Micro-assurance : le choix des segments de population

Micro-assurance : le choix des segments de population

C. Le choix des « segments » de population

1. Pauvres ou très pauvres ?

La pauvreté n’est pas un phénomène « uniforme ». Elle touche différemment les individus selon l’origine de cette pauvreté et les régions touchées. Marc Nabeth17, dans son ouvrage, propose de différencier deux types de population à faible revenu : les pauvres et les indigents, qui sont les des personnes extrêmement pauvres.

La différenciation peut sembler de faible incidence mais elle est fondamentale pour l’assureur qui peut intervenir avec efficacité auprès du premier groupe de personnes mais qui risque de se substituer à un devoir de l’État si il intervient auprès du second groupe.

En fonction de ces groupes de populations dont les revenus sont faibles ou très faibles, l’assureur doit décider d’une stratégie à adopter pour les assurer. « La micro-assurance, en distinguant la pauvreté de l’indigence, fait l’objet de débats à forte connotation idéologique.

Pour la pensée dominante, son essence même est dans le service aux plus pauvres, qu’ils soient exclus ou situés dans des zones reculées. Pour d’autres, son utilité sociale et sa pérennité sont tributaires de critères économiques et assuranciels difficilement compatibles avec cette vision d’aide aux plus pauvres. »

Le micro-assureur peut choisir de ne pas assurer les indigents, mais se pose alors le problème du rôle économique de l’assureur et de son crédit auprès de l’ensemble de la population. Il s’agit d’une volonté politique plus qu’une réponse pratique à des problèmes de rentabilité.

Le micro-assureur peut aussi choisir de se concentrer uniquement sur les « plus pauvres » parmi les pauvres, mais alors s’il délaisse une partie de la population dont les revenus sont faibles, ces personnes n’auront pas de couverture pour leurs risques et seront touchées dès le premier choc, devenant à leur tour des personnes extrêmement démunies.

La micro-assurance a sur cette question du choix de sa « cible », un avantage sur les autres outils de la microfinance. Tandis que les organismes de micro-crédit ne peuvent pas prêter sans être tentés de sélectionner les personnes les plus solvables sur le long terme, la micro-assurance peut avoir une autre approche grâce au système de mutualisation. Le principe de la loi des grands nombres fait qu’elle n’est pas obligée de sélectionner une catégorie particulière d’individus à faibles revenus.

Que les personnes soient plus proches de l’indigence ou « moyennement » pauvres, cela ne prédit en rien la sinistralité finale qui sera celle de l’assureur dès lors que toute cette population est regroupée dans une mutualité.

Le micro-assureur doit bien entendu connaître les caractéristiques des populations qu’il assure. La segmentation est nécessaire pour apprécier les types de risques et tarifer au mieux les produits qu’il propose. « La connaissance des différents segments de population permet moins d’exclure que d’équilibrer ses portefeuille. »

17 Cette partie est inspirée du Chapitre II – Pauvreté assurable, de l’ouvrage Micro-assurance défis, mise en place et commercialisation, Marc Nabeth, Argus, 2005

L’assureur ne va pas se concentrer sur la distinction pauvres/indigents pour exclure des personnes de son portefeuille ; il va plutôt arbitrer entre « bons » et « mauvais » risques. Cet arbitrage n’est pas sans risque et sans questionnement politique.

Marc Nabeth s’interroge ainsi : « Doit-on en effet exclure un sage du village ou un responsable de communauté, en raison d’un âge avancé ? Faut-il à l’instar d’AIG en Ouganda supprimer les clauses d’exclusions du SIDA, après avoir constaté que le refus des personnes séropositives était finalement bien plus préjudiciable au déploiement de l’assurance que leur acceptation ? » La sélection des assurés selon le risque qu’ils apportent à la mutualité à donc ses limites.

L’assureur doit donc s’attacher à équilibrer son portefeuille en prenant en compte des contraintes d’ordre social et culturel dans sa sélection. Marc Nabeth conclut ainsi sur le principe de la segmentation : « La connaissance impérative des risques ne se traduit pas toujours par une sélection des risques car l’assureur n’a pas forcément les moyens de multiplier les catégories tarifaires. La segmentation est un exercice coûteux (choix des critères, estimation des primes, modélisation actuarielle, réactualisation, etc.).

Sans compter que l’assureur est, au surplus, limité par la taille de la population couverte : plus il segmente, et plus le risque d’erreur est important. » Pour trancher sur l’acceptation ou non d’un risque dans sa mutualité, l’assureur doit faire preuve de souplesse. Ses décisions ne peuvent pas se faire uniquement sur la base d’un fractionnement des catégories de populations selon leurs risques.

La répartition des personnes les plus pauvres sur le territoire mondial est très inégale. Au sein même des populations des pays en développement des régions sont plus touchées par la pauvreté que d’autres.

L’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne concentrent à elles seules près de 70% de la population vivant avec moins d’1 dollar par jour (voir annexe 2). C’est donc peut-être auprès de ces populations que l’assureur va devoir intervenir s’il cherche à obtenir une clientèle la plus nombreuse possible.

Répartition de la population vivant avec moins d’1 dollar par jour 2000 (1,2 milliards)

Répartition de la population vivant avec moins d'1 dollar par jour 2000 (1,2 milliards)

Source : Banque Mondiale 2000

2. Pays en développement ou pays développés

Il faut bien prendre en compte que les pays en voie de développement ne sont pas les seuls à devoir faire face au problème de la pauvreté. Plus de 100 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté dans les pays de l’OCDE.18

Il peut s’agir de micro-entrepreneurs déjà bénéficiaires d’un crédit par exemple. C’est pour ce type de clientèle que l’association « Entrepreneurs de la cité » a mis en place en France ses programmes de micro-assurance.

L’exclusion des services financiers est un problème aussi dans les pays développés. La micro-assurance est d’une manière globale, une réponse à la vulnérabilité sociale et économique.

Les bénéficiaires d’un prêt ne sont qu’une partie des bénéficiaires de protection adaptées aux faibles montant de leur ressources, de plus en plus de particuliers ont maintenant accès à des produits de plus en plus diversifiés couvrant l’assurance vie et santé et l’assurance dommage aux biens.

Cette plus large couverture de la demande est possible grâce au développement de nouveaux types de fournisseurs. Les Institutions de Microfinance (MFI) n’ont plus le monopole du marché. Des acteurs spécialisés dans la gestion des risques font leur apparition en revendiquant leur indépendance et leur expertise dans le domaine de l’assurance. Il peut s’agir d’Institutions de Micro-assurance ou d’assureurs qui agissent avec des associations ou des groupements locaux.

Entrepreneurs de la cité19

Entrepreneurs de la cité est une fondation française reconnue d’utilité publique à but non lucratif. Son objectif est de favoriser l’entreprenariat des personnes vulnérables par l’accès à une protection sociale et professionnelle adaptée.

Partant de l’idée qu’il existe un « droit de s’assurer », April Group, assureur spécialiste de la protection sociale, et EVOLEM, organisation d’aide à la création et au développement d’entreprise, se sont associés pour transposer les expériences en microfinance des pays du Sud et lancer une offre à destination des créateurs de micro-entreprises jusqu’alors détenteurs du RMI ou du chômage.

Aujourd’hui le projet est soutenu par des acteurs de l’assurance (la Banque Postale, la Caisse des Dépôts, CNP, La Mondiale, AG2R) et des associations d’aide à la création d’entreprise (ADIE, France-Active, France Initiative Réseaux, Boutiques de gestion).

Les produits avec des garanties de base sont proposés aux porteurs de projets comme protections transitoires (4 ans maximum) à des prix très bas. Seule la prime de risque est payée par l’assuré, les frais de gestion et de commercialisation sont pris en charge par la fondation. La « trousse 1ère assurance » comprend :

Une assurance multirisque professionnelle (MRP) pour les dommages causés au local professionnel et son contenu notamment en cas d’incendie, dégât des eaux, vol,… et pour les dommages causés à autrui du fait du local ou des produits commercialisés (15€ par mois)

Prévoyance : une indemnité forfaitaire en cas d’accident ou maladie entraînant l’incapacité de travail (6,92€ par mois)

18 Source : UNDP (United Nations Development programme) http://www.teamstoendpoverty.com

19 www.entrepreneursdelacité.org

Santé : pour ceux qui n’ont pas ou plus de CMU complémentaire, l’hospitalisation, les consultation et soins dentaires sont pris en charge en complément du régime obligatoire (17,75€ par mosi)

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