Les compagnies d’assurance françaises : le business model

Les compagnies d’assurance françaises : le business model

3. Le business model

Les compagnies d’assurance françaises ont connu les « dix glorieuses » entre 2000 et 2010, tant en terme de rythmes de croissance que de niveau de rentabilité dégagée. La croissance et la rentabilité futures n’atteindront pas les mêmes niveaux que lors de la précédente décennie.

En effet, qu’il s’agisse de l’environnement macro-économique, réglementaire, climatique ou des modes de consommation, les compagnies d’assurance vont devoir ajuster leur positionnement et leur modèle opérationnel.

L’environnement macro-économique de notre pays reste encore incertain aujourd’hui, les prévisions sont timorées quant {une reprise de la croissance dans les années {venir. Pour les assureurs, l’âge d’or est révolu, décennie durant laquelle les taux de croissance annuelle étaient trois fois supérieurs au PIB et les retours sur fonds propres supérieurs à 10 %.

Dans le même temps la concurrence s’accroit sur l’ensemble des branches de l’assurance avec l’arrivé d’intervenants à bas prix sur Internet et la multiplication des comparateurs de contrats en lignes.

Enfin, le cadre réglementaire et législatif devient plus contraignant, notamment par la réduction probable des niches fiscales liées {l’assurance vie, le renforcement de l’intermédiation ou encore l’entrée en vigueur des règles de Solvabilité II qui devraient faire perdre 2 % de retours sur fonds propres.

A. Les stratégies gagnantes

Les règles du jeu vont changer et ces 5 prochaines années s’annoncent riches en défis pour les assureurs. Au-delà de la forme du business model (compagnies d’assurance, bancassureurs, des mutuelles et mutuelles sans intermédiaires…), les stratégies gagnantes seront autour de quatre axes principaux :

Une réduction drastique des coûts

Si le taux de croissance du chiffre d’affaire en assurance vie sera modeste (taux inférieur à 4 % par an) ce qui est raisonnable compte tenu de l’ensemble des contraintes citées précédemment qui pèsent sur la profession, la rentabilité des assureurs se trouve fortement dégradée. En absence de transformation, les retours sur fonds propres seront très négligeables.

Face à ce constat, les assureurs disposent de plusieurs solutions {mettre en œuvre séparément ou conjointement en s’orientant vers un modèle {bas prix pour ne pas dire « Low Cost ».

Parmi celles-ci figurent des économies massives, de l’ordre de 20 à 30 % sur la partie gestion, la mise en commun des back offices et leur délocalisation, avec un impact important sur la taille des réseaux physiques, un investissement accru dans les technologies directes (Internet, comparateurs, plateformes téléphoniques).

En actionnant tous ces leviers, les compagnies maintiendront un niveau de rentabilité juste satisfaisant.

L’optimisa ti on de la gestion et de la distribution

Dans un marché dépourvu de service à valeur ajoutée et de conseil, où les intermédiaires reculent face à la domination du canal internet, la banalisation de l’assurance tire les prix et le niveau de couverture vers le bas, l’optimisation des réseaux physiques s’impose pour maintenir une rentabilité satisfaisante.

Cette optimisation peut représenter une réduction de 15 à 20 % des coûts de gestion (par des systèmes d’information industrialisés et la délocalisation de fonctions transversales ou métiers).

L’industrialisation des processus représente un impératif, quelle que soit l’évolution économique. Dans le même temps, les partenariats de distribution se multiplient.

Le conseil client doit être au premier plan

Dans un contexte concurrentiel, les assureurs entrent dans une logique de différenciation par laquelle ils fournissent un conseil personnalisé à leurs clients et partenaires. La recherche de service différenciant endigue la pression sur les prix.

Avec de tels clients exigeants, le risque est d’entamer la marge opérationnelle, en augmentant fortement les coûts d’acquisition (produits sur mesure complexe) et de gestion (augmentation des équipes pour assurer le « zéro défaut » et le « zéro délai »).

Malgré l’impact de Solvabilité II, les résultats seront plus intéressants en favorisant le progrès des compétences en conseil de leurs réseaux de distribution et focalisent leurs forces de vente sur les clients à forte valeur, et ceci en :

  • Maintenant des coûts limités.
  • Investissant dans l’informatique afin de l’adapter {des produits complexes.
  • Améliorant la fidélisation de la clientèle.
Du sur mesure en temps réel et au juste prix

La généralisation des comparateurs et l’émergence des assureurs en ligne entraînent mécaniquement une chute des frais jusqu’alors prélevés sur les opérations d’assurance vie. A terme, la suppression complète de ces frais est envisageable, mettant fin à une source importante de revenus pour les assureurs.

Les consommateurs d’assurance sont demandeurs d’une personnalisation croissante de leurs contrats. Leur vision de l’assurance correspond {des produits sur mesure tant sur la couverture que sur le prix, dont la durée de vie peut être adaptée à des situations particulières ou temporaires.

Une telle demande implique la création et la gestion des produits complexes, adaptables quasiment en temps réel, alors que la bataille des prix fait rage.

Les assureurs doivent investir pour bâtir une souscription personnalisée des contrats, en temps réel et à travers tout canal de communication (internet, téléphone, agence…). Il faut également évaluer plus finement les risques clients en optimisant la distribution et la gestion des produits.

De manière globale, les assureurs devront agir et se transformer afin de maintenir un niveau de rentabilité satisfaisant.

Ils disposent de différents moyens d’optimisation pour s’aligner sur le modèle opérationnel gagnant d’ici 2015. Il s’agit pour eux d’évaluer l’effort de transformation {entreprendre et de donner la priorité aux investissements corrélés à ces leviers, en fonction de leur stratégie et de leur situation.

Les enjeux pour les assureurs ne manquent donc pas {l’avenir. Pour réussir, ils devront mener des transformations structurantes, actions qui constituent autant d’occasions de se démarquer. La réflexion sera naturellement {adapter {l’ADN et la stratégie de chaque compagnie.

Sachant que les assureurs devront combiner pour chacun de leurs métiers, des approches axées sur le prix, le conseil, la logique de producteur multi-réseau ou l’innovation.

B. Les positions concurrentielles

Les bancassureurs dominent avec 60 % de parts de marché. Le succès de leur modèle repose sur la relation longue avec le client, la fréquence de contact, la multidétention, le multicanal, les offres de fidélisation, la simplicité des contrats pour le plus grand nombre, la proximité avec la banque privée pour la clientèle fortunée (synergies de revenus).

Les bancassureurs ne semblent pas se satisfaire de la défense de leurs positions et leur stratégie de croissance est désormais fondée sur l’attaque méthodique de nouvelles cibles de clientèles, la poursuite des regroupements de moyens pour dégager des effets de taille, la diversification produit avec des offres complètes en matière de prévoyance, la distribution non propriétaire.

Les assureurs traditionnels tentent de reprendre des parts de marché face aux bancassureurs et aux mutuelles sans intermédiaires (MSI) qui se sont rapidement développées ces dernières années en figurant parmi les grands bénéficiaires du succès des supports en €uros.

La bancassurance est un modèle sous contrainte, d’un coté avec Bâle III, le contrôle d’une compagnie d’assurance va s’avérer beaucoup plus consommateur en fonds propres pour un établissement bancaire.

Les banques vont devoir faire des choix en termes d’allocation de leur capital économique, soit elles décident d’allouer du capital {leurs activités historiques, soit d’en allouer à des activités plus rémunératrices qui est l’assurance.

Les compagnies d’assurance françaises : le business model

De l’autre coté, avec Solvabilité II, les besoins en fonds propres vont être supérieurs à ceux en vigueur actuellement pour leurs filiales d’assurance.

Or, en général, les activités d’assurance des banques sont moins capitalisées que celles des sociétés d’assurances traditionnelles. Autant d’éléments qui pourraient susciter des arbitrages chez certaines banques. Il y aura

forcément des décisions stratégiques, notamment pour les établissements ayant une activité d’assurance de taille moyenne, plusieurs d’entre elles estimant que cette pression sur les fonds propres pourrait conduire les banques à céder tout ou partie de leurs activités d’assurance.

Dans toute sortie de crise, les groupes réfléchissent à leurs périmètres. Leurs réflexions intègrent le couple rentabilité- risque.

Dans l’univers des MSI, COVEA fait exception, le groupe, qui fédère notamment la MAAF la GMF, a connu l’une des plus fortes croissances annuelles (+ 11 % en moyenne).

« L’un de ses objectifs est de surperformer le marché, pas de viser un ROE de 20 % » explique Cyrille CHARTIER-KASTLER, le président de Facts & Figures. A contrario, la MACIF, la MAIF ou la MATMUT apparaissent en retrait, avec une croissance et une rentabilité bien moindres au niveau de l’assurance vie.

A tel point que Cyrille CHARTIER-KASTLER parle d’une « décennie perdue » pour certaines MSI, qui n’ont pas réussi « à obtenir des niveaux de croissance significatifs » et à conforter leurs fonds propres dans un cycle pourtant favorable pour les assureurs.

Naguère champions de la maîtrise des coûts, avec des niveaux de chargement de l’ordre de 22 % à 24 % (43) de leurs primes, certains groupes mutualistes ont vu cet avantage concurrentiel se réduire fortement ces dernières années.

Leur niveau de coût a grimpé jusqu’à 28 % ou 30 %, alors que des compagnies s’appuyant sur des agents généraux ont réussi à ramener le leur autour de 30 % à 32 %, en industrialisant leurs processus par exemple.

(43) Source les Echos du 22/06/2010

Conclusion

L’application des normes Solvabilité II sollicite les assureurs sur la mise en place de nouveaux processus, et sur les impacts de ceux-ci sur leurs activités.

Les assureurs doivent notamment construire une stratégie en ajustant leurs axes de décision, tels que la rentabilité des actionnaires, la politique de distribution des bénéfices ou la tarification. La tendance évoquée est une augmentation significative du capital à immobiliser, et une baisse de la rentabilité des contrats.

En tant que professionnel dans ce secteur d’activité, nous pensons qu’il est plus que jamais nécessaire d’innover en matière de solutions d’assurances, il faut continuer à militer pour un avenir stable pour les assureurs et les assurés, cela passera forcément par la promotion de l’épargne longue.

Henry FORD a dit « Tout ce qui est bon pour l’épargne longue est bon pour l’économie française et est donc bon la France ». Mais l’inverse aussi est vrai « ce qui serait mauvais pour l’assurance vie serait mauvais pour l’épargne longue et donc mauvais pour la France » a déclaré Bernard SPITZ.

Enfin, la réponse à la question de ce mémoire « Vers la fin des fonds en €uros ? » est très partagée :

La majorité des experts consultés à ce sujet répond que « Oui » les fonds en €uros vont perdre de leur intérêt, car les évolutions réglementaires réduisent la diversification des actifs financiers, notamment en actions, dans le portefeuille des sociétés d’assurance vie.

Les rendements devraient demeurer {un bas niveau. Les assureurs vont créer des concepts dans lesquels ils porteront les risques à long terme, laissant {l’assuré les risques {court terme. Certaines solutions comme les fonds €uros diversifiés ou les variable annuities sont des solutions.

L’autre partie, considère que les rendements des fonds en €uros continueront {diminuer si les taux d’intérêts obligataires ne remontent pas significativement.

Mais ils resteront incontournables car les épargnants ne disposent pas d’alternatives conciliant rendement raisonnable, relative liquidité et sécurité. Et, malgré les contraintes réglementaires, les assureurs diversifient leurs actifs. Les fonds €uros devraient encore procurer une rémunération supérieure {l’inflation.

En ce qui nous concerne, nous pensons que le marché {l’avenir va se scinder en deux. Les fonds en €uros, destinés {une clientèle de masse (on ne peut pas négliger la volonté des assurés exprimés de manière très claire, au niveau de la collecte des années passées, de leur attachement à ce type de placement malgré les tentatives des professionnels d’orienter celle-ci sur des investissements en UC), le rendement des fonds en €uros sera faible, à peine plus que les OAT, avec des chargements de gestion en hausse.

L’autre partie du marché acceptera d’investir une part substantielle de ses encours en UC, mais uniquement si les assureurs ont totalement réinventé leur démarche de conseil.

A notre sens, les autres solutions proposées actuellement sur le marché n’offrent pas une vrais alternative aux fonds €uros, ce sont des compléments de solutions destinées {des besoins complémentaires aux fonds en €uros classiques.

Table des matières

Introduction 8
1ère partie : La gestion actuelle des fonds €uros en assurance vie 9
I. L’assurance vie 9
1. Descriptif général 9
2. L’importance de l’assurance vie 10
3. L’assurance vie est le placement préféré des français 11
4. La typologie du contrat d’assurance vie 12
II. Le fonds en €uros 14
1. Descriptif général 14
2. Les taux de rendement 15
3. L’évolution du rendement 16
4. Comparatif des rendements enregistrés en 2010 17
2nde partie : Diagnostic de positionnement et des problèmes actuels 20
I. La situation macro-économique 20
1. Les problèmes fondamentaux 20
2. L’évolution de l’épargne des ménages 21
II. L’évolution du régime fiscal de l’assurance vie 22
1. Descriptif de la fiscalité d’assurance vie 22
A. En cas de vie de l’assuré 23
B. En cas de décès de l’assuré 24
2. Les risques d’une modification de la fiscalité d’assurance vie 24
III. Le péril d’un krach obligataire et d’une remontée des taux par l’inflation 25
1. Retour de l’inflation 27
2. Retour d’un risque souverain jusque-là ignoré 28
3. Les conséquences d’un krach obligataire 29
IV. La croissance du marché d’assurance vie 29
V. Le rendement des fonds en €uros 30
1. La situation actuelle 30
2. La composition des fonds en €uros 31
3. Les perspectives 32
3ème partie : La nécessite d’une nouvelle réorganisation 34
I. Descriptif de Solvabilité II 34
1. Contexte général 34
2. Présentation de la directive cadre 34
3. Le périmètre d’application 37
II. Etat des lieux de la réforme 37
1. Le calendrier de Solvabilité II 37
2. Les mesures d’application 38
III. Les conséquences sur l’assurance vie 39
1. L’hyperprudence aurait un hypercoût 39
2. Les dangers d’un calibrage inadapté 40
A. Sur les assurés 40
B. Sur l’industrie assurantielle 40
C. Sur l’économie 41
3. La mobilisation de la profession 41
IV. Les impacts selon le QIS.5 42
1. Contexte général du premier pilier 43
2. L’évaluation des risques au sens du deuxième pilier 45
3. La vision actuelle du reporting quantitatif 46
4. Les conséquences sur les fonds en €uros 47
4ème partie : Les solutions et/ou préconisations 49
I. Sur le marché 49
1. La situation macro-économique 49
2. L’évolution fiscale de l’assurance vie 50
3. Le marché obligataire 57
II. Sur le produit 55
1. Incitation des UC 55
2. La gestion « coussin » 59
3. Les fonds €uros diversifiés 60
4. Les fonds structurés 61
5. Les variable annuities 64
III. Sur l’entreprise 67
1. La mise en œuvre de la nouvelle réforme 68
A. La capacité à centraliser les données 68
B. La gestion intégrée de l’actif et du passif 69
C. Le changement de logique métier 69
D. Adaptation des règles d’acceptation et de gouvernance 70
2. Les doléances des assureurs ont fini par porter 71
3. Le business model 71
A. Les stratégies gagnantes 72
B. Les positions concurrentielles 74
Conclusion

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Vers la fin des fonds en euros ?
Université 🏫: Ecole nationale d’assurances ENASS
Auteur·trice·s 🎓:
Hicham BERRADI

Hicham BERRADI
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études – Le CNAM
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