Une mode vestimentaire à vivre – ZARA et H&M

Une mode vestimentaire à vivre – ZARA et H&M

Une mode à vivre

« Sous l’autorité de la haute couture et des journaux de mode, les tendances annuelles et saisonnières se sont imposées comme des diktats, il fallait pour être chic adopter le plus vite possible la dernière ligne en vogue, changer sa garde-robe au rythme des caprices des grands couturiers et des femmes up to date. »380

Lipovetski parle d’une ouverture de la mode ; cela signifie « la fin de “ce dirigisme” unanimiste et disciplinaire, le décalage inédit existant entre l’innovation et la diffusion, l’avant-garde créative et le public consommateur. »381

380 Ibid., p.166.

381 Idem.

Dorénavant, la rue n’est pas si fascinée par les nouvelles tendances de modes que lancent les leaders, elle l’a suit ou pas à son goût et selon son rythme.

Le philosophe évoque la notion d’émancipation de la rue. « Dans le public est apparu un pouvoir fortement amplifié de filtrage et de distance en matière d’apparence, significatif de l’escalade individualiste des volontés d’autonomie privée. »382 Désormais, il n’existe aucune nouveauté de style qui parvient à s’imposer de suite dans la rue.

La diversification des stylistes, de même que les aspirations de plus en plus soutenues à une certaine autonomie privée, conduisent à des comportements de plus en plus détachés et relativistes vis-à-vis de la mode dominante ou du must have.

Le dernier look sorti est plus ou moins connu du public qui ne le copiera pas fidèlement ; il l’ignorera, préférant un autre style, ou alors l’adoptera mais à sa manière.

« Paradoxe : tandis que la création d’avant-garde est de plus en plus spectaculaire, la diffusion de masse est de plus en plus “tranquille”, elle n’est affectée qu’avec lenteur par les innovations au sommet. »383

La mode ouverte est caractérisée non seulement par l’autonomisation du public à l’égard de l’idée de tendance, mais aussi par le déclin du pouvoir d’imposition des modèles issus des marques de luxe.

« D’un côté, une offre toujours aussi précipitée et inconstante, de l’autre, une demande défidélisée et “émancipée” qui ne marche pas au pas cadencé.

Un cycle est clos : la mode vestimentaire, depuis des siècles symbole même des changements rapides d’adoption et de diffusion, s’est mise en vitesse de croisière, l’autonomisation individualiste, loin de conduire à changer toujours plus vite de goûts et de styles, incline davantage à une certaine “sagesse” frivole, une certaine puissance modératrice chez les consommatrices.

Avec l’âge de la petite vitesse de mode, l’opposition tranchée antérieure, démodée/“à la mode”, s’estompe, ses frontières se brouillent.»384

Une mode phare, dernier cri, existe sans doute toujours mais sa perception sociale manque de précision ; la confusion pléthorique des fashion designers et des multiples looks la rend plus évasive.

« Le temps n’est plus où une tendance dominante s’imposant à tous sous l’autorité de la haute couture, des magazines et des stars ; aujourd’hui, le “must” n’est plus guère connu que d’un public circonscrit de professionnel ou d’initiés, le plus grand nombre ne sait plus exactement ce qui est à la pointe du nouveau.

La mode s’apparente de plus en plus à un ensemble flou dont la connaissance est lointaine et incertaine.

Lorsque toutes les longueurs et amplitudes sont possibles, lorsqu’une multitude de styles se côtoient, lorsque le rétro est en vogue, lorsque paraître “ringard” est le fin du fin « new wave », il devient, en effet, difficile d’être absolument démodé.

En balayant la culpabilité et le dénigrement qui s’attachaient au démodé, la démocratisation de la mode est entrée dans sa phase finale, les individus ont acquis une liberté vestimentaire très grande, la pression conformiste du social est de moins en moins lourde, homogène, permanente. »385

Le fait que le public soit devenu de plus en plus autonome n’entraine pas systématiquement la disparition des codes sociaux et des mécanismes d’imitation.

Contraintes sociaux et phénomène d’imitation continuent, bien entendu, de s’exercer sur les individus. Toutefois, cela se fait de manière moins uniforme permettant ainsi aux individus d’avoir davantage d’initiative et de choix.

Il n’existe plus une seule norme d’apparence légitime, les individus ont le choix entre une multitude de gammes de modèles esthétiques.

Le mimétisme directif propre à la mode de cent ans a cédé le pas à un mimétisme de type optionnel et flexible, on imite qui on veut, comme on veut ; la mode n’est plus injonctive, elle est incitative, suggestive, indicative.

On veut moins aujourd’hui susciter l’admiration sociale que séduire et être à l’aise, moins exprimer une position sociale qu’afficher un goût esthétique, moins signifier une position de classe que faire jeune et décontracté.

La propagation du mode de « picorage » démontre que la mode conjugue en permanence l’individualisme et le conformisme ; ici l’individualisme s’étale qu’au travers des phénomènes de mimétisme.

Toutefois les jeunes ont toujours cette liberté d’accepter ou pas la dernière tendance vestimentaire, de l’adapter à leur manière, d’opérer une combinaison particulière entre différentes marques et diverses coupes.

Avec l’arrivée des chaines de fast fashion à l’instar de ZARA et H&M, les jeunes (adeptes de la mode jetable) préfèrent acheter souvent qu’acheter cher, ils préfèrent acheter des petites pièces que des “gros vêtements”, c’est là une nouvelle façon de s’habiller propre à l’individualisme de la société moderne.

Acheter des petites pièces chez H&M, ZARA, Gap, Uniqlo et autres, permet non seulement d’avoir l’occasion d’exercer plus souvent son choix, mais aussi de se faire plaisir fréquemment.

Cela permet de se changer le plus souvent, pour le plaisir de s’habiller, de se faire beau, de se métamorphoser etc. « L’achat vestimentaire n’est certes pas strictement égocentrique, il est toujours lié au rapport de l’autre, au désir de séduction, mais une séduction mise à l’heure de la culture hédoniste démocratique.

La visée du standing s’éclipse au profit de celle du renouvellement ludique, du plaisir du changement. »386 On renouvelle de plus en plus sa panoplie vestimentaire parce que l’on a des coups de cœur et des envies de changer de peau.

« De nombreuses femmes ne s’en cachent pas, elles n’achètent pas tel ou tel article parce que c’est la mode ou parce qu’elles en ont besoin, mais parce qu’elles n’ont pas le moral, parce qu’elles dépriment, parce qu’elles veulent changer d’état d’âme. En allant chez le coiffeur, en achetant ceci ou cela, elles ont le sentiment de “faire quelque chose”, de devenir autre, de rajeunir, de se donner un nouveau départ.

“Recoiffe-moi le moral” ; à mesure que la mode cesse d’être un phénomène directif et unanimiste, elle devient un phénomène plus fréquemment psychologique, l’achat de mode n’est plus seulement orienté par des considérations sociales esthétiques, il devient en même temps un phénomène thérapeutique [….]

On imite plus le supérieur, on imite ce qu’on voit autour de soi, les tenues simples et marrantes, les modèles pas chers et présentés de plus en plus dans les magazines. »387

Les logiques auxquelles obéit la mode sont désormais complexes. On achète un article vestimentaire non pas parce qu’il est adopté par l’élite dominante mais parce qu’il est nouveau, On s’habille à la mode non plus tant pour montrer sa capacité pécuniaire que pour se métamorphoser, être au goût du jour, plaire, exprimer une certaine individualité.

Le goût pour la nouveauté, le désir d’exprimer une individualité esthétique ont certes souvent été des motivations d’envie de mode, parallèlement, à côté de la recherche de distinction sociale.

Cependant, on ne peut guerre nier l’importance particulière que le désir de différenciation a joué pendant des siècles. L’ensemble des motivations d’envie de mode a changé.

On ne prône pas ici une disparition totale de la recherche de distinction de classe. Simplement, le désir de nouveautés, de séduction et d’individualité l’emporte sur la dimension distinctive de classe.

383 Erner G., sociologie des tendances, op. cit., p.162.

384 Lipovetski G., L’empire de l’éphémère, op.cit., p.168.

386 Lipovetski G., L’empire de l’éphémère, op.cit., p.176.

« De nos jours, on aime le nouveau pour lui-même, il n’est plus un alibi de classe, il est une valeur en soi permettant de surcroît d’afficher une individualité esthétique, moderne, changeante.

Le vêtement de mode est de moins en moins un moyen de distancement social et de plus en plus un instrument de distinction individuelle et esthétique, un instrument de séduction, de jeunesse, de modernité emblématique. »388

« La loi est inexorable, une firme qui ne crée pas régulièrement de nouveaux modèles perd en force de pénétration sur le marché et affaiblit son label de qualité dans une société où l’opinion spontanée des consommateurs est que, par nature, le nouveau est supérieur à l’ancien. »389

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La captation de la jeune clientèle en matière de mode : Le cas D’H&M et ZARA
Université 🏫: Université PAUL VERLAINE METZ - Sciences de l’information et de la communication
Auteur·trice·s 🎓:
Xavier Manga

Xavier Manga
Année de soutenance 📅: Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l’université Paul Verlaine Metz - Le 15 décembre 2010
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