Qu’est-ce qu’une intention entrepreneuriale ?

Qu’est-ce qu’une intention entrepreneuriale ?

II- L’intention entrepreneuriale au sein du champ de l’entrepreneuriat

Cette deuxième section est une présentation théorique du cadre conceptuel accueillant notre analyse de l’intention. Il s’agit d’un modèle intentionnel, c’est-à-dire d’un cadre d’analyse mettant aux prises une série de variables d’intentions au travail.

La capacité du concept d’intention à prédire les comportements s’est affirmé au cours des années soixante-dix notamment à de sérieuses mises au point méthodologiques (Ajzen et Fishbein, 1975).

La lecture des études sur le processus intention-action suscite une clarification de certaines notions en étroite relation (ex. La vision, l’acte, etc.).

Nous présentons notre définition de l’intention et les principales modélisations basées sur l’intention. Pour cela, nous exposons les modèles Bird (1988) repris par Boyd et Vozikis (1994) et Davidsson (1995).

Marchais-Roubela (2000) montre que la décision s’articule autour de deux types de processus : intentionnel et de déclenchement (par Emin, 2003).

Pour positionner l’intention dans le processus entrepreneurial, nous présenterons, d’abord, le processus intentionnel ou plus généralement « le processus de décision ». Puis, nous expliquerons « le processus de création » et son articulation au sein du processus d’émergence entrepreneuriale.

La plupart des recherches en entrepreneuriat, en se basant sur une conception multidimensionnelle du phénomène entrepreneurial, n’hésite pas à exploiter à la fois les apports des recherches en entrepreneuriat, et les contributions de l’école de la psychologie sociale.

Ceci est d’autant plus fréquent quand il s’agit de comprendre les phénomènes intentionnels.  Pour cela, avant de présenter les modèles de Shapero et Sokol (1982) repris par Krueger (1993), la théorie du comportement planifié d’Ajzen (1987) fera l’objet d’une première présentation.

II.1 Qu’est-ce qu’une intention entrepreneuriale

Nous retraçons dans cette première partie les conditions d’émergence du concept, puis nous nous intéresserons aux principales manières d’envisager et d’utiliser les intentions dans les diverses recherches.

Avant de conclure, nous analyserons les deux questions suivantes : comment et par quoi les facteurs personnels et contextuels prédisposent les individus à avoir l’intention de créer une entreprise? Quels sont les effets (directs ou indirects) des variables influençant le développement de l’intention entrepreneuriale?

II.1.1 Le concept d’intention : définition et importance

La création d’entreprise est un événement quasi rare (Krueger et Carsrud, 1993, p. 326) ; l’étude de l’intention aide à la compréhension appropriée du processus entrepreneurial, même si le phénomène n’aboutit pas.

Les notions de vision et d’intention ont suscité un intérêt croissant de la part des chercheurs depuis les années quatre vingt. Ces deux notions sont complémentaires.

Dans la plupart des recherches, les auteurs tentent à présenter la vision stratégique comme un but, une ambition, une situation future désirée, souhaitée et/ou poursuivie (Carrier, 1990 ; Filion, 1989) contribuant à la confondre avec celle de l’intention (Varraut, 1998).

Ainsi, dans beaucoup de discours, articles et communications, les concepts de vision et d’intention stratégiques sont largement employés sans pouvoir dégager aucun consensus sur la définition de chacune.

Nous pouvons donc imaginer plusieurs façons d’envisager les possibles relations entre vision stratégique, intention stratégique et action stratégique. Pour cela, nous passons en revue les différentes définitions de la vision, l’intention et sa relation avec l’action.

Vision

À partir du début des années 80, avec l’apparition des études intéressées au leadership, la notion de vision a pris de l’importance (Zalesnik, 1977; Bennis, 1982).

Depuis le milieu des années 80, le concept de « vision » a fait l’objet d’un grand nombre de contributions (Mintzberg et Waters, 1985; D’amboise et Gasse, 1987; Filion, 1989; Westley et Mintzberg, 1989).

Au cours des années 90, cela s’est accentué (Carrière, 1990; D’amboise et Bouchard, 1990; Collins et Porras, 1991; Filion, 1991; Tregoe, Zimmerman, Smith et Tobia, 1991; Campbell et yeung, 1991; Coulson- Thomas, 1992; Schoemaker, 1992; Nkongolo-Bakenda, D’amboise et Garnier, 1994; Parikh et Neubauer, 1993; Ramanantsoa, 1993; Greffeuille, 1994; Cossette, 1994; Giasson, 1995; Larwood, Falbe, kriger, et Miesing, 1995; Bayad, 1995; Métais et Roux, 1997; Messeghem et Varraut, 1997; Collins et Porras, 1997)26.

Greenberger et Sexton (1988) proposent un modèle à trois facteurs principaux qui catalysent l’identification d’opportunité de création d’une nouvelle entreprise : la vision entrepreneuriale (l’image de ce que le créateur veut réaliser), sa personnalité et le contrôle souhaité (perception qu’à l’individu d’une relation entre ses actions et les résultats souhaités). Puis quatre différents facteurs influent sur l’effet de ces catalyseurs sur les décisions de créer une nouvelle entreprise.

Mitzberg et al., (2000) définissent la vision comme une représentation intellectuelle de la stratégie qui se crée dans le cerveau du dirigeant ou, du moins, qui s’exprime par sa voix ».

Pour Filion (1990) : « la vision est définie comme une projection : une image projetée dans l’avenir de la place que l’entrepreneur veut que ses produits occupent finalement sur le marché, et également une image du type d’entreprise nécessaire pour y parvenir.

En bref, la vision fait référence à où il veut mener son entreprise ». Il distingue trois catégories : la vision centrale, la vision émergente et la vision secondaire.

« La vision stratégique donne une cohérence aux actions de l’entrepreneur en lui permettant de définir clairement ses buts et ses moyens futurs, d’identifier et de réaliser des opportunités correspondant à ses objectifs, et enfin de fournir au personnel un cadre de référence motivant » (Hernandez, 2001). Le processus d’élaboration de la vision est lié à l’intuition, le jugement, la sagesse, l’expérience, et la perspicacité.

Dans le contexte de la création d’entreprise, la vision est un atout important permettant à l’entrepreneur de représenter l’avenir de son projet.

Elle correspond, selon Amboise et Nkongolo-Bakenda (1993, p.18), au « point de départ, à l’idée de création d’une entreprise ». Vesper (1990) suggère qu’avant même de démarrer l’affaire, l’entrepreneur développe une vision ou une projection mentale de l’entreprise à créer.

A cet égard, Verstraete (2001) montre que la vision correspond à l’articulation des schémas cognitifs relativement au futur que l’entrepreneur souhaite atteindre (sur la base des représentations qu’il se fait de l’organisation impulsée), au réel auquel il se confronte et à ses connaissances.

Dès lors, la capacité de l’entrepreneur est de savoir utiliser les images qu’il a de l’organisation qu’il initie (qui n’existe pas originellement) dans différents horizons temporels et dans différentes situations.

Avenier et Schmitt (2010) suggère que « la prise en compte d’aspects relatifs à la conception27 dans la recherche en entrepreneuriat peut en outre conduire à apporter des compléments enrichissants aux travaux portant sur la notion de vision ».

Au sens de Schmitt et al. (2008), la notion de vision apparaît comme une partie d’un ensemble plus vaste et qui pourrait s’appeler « situation entrepreneuriale».

Intention

Au début des années 90, la notion d’intention a été remplacée par le concept «Strategic Intent» (Hamel et Prahalad, 1989).

A partir des années 90, l’approche resources-based utilisant la notion de l’intention stratégique met en avant l’importance des ressources rares dont dispose une organisation dans la réflexion stratégique et le développement des entreprises.

En fait, « l’intention stratégique est un collectif de tâches en instance caractérisé par un état mental qui dirige l’attention du dirigeant vers la recherche et la mise en place de moyens particuliers dans le but de réaliser un projet stratégique spécifique » (Varraut, 1998).

Les représentations mentales des situations présentes et futures (vision) peuvent conditionner ou fournir le cadre d’exercice de l’intention stratégique. Ainsi, cette intention pourra se transformer en un comportement en relation avec elle (Vertraete, 1999).

En psychologie sociale, l’intention renvoie à une résolution par laquelle l’agent veut réaliser un projet. Pour Ajzen(1991), les intentions sont des indicateurs de la volonté d’essayer, d’une véritable motivation et des efforts que l’on prêt à consentir pour se comporter d’une certaine façon.

Sans cette volonté d’agir, qui amène la personne à prendre des dispositions pour favoriser l’avènement de son but, nous ne pouvons pas parler d’intention entrepreneuriale mais de velléité (compris comme une intention fugitive, non suivie d’acte), de rêve ou de phantasme (Moreau, 2006). Dans cette perspective, l’intention devient l’axe central de l’approche behaviorisme.

Le behavioriste ne peut se comprendre en fait que dans le contexte de débats sur la nature de la psychologie en général.

En opposition à une psychologie en première personne, de nature introspective, se forma une psychologie en troisième personne, considérant le fait psychologique comme une chose soumise à l’observation externe plutôt qu’interne.

Cette psychologie en troisième personne a ainsi permis le développement des tests sensés de mesurer les attitudes, par la réaction (comportements) à des stimuli externes.

Au tournant des siècles, nous aboutissons ainsi au plus grand débat suscité par la solution béhavioriste, nouveau paradigme scientifique consacrant l’établissement d’une « psychologie sans conscience ». Watson (1913) fut considéré comme le porte-drapeau du « behaviorisme ».

En entrepreneuriat, « intention » est un terme qui a suscité l’intérêt de plusieurs chercheurs. Brochaus (1978) souligne l’importance de l’intention quant à la compréhension de l’entrepreneur.

L’auteur considère que « l’information doit être obtenue des entrepreneurs potentiels avant que la décision entrepreneuriale soit prise ». Généralement, une distinction s’impose entre la dimension stratégique et la dimension entrepreneuriale de l’intention.

Plusieurs auteurs ont appliqué des modèles d’intention à l’acte de création d’entreprise (Krueger et Carsrud, 1993, Davidsson, 1995, Reitan, 1996, Kolvereid, 1996, Autio et al., 1997 ; Tkachev et Kolvereid, 1999 ; Krueger et al., 2000 ; Audet, 2001 ; Kennedy et al., 2003 ; Linan, 2004 ; Boissin, et al., 2005 ; Emin, 2006, Fayolle et al., 2006 ; Klapper et Léger-Jarniou, 2006).

Pour Verstraete (1999), repérer l’intentionnalité implique une identification précoce du but pour comprendre les agissements d’un entrepreneur. Sachant que les buts ne sont qu’une manière commode de désigner le produit d’interactions complexes entre des projets, des phénomènes émergents, et des opportunités (Koenig, 1990).

Selon Tounes (2003), « l’intention est, certes, une volonté individuelle qui s’inscrit dans un processus cognitif mais elle est fonction des contextes socioculturel et économique ».

Qu’est-ce qu’une intention entrepreneuriale ?Bird (1988, p. 445) écrit que l’intention est un processus qui naît avec les besoins, les valeurs, les habitudes et les croyances de l’individu.)

A cet effet, la création d’entreprise sera considérée comme « un résultat direct des intentions des individus qui sont influencés par les variables environnementales » (Bird, 1992, p. 11).

C’est l’état me ntal « intention »qui devient l’objet de notre recherche indépendamment de l’action effectué.

En conséquence, nous nous focaliserons plus particulièrement sur les intentions dirigés vers l’avenir, supposées à juste titre irréductibles à l’action intentionnelle elle- même. Ceci dit, le concept substantif28 d’intention est particulièrement efficace dans l’analyse des intentions des étudiantes.

28 Anscombe (1957) distingue en théorie de l’action trois usage ou concepts d’intention : l’usage adverbial (avoir agi intentionnellement) par lequel nous distinguons un simple comportement d’une action, l’usage substantif (avoir l’intention d’agir) où « intention » désigne un état psychique, et le concept de »agir avec une intention », qui peut être interprété en termes téléologiques.

L’avantage du concept substantif est souligné par Davidson(1980) dans les cas où une intention est formée longtemps avant que l’action visée ne soit éxecutée, et lorsqu’il s’agit d’expliquer comment les actions complexes sont controlées.

Précisons ce que nous entendons par vision : « c’est un état futur à atteindre pour l’organisation, elle n’inclut pas toujours les facteurs susceptibles d’avoir une influence sur l’atteinte de cet état souhaité » (Schmitt et al., 2008).

Cependant, la notion d’intention est considérée plus qu’un désir, une volonté et une image. De manière approfondie, elle combine but et moyens (Bird, 1988, 1992; Bird et Jelinek, 1988; Krueger, 1993; Krueger et Carsrud, 1993; Boyd et Vozikis, 1994).

L’individu invente, combine les moyens pour pouvoir parvenir à ses fins. Cette dialectique fins/moyens29 de l’intention inclut les facteurs susceptibles d’avoir une influence sur l’atteinte de l’état souhaité.

La définition de l’intention est bien claire. Mais quelle relation entre l’intention et l’action ? L’intention nécessite toujours le passage à l’acte ? L’intention conduit-elle au passage à l’acte ?

L’action stratégique est constituée de l’ensemble des décisions et des actions qui concourent à la réalisation de l’intention stratégique (Verstraete, 2000).

“Intentions are the single best predictor of any planned behavior, including entrepreneurship. Understanding the antecedents of intentions increase our understanding of the intended behaviour…. intentions models will predict behavior better than either individual (for example, personality) or situational (for example, employment status) variables.

Predictive power is critical to better post hoc explanations of entrepreneurial behavior; intentions models provide superior predictive valideity” (Krueger et al., 2000).

Des auteurs comme Krueger (1993), Davidson (1995), Kolvereid (1996) ou encore Krueger, Reilly et Carsrud (2000) s’interrogent sur la pertinence de l’intention entrepreneuriale comme indice de prédiction du passage à l’acte.

Audet (2003) analyse une perspective du champ entrepreneurial relativement récente : celle de l’intention entrepreneuriale. Selon cette théorie, les comportements sollicitant une certaine planification peuvent être prédits par l’intention en rapport avec ces comportements.

« L’idée est la suivante : puisque la création d’une entreprise n’est pas le résultat d’un acte spontané, mais annoncé et organisé, il est possible par l’analyse de l’intention d’une personne de prédire si elle créera prochainement son entreprise » (Moreau, 2006)

Il y a un consensus entre les chercheurs que le concept d’intention est considéré comme le meilleur prédicteur du comportement planifié (Krueger, 1993 ; Davidson 1995 ; Kolvereid 1996 ; Krueger et al 2000, Ajzen et Fishbein (1975,1980) et Ajzen (1987, 1991)

L’intention ne doit pas être confondue avec « le comportement» qui se désigne l’acte entrepreneurial, c’est-à-dire le travail de création d’entreprise. Lorsqu’une intention réussit, elle se traduit typiquement par une décision maintenant de réaliser une certaine action plus tard.

La dimension tempo relle de l’intention est primordiale pour comprendre la relation entre l’intention entrepreneuriale et le passage à l’acte. L’intensité de l’intention peut varier considérablement avec le temps.

Au terme de leur recherche, Moreau et Raveleau (2006) définissent l’intention entrepreneuriale comme un processus non linéaire, composé de séquences : formation, développement, maintien, déclin et aboutissement.

Les variables se différent selon la phase étudiée. Dans une démarche inductive, les auteurs interrogent 210 étudiants en science de gestion et d’économiques inscrits en Master 1 et 2.

Les auteurs montrent qu’une intention peut connaître des évolutions différentes d’une personne à l’autre et « que c’est un état de pensée en mouvement qui s’étire sur un laps de temps relativement long, et qui peut connaître des fluctuations rapides d’intensité (en moyenne tous les deux ans) ».

Nous supposerons qu’une intention concernant l’avenir est couronnée de succès lorsqu’elle se conclut par une décision simple, sans prendre en compte la question de conditionnalité.

Il est bien clair également que l’intention que nous l’aurons plus t ard pour agir doivent être prise en compte. A cet effet, une action est un comportement qui peut être décrit à l’aide de concept intentionnel.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intention entrepreneuriale des étudiantes : cas du Liban
Université 🏫: Université NANCY 2 - Institut d’administration des entreprises IAE
Auteur·trice·s 🎓:
Léna SALEH

Léna SALEH
Année de soutenance 📅: Thèse de Doctorat ès Nouveau Régime Sciences de Gestion - 2039
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