Les sanctions civiles et la nullité du contrat de travail

Les sanctions civiles et la nullité du contrat de travail

Section 2 – La faveur des tribunaux pour le prononce d’autres sanctions 

Parler de la nullité du contrat de travail sans évoquer l’existence d’autres sanctions similaires serait avoir une vision réductrice de la place qu’occupe de nos jours le régime particulier de cette sanction dans le droit du travail. En effet, force est de constater que la nullité n’est pas la seule solution au non-respect de certaines conditions de validité d’un contrat de travail.

De plus, le recours au prononcé de ces autres sanctions s’avère aujourd’hui beaucoup plus important car le législateur, la jurisprudence et la doctrine ont pris conscience de l’intérêt qu’il y a dans l’intervention des pouvoirs publics au sein de la relation de travail.

Ainsi, d’autres sanctions civiles ont supplanté a priori la nullité du contrat de travail ou tout du moins la nullité partielle de celui-ci (Paragraphe 1). En effet, on compte notamment la présence remarquée de la sanction de la requalification du contrat en contrat de droit commun c’est à dire en contrat à durée indéterminée.

A quoi doit-on ce phénomène ? En fait, celui-ci se trouve lié en pratique au développement important des hypothèses de contrats précaires lesquels alimentent souvent les chroniques de jurisprudence et se présentent comme les supports nécessaires au prononcé de cette sanction. De plus, à cette sanction, vont venir s’en ajouter d’autres lesquelles conduisent à démontrer l’interventionnisme important des juges et des pouvoirs publics dans la relation personnelle de travail liant le salarié et son employeur.

Est-ce à dire que le contrat de travail n’a vocation qu’à subir des sanctions civiles ? On a vu, il est vrai juste à présent, que le contrat de travail est sanctionné, lorsqu’il ne remplit pas toutes les conditions nécessaires à sa validité, par la nullité et d’autres sanctions de nature civile ayant pour objet de «neutraliser» les défauts inhérents à celui-ci. Or, dans un soucis de protection de l’intérêt public, le législateur a souhaité sanctionner par des mesures pénales le non-respect des conditions attachées à certains contrats précaires.

Cependant, le prononcé de ces mesures va se combiner nécessairement avec d’autres sanctions cette fois de nature civile. Ainsi, on ne peut affirmer l’existence d’une autonomie des sanctions pénales contrairement au régime des sanctions civiles telles que la nullité. Dès lors, ces sanctions pénales n’apparaissent que comme un complément essentiel parfois à ces autres sanctions (Paragraphe 2).

On le voit le régime de la nullité a à composer avec d’autres sanctions qui, cette fois-ci, sont issues du droit du travail contrairement à celle-ci. Dès lors, la nullité du contrat de travail n’apparaîtrait que comme un élément d’un éventail de solutions à la portée des juges prud’homaux.

§1 : Les sanctions civiles en remplacement de la nullité

De nombreuses sanctions civiles autres que la nullité du contrat de travail coexistent en droit du travail. Parmi elle, la sanction de la requalification apparaît la plus connue et surtout la plus fréquemment utilisée par les Conseils de Prud’hommes.

Cette dernière est en effet envisagée par beaucoup de textes du Code du travail en tant qu’elle est la sanction du défaut de formalisme des contrats de travail autres que le contrat à durée indéterminée (A). Dès lors, pourquoi les pouvoirs publics et la jurisprudence de la Cour de cassation semblent préférer cette sanction au prononcé de la nullité du contrat dans certaines hypothèses bien précises ? La raison en est tout à fait simple.

La nullité conduit à faire disparaître toute relation de travail liant salarié et employeur contrairement à la requalification qui elle, présente l’avantage indéniable de préserver un tel lien tout en apportant une protection supplémentaire au salarié.

De même, l’exemple caractéristique de l’interventionnisme des tribunaux au sein de la relation de travail se découvre par le biais de la révision des clauses du contrat de travail (B).

En effet, cette technique employée par les juges prud’homaux et empruntée aux juridictions de droit commun permet l’immixtion des magistrats au sein de la relation de travail afin d’éviter le prononcé de la nullité de tout ou partie du contrat en «remodelant» la ou les clauses litigieuses pour les rendre valables. Dès lors, on peut s’interroger sur le fondement d’une action palliant le prononcé de cette sanction, les juges n’étant pas des parties à cette convention, et donc n’étant pas d’ordinaire habilités à en modifier le libellé.

A. La requalification en contrat de droit commun

Comme on l’a vu précédemment, le contrat de travail, lorsqu’il est à durée indéterminée peut être constaté « dans les formes qu’il convient aux parties »331. Pourtant, cette absence de formalisme ne vaut que pour l’hypothèse restreinte du CDI332.

En effet, les autres contrats de travail sont soumis à la rédaction d’un écrit. Cette exigence est alors imposée soit par la loi soit par la convention collective applicable333. Ainsi, la loi exige cette formalité pour certains types de contrats tels que le contrat d’apprentissage, le contrat d’insertion, le contrat de travail temporaire, le contrat de travail à temps partiel et le plus connu, le contrat à durée déterminée334. Dès lors, l’absence de formalisme de ces contrats, par le défaut d’écrit ou l’absence de certaines mentions, conduit le plus souvent au prononcé de la requalification du contrat en CDI (1).

331 Art. L.121-1 du Code du travail.

332 Cf., M.VERICEL, Le formalisme dans le contrat de travail, Dr. Soc. 1993, p.818 et F.BRUNIAU, Le formalisme dans le contrat de travail, mémoire de DEA droit social, 1998-1999, op. cit.

333 Cette dernière impose la rédaction d’un écrit ou du moins que l’engagement du salarié soit confirmé par lettre ou avis. Elle peut également imposer l’insertion de clauses au contrat de travail. Cependant, ces exigences sont le plus souvent inférieures à celles qu’impose désormais la Directive européenne n°91/533/CEE du 14 octobre 1991 (JOCE n°L 288/32 du 18 octobre 1991).

Le salarié placé dans le cadre de la requalification de son contrat apparaît alors dans une position enviable. En effet, loin de subir le prononcé de l’annulation de toute relation avec son employeur, celui-ci bénéficie de la poursuite de l’exécution de son contrat de travail en tant que bénéficiaire d’un CDI. Dès lors, ce dernier jouit de l’ensemble des effets attachés à ce type de contrat, lui qui jusqu’à lors se trouvait dans une situation précaire. La requalification du contrat de travail contrairement à la nullité qui engendre disparition de tout lien contractuel entre les parties, permet donc au salarié de bénéficier d’avantages indéniables (2).

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