Le développement durable et le marché immobilier

Le développement durable et le marché immobilier

1. Le développement durable, le Grenelle de l’Environnement et le marché immobilier

a. Développement durable

i. Genèse du développement durable

Les premiers mouvements de pensée autour du concept de développement durable datent de 1968, à travers la création du Club de Rome, groupe de personnalités de haut rang souhaitant attirer l’attention sur les limites de la croissance, puis le rapport Meadows, publié en 1972 par le même groupe sous le titre « The limits of growth » (Les limites de la croissance) qui généra de nombreux débats à l’époque des Trentre Glorieuses. Ce rapport souligne les dangers de la croissance démographique et économique que le monde connaît alors. Les scénarios alarmants prédisant l’appauvrissement de la population, l’augmentation de la pollution et la raréfaction des ressources, ne manquent pas de faire réagir.

En 1987, au travers des travaux de la Commission Brundtland, Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations Unies, le concept de développement durable trouve un début de reconnaissance internationale et sa première définition : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».

Proposant ainsi une voie de réconciliation entre le développement économique et les équilibres écologiques, le concept de développement durable sera ensuite relayé par des sommets qui ont marqué les esprits : le sommet de la Terre à Rio en 1992, le protocole de Kyoto en 1997 ou encore le sommet de Johannesburg en 2002.

Les Trois Piliers du développement durable

Pour compléter cette définition, l’objectif du développement durable vise à concilier les Trois Piliers à prendre en compte par les individus et les entreprises: social, écologique et économique, ainsi schématisés :

Le développement durable et le marché immobilier

Le pilier économique : maintenir la performance économique, qui détient une place prééminente dans la société de consommation

Le pilier social ou humain: tenir compte des conditions de travail, de la formation des salariés et de leur diversité, lutter contre l’exclusion..

Le pilier environnemental : le développement durable est souvent réduit à tort à cette seule dimension environnementale

L’objectif du développement durable est donc de concilier ces trois éléments dans toute action ou projet, et de trouver un équilibre à partir de ces trois enjeux.

A ces trois piliers s’ajoute le concept transversal de ‘GOUVERNANCE’ défini par les Nations Unies comme ‘l’exercice des pouvoirs économique, politique et administratif pour gérer les affaires des pays à tous les niveaux’.

Gouvernance : on peut distinguer plusieurs niveaux de gouvernance en termes de politique de développement durable, en fonction des territoires : mondial, européen, national ou celui de l’entreprise. L’objet de ce travail n’est pas de détailler les différentes actions liées à chaque pays ou collectivité territoriale mais il est important de souligner qu’à chaque niveau, un nombre important de plans d’actions ont vu le jour au fil des ans, avec plus ou moins d’ambitions.

Normes & Définitions

Certains outils de mesure, normes et définitions liés au développement durable sont devenus des éléments de référence :

GES : Gaz à Effet de Serre. La concentration de ces gaz (dont le CO²) dans l’atmosphère contribue au réchauffement climatique.

Le Bilan Carbone2 est un outil de comptabilisation des émissions de GES, développé par l’ADEME. Cet instrument de mesure, qui pourrait être utilisé comme base de calcul fiscal pour la taxe carbone par exemple. Dans le cadre de la loi Grenelle II, les entreprises de plus de 500 salariés dans les secteurs fortement émetteurs (déterminé par arrêt ou décret, ce qui pourrait être très restrictif) doivent établir des bilans GES avant fin 2011.

L’empreinte écologique3 se distingue du Bilan Carbone par le fait qu’elle mesure les surfaces productives nécessaires pour produire les ressources d’un individu ou d’une population. Elle est exprimée en hectares globaux (hag).

kWhep/m² : correspond à la mesure de performance énergétique des bâtiments en kilowatt/heure. Le sigle Ep signifie ‘Energie Primaire’, soit énergie brute avant transformation. La notion d’énergie finale correspond à l’énergie située en fin de chaîne de transformation de l’énergie.

Normes ISO 14000 : désigne les normes relatives au management environnemental. La plus connue est la norme 14001. Fonctionnant sur le même principe structurel que la norme ISO 9000, elle vise à « repose sur le principe d’amélioration continue de la performance environnementale par la maîtrise des impacts liés à l’activité de l’entreprise4 ».

Quelques textes fondateurs du développement durable

– La convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques : adoptée à Rio en 1992, elle affichait comme objectif principal de stabiliser les concentrations de GES dans l’atmosphère

– Le protocole de Kyoto, en 1998, fixe un calendrier de réduction plus contraignant avec un objectif réduction globale du dioxyde de carbone de 5,2% à horizon 2012, par rapport à 1990. Entré en vigueur en 2005, il a été ratifié à ce jour par 183 pays, mais pas par les Etats-Unis. 5

– En 2001, la Commission Européenne édite un rapport qui a fait date sur le développement durable, à l’occasion du Conseil de l’Europe de Göteborg. Il définit la stratégie européenne en matière de développement durable et propose des mesures pour répondre aux menaces qui pèsent sur la qualité de vie dans l’Union Européenne, et en particulier sur le changement climatique, la pauvreté et les risques sanitaires.

– En France, la Charte pour l’Environnement6 fut appuyée par le Président Jacques CHIRAC en 2005 ; adossée à la Constitution du pays et votée par le Parlement réuni à en congrès à Versailles, ce texte inscrit le droit à l’environnement comme une liberté fondamentale de valeur constitutionnelle.

– le rapport Stern (« Stern Review ») sur l’économie du changement climatique. Publié en 2007 par l’économiste Sir Nicholas STERN pour le compte du gouvernement britannique, il alerte sur le risque d’une récession économique d’une « ampleur catastrophique » si aucune action n’est mise en place.

Il fut souvent reproché à ces textes de se limiter à de grandes déclarations d’intention, sans actions concrètes contraignantes. Néanmoins, la première vertu de ces sommets mondiaux et rapports alarmants fut d’établir un diagnostic sur l’état de la planète et des actions à mettre en œuvre pour limiter les dégâts futurs.

Un impact transversal dans l’organisation de l’entreprise

Dans le monde de l’entreprise, le concept de développement durable pris en compte à tous les étages de manière transversale

– Les services achats doivent modifier les sources d’approvisionnements afin d’intégrer des produits et services respectueux de l’environnement, et inciter leurs fournisseurs à prouver leur démarche vertueuse.

– En termes de marketing et de communication, il est important de ‘verdir’ son image, liée à la responsabilité sociétale de l’entreprise vis-à-vis de ses clients, fournisseurs, partenaires mais aussi et surtout de ses collaborateurs. Encore faut il que cette communication repose sur des actions concrètes et des investissements venant confirmer ces engagements

– Pour l’aspect financier, on voit apparaître des notions de ‘comptabilité verte’, et les sociétés côtés en bourse doivent également rendre des comptes sur la prise en compte du développement durable dans leur politique de gouvernance.

– Les ressources humaines insistent désormais sur les notions de diversité pour leurs politiques de recrutement et d’équité sociale.

– Les systèmes d’information sont également impactés, car source de consommations énergétiques significatives.

ii. Le secteur immobilier pointé du doigt

Dans l’analyse des secteurs les plus consommateurs, celui du bâtiment est rapidement pointé du doigt ; il est également désigné comme celui pour lequel les sources d’économie sont les plus importantes.

Le rapport de l’UNEP SBCI (Sustainable Buildings and Construction Intiative) publié en 20087 souligne que le secteur immobilier est celui dans lequel le potentiel de réduction des émissions, rapporté aux investissements requis, est le plus élevé, projeté en 2030, et en particulier dans les pays en développement.

Le développement durable et le marché immobilier

Réductions d’émissions potentielles dans les différents secteurs économiques en 2030, en fonction des coûts relatifs aux mesures de réduction (en USD / équivalent tonne CO²)

Source UNEP

En France, il représente près d’un quart des émissions de GES et de plus de 40% de la consommation finale d’énergie. Ces chiffres sont souvent cités dans les rapports ou repris par les hommes politiques dans leurs discours sur le développement durable pour poser l’importance d’une prise en conscience majeur du développement durable dans le bâtiment, comme ce fut le cas pour la mise en place du Grenelle de l’Environnement. Cela montre également que l’immobilier peut contribuer significativement à une réduction des GES.

 Source : Rapport d’activité du Plan Bâtiment Grenelle 2009

Source : Rapport d’activité du Plan Bâtiment Grenelle 2009

D’autres chiffres peuvent être cités

– les 160 millions d’immeubles dans l’Union Européenne utilisent la moitié de l’énergie et créent 44% des émissions de CO2 totales

– A titre d’exemple, selon le rapport de la SBCI-PNUE Bâtiment et changement climatique, « selon certaines estimations prudentes, une politique d’efficacité énergétique plus agressive pourrait éviter l’émission de plus de 2 milliards de tonnes de CO2, soit près de trois fois le volume de réduction prévu par le Protocole de Kyoto ».

iii. Le facteur ‘Santé’

Un troisième facteur vient s’ajouter, celui de la santé : les problèmes d’amiante, de plomb, de toxicité de certains revêtements mais aussi la qualité de l’air (légionellose, allergies, etc..) concernent directement le secteur de l’immobilier.

Les chantiers de désamiantage, importants tant par leur coût que par le temps d’immobilisation et les moyens nécessaires, offrent des cas intéressants d’étude d’impact des mises aux normes d’actifs immobiliers liés à une nouvelle réglementation, bien qu’il s’agisse d’un cas bien différent de celui du Grenelle de l’Environnement.

A titre d’exemple, les surfaces de bureaux de la Tour Montparnasse (constituée de lots de copropriété) ont dû être désamiantées dans les années 1990 et 2000 et les coûts de ce désamiantage sont parfois venus s’ajouter aux charges locatives déjà très élevées.

Pour citer un cas propre à ma fonction, en 2007, lorsque je cherchais des surfaces de bureaux pour Regus dans le quartier de la Gare Montparnasse, j’étais très surpris de l’écart de charges d’un étage à l’autre de la Tour, variant de 120 € à 250€ / m².’Daprès l’agent, chaque propriétaire impactait les coûts du désamiantage de façon différente, et ajustait le loyer en conséquence afin de rester compétitif. Nous avons finalement signé un bail sur une surface plus rationnelle, dans l’immeuble historique du 140 bis, rue de Rennes.

2 Cf www.ademe.fr pour plus de détails. Bilan Carbone® est une marque déposée de l’ADEME.

3 Définition par le Pr anglais Colin Fudge : « l’empreinte écologique est « la superficie géographique nécessaire pour subvenir aux besoins d’une ville et absorber ses déchets ».

4 Plus d’informations sur http://iso14001.fr/ .

5 Texte original disponible sur http://unfccc.int/resource/docs/convkp/kpfrench.pdf

6 Texte de la charte disponible sur http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/developpement-durable/charte-environnement.shtml

7 Sous le titre ‘The Kyoto Protocol, the clean development mecanism and the building and construction sector’. Disponible sur le site http://www.unep.org/

Au carrefour de ces différents aspects, l’immobilier durable devient donc une préoccupation grandissante pour les collectivités, les administrations et les entreprises. Comme nous le verrons plus tard, un nouveau projet immobilier offre aujourd’hui un cadre nouveau pour une entreprise pour mettre en place un ensemble d’actions de développement durable à tous les étages de l’entreprise.

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