Les fondations internationales : aspects juridique & fiscaux

Les fondations internationales : Aspects juridique & fiscaux

Université Panthéon-Assas (Paris II)

Droit-Économie-Sciences Sociales

Magistère de juriste d’affaires

Mémoire de fin d’année

Les fondations internationales : aspects juridique & fiscaux

Les fondations internationales : aspects juridique & fiscaux

Marguerite GALOIS-BOYE

Sous la direction de Me Pierre-Jean DOUVIER

Année universitaire

2010/2011

Introduction

Les fondations nourrissent notre inconscient collectif.

Les grandes fondations américaines, telles que la Fondation Rockefeller, font partie de notre paysage et illustrent avec éclat la générosité et l’altruisme dont peuvent faire preuve les familles fortunées.

Cependant, cette image est quelque peu altérée par les différents scandales que de telles institutions peuvent receler.

Les fondations peuvent en effet servir de support à des schémas fiscaux controversés. L’affaire Wildenstein est à cet égard révélatrice.

La transmission de la fortune de Daniel Wildenstein, célèbre collectionneur et marchand de tableaux, a été organisée, en partie, au travers de trusts, des structures opaques basées dans des paradis fiscaux — Guernesey, les îles Caïman et les Bahamas —, dont il est impossible de savoir qui sont les véritables propriétaires.

Ce schéma, relativement répandu, d’utilisation des fondations à des fins successorales et fiscales, créé un certain malaise et illustre le rôle non négligeable des Etats non coopératifs dans l’évasion fiscale internationale.

Ainsi, si l’élan naturel en faveur des fondations persiste, il n’est pas dépourvu d’une certaine rancœur face aux détournements à des fins privées et fiscales que ces structures peuvent charrier.

Mais quelles réalités le mot fondation recouvre-t-il ?

Le terme fondation est un terme largement répandu dans les divers systèmes de droit, bien qu’il ne recouvre pas les mêmes réalités juridiques selon les juridictions.

Le terme désigne une organisation au sens large, dont le panel va de l’organisation purement contractuelle à l’institution, à but philanthropique, comme l’éducation, la religion, la culture ou d’autres activités au service de l’intérêt général.

L’un des objets principaux des fondations, à travers le monde, réside ainsi dans le mécénat, entendu au sens large comme la promotion de toute œuvre d’intérêt général : arts et lettres, recherche, éducation, environnement, sport, solidarité, innovation, etc.

Au cœur du mécénat, se développe de plus en plus le mécénat d’entreprise qui se définit comme un soutien financier, humain ou matériel apporté sans contrepartie directe par une entreprise.

Le terme de mécénat découle du personnage de Mæcenas, protecteur des arts et des lettres dans la Rome antique.

Il s’est progressivement élargi pour désigner dans le langage courant une personne physique ou morale qui soutient par son influence ou par des moyens financiers un projet culturel ou un artiste.

En droit français, la fondation a fait l’objet d’une définition pour la première fois par la loi 87-571 sur le mécénat du 23 juillet 1987.

Cette loi dispose que «La fondation est l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une oeuvre d’intérêt général et à but non lucratif.

Lorsque l’acte de fondation a pour but la création d’une personne morale, la fondation ne jouit de la capacité juridique qu’à compter de la date d’entrée en vigueur du décret en Conseil d’Etat accordant la reconnaissance d’utilité publique.

Elle acquiert alors le statut de fondation reconnue d’utilité publique».

Ainsi, la fondation en France peut résulter d’un simple acte ou bien acquérir la personnalité morale d’une véritable organisation à travers la reconnaissance d’utilité publique.

Dans les pays de common law, les œuvres philanthropiques sont menées par ce que l’on désigne sous le terme générique de « charity » ou « charitable organization ».

Il s’agit d’un type particulier d’organisation à but non lucratif, dont les objectifs sont de nature purement philanthropique.

Le mot fondation est très peu usité au Royaume-Uni et ne revêt aucune signification juridique particulière, tout comme aux Etats-Unis où le statut de fondation n’existe pas en droit fédéral.

Ainsi, une organisation peut intégrer dans son appellation le mot fondation, sans qu’il s’agisse d’une fondation de nature philanthropique.

Si l’histoire du mécénat s’inscrit dans le temps, puisant ses origines dès la Rome Antique, le mécénat à grande échelle est né et s’est développé principalement aux Etats-Unis.

Les pionniers en la matière sont John D. Rockefeller et Andrew Carnegie.

Ces deux hommes d’affaires du tournant du XXe siècle ont accumulé des richesses à un stade inédit jusqu’alors et ont décidé, vers la fin de leur vie, de s’en départir au profit de grandes œuvres.

Andrew Carnegie a érigé musées et bibliothèques, tandis que Rockefeller a contribué à la fondation de l’Université de Chicago et a créé la Fondation Rockefeller, réunissant près de la moitié de la fortune amassée par ce dernier.

La Fondation Rockefeller constitue le premier exemple des fondations modernes, des entités s’inscrivant dans le long terme et dont le but est de permettre le financement d’œuvres d’intérêt général, en dehors de tout contrôle gouvernemental et étatique.

L’utilisation des fondations ne s’est cependant pas arrêtée au philanthropisme purement privé.

En effet, en 1914, Fredrick Goff, un célèbre banquier, chercha à éliminer les travers du mécénat purement privé et fonda la première « community foundation » à Cleveland.

Il s’agit d’une fondation prenant la forme d’une société (corporation), capable d’utiliser des dons privés à des fins d’intérêt général, mais dont le contrôle était dévolu au public, et non pas simplement aux fondateurs.

À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les taux de taxation des revenus ont été fortement relevés aux Etats-Unis, décuplant l’utilisation des fondations et des trusts comme outils de défiscalisation.

Le Président Harry S. Truman souleva publiquement ce problème dès 1950, ce qui aboutit à l’adoption l’année même d’une loi fédérale établissant une certaine rigueur et instaurant une définition des fondations.

Cependant, cette loi ne porta pas atteinte aux avantages fiscaux propres aux fondations, comme en atteste l’utilisation durant cette décennie des fondations comme modèle de refuge fiscal par les conseillers financiers au profit des riches familles.

Diverses tentatives de réforme pendant les années 1960 aboutirent à la réforme de la fiscalité de 1969, qui constitue encore aujourd’hui le droit positif en la matière.

Le droit français, quant à lui, est traditionnellement beaucoup plus méfiant à l’égard des fondations.

Si la fondation bénéficie initialement sous l’Ancien Régime d’un statut très libéral, le droit canon la soumet par la suite à l’autorisation de l’Évêque, bientôt substituée par un contrôle civil.

L’Édit d’août 1749 pose des règles restrictives que la Révolution ne maintient pas. Les fondations sont même supprimées par la loi du 6 mai 1791 et le Code civil ne fait nulle mention des fondations.

Cependant, la pratique administrative et la jurisprudence ont heureusement suppléé à la carence du législateur.

Les fondations réapparaissent ainsi dans le droit français au travers de la jurisprudence du Conseil d’Etat. L’utilisation des fondations est principalement tournée vers des fins religieuses et cultuelles.

Les statuts-types approuvés par le Conseil d’État le 23 mars 1896 refondus depuis cette date, marquent une étape importante dans l’histoire des fondations.

Au XXe siècle, des projets nombreux ont été élaborés par diverses sociétés de jurisconsultes, des propositions de loi ont été déposées, sans qu’aucun résultat substantiel ait été obtenu avant les lois du 23 juillet 1987 et du 4 juillet 1990.

L’apparition du mécénat en France, sous l’impulsion des fondations des pays de common law, hâta l’évolution des mesures fiscales et juridiques en faveur des fondations, et la nécessité de ne plus tolérer de « fausses » fondations incita le législateur à intervenir.

Enfin, les entreprises désirant participer activement au développement d’activités d’intérêt général trouvaient que la procédure de création d’une fondation reconnue d’utilité publique était trop lourde, trop lente, soumise à une procédure étatique dissuasive.

Ces raisons expliquent l’adoption des lois de 1987-1990 et la mise en place de dispositifs fiscaux avantageux, renforcés par la loi sur le mécénat du 1er août 2003.

Les mécènes disposent ainsi de plusieurs structures leur permettant de mener à bien leur œuvre.

S’ils peuvent toujours recourir à la fondation reconnue d’utilité publique, ils préfèreront cependant la fondation d’entreprise.

Ce bref aperçu historique des fondations à travers le monde est révélateur des problématiques auxquelles sont confrontées les fondations, dont la conciliation est parfois malaisée.

En effet, le rôle économique et social des fondations est essentiel en ce qu’elles constituent un canal propre à encourager non seulement des secteurs en mal de moyens, mais également l’économie tout entière.

Cependant, en raison des flux importants de capitaux qu’elles appellent, ainsi que des avantages fiscaux dont elles bénéficient à travers les divers systèmes juridiques, leur activité doit être strictement encadrée, afin d’éviter les détournements des fonds ainsi soulevés ou l’utilisation de ces structures à des fins purement fiscales.

L’équilibre entre ces objectifs est ténu et le penchement en faveur de l’un ou de l’autre peut rompre la dynamique ainsi créée.

La soumission des fondations à des contraintes administratives, juridiques et fiscales fortes a tendance à freiner les dons en leur faveur, cependant qu’une trop grande souplesse dans l’encadrement compromettrait l’efficacité du dispositif, au profit d’une capitalisation sauvage et d’une évasion fiscale forcenée.

Tout est donc affaire de finesse.

Afin que l’étude des fondations internationales permette de visualiser ce balancement incessant, une étude approfondie des régimes juridiques – qui visent à encadrer les fondations et à les soumettre à un contrôle administratif, plus ou moins poussé selon les Etats – et fiscaux – visant, au contraire, à encourager l’activité des fondations par le biais de mécanismes incitatifs – à travers le monde est indispensable.

L’étude se concentrera sur les systèmes européens et de common law (Chapitres 1 et 2), qui nous sont les plus familiers, avant d’envisager les interconnexions que peuvent connaître ces différents systèmes.

En effet, les contraintes imposées aux fondations varient selon les pays, de même que les régimes fiscaux, qui sont plus ou moins incitatifs.

Ces différences dans le traitement des fondations encouragent des transferts de biens par-delà les frontières, à la recherche du régime le plus favorable.

Si cette concurrence entre régimes juridiques est louable, elle n’est pas exempte de dérives.

Les schémas d’évasion fiscale utilisant le biais de fondations se multiplient, appelant une intervention des Etats, non seulement de manière isolée mais également de manière concertée sur la scène internationale (Chapitre 3).

Sommaire
Introduction
Chapitre 1 : Les fondations en droit français
Section 1 : Présentation des fondations en France
§1- Les différents types de fondations
§2- Panorama des fondations en France
Section 2 : Le régime juridique des fondations
§1- La création des fondations
§2- Le fonctionnement des fondations
§3- Le contrôle des fondations et leur dissolution
Section 3 : Les fondations en France – aspects fiscaux
§1- L’exonération des impôts commerciaux
§2- La fiscalité des donations aux fondations reconnues d’utilité publique
§3- Les obligations déclaratives et comptables
Chapitre 2 : Le droit comparé des fondations
Section 1 : Les fondations en Europe
§1- Études comparatives en Europe
§2- Les dons transfrontières
§3- Le projet de statut de fondation européenne
Section 2 : La fondation dans les systèmes de common law – aspects juridiques
§1- Des structures variées : corporations, trusts et unincorporated associations
§2- L’encadrement légal et administratif des fondations
Section 3 : Les fondations dans les systèmes de common law – aspects fiscaux
§1- Le régime applicable aux Etats-Unis
§2- Le régime applicable au Royaume-Uni
Chapitre 3 : Les interconnexions entre les systèmes
Section 1 : Le droit international privé français des fondations
§1- Loi applicable à la constitution et au fonctionnement de la fondation
§2- La reconnaissance des fondations constituées en application d’une loi étrangère
§3- L’exercice en France d’une activité par les fondations étrangères
Section 2 : La lutte en droit fiscal français contre l’évasion fiscale réalisée au travers de fondations étrangères
§1- L’imposition des fondations étrangères au titre de l’ISF et des droits de mutation
§2- L’imposition des revenus perçus de fondations étrangères
§3- La lutte contre le transfert d’actifs hors de France (article 238 bis-0 I du CGI)
Section 3 : La lutte sur le plan international contre l’évasion fiscale réalisée au travers de fondations
§1- Des problèmes d’opacité reprochés aux fondations
§2- La mise en œuvre d’une réflexion internationale
§3- Les réponses apportées par l’OCDE
Conclusion

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
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Les fondations internationales : Aspects juridique & fiscaux
Université 🏫: Université Panthéon-Assas (Paris II) - Droit-Économie-Sciences Sociales - Magistère de juriste d’affaires
Auteur·trice·s 🎓:
Marguerite GALOIS-BOYE

Marguerite GALOIS-BOYE
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’année - 2010/2011
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