La rentabilité d’une opération LBO et l’effet de levier

La rentabilité d’une opération LBO et l’effet de levier

(2) Principaux déterminants de la rentabilité d’une opération de LBO à effet de levier

La rentabilité d’une opération à effet de levier se mesure par le taux de rendement interne32 (TRI) dégagée par l’opération. Ce TRI est généré par le remboursement de la dette d’acquisition par affectation des free cash flow de la cible d’une part, et par la réalisation d’une plus-value au moment de la cession de la cible par le ou les investisseurs.

(a) UTILISATION DES FREE CASH FLOW AU SERVICE DE LA DETTE D’ACQUISITION

L’utilisation du cash-flow de la société-cible disponible pour ses actionnaires, c’est-à-dire la part du cash-flow de l’entreprise rachetée qu’il est possible de distraire, afin de l’affecter au remboursement d’une dette contractée lors de l’acquisition ou à d’autres investissements constitue la principale composante de l’effet de levier pour ce type d’opérations.

Ce cash-flow est la somme de trois éléments

  1. 1. Le cash-flow d’exploitation : rentabilité d’exploitation et variation du besoin en fonds de roulement33;
  2. 2. Le cash-flow financier : variation de l’endettement (court, moyen et long terme);
  3. 3. Le cash-flow d’investissement : investissements ou désinvestissements réalisés.

De la somme de ces trois éléments et leur projection résulte la variation de trésorerie de la société rachetée, qui permet de déterminer le montant qui peut être affecté au financement du rachat (la trésorerie excédentaire de la société au moment du rachat pouvant en outre être utilisée pour alléger la charge d’endettement).

32 Le TRI ou Taux Interne de Rentabilité correspond au taux d’actualisation qui égalise la valeur actuelle des cash flow futurs et la valeur de l’investissement initial. Le niveau du TRI est donc mécaniquement fonction de la durée de l’investissement, du montant de l’investissement initial et du montant de la plus value de revente. La notion de temps est cependant déterminante et explique le fait que certains TRI ont sur certaines opérations ayant été dénouées en moins de 18 mois parfois pu approcher les 100%

(b) PLUS – VALUE DE SORTIE

La plus-value de sortie est la différence de valeur que l’on constate entre le prix d’acquisition de la cible et le prix de cession de l’entreprise, après quelques années ou parfois quelques mois.

On a ainsi vu des sociétés reprises en LBO être revendues à un prix deux, voire trois fois supérieur au prix d’achat. Cette plus-value justifie le mode de valorisation par DCF qui assimile la valeur de l’entreprise à une chronique de flux constituée par une suite de free cash flow et une valeur terminale qui est l’actualisation du dernier flux capitalisé à l’infini de la série du modèle de valorisation.

Cette valeur terminale peut être considérée comme une modélisation du prix de revente espéré dans la mesure où l’on considère que le rendement d’un titre, notamment d’une action, est constitué de la chronique des flux de rendement et de la plus-value de revente du titre.

33 Une variation de BFE constitue une affectation de fonds dans le cycle d’exploitation. On peut donc assimiler l’aménagement de conditions de règlement à un client en vue d’accroître le chiffre d’affaires réalisé avec lui, comme un investissement.

(c) S YNTHESE

La rentabilité de l’opération de LBO peut doubler par le seul jeu de l’effet de levier. Si en outre, l’investisseur ne mobilise que 20%, le reste étant fourni par des banques ou autres établissements financiers, il peut donc économiser ses ressources afin de réaliser d’autres opérations du même type, surtout si ces ressources lui coûtent cher (c’est le cas d’une société qui doit faire appel au marché financier pour financer ses acquisitions pour laquelle le moindre euro de fonds propres représente un coût d’opportunité de l’ordre de 30% au moins).

Le mode de financement n’est pas neutre en ce qui concerne le risque de l’opération. Les frais financiers sont totalement inélastiques et dépendent de l’endettement mis en place lors du rachat.

Le montant distribuable dépend de la rentabilité de la société rachetée, de la variation de son endettement et du solde de ses investissements. Cet équilibre est fragile. Toutes les entreprises ne peuvent de ce fait constituer des cibles éligibles à ce type d’opérations.

Une baisse, voire une disparition de la rentabilité de la société rachetée engendre un double effet : diminuer, voire annuler le montant distribuable (et donc impossibilité de faire face aux frais financiers du holding) et, en même temps, diminuer, voire supprimer l’économie d’impôt.

C’est l’effet pervers du levier (le retour de bâton, qui justifie le fait que les candidates idéales au LBO soient des sociétés rentables qui bénéficient en outre d’une bonne visibilité sur un marché stable (on les appelle les vaches à lait selon la terminologie du Boston Consulting Group.), pour lesquelles l’effet de levier peut être très élevé.

A contrario, une société de haute technologie, aux résultats très volatils, ne pourra que difficilement être acquise dans un tel montage.

La dernière remarque concerne l’amortissement du capital de la dette. Les frais financiers payés, une partie du cash -flow devra être affectée à l’amortissement du capital de la dette.

Il faudrait donc que la cible ait un cash-flow important, de faibles besoins d’investissement ou des capacités de refinancement très importantes, en plus du problème juridique que pose la ponction de plus de 100 % du résultat de la société- cible; l’alternative étant soit la fusion rapide holding-société cible, soit la distribution de réserves au cas où holding et société-cible resteraient distincts.

C’est pour pallier ce problème que sont apparues des formes de dettes subordonnées ou mezzanine, qui permettent un amortissement du capital de ces instruments après celui de la dette senior bancaire34.

Il est toujours possible d’adapter le profil de service de la dette en la partageant en deux : avec une partie de la dette à annuités constantes, d’une part, et une autre partie (la dette subordonnée) pour laquelle seuls les intérêts auraient été payés pendant quelques années, le capital s’amortissant plus tard, d’autre part. Cette dette subordonnée plus risquée est généralement mieux rémunérée que la dette senior, qui s’amortit plus rapidement et qui est mieux garantie.

Nous avons illustré l’effet de levier financier d’un exemple de financement d’acquisition d’une PME avec effet de levier dans le cadre d’une opération de LBO en cours de réalisation en région.

La valeur de la cible est immédiatement réduite après l’acquisition du fait de la ponction sur la trésorerie que fait peser l’opération de LBO sur celle-ci. La valeur de la cible évolue en fonction de la valeur des free cash flow restant, l’appréciation étant faite selon un calcul roulant. La valeur du holding n’est que la valeur de la cible diminuée de l’endettement (essentiellement la dette senior).

La valeur du montage est donc la valeur des free cash flow actualisés, diminuée de l’endettement à terme. La valeur du montage est donc une fonction de l’endettement, chaque terme évoluant en symétrie inverse l’un de l’autre. Le levier financier se manifeste ainsi par un phénomène de ciseau. D’après l’exemple que nous avons choisi, ce phénomène s’illustre de la manière suivante.

34 Il s’agit de location de capital dans la mesure ou cette dette est intégralement subordonnée à la dette sénior. Elle ne trouve sa justification que dans la mise en place d’une masse de ressource venant en diminution de la dette principale qui suppose une exigence d’échéancement de remboursement obligatoire, ainsi qu’un paiment régulier de frais financiers.

Les graphiques ci-dessous illustrent le fait que l’effet de levier est avant tout un transfert de valeur des créanciers vers les actionnaires, résultant d’un effet de ciseau favorable à ces derniers.

représentation de l'effet du remboursement de la dette senior sur la valeur de la cible et du LBO

Figure 4: représentation de l’effet du remboursement de la dette senior sur la valeur de la cible et du LBO

(3) Les limites de l’effet de levier

Pour qu’un schéma de LBO soit viable, le cash-flow disponible de la société-cible doit être au moins suffisant pour couvrir les charges d’endettement liées à la reprise.

Indépendamment de la structure juridique de la reprise (holding en intégration fiscale, fusion rapide, voire même d’autres techniques telle que la location-gérance), il est vital que l’effet de levier existe réellement, c’est-à-dire qu’il y ait bien un différentiel entre la rentabilité de l’actif et le coût de la dette.

Par exemple, un investisseur LBO sait qu’il pourra syndiquer une dette à un taux moyen de 6 %. Le coût net d’impôt de cette dette sera donc de 3.78 % (0,63 x 6%).

Pour qu’un effet de levier soit possible, il faut que la rentabilité de l’actif dépasse durablement cette valeur. Si l’affaire est achetée avec un PER (price earning ratio, multiple du résultat net) de 8, on a;

  •  prix = 8 x résultat net
  •  Rentabilité de l’actif : 1/8 = 12,5 %, à résultat net constant. Ici, le différentiel rentabilité actif – coût de la dette existe (il est égal à 12,5 % – 3,78 % = 8,72
  •  Un effet de levier est donc possible.

Ce principe peut être récapitulé dans le tableau suivant :

PER de rachat6810131116
Rent. actif Holding (en %)16,717,510,08,37,16.2
Taux moyen de Ia dette (en%)5678910
coût net d’impôt (en %)3.153.784.415.045.766.30

On en déduit naturellement: que les opérations à effet de levier deviennent impossibles dès lors que les sociétés sont achetées plus de 13 à 14 fois les résultats, car c’est à ce niveau que la rentabilité de l’actif (7.1 % pour un PER de 14) se rapproche dangereusement du coût de la dette (5.67% pour une dette contractée à 9 %). Au-delà, ne peuvent surenchérir que les industriels qui trouvent dans ces sociétés des synergies et une valeur qui ne sont pas accessibles à des financiers.

On peut citer le cas d’une opération de LBO réalisée en 1994 sur une valeur représentent 23 fois le résultat net de la société rachetée, soit une rentabilité de l’actif de 4,35 %. La dette, particulièrement bien négociée à l’époque, ressortait avec un taux moyen de 10,50 %. Le coût net de la dette était donc 6,615 %. Pour qu’un effet de levier soit possible, compte tenu du coût de la dette, il n’aurait pas fallu que la société soit payée plus de 15 fois les résultats.

On voit mal, en outre, comment une entreprise pourrait assurer la rentabilité de l’investissement, c’est-à-dire assurer le remboursement de son acquisition par affectation de ses fonds propres si elle doit également faire face à ses impératifs de développement et d’investissement.

L’effet de levier est un instrument puissant pour améliorer la rentabilité d’un investissement, mais il peut aussi devenir négatif, on parle dans ce cas de levier inverse ou « effet massue ». C’est le cas des structures trop lourdement endettées et dont la rentabilité ne s’améliore pas très rapidement. La seule issue est un désinvestissement massif et rapide, qui permet de réduire l’endettement (les péripéties de Donald Trump constituent un cas d’école, mais on peut également citer Boloré en France ainsi que Pinault).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: CNAM PARIS DESS Finance d'Entreprise - Chaire de Finance du Professeur Denis DUBOIS - Spécialisation Finance d'entreprise
Auteur·trice·s 🎓:
Virginie PHAM

Virginie PHAM
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté pour l'obtention du DESS Finance d'entreprise - 2001-2011
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