Prêt en Viager Hypothécaire et Vente Viagère

Prêt en Viager Hypothécaire PVH et Vente Viagère

La loi sur le Prêt en Viager Hypothécaire PVH résulte d’un long débat sur la problématique de la mobilisation de l’actif des personnes âgées, en cela il répond au même besoin que la vente viagère.

Son apparition a donc suscité anxiété et interrogation parmi les professionnels du secteur. Nous allons d’abord montrer en quoi consiste le PVH, quelles sont ses motivations et ses similarités avec la vente viagère avant d’observer son impact sur le marché.

Un coup de théâtre : la loi sur le Prêt en Viager Hypothécaire de 2006.

Dans une intervention du 22 mars 2006, Thierry Breton, alors ministre de l’Economie et des Finances marquait son intention d’introduire en France un Prêt en Viager Hypothécaire.

Celui-ci répondant à une vraie demande « mes services reçoivent de nombreuses demandes de particuliers, qui attendent cette réforme. Il s’agit d’un prêt, destiné aux personnes âgées qui sont propriétaires d’un bien immobilier (résidence principale ou secondaire), qui ont besoin de financement et ne souhaitent pas vendre ».

Dès ses débuts, le Prêt en Viager Hypothécaire PVH soulève l’enthousiasme, étant présenté comme la panacée et une des solutions miracles au problème de la paupérisation des séniors.

Ainsi le Crédit Foncier, qui a mis en place le premier PVH, a-t-il reçu pas moins de 3000 demande dans les seize mois qui ont séparés l’annonce du PVH et sa mise en œuvre.

Les origines du Prêt en Viager Hypothécaire PVH sont à voir dans une réflexion des pouvoirs publics exprimée d’une part dans une comparaison avec la situation internationale, et notamment des produits de crédits hypothécaires à l’attention des personnes âgées qui domine dans les pays anglo-saxon. Le Prêt en Viager Hypothécaire PVH est ainsi l’adaptation directe du Reverse Mortgage britannique.

D’autre part dans une série de trois rapports officiels émis au début de la décennie. Celui de l’ANIL, celui du professeur Grimaldi pour le ministre de la Justice, et celui émis par la Commission des Lois du Sénat sous la direction du sénateur Hyest.

Ces trois rapports soulignent tous des évolutions générales que sont l’importance du nombre de propriétaires parmi les séniors, la part croissante que prend le logement dans le patrimoine des ménages, le vieillissement de la population, l’allongement de la durée de la vie, et les incertitudes pesant sur les systèmes de retraite.

Ils mettent aussi en exergue la difficulté de l’accès à l’emprunt pour les personnes âgées. . On l’a compris, le PVH se présente, tout comme le viager, comme un moyen de rendre la pierre « liquide »

Comment fonctionne donc le Prêt en Viager Hypothécaire PVH ? Il s’agit d’un prêt entre d’une part un particulier propriétaire d’un bien immobilier, et ce sans limitation d’âge, et d’autre part un établissement bancaire. Le prêt est garanti par une hypothèque de premier ordre sur le bien.

Le prêt porte sur une fraction de la valeur du bien qui augmente en fonction de l’âge de l’emprunteur : plus celui-ci est âgé, plus il pourra emprunter sur une grosse partie de son patrimoine immobilier, c’est la « quotité » du prêt.

Le prêt est remboursable au moment du décès par les héritiers qui ont le choix entre le règlement de la dette et la vente du bien, laissée à la charge de la banque. C’est cette variable liée à la mort de l’emprunteur qui donne sa composante aléatoire au contrat. En cas de vente, deux scenarii sont possibles.

-soit la valeur des intérêts et du capital est inférieure à la valeur du bien, auquel cas la différence est reversée aux héritiers.

-soit la dette est lui est supérieure, auquel cas elle sera plafonné à la valeur du bien, rien n’étant alors exigé auprès des héritiers, la totalité du patrimoine immobilier étant transmis à la banque.

L’exemple proposé par le Crédit Foncier lors du lancement du produit Réversimmo est le suivant. Un homme de 75 ans pourra obtenir pour un appartement d’une valeur de 100 000 euros, un prêt de 34 000 euros, dont 4% de frais de dossier soit 1 360 euros. Au bout de 10 ans, sa dette, capital et intérêt de 8% inclus, s’élèvera à 76 873 euros, et elle sera de 115 591 euros après 15 ans. Le montant de la somme versée s’échelonne de 16 à 66% en fonction de l’âge du prêteur et l’offre s’adresse à un public de plus de 60 ans.

Le Prêt en Viager Hypothécaire PVH présente deux avantages principaux qui lui sont spécifiques par rapport au viager.

– Un accès au crédit pour des seniors, qui du fait de leur âge, « n’ont pas accès à l’emprunt, ou seulement dans des conditions excessives ou incompatibles avec leurs moyens financiers » 34En effet, bien que l’assurance décès invalidité ne soit pas obligatoire, toutes les banques l’exigent pour accorder un prêt à un sénior.

Ainsi, même les personnes disposant d’un patrimoine immobilier conséquent sont dans l’impossibilité d’accéder à l’emprunt, anomalie désormais supprimée par le PVH, c’est ce qui le fait nommer par Bernard Worms, président de l’ANIL, « le troisième âge de l’endettement ».

– Le plafonnement de la dette à la valeur du bien est l’autre avantage fondamental du PVH. Les héritiers se trouvent ainsi protégés d’un « effet Jeanne Calment » qui leur serait défavorable, le temps passant, la dette à 8,5% peut en effet théoriquement atteindre des montants excédant très largement la valeur du bien.

A côté de ces avantages spécifiques, le PVH offre bien des similitudes avec ceux permis par le viager.

– Un même souci de mobilisation de l’actif immobilier.

– Un même public de sénior puisque le vendeur en viager est en moyenne âgé de 80 ans et la palette de l’offre du Crédit Foncier s’étale de 60 à 95 ans.

On comprend maintenant que la mise en place du Prêt en Viager Hypothécaire PVH n’est pas allée sans bouleversements pour les viagéristes, et beaucoup se sont demandés quel serait l’impact de ces nouveaux produits sur leur marché.

Le PVH, concurrent ou complément de la vente viagère ?

La question est d’autant plus pertinente lorsqu’on observe la situation à l’étranger. Les pays Anglo saxons, qui ont inventé les prêts hypothécaires pour les personnes âgées connaissent peu ou prou le viager. Le Royaume Unis, dont le « Lifetime Mortgage » a directement inspiré le PVH, n’a de viagers que de façon anecdotique, et les « Home Reversion Plans », très largement inconnus de la population y sont en fort déclin. Est-ce à dire que dans le cas de la France, la mise en place du PVH signerait l’arrêt de mort de la vente viagère ?

« Nous avons eu très peur », remarque l’un de nos interlocuteur, lorsqu’il parle de la période qui a suivi la mise en œuvre du PVH. Presque tous nos interlocuteurs ont souligné une certaine appréhension à l’idée de la concurrence du PVH. En effet, l’attente du public vis-à-vis de ce produit était d’après Nicolas Garnier, responsable du Marketing du produit au Crédit Foncier, très importante et pouvait être à même de détourner du viager une grosse partie de ses vendeurs potentiels.

Pourtant, le Prêt en Viager Hypothécaire PVH ne semble pas avoir eu le succès escompté, à l’heure actuelle seul le Crédit Foncier l’a mis en place, même si la BNP paraît étudier la possibilité d’un produit. De nombreux facteurs justifient en effet qu’en France, ce produit n’ait pas le succès qu’il a pu avoir dans le monde anglo saxon.

Des facteurs culturels d’abord, puisque les Français demeurent très méfiants quant à l’emprunt. Cette défiance est un trait rémanent de la société Française comme le montre une comparaison des taux d’endettement hypothécaire au sens large et le Produit National Brut entre la France et d’autres pays d’Europe. Celui-ci est en effet inférieur à 30% en France, il atteint 50% en Allemagne, et est supérieur à 80% au Royaume Unis .35

L’importance du coût de l’emprunt est ensuite évidemment un frein au développement du PVH, sa dimension monopolistique ne favorisant pas en France le consommateur. A 8,5%, le produit offert par le Crédit Foncier est ainsi considéré par certain comme spoliateur.

Enfin, le PVH souffre de la concurrence du viager :

-Alors que le viager est un produit ancien, issu d’une histoire multiséculaire, et au fond relativement bien connu de la population, le PVH est une importation récente, qui demeure méconnue.

-Alors que le viager est une vente portant sur l’intégralité de la valeur du bien, le PVH ne porte que sur une fraction de sa valeur par le biais du mécanisme des quotités. Au final, la somme exigible par l’emprunteur est souvent inférieure à celle d’un bouquet de viager !

-Alors que le viager est un contrat entre deux parties équilibrées, en position de négocier, le PVH est une proposition unilatérale offerte par la banque au prospect qui soit l’accepte, soit le refuse. L’équilibre de la relation est donc inégal puisque l’emprunteur n’a aucun impact sur les conditions de son emprunt.

-Au bout du compte, le vendeur en viager peut obtenir bien plus d’argent que l’emprunteur d’un Prêt en Viager Hypothécaire PVH, les sommes en jeu étant très différentes, les motivations pour l’utilisation de cet argent sont conséquemment distinctes.

Nous avons vu précédemment que les motivations principales de la vente en viager étaient d’une part la création d’une retraite complémentaire, c’est notamment la thèse de Michel Artaz,36 d’autre part la transmission de liquidité à des héritiers.

Les motivations du Prêt en Viager Hypothécaire PVH, au vu du caractère limité des sommes d’argent, concernent principalement des dépenses importantes mais à court terme : travaux, opération médicale, achat d’une voiture… La brochure explicative du PVH publiée par le Crédit Foncier est à cet égard significative, puisque sur treize illustrations de l’utilisation possible des fonds, quatre concernent la santé, deux l’immobilier, deux la consommation et une seule la donation aux descendants, dont on a vu que c’était une motivation fondamentale du viager.

-Enfin, deux limites liées à la conception même du Prêt en Viager Hypothécaire PVH par rapport à ses homologues anglo saxons expliquent le relatif échec du PVH. D’une part l’absence d’une garantie de dépassement « crossing over risk » par l’état, cette garantie étant en France restituée dans le coût de l’emprunt.

D’autre part, le Prêt en Viager Hypothécaire PVH ne se repose nullement sur les mécanismes de marché, comme c’est le cas dans le monde anglo saxon, avec la titrisation, grâce à laquelle les établissements financiers proposant ce type de prêt se garantissent contre le risque.

On a donc vu que le PVH ne saurait, contrairement à la situation prévalant dans le monde anglo saxon, constituer en France un concurrent pour le viager. Certains interlocuteurs, l’ont au contraire décrit comme une véritable bénédiction, car le vacarme médiatique lié à son apparition à favorisé une médiatisation du viager.

Il attire de plus certains clients, qui n’auraient pas fait la démarche d’aller directement chez un viagériste. « Certain de nos clients ont à l’origine tenté d’obtenir des PVH, ils nous sont revenus horrifiés par les conditions ahurissantes de ce type de prêt.

34 Le Prêt Viager Hypothécaire. Page.1, INC Documents.

35 Prêt Viager Hypothécaire et Mobilisation de l’Actif Résidentiel des Personnes Âgées, Rapport de l’ANIL

36 Viagers, Régime juridique et fiscal, Michel Artaz, éditions Delmas

Ce type de client vient à nous après être passé par la case banque, je dirais donc que le Prêt en Viager Hypothécaire PVH est au contraire un précieux faire valoir pour le viager », conclut-il ainsi, avant d’ajouter, « au fond le PVH s’adresse à un public qui est similaire au nôtre, mais dont les besoins en capital sont plus limités ». On voit donc que le PVH est bien plus un complément de la vente viagère que son concurrent direct.

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