Le partage des œuvres artistiques et le droit à la culture

Le partage des œuvres artistiques et le droit à la culture

B. le partage et le droit à la culture

Lorsqu’il est question de piratage d’œuvres musicales, les utilisateurs des réseaux de peer to peer se défendent souvent en affirmant qu’ils n’ont eu aucune mauvaise intention. Ils n’ont pas eu l’intention de nuire, c’est-à-dire l’élément moral nécessaire, en théorie, à la qualification d’une infraction pénale. Leur but n’aurait pas été, selon eux, de voler des œuvres, mais plutôt de les découvrir et de les partager avec d’autres.

D’ailleurs, expliquent-ils, ils achètent également beaucoup de disques en magasins, de places de concert. Ils dénoncent cette injustice qui consiste à les confondre avec des malfaiteurs qui feraient des profits illégaux, par exemple, en revendant des œuvres piratées.

D’un autre côté, beaucoup d’artistes affirment que les nouvelles technologies leur permettent de mieux diffuser leurs œuvres et de se faire connaître du grand public. Ainsi, le mouvement relativement récent en faveur du copyleft est un exemple emblématique de la position différente que certains artistes et créateurs défendent à ce sujet.

Le principe du copyleft, par opposition au copyright, repose sur la possibilité donnée à l’auteur d’une œuvre, quelle qu’elle soit, à toute personne, d’utiliser, de copier, d’étudier, de modifier et de distribuer son œuvre, avec la restriction que celui-ci devra laisser l’œuvre librement accessible à autrui, sous les mêmes conditions d’utilisation, y compris dans les versions modifiées ou étendues. Ce concept a été inventé par Richard Stallman en 1984, année du lancement du projet GNU («GNU’s not Unix»).

La question soulevée, entre autres, par Jean-Robert Alcaras 1, de savoir si l’on doit admettre l’idée selon laquelle la protection des droits de propriété des auteurs et des éditeurs est une condition nécessaire pour assurer la pérennité de la création culturelle, se pose plus que jamais. En effet, les alternatives que représentent les licences libres semblent économiquement viables comme en atteste le succès relatif des logiciels libres.

La question doit être replacée dans un cadre juridique malheureusement peu défini, celui du droit d’accès à la culture. Y a-t-il un droit d’accès à la culture ? Et si c’est le cas, quelle est la nature de ce droit ? La logique de gratuité et de partage qui gouverne les licences libres trouverait une assise juridique s’il existait un droit à la culture.

Distinguons tout d’abord le droit de la culture et le droit à la culture. Le premier ne serait que la compilation des textes encadrant les politiques culturelles. Ce n’est donc pas ce droit là qui est concerné. Quant au second, il convient de lui trouver des fondements juridiques.

La Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 contient un article 27 qui dispose ainsi : « Chacun a le droit librement de participer à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de partager le progrès scientifique et ses bénéfices ».

Le même article fait état d’un droit à la protection des intérêts moraux et matériels des productions artistiques. La Déclaration établit donc un équilibre entre droit à la culture et droit d’auteur. Cet article pourrait constituer le fondement d’un droit d’accès, de participation à la culture. Le terme « librement » impliquerait une liberté pour l’auteur de choisir les modes de diffusion de son œuvre.

Enfin, le partage est explicitement visé par l’article, bien qu’il ne semble concerné que le progrès scientifique. Il y a donc bien, sur la base de ce texte, un droit à jouir des arts, et donc de la musique. Notons cependant qu’il n’est nullement fait état d’un accès gratuit aux arts.

1 Jean-Michel BRUGUIERE « Droit d’auteur et culture » Thèmes et commentaires, Edition Dalloz, 2007

Le terme « culture » n’est pas clairement défini dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les dictionnaires définissent cette culture comme « la gamme totale d’activités et d’idées d’un groupe de gens avec des traditions partagées qui sont transmises et renforcées par les membres d’un groupe » ou « les poursuites artistiques et sociales, expression, et des goûts valorisés par une société ou classe, comme dans les arts, manières, habillement etc. » (Collins Dictionnaire anglais).

La protection de la culture dans les droits de l’homme comprend deux concepts. Le droit des peuples à pratiquer et continuer des traditions et des activités partagées, et la protection de la culture en droit international couvrant les poursuites scientifiques, littéraires et artistiques de la société.

Le pacte des Nations Unies adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966 précise dans son article 15 que « les Etats parties au présent Pacte reconnaissent à chacun le droit de participer à la vie culturelle et de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications ».

On pourrait trouver dans cet article un fondement solide en faveur des réseaux de peer to peer qui constituent à n’en pas douter une application d’un progrès scientifique. En revanche, le fait de participer à la vie culturelle n’implique pas directement le droit d’accéder aux œuvres culturelles. L’article poursuit ainsi : « Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre celles qui sont nécessaires pour assurer le maintien, le développement et la diffusion de la science et de la culture ».

La diffusion de la culture est donc un impératif pour les Etats signataires. La difficulté provient du nécessaire équilibre entre ce droit d’accès à la culture et la protection des œuvres.

Quant à la diversité culturelle, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne adoptée le 7 décembre 2000 la garantit en son article 22 ainsi rédigé : « L’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique ». Ici, c’est la nécessité de diversifier la culture qui est visée. Or la diversité est un argument en faveur des licences libres qui offrent la possibilité d’accéder à une grande variété d’œuvres musicales.

Au delà des textes existant, plusieurs auteurs n’hésitent pas à parler de droit à la culture ou plus précisément de droit d’accès à la culture. Ce droit pourrait donc donner aux licences libres une justification, un appui juridique. Observons maintenant le mécanisme des licences libres appliquées aux œuvres musicales, en prenant pour exemple les licences Creative Commons.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Diffusion en ligne des œuvres musicales : protection technique ou contractuelle ?
Université 🏫: Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne
Auteur·trice·s 🎓:
Simon BRIAND

Simon BRIAND
Année de soutenance 📅: Master 2 Droit de l’internet - 2006 – 2007
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