminelles, juillet-septembre 1994, p597.
135 En effet, comme nous l’avons vu en première partie 2ème section, 2ème paragraphe, A. Une désobéissance aux règles nécessaires, le surveillant peut juger seul que le rapport n’est pas nécessaire, même s’il constate une faute.
136 La commission de discipline, anciennement appelée « prétoire », est l’organe de décision compétent pour se prononcer sur les fautes disciplinaires des détenus.

Si les faits se sont avérés importants, la commission de discipline, présidée par le directeur ou par l’un de ses adjoints et composée par deux membres du personnel dont un gradé, se réunit afin de décider de la sanction. Seul le président de la commission a le pouvoir de décision, les deux assesseurs n’ont qu’une voix consultative. Le détenu peut assister à cette commission depuis 1996, sauf durant les délibérations. Il peut désormais être assisté d’un avocat, depuis le 1er novembre 2000, ce qui ne satisfait pas forcément le personnel pénitentiaire. En effet, certains ne font plus de rapport et règlent les incidents par eux-mêmes, étant donné que par la présence de l’avocat, les règles de procédure deviennent primordiales. Néanmoins, ce nouveau droit pour les détenus est une bonne chose. Ainsi, le respect des règles devient plus scrupuleux.
Depuis le décret du 2 avril 1996, les fautes disciplinaires sont classées « suivant leur gravité », en trois degrés ( articles D 249-1 à D 249-3 du Code de procédure pénale) : compromettre la sécurité des personnes ou de l’établissement ( le mot sécurité est utilisé trois fois à l’article D 249-1 ) constitue une faute grave, troubler l’ordre (utilisé deux fois à l’article D 249-2) est une faute de moyenne importance et ne pas respecter les règles de discipline constitue une faute peu grave137. En règle générale, la sanction correspond à un nombre déterminé de jours au quartier disciplinaire, qu’on appelle couramment « le mitard »138. C’est une cellule où le détenu ne peut pas avoir de visite, d’activité, il ne peut pas cantiner et les conditions d’hébergement sont très limitées. Il ne peut avoir aucun contact avec les autres détenus, puisqu’il a sa propre cour de promenade. Evidemment, il existe d’autres sanctions comme l’avertissement, le confinement en cellule individuelle139, l’interdiction de recevoir des subsides,… mais le quartier disciplinaire reste la sanction la plus utilisée140. Comme le souligne la directrice adjointe de la maison centrale de Saint Maur, les autres sanctions ne sont pas appropriées à la détention. Pour elle, les détenus ne sont plus des enfants. D’ailleurs, en règle générale, ils sont trop fiers pour, par exemple, effectuer un Travail d’Intérêt Général, et préfèrent purger une peine de « mitard ». De plus, bien souvent, les surveillants n’établissent un rapport que lorsqu’ils sont sûrs que la sanction sera du quartier disciplinaire.

137 Voir annexe 5.
138 Le nombre maximum de jours est de 45. Dernièrement, le Sénat voulait le réduire à 20 jours dans l’avant-projet de la loi pénitentiaire. Néanmoins, l’assemblée nationale et les personnels pénitentiaires s’y sont vivement opposés.
139 Le confinement consiste à maintenir le détenu seul en cellule ordinaire sans n’avoir plus aucune activité.
140 Voir annexe 6.

Tout doit dépendre de la gravité des faits, ainsi que des circonstances. Il faut que la sanction soit proportionnée à la faute reprochée. Sinon, le régime disciplinaire peut avoir des effets opposés, en inspirant un sentiment d’injustice dans la détention. Par conséquent, il faut que le détenu prenne conscience de la faute et accepte la sanction. Cela s’avère évidemment dans la pratique très difficile à faire.
De plus, le suivi de la direction est très important. En effet, si un rapport n’est pas suivi par une sanction, le détenu peut avoir la sensation d’avoir gagné. Le surveillant peut donc perdre son autorité. Ainsi, un surveillant sur dix ne ferait pas de rapport d’incident, même lorsqu’il le considère mérité, dans la crainte qu’il ne soit pas suivi d’effet141.
Lors de notre visite à la maison centrale de Saint Maur, nous avons pu assister à deux commissions de discipline. La première concernait un détenu qui avait insulté un surveillant. Lors de la délibération, les surveillants présents critiquaient le fait que le surveillant concerné appliquait le règlement à la lettre. Néanmoins, le détenu a tout de même était condamné à dix jours fermes de quartier disciplinaire, dont cinq avec sursis. La deuxième commission concernait quant à elle une détérioration de cellule. On aurait pu penser que la peine adéquate était la réparation des dégâts causés ou le prélèvement de la somme nécessaire. Néanmoins, pour des raisons liées au comportement même du détenu, la sanction fut également dix jours de quartier disciplinaire avec sursis.
La possibilité de sanctionner le détenu fautif, permet de renforcer l’autorité du personnel pénitentiaire. A côté de cette prérogative, l’administration peut aussi décider d’éloigner un détenu de la détention (l’isolement) ou même de l’établissement (le transfert), lorsqu’il présente un risque pour la sécurité (B.).
B. Le transfert et l’isolement :
Quand l’incident est très important, notamment en cas de tentative d’évasion, de prise d’otage ou encore en cas d’agression grave envers le personnel, le détenu est transféré vers un autre établissement. C’est ce qu’on appelle les transferts « par mesures d’ordre et de sécurité ». Ces derniers font partie des « transferts administratifs »142, comme l’est également le transfert pour bonne conduite ou pour répartition des détenus. La compétence pour l’ordonner appartient au ministre de la justice ou au directeur régional (article D. 301du code de procédure pénale) lorsque le transfèrement s’effectue à l’intérieur de sa région. Comme le soulignait M. Asset en 1988, « le recours à des transferts demeure nécessaire lorsqu’un détenu risque de constituer un danger pour la sécurité de l’établissement, notamment lorsqu’il s’agit de détenus terroristes ou en cas de situation conflictuelle grave entre détenus »143.

141 H.Pellet, Les fondements et le régime de l’exercice de la coercition en prison, p26.

Mais cela ne constitue absolument pas une sanction disciplinaire. Le transfert permet à l’administration pénitentiaire d’éloigner les détenus responsables de troubles. Ainsi, on essaye de les empêcher d’être à l’origine de nouveaux désordres, notamment en brisant leurs repères sociaux, en les éloignant. C’est ce qui s’est produit après la mutinerie de la maison centrale de Poissy en janvier 2002. En effet, 17 détenus ont été transférés pour des raisons d’ordre et de sécurité. Alors que les sanctions collectives sont prohibées144, les transferts en groupe sont possibles étant donné qu’ils sont considérés comme un moyen pour gérer la population pénale.
Mais une circulaire de 1982, précise pourtant que cette mesure d’éviction doit être l’ultime solution145. Néanmoins, un certain nombre de détenus passe d’un établissement à l’autre continuellement, pour de telles raisons. Dans ce cas, ces transferts représentent l’échec de la mission de l’administration pénitentiaire pour maîtriser les détenus et l’objectif « se limite à les empêcher d’être encore à l’origine de désordres »146.
Certains détenus ne ressentent pas cette mesure comme une punition. Dans ce cas, la peur du transfert ne permet pas de maintenir la sécurité. A chaque placement dans une prison, ils constituent donc une menace pour le maintien de l’ordre du nouvel établissement. Mme Blin considère que l’important est d’essayer de captiver leur attention afin qu’ils puissent se stabiliser dans un établissement pénitentiaire. Pour cela, la meilleure solution est le lien avec la famille.
L’administration estime que ce transfert est neutre. Pourtant il apparaît claire que c’est une punition suite « à une mauvaise conduite ». On peut donc considérer que c’est un transfert imposé au détenu pour des raisons disciplinaires. Lors de nos entretiens à la maison centrale de Saint Maur147, M. Obligis, directeur de cet établissement, est resté très vague concernant ces transferts. Néanmoins, la directrice adjointe nous a confié que le « transfert disciplinaire » en principe n’existait pas, mais qu’en réalité il était généralement pratiqué. Le détenu est généralement placé en isolement en maison d’arrêt (les cellules d’isolement en maison centrale sont généralement toutes occupées), afin qu’il « réfléchisse » pendant six mois à ce qu’il a fait, et ensuite il est enfin transféré dans une autre maison centrale. Ce type de transfert est d’ailleurs considéré comme une sanction « déguisée »148.

142 Article D.300 et suivants du code de procédure pénale.
143 Les techniques et les méthodes en matière de sécurité pénitentiaire, M.Asset, 1988, p19.
144 Article D.251-5 du code de procédure pénale.
145 Circulaire de 1982, Mesures concernant la sécurité dans les établissements pénitentiaires.

Il en est de même pour l’isolement149, qui a des effets moindres étant donné que le détenu reste à l’établissement. Néanmoins, comme il est isolé du reste de la détention, elle peut engendrer tout de même de graves problèmes psychologiques sur du long terme. Cette « mesure d’ordre intérieur » n’est pas en théorie une sanction disciplinaire150. Néanmoins, elle s’y apparente énormément puisque qu’elle est imposée151 par le chef d’établissement à des détenus considérés comme nuisibles à la paix de l’établissement152.
Au-delà de trois mois, la décision de prolongation appartient au directeur régional. Au bout d’un an, elle doit être exceptionnelle, et elle relève de la compétence exclusive du ministre de la justice. Mais cette mesure doit être utilisée le moins souvent possible, étant donné qu’elle ne permet pas de résoudre le problème. C’est ce que souligne Mme Silveri, pour qui un tel placement est synonyme d’échec. D’ailleurs, en 2001, seuls 8 placements ont été décidés dont 5 à la demande du détenu, au centre de détention de Loos. Malheureusement, cette mesure est dans certains établissements, détournée en sanction disciplinaire, étant donné que les procédures sont plus allégées que pour un placement au quartier disciplinaire.

146 Martine Herzog-Evans, la gestion du comportement du détenu, 1998, L’harmattan, p457.
147 La notion de transfert pour mesure d’ordre apparaît surtout dans les maisons centrales, confrontées à une population pénale plus difficile.
148 OIP, Le nouveau guide du prisonnier, Les éditions de l’atelier, p292.
149 L’article 726 du code de procédure pénale prévoit que si « quelque détenu use de menaces, injures ou violences ou commet une infraction à la discipline, il peut être enfermé seul dans une cellule aménagée à cet effet ».
150 Le conseil d’Etat l’a rappelé le 22septembre 1997( arrêt Trébutien).
151 Comme nous le verrons par la suite, l’isolement peut également être demandée par un détenu, pour se protéger des autres détenus par exemple, ou pour s’isoler pour travailler.
Deuxième partie, chapitre 2, section 2, paragraphe 2,, A. Les rapports de force.

Il est primordial pour le bon fonctionnement de l’établissement pénitentiaire de dénoncer les détenus coupables du moindre désordre. Néanmoins, dans certaines situations qui ne sont pas rares, les détenus sont victimes (Deuxième section) et méritent une protection réelle.
Lire le mémoire complet ==> (La sécurité en prison)
Mémoire de DEA droit et justice
Ecole doctorale n° 74 – Lille 2

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top