La révision des clauses du contrat du travail

La révision des clauses du contrat du travail

B. La révision des clauses du contrat

Cette technique n’est pas propre au droit du travail. En effet, le droit commun des contrats connaît des sanctions similaires. Cependant, cette méthode implique une atteinte à l’autonomie de la volonté, le juge modifiant, sans l’accord des parties au contrat, la convention367.

Appliquée au droit du travail, la révision du contrat permet ainsi au juge d’interférer au sein de cette relation salarié-employeur afin de préserver le reste de la convention et permettre à celle-ci de continuer à produire des effets. Dès lors, le but poursuivi par le juge reste a priori la protection de la situation engendrée par le commencement d’exécution de la relation de travail.

Dans ce contexte, le juge prud’homal ne modifie donc que le champ d’application, autrement dit l’étendue de certaines clauses contractuelles irrégulières (1). En aucune manière en effet celui-ci ne modifie la totalité de la convention de travail.

Or, le panel des sanctions civiles ne saurait s’arrêter là. En effet, à cette sanction correspond d’autres que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation peut également utiliser et qui constituent également une entrave importante et contestable à la liberté contractuelle et l’autonomie de la volonté des parties au contrat de travail (2).

Dès lors, ces solutions issues du droit commun des contrats n’ont vocation qu’à intervenir au sein des clauses du contrat de travail irrégulières pour en modifier le contenu. Ainsi, contrairement aux effets liés au prononcé de la nullité de ce contrat, ces sanctions permettent aux juges de rester au plus proche des modalités de la relation de travail initiale envisagées par les cocontractants eux-mêmes.

367 Cf., GHESTIN (J.), Traité de droit civil-Les obligations, op. cit., n°901 et s.

1. La remise en cause de la seule étendue de la clause

Dès 1987, monsieur GHESTIN constate le procédé de contrôle des clauses de non- concurrence employé par la chambre sociale de la Cour de cassation et la recherche l’élimination des effets irréguliers du contrat de travail368. Ainsi, si cette dernière a appliqué pendant longtemps la sanction de la nullité aux clauses du contrat qui lui paraissait excessives, elle décide aujourd’hui d’en limiter simplement l’étendue encore que des exemples de jurisprudence puissent parfois tempérer ce propos et soulever des interrogations369.

Ainsi, par un arrêt du 13 janvier 1998370, la chambre sociale décide de la nullité d’une clause de non-concurrence car contraire à une convention collective dans le montant de l’indemnité compensatrice alors prévu. Or, cette sanction de la nullité n’était d’une part, pas envisagée par la convention elle-même et, d’autre part, la clause pouvait faire l’objet d’une révision pour la rendre conforme aux termes fixés par la convention collective comme la jurisprudence le concède traditionnellement371.

Cependant, cette sanction adoptée par la Cour de cassation permet, contrairement à la sanction de la réduction, de libérer le salarié de l’exécution de la clause de non-concurrence quelles que soient les modalités de celle-ci.

Faut-il en conclure que la chambre sociale opère également ici un contrôle de l’opportunité d’une telle sanction ou, plus simplement, qu’elle cède par cette espèce aux critiques formulées en la matière ?

En effet, nombreuses peuvent être les critiques en matière de révision de la clause irrégulière d’un contrat de travail si l’on considère qu’elle porte atteinte au principe de la force obligatoire des contrats372. De même, la solution qui consisterait à recourir à la réduction peut paraître surprenante en matière notamment de clause de non-concurrence car la clause excessive, dans son étendue, porte atteinte au principe fondamental de la liberté du travail et devrait donc être annulée au regard de l’article 6 du Code civil selon lequel « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs »373.

Or, on peut également estimer, tout comme monsieur JAPIOT, que « la nullité est un droit de critique contre les effets de l’acte, droit qui peut être divisible quant aux effets critiqués.

Seuls les effets illicites de la clause doivent disparaître sans qu’il soit nécessaire que la clause elle-même soit annulée ou modifiée »374. De plus, certaines clauses du contrat de travail ainsi réduites peuvent permettre au salarié qui se prévaut de cette action de bénéficier à la fois, dans cette hypothèse, de la poursuite de sa relation de travail et de conditions d’exercice de son emploi meilleures puisque revues par les juges afin d’être licites et d’ainsi mieux correspondre aux volontés des deux parties contractantes.

En effet, on le sait, la clause de non-concurrence est le plus souvent imposée par l’employeur à son salarié notamment en ce qui concerne son champ d’application. Dès lors, la révision consiste à ne toucher ainsi qu’aux modalités d’application de la clause sans interférer fondamentalement au sein de la relation de travail comme la nullité partielle du contrat de travail peut le laisser supposer.

369 Cf. en ce sens, Y.SERRA, note sous cass. soc. 18 décembre 1996, D.1998, somm. comm., p. 215.

370 Cass. soc. 13 janvier 1998 Société européenne de sélection c/Madame Saddock, op. cit.

371 Cf. cass. soc. 15 décembre 1982, BC V n°701 et 2 avril 1981, BC V n°315 et 316 in note sous cass. soc. 13 janvier 1998, op. cit. ; voir également cass. soc. 24 février 1982, 14 novembre 1991 et 4 mai 1993 in La rupture du contrat de travail, équipe rédactionnelle de la Revue Fiduciaire, La Revue Fiduciaire, Paris, 1994, p.303 et s.

372 Cf. Y.SERRA, note sous cass. soc. 18 décembre 1996, op. cit.

373 La jurisprudence a par ailleurs déjà utilisé ce fondement en matière clause de non-concurrence afin d’affirmer le principe de liberté du travail et d’établissement : voir notamment cass. soc. 19 novembre 1996, BC V n°392, Dr. Soc. 1997, p.95, obs. G.COUTURIER.

374 JAPIOT (R.), Des nullités en matière d’actes juridiques in Traité de droit civil-Les obligations, J.GHESTIN, op. cit.

Ainsi, le cheminement de pensée de la Cour de cassation, en matière de révision d’une clause de non-concurrence, semble pouvoir se résumer ainsi selon certains auteurs : faisant application du principe de la force obligatoire du contrat, les juges confirment l’obligation à la charge du salarié de ne pas concurrencer son employeur parce qu’il a accepté indiscutablement une restriction de la sorte à sa liberté de travail lors de la conclusion de son contrat.

Dès lors, le salarié se doit de respecter une clause que les juges rendent conforme, dans son étendue, à l’article 6 du Code civil de manière à ce qu’elle ne soit pas contraire à un principe d’ordre public, en l’occurrence celui de la liberté du travail375.

Il faut toutefois constater que cette sanction de réduction de l’étendue de la clause de non-concurrence n’est pas, à l’heure actuelle, appliquée à d’autres types de clause du contrat de travail tels que la clause de dédit-formation, peut-être au motif que cette dernière ne contient jamais d’indemnité au profit du salarié qui l’accepte376. De plus, la réduction de la clause n’est prononcée, en matière de clause de non-concurrence, que lorsque celle-ci apparaît excessive.

En effet, la clause comportant des exigences trop importantes fait l’objet d’une révision alors que dans l’hypothèse où celle-ci ne permet pas du tout l’exercice d’une activité, ce sera la sanction de la nullité qui sera alors préférée.

Depuis l’arrêt du 13 janvier 1998, la sanction de la réduction semble aujourd’hui confinée dans d’étroites hypothèses. Celle-ci semble donc devoir subir un sort incertain notamment face aux critiques de la doctrine. De plus, celle-ci peut apparaître parfois tout à fait inappropriée pour le salarié.

En effet, en matière de clause de non-concurrence, la nullité de celle-ci apparaît préférable d’autant que le salarié a rarement consenti de manière non-équivoque à l’existence de cette clause, imposée le plus souvent par l’employeur. Dès lors, prononcer cette sanction permet au salarié de retrouver une entière liberté dans sa recherche d’emploi, liberté qui connaîtrait toutefois ses limites en cas de simple révision. L’intérêt du salarié semble donc conduire à supprimer l’ensemble de la clause qui est excessive plutôt qu’à en réduire seulement l’étendue et à ôter ainsi, par la force des choses, tout champ d’application à la sanction de la révision.

375 Cf. en ce sens, SIMON-SUISSE (F.), Nullité et contrat de travail, mémoire de DEA de droit social, op. cit.

376 Idem

Outre cette sanction qui a priori n’a que peu vocation désormais à s’appliquer en droit du travail, quelles sont donc les autres possibilités encore offertes aux juges prud’homaux pour intervenir dans le cadre du contrat hormis le prononcé de la nullité ou de la requalification ?

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