Les clauses du contrat de travail : Clauses déterminantes et accessoires

Les clauses du contrat de travail : Clauses déterminantes et accessoires

2. La distinction entre clauses déterminantes et clauses accessoires du contrat de travail

La question est ici très importante car de sa réponse dépend la portée de la nullité du contrat de travail. En effet, si une clause a été déterminante pour les parties au contrat de travail, au moment de la conclusion de celui-ci, sa nullité doit entraîner la nullité de la totalité de la convention.

On imagine mal le contrat survivre alors que l’un de ses éléments auxquels au moins l’une des parties attachait de l’importance a disparu.

Au contraire, lorsque la clause invalidée est dite accessoire au contrat c’est à dire qu’elle n’a pas déterminée l’engagement des parties contractantes, sa nullité n’entraîne pas de ce fait nullité de la relation de travail. Dans cette hypothèse, le contrat lui survit donc malgré l’amputation dont il est victime par le juge prud’homal307. Cependant, le juge aura tout de même le choix de décider dans cette hypothèse entre ôter tout effet à la clause (ce qui revient à en décider l’annulation) ou remplacer celle-ci par des dispositions d’ordre public308.

Cette position en faveur de la nullité partielle du contrat de travail semble s’expliquer par le soucis de conserver une certaine sécurité juridique en la matière. En effet, le contrat est dans cette hypothèse toujours exécuté et produit des effets que sa remise en cause par le biais du prononcé de la nullité de l’ensemble du contrat de travail ne saurait invalider. De plus, dans quel intérêt la nullité du contrat de travail serait-elle prononcée alors que seule une de ses clauses n’est pas valable et non déterminante du consentement des parties contractantes ?

De la même manière et dans le souhait de respecter les volontés des parties au contrat de travail, salarié et employeur, les juges prud’homaux décident parfois non de la nullité de la clause mais de la réduction de ses conditions d’application.

Ainsi, en matière de clause de non-concurrence, le juge peut réviser la clause, cette dernière contenant des exigences trop importantes, afin de lui donner un champ d’application approprié permettant son application effective309.

Dès lors, lorsque la clause est illicite, la sanction applicable est alors la nullité partielle du contrat de travail. Par contre, en présence d’une clause licite mais excessive dans son champ d’application respectif, cette dernière peut soit être annulée lorsqu’elle ne permet aucune marge de manœuvre de la part de l’un des contractants310, soit être réduite dans son étendue, soit encore réputée non-écrite.

Ainsi, dès 1988, c’est à dire peu après l’entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 1987 réglementant les clauses de mise à la retraite, monsieur SARAMITO se pose la question de la portée de la nullité d’une clause «couperet»311. En effet, y-a-t-il seulement nullité de cette disposition car contraire aux dispositions d’ordre public ou la clause subit-elle une modification qui la rapprocherait du régime des clauses dites souples ? Cette difficulté mérite d’être soulevée car la jurisprudence ne semble pas pour l’heure donner de réponse satisfaisante312.

Cette dernière opte ainsi soit pour une position stricte considérant que la clause est nulle et que « le régime légal reprend alors ses droits »313, soit, dans une position plus souple, pour le prononcé d’une nullité ne touchant que le caractère automatique de la rupture, la clause conservant alors « son utilité à travers l’âge permettant à l’employeur de mettre un terme au contrat de travail »314. Dans cette dernière hypothèse, on assiste donc à une modification de la clause en clause dite souple.

307 Les clauses du contrat de travail, numéro spécial de Liaisons sociales, op. cit.

308 Clauses du contrat de travail, Légi social Dossier D-280, op. cit.

Mais la question de l’extension de la nullité à l’ensemble du contrat n’est pas spécifique au droit du travail. En effet, comme le souligne monsieur COUTURIER, cette interrogation est « l’une de celles qui sont les plus constamment discutées et présentent l’intérêt pratique le plus évident »315.

Dès lors, le constat est le suivant : « il y a, d’un côté, ce qui relève de l’analyse du contrat lui-même : il s’agit, à la lumière de la volonté des parties, de se prononcer sur sa divisibilité ou son indivisibilité (ce que nous avons vu au tout début de ce paragraphe). Il y a, de l’autre côté, ce qui relève de l’analyse de la règle sanctionnée, des exigences d’ordre public dont elle procède : la mesure de la nullité doit être déterminée de la façon la plus conforme aux intérêts que la règle sanctionnée est destinée à sauvegarder (ce que nous avons vu également)»316.

Ainsi, le prononcé de la nullité partielle du contrat de travail ne peut paraître anodin comparativement au prononcé de la nullité de l’ensemble de celui-ci. En effet, le juge prud’homal se doit de composer en la matière avec les intérêts des parties en présence, leur volonté au jour de la conclusion du contrat, non au jour de l’instance et les dispositions impératives édictées par le législateur en ce domaine afin d’en connaître la sanction la plus appropriée.

309 Cf. La rupture du contrat de travail, équipe rédactionnelle de la Revue Fiduciaire, op.cit.

310 Cf. Y.SERRA, D.1992, somm. comm., p.347.

311 Age de la retraite et fin du contrat de travail, SARAMITO (F.), op. cit.

312 A.CADET, Essai d’une théorie générale des clauses du contrat de travail, thèse, op. cit.

313 Pour exemple : CA Bourges 22 juin 1990, RJS 1991 n°162 in Essai d’une théorie générale des clauses du contrat de travail, thèse, op. cit

314 Pour exemple : CA Paris 16 mars 1990, RJS 1990 n°660 ; CA Paris 19 novembre 1990, Juris-Data n°025253 ; CA Paris 30 novembre 1990, Juris-Data n°026025 in Essai d’une théorie générale des clauses du contrat de travail, thèse, op. cit.

315 La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER (G.), op. cit., p.281.

Bien que le Code civil ait proposé une distinction entre les hypothèses autorisées de nullité partielle et celles de nullité absolue d’une convention en ses articles 900 et 1172, la jurisprudence de manière générale « a ramené à l’unité ces deux règles, expressément contraires (l’une ayant vocation à s’appliquer en matière d’actes à titre gratuit, l’autre en matière d’actes à titre onéreux), en se fondant sur la notion de cause, afin de faire prévaloir la volonté commune des parties »317.

La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation n’a dès lors qu’emprunté cette voie ouverte par les juridictions civiles pour l’appliquer à son tour en matière de nullité du contrat de travail.

Or, il s’avère que cette sanction (la nullité partielle) est aujourd’hui beaucoup plus prononcée en matière de contrat de travail. En effet, les juges prud’homaux semblent se servir de cette sanction dans un soucis évident d’équité et de protection des parties contractantes notamment du salarié. Cependant, comme en matière civile, le principe reste l’annulation des éléments du contrat contraires à la règle impérative.

Dès lors, le juge prud’homal ne peut que prononcer cette sanction lorsqu’elle fait l’objet de dispositions de nature impérative car d’ordre public. Mais il ne faut surtout pas oublier de tenir compte, comme l’affirme monsieur GHESTIN, « non seulement de la volonté du législateur, mais aussi de la place tenue par l’élément vicié dans le contrat, c’est à dire de son importance dans l’accord des volontés »318.

316 Ibidem, pp.281-282.

317 J. GHESTIN, Traité de droit civil-Les obligations, op. cit., n°878.

318 Ibidem, n°876, 896 et s.

A l’instant où est prononcée la nullité partielle du contrat de travail, quels vont alors être les effets de cette sanction notamment sur le contrat de travail ? Ceux-ci ne vont évidemment pas être les mêmes que ceux attachés à la nullité totale puisque le contrat de travail continue a priori d’exister.

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