La vie du lien d’emploi et le tiers – Salarié et employeur

La vie du lien d’emploi et le tiers – Titre II :
Lors de toute cette partie le salarié sera considéré comme étant mis à disposition, il travaillera dans l’enceinte de l’entreprise de l’utilisateur mais reste le salarié du prêteur.
Nous l’avons déjà précisé, le terme « emploi » est entendu dans cette étude en son acception individuelle, c’est le lien personnel qui unit le salarié à l’employeur. Le lien d’emploi est quant à lui une notion plus large. C’est l’ensemble des liens qui unissent le salarié aux différents acteurs qui entrent en scène à l’occasion de la situation de travail salarié. Le stade de la création recouvre les étapes allant de la situation de non emploi à celle de travail. Une fois que le salarié travaille le lien d’emploi existe toujours, au arrive au stade de la réalisation du lien d’emploi en ce qu’il s’exécute, s’accompli, prend vie. Le terme de vie du lien d’emploi recouvre alors l’ensemble des liens qui unissent le salarié aux différents acteurs intervenant en période d’exécution du travail. Ces acteurs sont nombreux, on trouve aussi bien l’employeur, la collectivité des salariés, l’administration du travail, les représentants des salariés…. Le salarié entretiendra des rapports avec ces personnes pendant la phase de mise à disposition. L’étude de ces rapports nous renseignera sur la teneur des liens entre le salarié et les autres acteurs, cela nous permettra donc de vérifier si la présence d’un tiers renforce ou fragilise la période de vie du lien d’emploi.
Nous l’avons remarqué, le salarié entretiendra des rapports avec de nombreuses personnes, ces derniers peuvent être rangés en deux catégories. Les rapports individuels de travail sont ceux qui se nouent entre le salarié et l’employeur (Chapitre I.). Mais il existe également des rapports qui concernent la collectivité de travail de l’entreprise, les syndicats de salariés et d’employeurs, les représentants du personnel; se sont les rapports collectifs de travail (Chapitre II.).
Chapitre I – Rapports individuels de travail
Dans cette partie nous allons étudier les rapports entre salarié et employeur dans le cadre du prêt de main-d’œuvre. Quelle forme prennent ces rapports, sont-ils révélateurs de force ou de fragilité du lien d’emploi.
Dans le cadre du prêt de main-d’œuvre un employeur met temporairement un de ses salariés à la disposition d’un autre employeur, on compte alors deux employeurs. Le premier employeur a signé un contrat de travail avec le salarié, il l’a embauché. Juridiquement parlant il est l’unique employeur du salarié, c’est « l’employeur de droit ». Le second employeur lui ne signe aucun contrat avec le salarié, mais il utilise la force de travail de ce dernier. Des relations seront forcément nouées entre cet « employeur de fait » et le salarié. Le salarié exécute sa prestation de travail auprès de l’employeur de fait (Section I.), mais il reste le salarié de l’employeur de droit (Section II.).
Section I – Exécution de la prestation de travail
Le salarié exercera son activité professionnelle dans les locaux de l’entreprise de l’employeur de fait. Les relations entretenues ici ne sont pas à proprement parler des relations de travail toutefois elles s’en rapprochent en ce que l’employeur de droit donne et contrôle le travail. Aucune convention n’existe entre le salarié et l’utilisateur, il n’y a pas de support juridique à leur relation. Pourtant il existe un lien juridique entre ces personnes, elles sont détentrices de droits et d’obligations l’une envers l’autre (§1.). L’accueil du salarié dans l’entreprise doit respecter certaines règles, il est une pièce rapportée au sein de l’entreprise utilisatrice mais il doit tout de même être pris en considération. Des règles et principes prévoient la forme que prendra la présence du salarié, elles ont toutes le même but : assurer le principe d’égalité (§2.). Il faut préciser qu’aucune information n’a pu être relevé concernant les rapports qui unissent le salarié porté à l’entreprise utilisatrice. L’étude de cette situation de fait n’offre aucune réponse dans cette partie.
§1 – Le lien juridique particulier
Aucun contrat n’est signé entre le salarié et l’entreprise utilisatrice, si tel était le cas la convention pourrait s’analyser en contrat de travail de droit commun. Cependant des rapports existent entre eux, le salarié exécute sa prestation de travail dans l’enceinte de l’entreprise de l’employeur de fait. On remarque alors que des droits et obligations existent entre l’entreprise utilisatrice et le salarié. L’employeur de fait bénéficie d’une certaine autorité à l’égard du salarié (A.), mais il est responsable des conditions d’exécution du travail (B.).
A – Autorité sur le salarié
Le salarié entre, dans une certaine mesure, dans l’entreprise de l’employeur de fait. Les salarié intérimaires et les salarié d’un groupement d’employeurs doivent être inscrits sur le registre du personnel ouvert dans l’entre prise utilisatrice. Mention est faite de leur situation particulière ainsi que le nom ou la dénomination et l’adresse de leur employeur de droit1. Cette formalité est relative au contrôle de l’emploi, de plus la présence du salarié est dorénavant inscrite sur un document.
Il existe un second signe de l’entrée du salarié dans l’entreprise, le décompte des effectifs. Depuis l’ordonnance datant du 24 juin 20042, les règles concernant les groupements d’employeurs et l’intérim ont été harmonisées. Désormais, l’article L. 620-10 du code du travail prévoit que les salariés sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise utilisatrice au prorata de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Toutefois, le salarié intérimaire, envoyé en mission dans le but de remplacer un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu, est exclu du décompte des effectifs.
L’entreprise utilisatrice a un pouvoir d’autorité sur le salarié en raison de la mise à disposition, le salarié est pour partie membre de son entreprise. Elle peut donc lui donner des instructions concernant le déroulement de la mission, elle procure le travail. On reconnaît de façon générale que l’entreprise utilisatrice a une autorité sur le salarié et ce pour assurer l’exécution correcte de sa tâche par le salarié. Marque de cette autorité, les salariés intérimaires sont soumis au règlement intérieur de l’entreprise utilisatrice pour partie. Ils doivent respecter les règles d’hygiène et de sécurité et les règles relatives à la discipline. Cependant, l’employeur ne peut user de son pouvoir disciplinaire qu’à l’égard de ses salariés ; les dispositions du règlement intérieur relatives à la nature et à l’échelle des sanctions ainsi qu’à la procédure disciplinaire ne s’appliquent pas aux intérimaires3.
Sans pour autant être juridiquement l’employeur, l’entreprise utilisatrice bénéficie d’une certaine autorité sur le salarié. En contrepartie de ces droits, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail
B – Conditions d’exécution du travail
Le salarié effectue sa prestation de travail auprès de l’employeur de fait, le législateur a pris acte de cette situation, le salarié étant souvent plus intégré chez l’employeur de fait ce dernier est responsable des conditions d’exécution du travail.
Pendant toute la durée de la mission, et donc la présence du salarié, l’employeur de fait est garant des conditions d’exécution du travail. On imagine mal en effet que cette tâche incombe à l’employeur de fait puisqu’on ne se trouve pas dans les locaux de son entreprise. Ces conditions d’exécution du travail devront correspondre à celles déterminées par les mesures «législatives, réglementaires et conventionnelles qui sont applicables au lieu de travail » ; l’employeur de fait ne doit pas agir différemment selon qu’il s’agisse de ses propres salariés ou des salariés prêtées1.
Mais le terme « conditions de travail » est large, un nombre précis de situations a été déterminé dans le cadre de l’intérim et du groupement d’employeurs. Aucune énumération n’est faite au titre du travail à temps partagé. L’article L. 124-30 du code du travail ressemble, à s’y méprendre, à la lettre du texte concernant l’intérim, mais il est moins complet, il ne précise pas quelles conditions de travail sont concernées. Faut-il comprendre que toute « condition d’exécution du contrat de travail » est à la charge de l’employeur de fait ; ou encore que les précisions du texte concernant l’intérim s’appliquent automatiquement au travail à temps partagé ?
Une liste limitative précise les conditions d’exécution du travail concernées dans le cadre de l’intérim et des groupements d’employeurs. Elle contient : « ce qui a trait à la durée du travail, au travail de nuit, au repos hebdomadaire et des jours fériés, à l’hygiène et à la sécurité, au travail des femmes, des enfants et des jeunes travailleurs »2. Ce que cette énumération nous enseigne c’est qu’on ne peut utiliser un salarié prêté sans respecter les règles applicables au personnel de l’entreprise. On ne peut déroger à ces règles primordiales par l’intermédiaire du prêt de main-d’œuvre.
L’employeur de fait a droit à une certaine autorité sur le salarié prêté de par son intégration partielle à l’entreprise et en vue de la bonne réalisation de la mission. En contrepartie, l’employeur de fait doit appliquer des règles identiques à son personnel qu’aux salariés prêtés concernant certaines conditions de travail, à cette fin il est le garant des conditions d’exécution du travail. Au-delà du lien juridique particulier qui s’instaure entre le salarié et l’employeur de fait, à l’entrée dans l’entreprise, le salarié bénéficie de l’application du principe d’égalité.
§2 – Le principe d’égalité
Le principe d’égalité ne signifie pas que toute personne sera traitée de la même façon, mais que deux personnes placées dans une situation semblable le seront. Les salariés de l’employeur de fait et les salariés prêtés travaillent dans la même entreprise, il existe une unité de lieu de travail et de personne bénéficiant de la force de travail. Certains salariés prêtés occuperont même des postes similaires à ceux occupés par les salariés permanents, il existe alors une similitude dans l’activité exercée. En raison de ces similitudes, l’application du principe d’égalité est possible. Le législateur recherche, en effet, une assimilation poussée entre travailleurs prêtés et travailleurs permanents. Le régime social du travailleur prêté est régi par le principe d’égalité de traitement, lors de l’accomplissement de la mission. Nous l’avons remarqué, les conditions d’exécution du travail sont les mêmes pour les permanents et les prêtés. Le principe d’égalité joue également au niveau du bénéfice des équipements collectifs de l’entreprise (A.), ainsi qu’au niveau de la rémunération du salarié (B.)
A – Equipements collectifs
Les salariés prêtés doivent avoir accès aux installations collectives de l’entreprise d’accueil, ce qui facilite leur intégration à cette dernière. Ce droit est marqué du principe d’égalité car c’est « dans les mêmes conditions »1 que les salariés permanents qu’ils ont accès. Les installations collectives comprennent notamment, les moyens de transport collectifs, installations collectives de restauration, installations sportives, vestiaires crèche bibliothèque,…. Se sont celles qui ont vocation à faciliter l’exercice de leur activité professionnelle. Toute personne, responsable de la gestion des installations ou des moyens de transport collectif, qui empêchera la jouissance des installations collectives, dans les mêmes conditions que les salariés permanents, à un salarié prêté sera punie des peines applicables aux contraventions de la 5e classe1. Le législateur veut que le salarié prêté bénéficie d’une meilleure intégration dans l’entreprise d’accueil et qu’il soit considéré comme l’équivalent des salariés permanents.
Dans le cadre du travail temporaire et du travail à temps partagé, si le droit d’accès aux installations collectives des salariés prêtés occasionne une dépense supplémentaire pour le comité d’entreprise, elle doit lui être remboursée2. Les modalités de ce remboursement sont alors prévues dans le contrat de mission. Les parties au contrat de mission sont l’employeur de fait et l’employeur de droit ; selon les cas l’employeur de droit supportera entièrement la charge du remboursement ou les parties feront appel à une formule de répartition plus ou moins égalitaire entre elles.
Pourquoi donner l’accès aux installations collectives aux salariés prêtés, et le prévoir dans un texte ? Le salarié déploie son activité dans l’entreprise utilisatrice, son accueil passe par la possibilité d’avoir les mêmes droits qu’un salarié permanent ; cette affirmation peut signifier plusieurs choses. En l’absence de l’intervention du législateur le salarié prêté ne serait pas accueilli dans les mêmes conditions qu’un permanent ? Le salarié temporaire, en plus de sa situation de précarité n’a pas le droit au mêmes égard qu’un permanent ? L’intervention du législateur, même si elle est louable, fait planer le doute d’une mauvaise intégration du salarié prêté. L’application forcée du principe d’égalité fait parfois présumer à une situation de fait d’inégalité. Second pendant du principe d’égalité : l’égalité de rémunération.
B – Rémunération
Le montant de la rémunération versée au salarié intérimaire ou de travail à temps partagé est fixé en fonction d’une référence minimale. Application du principe d’égalité, le salaire ne peut être inférieur à celui d’un salarié permanent de qualification équivalente occupant le même poste de travail, après la période d’essai3. Le salarié temporaire bénéficie également du paiement des jours féries lorsque les salariés de l’utilisateur en bénéficient. Le respect du principe d’égalité ne sera pas facilement vérifiable si aucun salarié permanent n’exerce le même travail que le salarié prêté. La référence du montant du salaire est la pratique de l’entreprise utilisatrice, cependant ce n’est pas l’utilisateur qui rémunèrera le salarié mais son employeur : l’employeur de droit. En cas de non respect du principe d’égalité, l’entreprise utilisatrice ne sera pas concernée par la condamnation ; ce n’est pas elle qui est chargée de verser le montant du salaire elle est encore moins chargée du respect du montant par référence1. Le principe est simple, l’employeur de fait sert de référence au montant du salaire, l’employeur de droit est en charge de le verser correctement. En cas de non respect du principe d’égalité, le salarié doit diriger sa demande en versement de rappel de salaire à l’employeur de droit. De plus l’employeur de droit encoure les sanctions prévues à l’article L.152-2 du Code du travail. Cependant, l’employeur sera appelé à verser le salaire au salarié dans un cas. Lorsque la violation du principe d’égalité résulte d’un fait ou d’une omission de l’employeur de fait, l’employeur de droit peut se retourner contre elle lors de la demande de rappel des salaires. L’employeur de droit doit alors établir une faute à la charge de l’entreprise utilisatrice, et de justifier qu’il n’a pu faire différemment (démonter par exemple qu’il l’avait mise en demeure de fournir des informations)2. Les textes concernant le groupement d’employeur ne précisent rien quant au principe d’égalité appliqué à la rémunération du salarié. Le salaire est fixé librement sans aucune référence de montant.
Les relations entre le salarié et l’utilisateur donnent naissance à des droits et obligations, sans pour autant qu’elles fassent l’objet d’une convention ; le risque de requalification en contrat de travail de droit commun est trop grand. L’employeur de fait à besoin de la force de travail du salarié, il ne veut cependant pas se lier à lui par un contrat de travail. Le travailleur se sent- il à l’aise avec un employeur qui se sert de lui, sans que ce service soit assez important pour devenir son salarié. Le prêt de main-d’œuvre répond à des besoins temporaires ou partiels de l’employeur de fait, les relations tissées entre utilisateur et salarié sont totalement imprégnées de cela : elles ont un caractère temporaire et partiel.
De plus le législateur s’est senti obligé de faire une application forcée du principe d’égalité entre prêtés et permanents. L’application contrainte de ce principe révèle, en général, que l’égalité n’est pas appliquée dans les faits. Le salarié temporaire ne serait donc pas traité avec les mêmes égards que les autres, son appartenance à la communauté de travail doit être faible. L’étude des rapports entretenus entre le salarié et l’employeur de fait laisse apparaître la fragilité de l’accomplissement ou la vie du lien d’emploi ; ces relations sont marquées de caractère temporaire et partiel, pour qu’il soit considéré comme un salarié « lambda » le salarié prêté doit être protégé par la loi. Le salarié a cependant un second employeur, l’employeur de droit. Les rapports qu’il entretien avec ce dernier renforcent-ils le lien d’emploi ? Le constat d’échec précité est-il contrebalancé par des rapports renforçant la vie du lien d’emploi ?
Lire le mémoire complet ==> (Le lien d’emploi et le tiers dans le cadre du prêt de main d’œuvre)
Mémoire présenté et soutenu en vue de l’obtention du Master Droit « recherche », mention « droit du travail »
Ecole doctorale des sciences juridiques, politique et de gestion (n°74) Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Lille 2, université du droit et de la santé

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