La rentabilité de la maison passive : Effet tunnel

4. Rentabilité de la maison passive
4.1. Généralités
Ce n’est bien sûr pas d’un point de vue patrimonial que la question se pose. Et même si on ne recherche pas à proprement dit de rentabilité pour des postes tels que la salle de bain ou la cuisine, il faut admettre qu’il en va autrement pour les dépenses liées à l’isolation. La question se pose donc ici en ces termes: le surcoût engendré par le caractère passif d’une habitation peut-il être récupéré grâce aux économies d’énergies.
Lorsque l’on voudra réaliser des économies d’énergies, on cherchera à utiliser prioritairement les solutions qui ont le meilleur rapport investissement -économie d’énergie, pour autant que d’autres paramètres n’entrent pas en compte (confort, …).
Figure 1: Economie d’énergie en fonction de l’investissement
Economie d’énergie en fonction de l’investissement
Source : Passiefhuis-Platform vzw
Les budgets étant le plus souvent limités, il faudra faire des choix. Ainsi, entre une ventilation mécanique et un chauffe-eau solaire, le choix portera sur la ventilation mécanique qui présente un meilleur rapport investissement/économie d’énergie. En dehors du fait que la ventilation est plus « rentable », il faut aussi considérer que le chauffe-eau solaire peut être ajouté ultérieurement, et que celui-ci n’est pas nécessaire à la production d’eau chaude. Par contre, il est beaucoup plus difficile d’ajouter une ventilation à un bâtiment qui n’est pas prévu pour (problème potentiellement rencontré lors de la rénovation). L’obtention d’une maison passive peut donc se faire par des investissements extrêmement rentables.
La décision des Région Wallonne et Bruxelloise de diminuer les subventions portant sur les panneaux solaires (la raison invoquée étant que les prix de ceux-ci ont diminué) et de porter prioritairement l’effort sur les primes à l’isolation peut donc être jugée de ce point de vue comme positive.
4.2. Effet tunnel
Plus un bâtiment est isolé et plus il demande un investissement important. Le graphique suivant permet de relier ces deux variables.
Figure 2: Coût des investissements en fonction du besoin en énergie de chauffage
Coût des investissements en fonction du besoin en énergie de chauffage
Source : Passiefhuis-Platform vzw
Les frais d’énergie sont linéairement liés aux besoins. Par contre, les coûts d’investissements varieront eux exponentiellement. En effet, les premiers investissements réalisés seront ceux qui permettront de faire baisser le besoin en énergie de l’habitat le plus facilement, tandis que plus il sera isolé, plus il sera difficile de lui faire économiser d’avantage d’énergie.
De la somme de ces deux coûts, on obtient le coût total. On observe qu’il présente un premier minimum aux alentours des 35-50 kWh/m².an, c’est-à-dire la zone qui correspond aux maisons basse énergie. Pour des efforts relativement limités, on parvient donc à réduire le coût global. Un chauffage conventionnel est cependant encore nécessaire, même si sa puissance est réduite. Le prix de ce système et des frais qui y sont liés, est dès lors toujours relativement élevés.
Les investissements supplémentaires vont continuer à économiser de l’énergie, mais ils coûteront de plus en plus cher par unité d’énergie économisée, et leur effet marginal sera donc de moins en moins efficient.
Il arrive cependant un moment où l’investissement supplémentaire permet d’atteindre un niveau de performances tel que le système de chauffage classique dans son ensemble devient superflu. Chaudière, conduites de distribution, radiateurs, vannes, …deviennent inutiles et un simple chauffage d’appoint suffit. Le passage de ce cap permet dès lors de réaliser une exceptionnelle économie, qui provoque une chute brutale du coût de l’investissement supplémentaire et donc du coût total. C’est l’effet tunnel.
Ce cap est important pour les maisons passives, puisque l’économie réalisée sur les coûts d’investissement de chauffage, par rapport à un bâtiment aux performances traditionnelles, permettra en grande partie de contrebalancer les coûts supplémentaires d’isolation et d’étanchéités nécessaires aux performances du standard passif.
Après la disparition du système de chauffage, la performance de l’enveloppe peut encore être poussée à l’extrême. Cela implique une économie d’énergie de chauffage de moins en moins importante en termes absolu (quelques kWh/ m².an). Par contre, ce type de construction exige des techniques et des matériaux actuellement encore fort coûteux et la rentabilité s’en voit franchement diminuée.
Mais il faut aussi dire que ce surcoût n’est pas facile à évaluer et ce pour plusieursraisons :
1. il est évalué par rapport à un bâtiment standard et donc répondant aux normes en vigueur. Plus celles-ci seront proches du passif, plus ce surcoût sera faible. De plus, par rapport à quel élément standard effectuer la comparaison ? La norme N50-001 sur la ventilation des habitations n’impose pas un modèle particulier. Va-t-on se baser sur un système mécanique ou manuel pour effectuer la comparaison?
2. Le maître d’ouvrage doit faire certains choix lorsqu’il fait construire sa maison passive. Sur les solutions qu’il envisage d’appliquer pour atteindre ses objectifs bien sûr, mais il peut également décider d’investir plus sur les économies d’énergie en réduisant les coûts sur d’autres postes. Outre le surcoût, il est également difficile d’estimer la rentabilité à long terme, celle-ci dépendant de l’investissement initial dont nous avons déjà parlé, de l’inflation et des prix de l’énergie, renouvelable et non- renouvelable.
3. L’évolution du prix de l’énergie non-renouvelable57 (Figure 3) est le plus souvent estimé comme devant augmenter, selon la logique qu’une ressource limitée et en trainde s’épuiser doit se renchérir. Mais de nombreux facteurs interviennent dans ces prix : libéralisation des marchés (qui n’a pas eu les effets attendus), crise économique, législation, fiscalité, … Des évènements tels que la récente catastrophe écologique dans le Golfe du Mexique ou des conflits peuvent également avoir un impact. L’idée n’est pas ici d’évaluer ces effets mais uniquement d’inciter à la prudence sur les prévisions qui peuvent être faites à ce sujet.

57 Ce prix doit être estimé si on veut calculer la rentabilité du projet

Figure 3: Evolution du prix de l’énergie en Allemagne de 2005 à 2010
Evolution du prix de l’énergie en Allemagne de 2005 à 2010
En vert, le prix des pellets (en Cent/kWh) En rouge, le prix du mazout (en Cent/kWh) En bleu, le prix du gaz naturel (en Cent/kWh) Source : Pelletsmagazine58
4. Le prix de certaines énergies renouvelables est lui aussi soumis à des évolutions qui ne sont pas toujours prévisibles et encore moins annoncées (Figure 4). Les images ci- dessous montrent les évolutions du prix de watt crête pour le photovoltaïque et des pellets pour les systèmes de chauffage au bois. Le prix des pellets n’est pas destiné à suivre une courbe aussi plate que son caractère renouvelable pourrait le faire espérer (Figure 3). Le marché du bois, y compris celui de ses résidus à partir desquels sont fabriqués les pellets, connaît lui aussi des fluctuations
Figure 4: Evolution du prix du Watt crête de 2001 à 2010 en Europe et aux Etats-Unis
Evolution du prix du Watt crête de 2001 à 2010 en Europe et aux Etats-Unis
Etats-Unis ($) Europe (€)
Source : Solarbuzz 59
Figure 4 : L’augmentation en 2005-2006 est due à une pénurie du silicium qui a touché tout le marché des semi-conducteurs. La baisse qui a suivi est due à l’apparition d’une nouvelle technologie moins gourmande en silicium pour la fabrication des cellules photovoltaïques.
Le calcul de la rentabilité n’est donc pas une simple formalité. En plus de nécessiter l’utilisation d’hypothèses dont certaines ont été données au paragraphe précédent, il peut dépendre également du critère utilisé pour estimer la rentabilité. La valeur actuelle nette (VAN) et le taux de rentabilité interne (TRI) sont deux de ces critères. Mais, vu leur complexité, on leur préfère dans la pratique le calcul du temps de retour simple (TR)60 ou le prix du kWh évité61, qui sont principales méthodes utilisées pour estimer si un investissement est rentable. 62
Ces différentes méthodes de calcul peuvent parfois donner des résultats divergents et il est alors important, par exemple pour le bureau d’étude qui doit réaliser cette estimation, de présenter les choses sous un jour favorable tout en préservant l’honnêteté de la démarche.63

59 http://www.solarbuzz.com/Moduleprices.htm
60 Durée de l’exploitation de l’équipement nécessaire pour que les revenus dégagés permettent de récupérer le montant de l’investissement.
61 Obtenu en divisant l’investissement initial par les consommations annuelles d’énergie actualisées. Si le coût du kWh évité est inférieur au prix d’achat d’un kWh, l’investissement est rentable.
62 QUICHERON, M., «Le rôle du tiers investisseurs pour les investissements en efficacité énergétique dans les bâtiments du secteur tertiaire », 2006, Université Libre de Bruxelles, mémoire en vue de l’obtention du grade académique de Master en Sciences et Gestion de l’Environnement, pp.28-30
63 Interview de Nicolas Watillion réalisée en juillet 2010.

Lire le mémoire complet ==> (Les économies d’énergie dans le secteur des logements sociaux)
Mémoire de Fin d’Etudes en vue de l’obtention du grade académique de Master en Sciences et Gestion de l’Environnement
Université Libre de Bruxelles – Institut de Gestion de L’environnement et Aménagement du Territoire
 

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les économies d’énergie dans le secteur des logements sociaux
Université 🏫: Université Libre de Bruxelles - Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire
Auteur·trice·s 🎓:
David Melis

David Melis
Année de soutenance 📅: Mémoire de Fin d’Etudes en vue de l’obtention du grade académique de Master en Sciences et Gestion de l’Environnement - 2010-2024
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