Les modes vestimentaires – le luxe dans la rue

Les modes vestimentaires – le luxe dans la rue

Le luxe dans la rue

Que l’on soit dans le métro, en bus ou tout simplement à pied en pleine centre ville, la publicité de produits de luxe est omniprésente.

Dans le métro de Paris, la RATP et sa régie publicitaire Metrobus affichent régulièrement des publicités de grandes marques alors que les usagers du métro parisien sont majoritairement issus des classes populaires. La même situation est remarquable pour les usagers des bus.

Prenons pour exemple l’arrêt Victoire du bus 130 à Laxou, prés du lycée Emanuel Héré. Nous sommes en plein mois de février 2010. Ici, se mêlent un groupe de lycéens et d’étudiants, des personnes âgées de la quarantaine apparemment issues de classes défavorisées vue leur allure.

Dans l’Abribus se trouve une campagne de publicité de la marque Giorgio Armani. Le footballeur Cristiano Ronaldo, ballon d’or 2009, est le nouveau modèle de slip et caleçon d’Emporio Armani et Armani Jeans.

Il succède à un autre ancien ballon d’or, David Beckham. En octobre 2009, il y avait toujours dans ce même Abribus l’affiche de la campagne publicitaire du parfum N°5 de Chanel porté par Audrey Tautou.

Doit-on parler de choc des cultures ? Surement pas, on a tout simplement là un exemple de cette nouvelle cohabitation entre l’univers du luxe et celui de la rue.

Ces jeunes lycéens et étudiants, de même que ces personnes issues de classes défavorisées tous les âges confondus, connaissent sans doute les marques Chanel et Armani et ont pour certains d’entre eux possédé ne serait qu’une seule fois un rouge à lèvre ou un parfum. Ils n’ont sans doute pas les moyens de s’acheter des pièces à plus de 1000 euros. Toutefois, cela n’est pas bien grave, l’essentiel c’est qu’ils voient et retiennent le nom de la marque. Si les marques de luxe s’affichent dans des endroits pareils, c’est parce qu’elles le veulent bien.

Elles s’attendent à ce que la masse : automobilistes, piétons, usagers du bus et du métro, lycéens, étudiants etc., repèrent l’affiche publicitaire.

Cela permet de garder toujours une notion, une idée, un souvenir de la marque en tête. Et si le visuel publicitaire est là, sous les yeux de ces lycéens et étudiants, piétons et usagers du métro c’est aussi parce qu’il existe en boutiques quelques accessoires, peu couteux, susceptibles de les séduire.

Toutes les marques de luxe ont souvent recours à ce type de publicité destinée à la masse. Une simple promenade dans la rue suffit pour découvrir des panneaux de publicité de parfum de marques de luxe ou l’image d’un mannequin avec un sac de grande marque au dos d’un kiosque à journaux.

Dans la même foulée, cette publicité de luxe que l’on s’était accoutumé à découvrir « dans les magazines sur papier glacé » débarque aussi dans les journaux « sérieux » comme l’explique Marie-Pierre Lannelongue.

On découvre ainsi souvent dans des journaux tels que Le Figaro, Le monde, Le nouvel Observateur, Les Echos etc., des pages entières de publicité pour des sacs à main, des parfums ou des escarpins.

Des journaux qui sont souvent plébiscités par des messieurs qui, eux aussi s’intéressent aujourd’hui à la mode et ont les moyens de s’acheter des vêtements de luxe ou d’en faire cadeaux à leurs compagnes.

Les journaux que lisent ces messieurs l’ont compris et réservent désormais dans leurs pages une place importante à l’insertion publicitaire de la mode.

C’est dans cet élan que sont créés « de luxueux suppléments consacrés au style, dans lesquels se mêlent articles de fond sur les tendances et photos de mode, interviews de créateurs et reportages sur les adresses pointues.

Mais ces suppléments sont aussi des supports publicitaires idéaux. »208 Ils témoignent ainsi de l’intérêt des lecteurs de ces journaux pour la mode. « Et qu’il est tout à fait judicieux pour une maison de soulier d’acheter une page de publicité située juste en face d’un article sur les dernières tendances concernant, par exemple, les chaussures. »209

Que ce soient pour les jeunes aussi bien que pour les messieurs lecteurs de journaux dits «sérieux », les marques de luxe ont la même ambition, celle de toucher « la plus large cible possible. »

Une envie constante de séduire une nouvelle clientèle incarnée par les « consommateurs aspirationnels » pour qui le luxe ne se limite plus à un flacon de parfums Paco Rabane ou Chanel ; chaussures chics, vêtements griffés font partie désormais de leur apparence vestimentaire.

En s’affichant sur les Abribus, dans les métros et ailleurs, les marques de luxe ont donc fait passer le luxe d’un univers élitiste à un milieu florissant et quasi “populaire”.

C’est dans cette optique que l’on parle de démocratisation de la mode.

Pour conclure cette première partie, on dirait que les tendances édicteraient ou en tout cas tenteraient de lancer périodiquement des nouvelles modes vestimentaires suscitant ainsi le renouvellement permanent des gardes robes.

Il existe des événements et manifestations qui jalonnent l’organisation des tendances ; c’est le cas du salon professionnel appelé « première vision » qui s’adresse non seulement à la fabrication, mais aussi à la distribution de la filière textile ; facilitant ainsi, lors des présentations des nouvelles collections, la détection et la confirmation de tendances émergentes.

On pourrait penser que ces salons de la mode et du textile en entraînant la rencontre et le dialogue entre professionnels de la mode suscitent d’une manière ou d’une autre un certain consensus autour des tendances du moment.

L’implication des bureaux de style et des professionnels de la mode « conforté par les influences de la rue » s’avère capital.

Le consommateur, qui se trouve être aussi dans certain cas lecteur de magazines, ne voit souvent que l’expression de la tendance « une communication qui passe par la mise en avant des thématiques et des styles servant à la décrire efficacement urban, ethnic, casual, gothic, vintage ou glamour ; ces appellations sont généralement affinées par des associations subtiles conduisant à des styles plus précis comme urban bohemian, ethnic, chic ou street casual.

Un vocabulaire anglo-saxon, généralement issu du monde des musiques avant-gardistes (urban rock, gothic pop, gypsy style, etc.), est ainsi utilisé avec autorité, comme pour masquer les faiblesses du processus. »210

Afin de pouvoir interpeler tout le monde, la mode se doit avant tout de fabriquer du sens. C’est à partir de ce sens mis en avant qu’elle justifie de façon profonde la tendance.

Le fait de mettre en avant une explication de la tendance entrainerait ainsi facilement son achat ; on a tendance à acheter plus ou moins ce que l’on comprend et qui a du sens.

Aussi adopterait-on plus facilement une mode qui fait l’unanimité des professionnels de la tendance et relayée par la presse et les magazines, exprimée par quasiment tout le monde comme quelque chose de franchement évidente et naturelle. « La tendance serait la loi provisoire d’une secte de professionnels scrupuleusement organisés, et nous serions tous embrigadés inconsciemment, ou accepterions de jouer le jeu proposé.

La tendance serait le pouvoir de persuasion d’un puissant lobby, face à un consommateur isolé. Dans cette vision cynique, la tendance exprimerait ainsi le consensus auquel l’industrie de l’éphémère serait parvenue, afin de sauvegarder ses intérêts économiques. » 211

Les tendances variantes d’une saison à l’autre font que chacune d’entre elles exprime une rupture ; c’est en cela qu’on pourrait affirmer que la mode n’évolue pas de manière linéaire.

Elle s’expose à des fantaisies ponctuelles, à des retours vers le passé mais aussi des voyages dans le futur. Aux yeux du consommateur, la tendance serait une stratégie tyrannique, astucieusement mise en scène avec la complicité des médias.

Cela veut-il dire que le consommateur ne dispose d’aucun moyen d’opposition face à ce diktat ? Quand bien même la rue ne serait pas une structure organisée, elle sait, de par le mécanisme de mimétisme entre autre, s’opposer aux propositions arbitraires en les interprétant à sa manière.

La mode se trouve souvent confrontée à la résistance qui émane de la rue ; ce qui conduit la tendance, dans sa construction, à anticiper les réactions potentielles de celle-ci.

Des tendances jugés trop « couture » voire trop créatifs seraient souvent décrétées comme pas portables par la majorité des consommateurs. « Pour répondre aux enjeux économiques, la tendance consensuelle favorise les vêtements qui recueilleront le plus de suffrages.

Pour obtenir la plus grande adhésion, rien de tel que de s’appuyer sur les valeurs universelles de la séduction et de la jeunesse. »212 Les tendances proposent souvent des vertus de la jeunesse et de la féminité, exprimant aussi, de ce fait, de ce que doit être le corps.

Ce consensus sur la quête de l’éternelle jeunesse est souvent véhiculé par la communication de la marque. Exemple : H&M développe le concept « mère-fille ».

On a expliqué de quelle manière les mêmes tendances pouvaient faire l’unanimité des professionnels sur une même période. Les palettes de style de couleurs et d’ambiances, sont souvent proposées par les bureaux de style et les marques composent leurs collections tout en observant scrupuleusement celles des autres.

Le laboratoire de recherche de la mode c’est aussi la haute couture, véritable source d’inspiration pour des enseignes à l’image de ZARA.

À ce propos, il est fort à parier que les autres marques populaires et ou de la grande distribution lorgnent sur le prêt-à-porter de luxe. « Chaque acteur, parfois en feignant d’ignorer la tendance, surveille méthodiquement ceux qui sont réputés plus créatifs que lui, ou ses voisins immédiats en termes de styles et de cibles. »213.

211 Fouchard G., La mode, op. cit., pp.64-65.

212 Ibid, pp.65-66.

213 Fouchard G., La mode, op., p.66.

D’un côté les marques de prestiges revendiquent la popularité. C’est notamment le cas d’Yves Saint Laurent qui a souhaité démocratiser la mode, ou encore de Karl Lagerfeld lorsqu’il collabore avec H&M.

D’un autre côté, les marques « populaires » revendiquent leur créativité. C’est aussi ce qui se passe lorsque H&M sollicite la signature de ses collections par des couturiers de renom ; ce qui apporte une certaine légitimité créative à la marque.

Ainsi une tendance pourrait se dessiner du fait que chacun peut s’inspirer directement des autres (défilés, annonces presse, catalogues, présentation en rayon etc.).

Dans l’univers de la tendance, la stratégie du moindre risque prédominerait en ce cens que les professionnels de la mode interprèteraient, dans leurs collections, l’esprit de la tendance globale proposée en se focalisant sur les détails (broderie, plissé, matières, finition, paillettes, couleurs etc.)

Ainsi le détail créatif est source de créativité dans le respect de la tendance du moment mais aussi un moyen de démarcation et distinction par rapport aux autres marques.

Le paradoxe c’est que les créateurs de mode et les grands couturiers revendiquent aussi l’aspect risque dans la création. Etant donné leur forte personnalité et notoriété ces derniers ne peuvent que nier les tendances consensuelles.

Il faut noter que selon les rapports entre créateurs d’une part et financiers d’autres part, la création peut s’orienter soit vers un consensus des tendances, c’est le cas pour ZARA et H&M, soit vers la prise de risque.

Globalement, les créateurs détournent, traduisent ou adaptent la tendance à leur façon. Par exemple si le slim est tendance, un créateur l’imaginera bleu délavé ou noir avec des paillettes en l’associant avec une ceinture décorée afin d’y ajouter un côté sensuel et « branché ».

De même que lorsqu’une couleur est tendance, par exemple le bleu, un couturier peut travailler sa créativité avec les différents bleus existants : bleu clair, foncé, ciel etc.

C’est le cas chez H&M où la tendance incontournable en vitrine au mois de mars 2010 était la marinière.

Vitrine H&M, 54 boulevard Haussmann

Fig.15. Vitrine H&M, 54 boulevard Haussmann.

Le jean par exemple est un article qui est toujours tendance, alors pour se distinguer les unes les autres, les marques jouent sur : le délavage, la teinture, la broderie.

Pour produire le vêtement unique, les créateurs iront même jusqu’à le torturer, déchirer voire le transformer en cuire.

Le défi pour les marques de prêt-à-porter consiste non seulement à proposer le produit unique tout en restant dans la tendance mais aussi de marquer une différence par rapport aux autres tout en restant dans l’air du temps.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La captation de la jeune clientèle en matière de mode : Le cas D’H&M et ZARA
Université 🏫: Université PAUL VERLAINE METZ - Sciences de l’information et de la communication
Auteur·trice·s 🎓:
Xavier Manga

Xavier Manga
Année de soutenance 📅: Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l’université Paul Verlaine Metz - Le 15 décembre 2010
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