Absence de garantie en raison de l’absence de contrat d’assurance

L’intervention volontaire de l’assureur de la victime

§1. La recevabilité de l’exception

979. La recevabilité de l’exception de garantie présentée par l’assureur est, aux termes de l’article 385-1 du Code de procédure pénale, soumise à deux séries de conditions.

Les conditions de fond tiennent au contenu de l’exception et plus précisément à son objet (A.), et les conditions de forme à la manière dont l’exception est présentée (B.).

979 Amendement n° 5 présenté par M. Girault J.O. déb. Sénat 25 mai 1983 p. 1096.

A. Les conditions de fond : la recevabilité des exceptions selon leur fondement et leur objet

980. L’article 385-1 du Code de procédure pénale prévoit que l’exception de non garantie invoquée par l’assureur « n’est recevable que si elle est de nature à exonérer totalement l’assureur de son obligation de garantie à l’égard des tiers ».

Ce texte pose une double exigence : pour être recevable l’exception doit d’une part tendre à l’exonération totale de l’assureur, c’est-à-dire contester le principe même de la garantie et non son étendue seulement, et d’autre part être opposable aux tiers.

Ces conditions sont cumulatives et si l’une manque, l’exception sera irrecevable. Il est de la sorte relativement aisé de déterminer quelles exceptions l’assureur est admis à présenter devant le juge répressif (1°) et quelles exceptions sont en revanche irrecevables (2°).

980 Amendement n° 9 présenté par M. Lederman et les membres du groupe communiste et apparenté, J.O. déb. Sénat 25 mai 1983 p. 1096.

1°. Les exceptions recevables

981. Bien que l’article 385-1 du Code de procédure pénale ne vise que « l’exception fondée sur une cause de nullité ou sur une clause du contrat d’assurance », il ne doit manifestement pas être lu de manière aussi restrictive.

Ce qui compte aux yeux du législateur est l’absence d’obligation de garantie pour l’assureur, qu’elle soit due à une clause de la police d’assurance ou à l’absence de contrat, ce dernier étant le support de l’obligation de garantie.

Or, l’absence de contrat peut résulter d’une cause autre que la nullité de l’acte. Le contrat peut ne jamais avoir été formé ou ne pas avoir pris effet, il peut avoir été résilié.

Aussi nous pensons ne pas trahir l’article 385-1 en considérant que les exceptions recevables en application de ce texte peuvent être fondées tant sur une absence de contrat d’assurance (a) que sur une absence de garantie en application d’un contrat valide (b), du moment que l’absence de garantie conduit à une exonération totale de l’assureur et que cette exonération joue à l’égard des tiers1457.

La faute intentionnelle ou dolosive, cause légale d’exclusion de garantie visée par l’article L 113-1 alinéa 2 du Code des assurances, mérite d’être étudiée à part (c).

981 J.O. déb. A.N. 13 juin 1983 p. 2435 à 2438.

a) L’absence de garantie en raison de l’absence de contrat d’assurance

982. Bien que l’article 385-1 ne vise que la nullité du contrat, l’absence de police peut avoir d’autres causes. Il se peut que le contrat n’ait même pas été formé, ou qu’il ait pris fin avant le sinistre en entraînant l’extinction de la garantie avec lui.

983. Nullité de la police d’assurance. L’assureur peut invoquer la nullité du contrat, notamment pour fausse déclaration intentionnelle du risque en application de l’article L 113-8 du Code des assurances.

Ce texte dispose en effet que « indépendamment des causes ordinaires de nullité, […] le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre ». Les juridictions répressives admettent la recevabilité de l’exception de nullité du contrat fondée sur ce texte1458.

982 J.O. déb. Sénat 24 juin 1983 pp. 1966 à 1969.

Le cas échéant elles prononcent cette nullité1459.

984. Ainsi que cela est expressément prévu par l’article L 113-8, le contrat d’assurance peut également être annulé en raison d’une cause ordinaire de nullité, comme un vice du consentement.

Le contrat d’assurance peut encore être annulé lorsqu’il y a eu fraude en vue de garantir la chose assurée pour une somme supérieur à sa valeur (art. L 121-3 C. assur.), lorsqu’il y a cumul frauduleux d’assurances (art. L 121-4 C. assur.) ou si, au moment du contrat, la chose assurée a déjà péri ou ne peut plus être exposée aux risques (art. L 121-15 du C. assur.)1460.

Bien que l’argument n’ait jamais été soumis au juge répressif, l’exception de la nullité du contrat d’assurance pour défaut d’aléa (art. 1964 et 1131 du Code civil) paraît relever des exceptions de l’article 385-1 du Code de procédure pénale1461.

985. Absence de formation du contrat. Le contrat d’assurance peut également ne pas exister pour la raison qu’il n’a pas été formé. Pour invoquer l’absence de formation du contrat, l’assureur va contester la preuve de cet acte.

En effet, il résulte du droit commun de la preuve, et notamment de l’article 1315 du Code civil, que c’est à celui qui invoque l’existence de la police qu’il incombe de la prouver si son adversaire la conteste1462.

L’article L 112-3 du Code des assurances prévoit que la police doit être rédigée par écrit, mais la Cour de cassation a précisé que s’agissant d’un contrat consensuel, l’écrit est exigé ad probationem et non ad validatem1463.

L’article L 112-2 du Code des assurances précise que « la proposition d’assurance n’engage ni l’assuré, ni l’assureur; seule la police ou la note de couverture constate leur engagement réciproque ». La Chambre criminelle de la Cour de cassation a eu à contrôler l’existence d’un écrit et son appréciation est souveraine1464.

986. En matière d’assurance automobile, l’attestation délivrée par l’assureur (personnellement ou par son mandataire) établit seulement une présomption d’assurance, qui peut être combattue par l’assureur1465.

Les juges sont souverains pour apprécier la valeur et la portée des preuves apportées par l’assureur pour combattre la présomption de garantie1466. L’attestation n’emporte en outre présomption que pendant une durée qu’elle précise, et qui ne peut dépasser un mois selon l’article R 211-17 du Code des assurances1467.

Encore faut-il que l’attestation comporte les mentions requises pour emporter présomption d’assurance, à défaut de quoi le juge répressif devra faire droit à l’exception soulevée par l’assureur1468.

L’attestation d’assurance émise par l’assureur alors que le contrat a été résilié « vaut reconnaissance de garantie »1469. Lorsqu’une attestation d’assurance est émise par un intermédiaire d’assurance alors que le contrat a été résilié par l’assureur, le juge doit rechercher dans quelles circonstances l’intermédiaire avait été amené à délivrer une attestation d’assurance au nom de l’assureur1470.

En effet, en remettant à un courtier des attestations imprimées à son nom, l’assureur reconnaît à cet intermédiaire le droit d’établir des contrats de nature à engager sa garantie, ce qui peut induire chez l’assuré la croyance légitime que l’intermédiaire engageait valablement l’assureur.

Si l’assureur ne détruit pas par la preuve contraire la présomption d’assurance découlant de la délivrance d’une attestation d’assurance, il est tenu à garantie1471.

En l’absence de conclusion d’un contrat définitif d’assurance, lorsque l’attestation est délivrée à titre temporaire et la prime n’a donné lieu qu’au versement d’un acompte, l’accord de volontés a effectivement été formé, mais pour la seule durée stipulée sur l’attestation1472. Nous sommes alors en présence d’un contrat d’assurance qui a expiré lors du sinistre.

987. Fin du contrat. L’assureur peut également faire valoir que le contrat a pris fin avant la survenance du sinistre en invoquant sa résiliation pour l’un des motifs suivants : défaut de paiement de la prime (art. L 113-3 C. assur.)1473, modification du risque (art. L 113-4 C. assur.), aliénation de la chose assurée (art. L 121-10 C. assur. pour le principe général et art.

L 121-11 pour les véhicules terrestres à moteur et leurs remorques ou semi- remorques)1474, faculté de résiliation périodique avec préavis (art. L 113-12 al. 2 C. assur.), changement dans la situation de l’assuré (art. L 113-16 C. assur.).

L’absence de paiement de la prime et l’aliénation d’un véhicule terrestre à moteur sont non seulement des causes de résiliation du contrat, mais également des causes de suspension de la garantie.

984 Cf. supra n° 552 et s. sur la faculté d’exercer l’action civile par voie d’action, et infra n° 952 et s. sur la faculté pour l’assureur d’exercer l’action civile.

985 Cette analyse au regard de la notion de qualité nous paraît très discutable. Cf. supra n° 141 et 495.

986 Ce qui suppose l’admission d’un agrément administratif délivré pour chaque branche d’assurance dans laquelle l’assureur entend opérer (art. L 321-1 et s. C. assur.). La liste des branches est donnée par l’article R 321-1 du Code des assurances.

987 M. Picard et A. Besson : Les assurances terrestres en droit français, LGDJ, t. 2 : Les entreprises d’assurance, 4ème éd. 1977, n° 531; J. Bigot et alii : Traité de droit des assurances. t. 1 : Entreprises et organismes d’assurance, 2ème éd. LGDJ 1996, n° 40 et s.

Dans ce dernier cas le contrat d’assurance subsiste même s’il n’y a pas de garantie pendant la suspension1475. Outre les motifs envisagés par le Code des assurances, la résiliation peut également intervenir d’un commun accord entre les parties, en application de l’article 1134 du Code civil.

Les parties peuvent alors convenir d’une date de résiliation différente de celle de la rencontre de leurs volontés de mettre fin au contrat1476. Il se peut également que le contrat n’ait pas été résilié, mais ait simplement pris fin à l’échéance prévue avant la survenance du sinistre1477.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
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