La nullité partielle du contrat de travail, une sanction banalisée

La nullité partielle du contrat de travail, une sanction banalisée

§2 : La nullité partielle du contrat de travail : une sanction banalisée

Au contraire des arrêts se prononçant pour la nullité de l’ensemble du contrat de travail, ceux concernant la nullité partielle de celui-ci sont plus abondants. A quoi doit-on cet apparent succès ? En fait, il convient de remarquer que cette sanction couvre un nombre important de clauses du contrat de travail (A).

En effet, dès l’instant où celles-ci ne sont pas valables mais n’apparaissent pas déterminantes du consentement de l’une au moins des parties au contrat de travail, leur annulation pour quelque motif que ce soit n’affecte pas pour autant le reste du contrat lequel demeure valable et opposable aux parties qui l’ont conclu.

Tout le problème réside donc a priori dans le fait de déterminer si la clause a eu une importance véritable lors de la conclusion de la convention pour déterminer l’étendue de la sanction auquel cas c’est la nullité de l’ensemble du contrat de travail qui va se substituer à la sanction de la nullité partielle.

Dès lors que la nullité est prononcée, on peut constater que parmi les effets liés au prononcé de cette sanction (B), le plus important consiste en la survie du contrat de travail, lequel se trouve dans cette hypothèse amputé de l’un de ses éléments. Pourtant, lorsqu’il va s’agir de clauses prenant effet au jour de l’extinction de la relation de travail entre le salarié et son employeur, l’effet donné au prononcé de la nullité partielle du contrat résidera alors dans l’extinction de tout lien entre ceux-ci. Ce sera le cas par exemple de la clause de non- concurrence déclarée nulle.

A. La nullité de certaines clauses du contrat de travail

L’ensemble des clauses du contrat de travail est-il susceptible de subir la sanction de la nullité ? A vrai dire oui puisque l’on vient de voir dans les développements précédents que la totalité du contrat de travail peut être déclarée nulle.

Cependant, prises individuellement, ces dernières n’offrent d’intérêt que pour certaines d’entre elles. En effet, certaines clauses du contrat de travail sont par leur nature même illicites tandis que d’autres ne le sont que dans leur champ d’application (1). Ainsi, une clause apparemment licite mais dont l’étendue est trop importante peut se voir sanctionnée par le prononcé de la nullité partielle.

De plus, dès l’instant où leur nullité est reconnue, la question va alors se poser de l’étendue cette fois-ci de cette sanction. En effet, si la clause déclarée nulle n’était pas, au jour de la conclusion du contrat de travail, déterminante du consentement des parties à la convention, à savoir salarié d’une part et employeur d’autre part, la nullité ne sera que partielle. Dans l’hypothèse inverse, on retrouvera ainsi les règles régissant la nullité de l’ensemble du contrat de travail. Le champ d’application de la sanction de la nullité partielle du contrat de travail apparaît dès lors dépendant de la seule distinction entre clauses déterminantes et clauses accessoires du contrat de travail (2).

1. La distinction entre clauses interdites et clauses licites

La structure des clauses constituant un contrat de travail obéit à des conditions de validité très différentes. Il ne s’agit donc pas ici de passer en revue l’ensemble des conditions inhérentes à chacune de ces clauses. Cependant, il convient de constater que ces clauses potentielles du contrat peuvent se regrouper autour d’un critère unique : celui distinguant les clauses interdites ou illicites des clauses licites.

Dès lors, sont considérées comme illicites les clauses :

Reconnues comme telles par une disposition légale ou conventionnelle expresse. On peut citer pour exemple les articles L.122-14-12 du Code du travail relatif aux clauses couperet300, L.141-9 relatif aux clauses d’indexation, L.123-2 interdisant toute mesure contraire au principe d’égalité entre hommes et femmes, L.121-3 et R.517-1 relatifs aux clauses attributives de juridiction,…

Portant atteinte aux droits fondamentaux de la personne ou au respect de la vie privée du salarié.

Sont ainsi interdites par exemple les clauses de célibat dans la mesure où celles-ci portent atteinte au droit fondamental qu’est le droit au mariage301.

Dérogeant, dans un sens moins favorable, aux dispositions légales et conventionnelles302.

Dérogeant de manière générale à une disposition d’ordre public.

Dès lors, l’ensemble de ses clauses conduisent au prononcé inévitable de leur nullité soit que le législateur a envisagé lui-même cette sanction soit que les juges prud’homaux la prononce de manière systématique. Cette nullité n’entraîne cependant pas pour autant la nullité de l’ensemble du contrat de travail. En effet, elle ne touche le contrat dans son intégralité que si la clause a été déterminante du consentement d’au moins une des parties au contrat de travail.

300 Cf. Le point sur la mise à la retraite du salarié, Légi Social du 1er mai 1996, pp.11-13.

301 Cass. soc. 7 février 1968, arrêt n°65-40-622, BC V n°86 et également CA Paris 30 avril 1963, JCP 1963, II, 13205bis.

302 Cf. la jurisprudence en la matière précédemment citée ; voir également, La sanction des clauses contraires à une convention collective, BOUCHE (N.) et BOURRIER (C.), D.1999, JP, p.159

De même, certaines clauses du contrat de travail peuvent être déclarées nulles non dans leur principe puisque celles sont licites, contrairement à celles évoquées ci-dessus, mais dans l’étendue qu’ont entendu leur donné les cocontractants. Ces clauses sont dès lors beaucoup plus nombreuses et diverses que les précédentes. Cependant, la jurisprudence a eu à connaître plus fréquemment certaines d’entre elles en tant qu’elles peuvent restreindre voire abolir tout exercice de certaines libertés par le salarié.

On peut citer par exemple la clause d’exclusivité303, la clause d’objectif, la clause de mobilité géographique, la clause de domicile ou de résidence, la clause de dédit-formation mais surtout la clause de non- concurrence304. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation a pu décider, par exemple, que la clause de non-concurrence doit s’apprécier par rapport à la liberté de travail laissée au salarié, cette limitation devant se justifier par les intérêts de l’entreprise pour une durée et dans une zone géographique définies305.

De plus, celle-ci souligne également que la validité de cette clause doit être appréciée non en fonction de la compétence personnelle du salarié mais de façon objective, en fonction du poste occupé par celui-ci306.

Ainsi, la nullité partielle du contrat de travail peut être prononcée dans deux hypothèses : soit la clause est interdite et dès lors, quelque soit son contenu, elle est annulable ; soit la clause est licite mais ici ce sont les contractants, en particulier et surtout l’employeur, qui en fixent des conditions exorbitantes. Dans cette dernière hypothèse, les juges prud’homaux ont alors un pouvoir d’appréciation non-négligeable pour décider de l’annulation ou non de ladite clause.

Ceci démontre donc le caractère important de la qualification de la clause dès son origine (licite ou licite) car selon sa nature les juges disposeront ou non en la matière d’un pouvoir notable d’appréciation de la validité de cette clause.

303 Cf. cass. soc. 11 juillet 2000, arrêt n°3318FS-P+B, D.2000, IR, pp.227-228.

304 Pour des exemples de jurisprudence en la matière et une définition de chacune de ces clauses, voir Les clauses du contrat de travail, numéro spécial de Liaisons sociales, n°12990 du 17 septembre 1999, pp.5-88 ; voir également, Clauses du contrat de travail, Légi social Dossier D-280, mai 1998, pp. 2-50 et La rupture du contrat de travail, équipe rédactionn

elle de la Revue Fiduciaire, La Revue Fiduciaire, Paris, 1994, p.303 et s.

305 Pour un exemple d’absence de limitation dans l’espace, voir note J.AMIEL-DONAT, D.1992, somm. comm., p.344.

306 Cass. soc. 19 novembre 1997, arrêt n°4277D, CSBP n°97, p.33

Cependant, cette appréciation va prendre également en compte un critère important dans le prononcé de la nullité qui est celui du caractère déterminant ou non de la clause. En effet, la distinction opérée entre clauses déterminantes et clauses accessoires du contrat de travail a ici toute son importance non dans l’appréciation de la nullité de la clause qui est acquise dans un premier temps, mais, dans un second temps qui est celui de la détermination de l’étendue de cette sanction.

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