La satisfaction : définition selon la nature de la réponse

La satisfaction : définition selon la nature de la réponse

1. La satisfaction

Le concept de satisfaction a été pour la première fois mis en évidence par Cardozo dans ses travaux en 1965. Dès lors, de nombreuses études ont entrepris de le définir et de le mesurer dans le cadre de la consommation de produits et services (Mano et Oliver 1993, Tse et Wilton 1988, Oliver et Desarbo, 1988).

Pourtant, des écarts, incohérences ou contradictions subsistent encore dans les définitions de la satisfaction proposées dans la littérature.

Les définitions portant sur le processus d’évaluation (Fornell, 1992; Hunt, 1977; Oliver, 1981) se distinguent de celles qui portent sur le résultat du processus d’évaluation (Halstead et al., 1994; Howard et Sheth, 1969; Oliver, 1997, 1981).

Un autre écart apparaît sur la désignation de l’utilisateur final qui peut être un consommateur ou un client ou pas du tout nommé.

L’article de Gise et Cote (2000) illustre bien cette disparité et souligne en outre l’absence de pertinence et de cohérence entre la définition proposée dans les recherches et l’expérimentation réalisée.

Face à la multitude de définition et la variation des termes utilisés, nous avons abordé le concept de satisfaction selon deux perspectives.

La première a trait à la nature de la réponse de satisfaction, et la seconde porte sur une distinction qui s’établit dans une perspective temporelle.

1.1. Définition de la satisfaction selon la nature de la réponse (émotion, cognition et processus dual) et selon la perspective temporelle

Le manque de clarification de la définition pourrait remettre en question les résultats des analyses et compromettre la fiabilité des comparaisons entre les résultats des différents travaux.

Dans cette optique, deux niveaux d’analyses peuvent nous permettre d’aborder la définition de la satisfaction.

1.1.1. Satisfaction comme une émotion, comme une cognition et comme un processus dual

La satisfaction selon les théoriciens résulte de deux processus affectif et cognitif qui pourraient interagir. (Ngobo, 1997; Aurier et Evrard, 1998, Audrain et Evrard 2001).

1.1.1.1. Satisfaction comme un affect

Les termes affect et émotion sont souvent utilisés de manière interchangeable dans la littérature anglosaxonne (Derbaix et Pham, 1989). On peut définir le mot affect d’une manière générale en reprenant la définition de Batra et Ray (1986).

« Il s’agit d’un terme générique désignant les émotions, les humeurs, les sentiments, les pulsions ». L’aspect affectif de la satisfaction trouve son essence dans les travaux de psychologie qui ont développé différents modèles d’émotion.

Izard (1977) propose 10 émotions basiques20 sur la base desquelles la dimension affective de la satisfaction a été définie dans l’expérience de consommation.

Ainsi, dans ses travaux de 1987, Wesbrook développe à partir de ces émotions basiques deux facteurs : l’affect positif (joie, intérêt…) et l’affect négatif (colère, dégoût…).

Plus tard, Wesbrook et Oliver (1991) démontrent que les émotions négatives et positives expliquent 40 à 45% de la variance de la mesure de la satisfaction.

Ils établissent ainsi le lien de la satisfaction avec les émotions en révélant le lien entre l’éveil des émotions pendant l’expérience de consommation et la réponse de satisfaction. Oliver (1989) a développé une perspective théorique sur l’affect lié à la consommation.

A partir des travaux de Weiner (1985) sur la théorie de l’attribution (présenté dans la dimension cognitive de la satisfaction) en psychologie sociale, Oliver (1989) décrit comment l’affect du consommateur peut survenir comme étant « dépendant de l’attribution ».

D’autres modèles ont également permis de mettre en exergue l’aspect émotionnel de la réponse de satisfaction. Le modèle PAD (Pleausure- Arousal-Dominance) de Mehrabian (1996) permet d’établir les émotions sur les axes de plaisir-éveil-dominance.

La colère est par exemple associée à la combinaison d’un « faible plaisir », d’un « éveil élevé » et d’une « forte dominance ». Le fait que la satisfaction comme affect repose sur l’émotion pose le problème du moment d’évaluation pour notre étude.

En effet, une émotion est un état affectif élémentaire qui survient à la suite de réactions physiologiques aux évènements.

Cela suppose que cette émotion est circonscrite dans l’espace et dans le temps. Cela rend difficile une évaluation globale et différée d’un ensemble d’expériences de produit ou service. De ce fait, dans le cadre de notre évaluation, la prise en compte de la dimension affective n’est pas aisée.

1.1.1.2. Satisfaction comme une cognition

Cette catégorie de réponse de la satisfaction est associée à trois dimensions qui correspondent aux différentes théories qui la fondent.

– La première catégorie est liée à la théorie de la disconfirmation des attentes. D’après cette théorie, la réponse de satisfaction se forme par la comparaison des qualités perçues du produit avec les attentes initiales.

Le modèle conceptuel de Cadotte et al. (1987) repris ci-dessous permet de voir sur deux périodes le processus de disconfirmation des attentes.

Figure 19 : Modèle conceptuel de disconfirmation des attentes Cadotte et al. (1987).

Modèle conceptuel de disconfirmation des attentes Cadotte

Plusieurs auteurs ont contribué au développement de cette théorie et essayé de l’améliorer. Il est important par exemple de tenir compte de la relativité du concept d’attente dans la réponse de satisfaction.

Un consommateur avec des attentes élevées peut ne pas être satisfait par un produit tandis que, un consommateur avec des attentes moins élevées en serait assez satisfait.

Des travaux ont également testé l’influence directe de la performance perçue du produit, ce qui n’est pas pris en compte dans cette théorie (Tse et Wilton 1988, Spreng et Olshavsky 1993).

– La deuxième dimension cognitive se rattache à la théorie de l’attribution utilisée pour identifier la dynamique de la réponse de satisfaction (satisfaction response). Les résultats sont attribués à certains agents dans le processus de raisonnement.

Pour Bitner (1990), la perception des causes de nos propres comportements ainsi que ceux des autres ou des évènements observés sont des attributions.

Trois dimensions de la relation avec la satisfaction sont développées :

  1. Lien de causalité (cause de source interne lié par exemple au consommateur, versus cause de source externe qui définit l’attribution de la responsabilité du résultat et lié au produit ou au vendeur par exemple)
  2. Stabilité (la récurrence des résultats si la même approche est utilisée)
  3. Contrôlabilité (l’autorité du consommateur sur les résultats, les causes peuvent être volontaires lorsqu’il y a possibilité de choix ou involontaires lorsqu’il y a contrainte)

– La troisième dimension cognitive est celle de la théorie de l’équité. Issue de la psychologie sociale, elle se base sur la valeur de l’objet de la satisfaction dans une situation d’échange. L’équité se définit comme le rapport entre les coûts engagés et les bénéfices attendus de la transaction.

Elle fait partie des trois dimensions de la justice perçue développées par les travaux sur l’échange social : justice distributive ou équité, justice procédurale (moyens utilisés dans le processus d’échange), justice interactionnelle (aspects interpersonnels du processus d’échange).

1.1.1.3. Satisfaction comme processus dual

Ce troisième courant postule que la satisfaction est liée à la fois à l’évaluation rationnelle de l’acte d’achat et de l’expérience de consommation ainsi qu’aux émotions suscitées par l’expérience de consommation.

Le consommateur dans un registre cognitif évalue les performances perçues de l’acte d’achat et de l’expérience de consommation par rapport à ses attentes initiales.

Dans un autre registre, la facette affective est une évaluation globale de l’expérience de consommation à travers des sentiments positifs qui en résultent.

Il s’agit de savoir si l’expérience de consommation engendre des émotions positives et de saisir ces émotions qui accompagnent l’acte d’achat (Ngobo, 1997).

Le schéma ci-après proposé par Oliver (1993a) résume les deux perspectives affective et cognitive de la satisfaction

Figure 20 : Modèle cognitif et affectif combiné de la satisfaction du consommateur Oliver(1993)

Modèle cognitif et affectif combiné de la satisfaction du consommateur Oliver

Une analyse de la satisfaction globale permet de prendre en compte les différentes conceptions de la satisfaction. Les échelles verbales ou graphiques utilisées dans la littérature sont essentiellement fondées sur les mesures subjectives qui intègrent les aspects affectifs et les aspects cognitifs (Evrard, 1993).

Le recours à d’autres techniques de recueil ouvert telles que l’incident critique permet de tenir compte des éléments minoritaires qui sont des éléments saillants, positifs ou négatifs ayant marqués l’expérience d’achat ou de consommation (Evrard, 1993).

1.1.2. Satisfaction dans une perspective temporelle : satisfaction transactionnelle versus relationnelle

1.1.2.1. La satisfaction transactionnelle

La satisfaction transactionnelle est instantanée et liée à une expérience de consommation spécifique.

Elle est bornée dans le temps et est un jugement post-achat. Comme le souligne Ngobo (1997), la satisfaction transactionnelle représente la satisfaction à l’égard d’une rencontre discrète.

Elle reflète les sentiments du consommateur liés à des événements et comportements pendant une période définie (Bitner 1990, Bitner et Hubbert 1994).

Cette forme de satisfaction est un indicateur spécifique de force ou faiblesse soit d’un produit soit d’une rencontre de service.

1.1.2.2. La satisfaction relationnelle

La satisfaction relationnelle est la satisfaction cumulée par le client suite à différentes expériences de consommation du produit ou service. C’est la somme d’une série de rencontre ou d’expérience discrète dans le temps avec le produit ou service.

Pour Ngobo (1997), il s’agit d’«une évaluation globale continue de l’aptitude de l’entreprise ou de la marque à fournir les bénéfices recherchés par le client. » p.69. Cette forme de satisfaction est un indicateur global de l’évolution de l’action de l’entreprise sur un produit ou service.

Le tableau ci-après est une synthèse des deux perspectives adoptées pour définir la satisfaction. Il reprend les origines théoriques de la nature de la réponse de satisfaction (satisfaction response) et donnent quelques exemples de définition.

Tableau 15 : Synthèse de la définition de la satisfaction selon la nature de la réponse (satisfaction response) et la dimension temporelle

CatégorieOrigine théoriqueAuteurs et Quelques définitions
NATURE DE LA REPONSE
Affective▪ Aspect émotionneldans la réponseThéorie du contraste (Cardozo, 1965; Howard & Sheth, 1969)Vanhamme 2004Halstead et al. (1994) Cadotte et al. (1987) Westbrook et Reilly (1983)
Théorie de la dissonance (Cardozo, 1965; Howard & Sheth, 1969)
Théorie de la négativité généralisée(Oliver, 1993a)
Théorie de l’assimilation et des effets decontraste (Oliver, 1979; Tse, Wilton, 1988)
CognitiveThéorie du processus cognitif (Oliver,1980)Etat d’être récompensé de manière adéquate ou inadéquate dans une situation d’achat pour les sacrifices encourus Howard et Sheth (1969)Yi (1991)Tse et Wilton (1988) Oliver (1981)
Théorie des deux facteurs (Maddox, 1981)
Théorie de l’attribution (Folkes, 1984; Oliver& Desarbo, 1988)
Théorie des tests d’hypothèse (Deighton,1984)
Théorie de l’équité (Oliver & Desarbo, 1988, Tse & Wilton, 1988)
Processus dual▪ Réponsesimultanée à la fois cognitive et affectiveWindal (2004)Vanhamme (2002) Audrain & Evrard (2001)… un jugement évaluatif … qui résulte de processus cognitifs et intègre des éléments affectifs … un jugement global portant sur une expérience de consommation Aurier et Evrard (1998)Etat affectif provenant d’un processus

d’évaluation affectif et cognitif qui survient lors d’une transaction spécifique Plichon (1998)

Keinonen (1998)

Evaluation relative, subséquente aux affects et cognitions post-consommatoires Oliver (1997)

Mano et Oliver(1993) Oliver (1993)

PERSPECTIVE TEMPORELLE
Satisfaction transactionnelleNgobo (1997)
Satisfaction relationnelleNgobo (1997)

Le concept de satisfaction est complexe et ambigu dans le sens où il décrit à la fois un processus et un résultat, prend en compte des aspects cognitifs et affectifs, s’applique à une expérience précise ou un aspect d’un produit, un service ou une entreprise.

Elle peut être transactionnelle c’est-à-dire spécifique, ou une évaluation globale du service. Elle peut être évaluée à différents moments, soit pendant la consommation ou l’expérience de service, soit après l’achat ou après la consommation ou l’expérience de service.

Il parait important pour palier ces incohérences, de préciser dans toute définition le type et l’intensité de la réponse, l’objet de la satisfaction du consommateur, le moment de la réponse. Quelques uns de ces éléments sont regroupés dans le tableau ci-après.

Tableau 16 : Définition conceptuelle et opérationnelle de la satisfaction du consommateur

SourceRéponse cognitive ou Réponse affectiveTemps
Oliver, 1997Fulfillment response/judgmentPendant la consommation
Halstead, et al.1994Jugement évaluatif, attitudePendant ou après laconsommation
Labarbera etMazursky, 1983Evaluation de la surprise inhérente àl’acquisition d’un produit ou d’une expérience de consommationAprès achat du produit oul’expérience de consommation
Westbrook etReily, 1983Réponse émotionnelleAprès achat
Churchill etSurprenant(1982)RésultatAprès achat et usage
Oliver, 1981Evaluation; état psychologique, émotionAcquisition du produit etexpérience de consommation
Hunt, 1977Evaluation de l’expériencePendant l’expérience deconsommation
Howard etSheth, 1969Etat cognitif d’être récompensé demanière adéquate ou non du sacrifice qui a été effectué_

 

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La mesure de la qualité perçue d’un dispositif de e-learning
Université 🏫: Université NANCY 2 – Institut D’administration Des Entreprises
Année de soutenance 📅: Thèse pour l’obtention du Doctorat Nouveau Régime ès Sciences de Gestion - 17 Septembre 2009
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